COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-7
ARRÊT AU FOND
DU 16 FEVRIER 2024
N° 2024/ 37
Rôle N° RG 21/06437 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLYT
[E] [C]
[R] [F]
C/
[T] [X]
Association AGS CGEA DE [Localité 5]
Copie exécutoire délivrée
le : 16 février 2024
à :
Me Arielle LACONI,
SELARL NCAMPAGNOLO
Me Stéphanie BESSET-LE CESNE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 08 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/02619.
APPELANTS
Maître [E] [C] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SASU VORTEX », demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Arielle LACONI, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [R] [F] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SASU VORTEX », demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Arielle LACONI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame [T] [X], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Anne-sophie MARCELLINO, avocat au barreau de PARIS
Association AGS CGEA DE [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 10 Novembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Françoise BEL, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Président de chambre
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2024,
Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et moyens
Aux termes de divers contrats à durée déterminée, Mme [T] [X] a été embauchée par la société Vortex en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er avril 2019 en qualité de conducteur accompagnateur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite en période scolaire, coefficient 137 V, la durée annuelle minimale de temps de travail en période scolaire étant fixée à 550 heures pour une année pleine comptant au moins 180 jours de travail, le montant de la rémunération variant en fonction du travail effectif réalisé dans le mois considéré.
La relation salariale était soumise à la Convention collective des transports routiers et ses annexes, dont notamment :
– l’accord de branche du 18 avril 2002 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail dans les entreprises de transport routier de voyageurs (ARTT) ;
– l’accord du 24 septembre 2004 relatif à la définition, au contenu et aux conditions d’exercice de l’activité des conducteurs en période scolaires des entreprises de transport routier de voyageurs ;
– l’accord de branche du 7 juillet 2009 relatif à l’emploi de conducteur accompagnateur, application contestée par la salariée.
La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille le 9 décembre 2019 aux fins de voir requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de requalifier la relation de travail à temps partiel en contrat à temps complet et de condamner la société au paiement de sommes notamment au titre de rappels de salaire, travail dissimulé et exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement du 7 février 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire, convertie par jugement du 29 avril 2020 en liquidation judiciaire avec maintien de l’activité jusqu’au 22 juin 2020, désignant M. [E] [C] et M. [R] [F] ès qualités de liquidateurs judiciaires.
La salariée a vu son contrat de travail transféré le 29 janvier 2020.
Par jugement en date du 8 avril 2021, le conseil statuant en départage, rejetant les fin de non-recevoir tirées de la demande de condamnation formée à l’encontre d’une société en liquidation judiciaire et de la prescription des actions en requalification, a requalifié la relation de travail à durée déterminée en durée indéterminée, fixé l’ancienneté du salarié au 19 avril 2018, requalifié la relation de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet, dit que les fonctions occupées relevaient de l’emploi de conducteur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite et non de l’emploi de conducteur accompagnateur des mêmes personnes, fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société des montants au titre notamment de rappels de salaire, rappels de prime de 13ème mois, outre les congés payés afférents, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail, et déclaré le jugement opposable au Cgea de [Localité 5].
Appel a été relevé par les liquidateurs judiciaires le 29 avril 2021 ;
Vu les conclusions de l’appelant déposées et notifiées le 30 août 2023 ;
Vu les conclusions de l’Ags Cgea de [Localité 5] déposées et notifiées le 5 octobre 2021 ;
Vu les conclusions d’intimé déposées et notifiées le 28 septembre 2023 ;
Motifs
1. Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en durée indéterminée
L’article L. 1242-12 alinéa 1er du code du travail précise que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause ‘toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’ Le délai de prescription de l’action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.
En l’espèce, il est établi que la salariée, qui sollicite la confirmation de la décision ayant déclaré recevable sa demande de requalification de la relation de travail en durée indéterminée sur la seule période du 27 août 2018 au 31 mars 2019, a travaillé sur cette période pour la société Vortex dans le cadre d’une succession d’un contrat de travail à durée déterminée du 27 août 2018 et de deux avenants.Le terme du dernier avenant étant le 31 mars 2019, la salariée avait jusqu’au 31 mars 2021 pour former une action en requalification. Le conseil de prud’hommes ayant été saisi le 9 décembre 2019, la demande de requalification est recevable et le jugement entrepris confirmé.
Sur le fond, les liquidateurs ne justifient pas de l’accroissement d’activité temporaire visé comme motif de recours aux contrats susvisés de sorte que le jugementa est confirmé en ce qu’il a y requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 27 août 2018, fixé l’ancienneté de la salarié à compter de cette date et alloué une indemnité de requalification de 1569,78 euros, montant fixé au passif de la liquidation judiciaire.
2. Sur la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet
Le contrat intermittent ne pouvant pourvoir que les seuls emplois permanents dans l’entreprise, il ne peut en aucun cas prendre la forme d’un contrat à durée déterminée à temps partiel lequel est régi par les articles L.3123-1 et suivants du code du travail. C’est dès lors à l’aune de ces dispositions de droit commun que doivent être appréciés les moyens de requalification invoqué par la salariée s’agissant des contrats à durée déterminée successifs du 9 juin 2017 au 26 août 2018, le régime du contrat de travail intermittent défini à l’article L.3123-34 pouvant s’appliquer quant à lui au contrat de travail à durée indéterminée.
En l’espèce, s’agissant des contrats à durée déterminée à temps partiel effectués entre le 9 juin 2017 et le 26 août 2018, les liquidateurs ne produisent aucun écrit ni élément permettant de justifier que la salariée était informée de ses périodes travaillées ou non travaillées, ni de ses horaires au sein de ces périodes, ces contrats devant de droit être requalifiés en temps complet.
S’agissant des contrats conclus à compter du 27 août 2018, requalifiés ci-avant en contrat à durée indéterminée, il convient de rappeler s’agissant de leur nature qu’aux termes de l’article L. 3123-31 du code du travail dans sa version applicable à la cause: ‘Dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées’.
La convention collective applicable au contrat de travail a prévu dans l’ARTT sus-mentionné en son article 25, la possibilité de conclure des contrats de travail intermittent pour les conducteurs en période scolaire, accord complété par un accord du 24 septembre 2004 sur la définition, le contenu et les conditions d’exercice de l’activité des conducteurs en périodes scolaires des entreprises de transport routier de voyageurs.
Par ailleurs, l’article L.3123-38 du code du travail indique qu »une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu définit les emplois permanents pouvant être pourvus par des salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent.’
Or, l’accord de branche du 7 juillet 2009 relatif à l’emploi de conducteur accompagnateur précise en son article 3-D, que ‘lorsqu’un conducteur accompagnateur de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite ne travaille que pendant les périodes scolaires, en application de l’accord du 24 septembre 2004, il est rappelé que l’ensemble des dispositions de cet accord et notamment du coefficient 137V, de la garantie d’horaire annuel de 550 heures pour 180 jours de travail, de la garantie d’horaire journalier, selon le nombre de vacations, de l’indemnisation de l’amplitude et des coupures, s’appliquent.’
Contrairement à ce qui est soutenu, les instituts médicaux éducatifs (IME) sont non seulement des établissements médicaux mais aussi éducatifs et d’enseignement. Ils constituent un mode de scolarisation d’enfants et de jeunes en situation de handicap qui ne peuvent être accueillis en milieu scolaire et bénéficient également de vacances scolaires définies par leur établissement d’accueil. Les IME sont donc considérés comme des établissements scolaires, ce qui est confirmé par l’accord susvisé qui prévoit expressément l’application du contrat intermittent aux conducteurs en période scolaire effectuant des services dédiés aux personnes handicapées et/ou à mobilité réduite dès lors qu’aucun texte ne fixe un nombre maximum de semaines travaillées et que ces conducteurs ne travaillent pas pendant les vacances scolaires de l’IME, alternant en conséquence des périodes travaillées et non travaillées.
Par conséquent, le régime du contrat de travail intermittent est applicable à la salariée, peu important la désignation du contrat’.
Aux termes de l’article L. 3121-33 du code du travail, ‘le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, écrit et mentionnant notamment :
1° La qualification du salarié ;
2° Les éléments de la rémunération ;
3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;
4° Les périodes de travail ;
5° La répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes.’
L’article 4 de l’accord du 24 septembre 2004 précise de même que ‘doivent figurer dans le contrat de travail des conducteurs en périodes scolaires :
Doivent figurer dans le contrat de travail des conducteurs en périodes scolaires :
– la qualification (y compris la classification) ;
– les éléments de rémunération ;
– la durée annuelle minimale contractuelle de travail en périodes scolaires, qui ne peut être inférieure à 550 heures pour une année pleine comptant au moins 180 jours de travail (1) ;
– le volume d’heures complémentaires dans la limite du quart de la durée annuelle minimale de travail fixée au contrat de travail ;
– la répartition des heures de travail dans les périodes travaillées ;
– la référence, lorsqu’il existe, à l’accord d’entreprise ou d’établissement instituant la modulation du temps de travail ;
– le lieu habituel de prise de service.
Le contrat de travail précise ou renvoie à une annexe mentionnant les périodes travaillées. Cette annexe est mise à jour à chaque rentrée scolaire lorsque l’évolution du calendrier scolaire le nécessite.’
L’absence de définition des périodes travaillées et non travaillées dans le contrat de travail intermittent doit entraîner la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein.
En l’espèce, le contrat de travail de la salariée prévoit de faire figurer en annexe le planning prévisionnel des jours travaillés au cours de l’année scolaire en cours et précise que le planning annuel pourra être modifié chaque année en fonction du nouveau calendrier scolaire défini par le Ministère de l’Education Nationale ou de l’établissement d’accueil spécialisé, un nouveau planning prévisionnel étant communiqué au plus tard le 31 août de chaque année et se substituant automatiquement au précédent.
L’employeur ne produit pas l’annexe fixant les périodes de travail conformément à l’accord et aux dispositions contractuelles susvisées. La cour en déduit que le contrat de travail ne détermine pas les périodes travaillées et non travaillées en méconnaissance des exigences légales de sorte qu’il y a lieu de requalifier en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein la relation de travail, l’ensemble des contrats conclus entre la salariée et la société Vortex étant dés lors requalifiés à temps plein.
Le jugement est confirmé de ce chef.
En l’absence de toute contestation sur le montant du salaire de référence pris en compte pour le calcul des montants sollicités, le jugement est confirmé du chef de la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Vortex les créances de rappel de salaire, congés payés afférents et prime de 13ème mois, à l’exception des congés payés sur ladite prime acquise mois par mois et couvrant à la fois les périodes de présence effective et de congés payés, le jugement étant infirmé de ce chef.
3. Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
En application de l’article L1222-1, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Sur la qualification de conducteur accompagnateur et la retenue d’une demi-heure par journée travaillée
L’article 3-C de l’accord du 7 juillet 2009 relatif à l’emploi de conducteur accompagnateur stipule que ‘(…) À défaut d’accord d’entreprise existant ou à conclure, ou encore d’usage préexistant et avec l’accord exprès du salarié, le temps à bord d’un véhicule de moins de 10 places utilisé pour l’activité de TPMR et mis à disposition par l’entreprise entre le domicile du salarié et le lieu de prise en charge du client lors de la première et de la dernière prise de service de la journée pourra ne pas être considéré comme du temps de travail, et ce dans la limite d’un temps forfaitaire estimé à 15 minutes (soit 1 demi-heure au total dans la journée) et correspondant à un temps moyen nécessaire au trajet entre le domicile du conducteur et le dépôt de l’entreprise le plus proche. (…).’
Il résulte des contrats de travail que la salariée a bien été recrutée en qualité de conducteur accompagnateur.
Aux termes de l’article 5 de son contrat de travail et ainsi que cela résulte de la production par l’employeur du document relatif à la mise à disposition d’un véhicule de service signé par la salariée le 3 septembre 2018, cette dernière a consenti en l’échange de cette mise à disposition, à une retenue journalière de trente minutes de travail, retenue effectuée sur les trajets entre son domicile et le premier et dernier lieu de prise en charge.
La salariée ne conteste pas que la société Vortex exerçait l’activité de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite définie à l’article 1 de l’accord précité mais discute sa qualification de conducteur accompagnateur.
L’article 2 de l’accord du 7 juillet 2009 définit précisément les spécificités de l’emploi de conducteur accompagnateur comme suit :
‘A. – Les spécificités
1. Le conducteur accompagnateur.
Au-delà de la seule conduite, le conducteur est aussi accompagnateur de la personne qu’il transporte. À ce titre, il doit être formé pour réagir face aux différentes situations et toujours laisser la personne en position sécurisée. Le conducteur doit être équipé d’un moyen de communication rapide fourni par l’entreprise (un téléphone portable, par exemple).
2. Aide à la personne handicapée ou à mobilité réduite.
A l’exclusion de toute autre prestation et notamment du portage, une aide à la personne handicapée et/ou à mobilité réduite sera apportée par le conducteur accompagnateur, si besoin, entre le véhicule de transport et le lieu de prise en charge et/ou la destination de manière à toujours laisser la personne en position sécurisée.
Dans les cas d’accès difficile au domicile de la personne handicapée et/ou à mobilité réduite, et lorsque le conducteur ne peut pas accompagner seul cette personne ou laisser une ou des personnes dans le véhicule avec une sécurité optimale, il devra être aidé soit par l’organisation mise en place par l’autorité organisatrice , – par une personne valide et autonome de l’entourage de la personne handicapée et/ou à mobilité réduite.
Les éléments qui précèdent doivent être identifiés avec précision dans la feuille de liaison. (…)
B. – La formation
Au-delà de la possession d’un permis de conduire B, ou d’un permis D, le conducteur accompagnateur de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite doit obligatoirement avoir suivi une formation complémentaire et spécifique dans les domaines suivants : PSC1 ou équivalent ; connaissance de la clientèle : accueil personnalisé, enfants handicapés, précautions gériatriques, troubles spécifiques ; gestes et postures. (…)’. Ne sont pas tenus par cette obligation de formation les conducteurs ayant exercé une activité de transport de personnes handicapées et/ ou à mobilité réduite pendant au moins 1 an au cours des 3 dernières années, cette condition s’appréciant à la date de signature de l’accord, ou ayant déjà suivi une formation équivalente à celle définie en CPNE et validée par celle-ci.’
Les liquidateurs justifient du suivi des formations obligatoires définies à l’article 2-B de l’accord précité par la salariée (attestation de formation ‘gestes et postures’ du 19 septembre 2018, ‘connaissance clientèle’ du 19 septembre 2018, attestation PSC1 du 8 octobre 2018).
Or, cette dernière ne démontre pas qu’elle n’a pas effectué le travail de conducteur accompagnateur pour lequel elle a été recrutée et formée ; les moyens selon lesquels elle aurait dû apporter un accompagnement systématique aux personnes prises en charge, aller les chercher au sein de leur domicile ou de leur établissement, et bénéficier de l’aide d’un binôme lors des trajets étant inopérants comme ne correspondant pas à la définition de l’accompagnement donné par l’article 2-A susvisé ; les moyens selon lesquels l’employeur donnait pour consigne d’opérer une prise en charge sur une durée théorique de deux minutes ou n’aurait pas fourni à la salariée de moyen de communication immédiat étant par ailleurs inopérants à remettre en cause la qualification de la salariée.
En conséquence, eu égard aux fonctions effectivement exercées par la salariée, la société était fondée à appliquer la retenue de trente minutes litigieuse, la salariée sera déboutée de sa prétention et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le décompte du temps de travail et le paiement des heures complémentaires
Le contrat de travail intermittent ne constituant pas, en soi, une annualisation du temps de travail autorisant l’employeur à ne décompter les heures supplémentaires ou complémentaires qu’au-delà de la durée annuelle légale ou conventionnelle ; les heures supplémentaires ou complémentaires doivent donc être décomptées, sauf exception légale ou conventionnelle, par semaine travaillée.
C’est vainement que les liquidateurs invoquent l’article 5 de l’accord de branche du 18 avril 2002 relatif à l’ARTT dès lors que celui-ci ne traite que du décompte des heures supplémentaires et non des heures complémentaires.
Le fait que le volume maximal d’heures complémentaires pouvant être accompli par la salariée soit déterminé, en application de l’article 25 de l’accord du 18 avril 2002 précité, en pourcentage de la durée annuelle minimale de travail ne constitue nullement, contrairement à ce qui est soutenu, une exception conventionnelle au principe du décompte hebdomadaire des heures complémentaires effectivement accompli.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l’employeur, les dispositions précitées ne l’autorisaient pas à effectuer un décompte annualisé des heures complémentaires et à retarder le paiement des majorations dues en fin d’année et ce, d’autant que, ainsi que le rappelle justement la salariée, l’article 9 de l’accord du 15 juin 1992 relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires exige un paiement mensualisé des heures complémentaires.
Le fait pour l’employeur d’avoir payé les majorations des heures complémentaires des conducteurs accompagnateurs annuellement est donc constitutif d’un manquement à ses obligations.
Selon l’article L.3171-4 du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. (…)’.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures complémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, la salariée apporte des éléments suffisamment précis au titre des heures complémentaires qu’elle a effectuées au cours notamment des mois de février, septembre et octobre 2018, sans qu’aucune majoration ne lui soit versée.
Les liquidateurs ne versant aux débats aucun élément du contrôle du temps de travail, la cour retient l’existence de majorations d’heures complémentaires restées impayées.
Il résulte de ces constats que la salariée a effectué des heures complémentaires dont les majorations ne lui ont pas été rémunérées, le paiement de celles-ci étant sans rapport avec le rappel de salaire octroyé au titre de la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein de sorte qu’il y a lieu de faire droit en son principe à la demande de la salariée en fixant souverainement au passif de la société les créances suivantes :
– 1 500 euros brut à titre de rappel de salaire pour majorations d’heures complémentaires impayées,
– 150 euros brut au titre des congés payés y afférents,
– 100 euros brut au titre de l’incidence sur la prime de 13ème mois, hors congés payés comme cela résulte des motifs qui précèdent.
Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé de ce chef.
Sur le paiement des travaux annexes
L’article 4 de l’ARTT susvisé indique que « Le temps de travail effectif des conducteurs comprend les temps de conduite, les temps de travaux annexes et les temps à disposition. (..)’, l’article 4.2 précisant que ‘ (…) La durée et le détail de ces travaux annexes sont décomptés pour chaque entreprise au regard des temps réellement constatés, sans que leur durée puisse être inférieure à 1 heure par semaine entière de travail. S’agissant d’un minimum conventionnel, il ne s’applique qu’à défaut d’accord d’entreprise plus favorable. » Ces dispositions sont également applicables aux conducteurs accompagnateurs.
L’examen des bulletins de paie de la salariée fait apparaître que celle-ci a été rémunérée des travaux annexes au cours de la période considérée, de sorte qu’aucun manquement ne peut être retenu de ce chef à l’encontre de la société Vortex tel que retenu par le jugement entrepris.
Il résulte de ce qui précède que l’employeur a manqué diversement à ses obligations de recours régulier au contrat de travail à durée déterminée, de porter à la connaissance de la salariée son rythme de travail et de lui payer la majoration de ses heures complémentaires. Or, la salariée a déjà été indemnisé des préjudices financiers subis sur le fondement de ces manquements aucun autre préjudice n’étant démontré. En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
4. Sur le travail dissimulé
L’article L’8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L’8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, le contrat de travail de la salariée a fait l’objet d’un transfert. Le transfert du contrat de travail en application de l’article 1224-1 du code du travail n’entraînant pas de rupture du contrat de travail la demande indemnitaire formée à ce titre est irrecevable. En conséquence le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande.
5. Sur les autres demandes
Le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du code de commerce.
Il n’est pas inéquitable, au regard de la situation respective des parties, de laisser à chacune d’elles ses frais irrépétibles d’appel.
Par ces motifs :
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– dit que les fonctions réalisées par Mme [T] [X] relevaient de l’emploi d’un conducteur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite et non de l’emploi de conducteur accompagnateur des mêmes personnes ;
– fixé au passif de la liquidation judiciaire de la Sasu Vortex les créances suivantes:
– 202,01 euros brut de congés payés afférents au rappel de prime de 13ème mois ;
– 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;
– 9418,68 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sasu Vortex les créances suivantes:
– 1500 euros de rappel de salaire à titre de paiement de majoration d’heures complémentaires outre 150 euros brut de rappel de congés payés afférents et 100 euros brut de rappel sur prime de 13ème mois ;
Déboute Mme [T] [X] de ses demandes de rappel de congés payés afférents au rappel de prime de 13ème mois, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit que chacune des parties conserve la charge des dépens par elle exposés et rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT