COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 16 DECEMBRE 2022
N° 2022/ 370
Rôle N° RG 19/08335 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKCT
[R] [Y]
C/
[F] [G]
Copie exécutoire délivrée
le :16/12/2022
à :
Me Catherine MEYER-ROYERE de l’AARPI ROYERE, avocat au barreau de TOULON
Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 29 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00357.
APPELANT
Monsieur [R] [Y], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Catherine MEYER-ROYERE de l’AARPI ROYERE, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [F] [G], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Estelle De REVEL, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle De REVEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [R] [Y] a été engagé par M. [F] [G] exploitant un fonds de commerce de garage, selon contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 4 mai 2015 au 3 août 2015.
Par avenant du 12 juillet 2015, le contrat a été prolongé pour une nouvelle période ‘sans que la durée totale des deux contrats à durée déterminée’ ne puisse excéder 18 mois, soit jusqu’au 3 novembre 2016.
La relation contractuelle, régie par les dispositions de la convention collective de l’automobile, s’est poursuivie au delà de cette date.
Par ordonnance du 23 mars 2017, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Toulon a :
– donné acte à M. [G] qu’il avait remis à M. [Y] un chèque d’un montant net de 1 295,52 euros, ce que M. [Y] a reconnu et a retiré sa demande de ce chef;
– ordonné à M. [G] de payer à M. [Y] la somme brute de 158,72 euros correspondant au salaire du 1er et 2 décembre 2016;
– débouté M. [Y] de sa demande de prime de précarité;
– constaté que le contrat de travail devenu de fait à durée indéterminée n’est pas rompu;
– donné acte à M. [Y] que le montant brut de l’indemnité compensatrice à lui devoir est égal à 1 349,12 euros correspondant à 17 jours de congés payés non contestés;
– débouté M. [Y] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– dit n’y avoir lieu à référé pour excès de pouvoir de la formation des référés pour le surplus des demandes de M. [Y]’.
Le 25 avril 2017, le salarié a adressé à son employeur une lettre indiquant qu’il démissionnait aux torts de l’employeur.
Le 19 mai 2017, M. [Y] a saisi le conseil des prud’hommes de Toulon d’une demande en requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en condamnation au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et d’indemnité de rupture.
Par jugement du 29 avril 2019, les conseillers prud’homaux ont débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes ; les dépens ont été partagés entre les parties et la demande reconventionnelle de M. [G] a été rejetée.
M. [Y] a relevé appel de la décision le 22 mai 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 avril 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [Y] demande à la cour de :
‘Recevoir Mr [Y] en son appel le dire fonde
REFORMER le jugement en toutes ses dispositions
CONSTATER que la démission de Mr [Y] est avec réserves
CONSTATER les manquements graves de l’employeur
EN CONSEQUENCE,
PRONONCER la requalification de la démission en prise d’acte aux torts de l’employeur
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] la somme de 10500 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] la somme de 525,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] la somme de 1750 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés sur préavis de 175 euros;
PRONONCER la requalification du CDD en CDI
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] la somme de 1750 euros au titre de
l’indemnité de requalification
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] le salaire 1er au 7 août et le 31 août soit 419,03 euros;
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] les heures supplémentaires (de la
39 h a 40h semaine) soit 883,40 euros;
CONSTATER que Mr [G] n’a pas respecte le salaire minima en 2015 et 2016
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] pour 2015 499,71 euros;
CONDAMNER Mr [G] à payer à Monsieur [Y] pour 2016 896,00 euros;
DIRE ET JUGER que ces sommes sont assorties des intérêts légaux à compter de la demande en justice avec capitalisation
DEBOUTER Mr [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions’.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [G] demande à la cour de :
‘CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de TOULON en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] de I’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
En conséquence,
JUGER prescrite la demande de Monsieur [Y] concernant la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
JUGER que Monsieur [Y] n’a jamais réalisé de travail effectif pour le garage [G] du 3 au 7 août 2015 ni le 31 août 2015 ;
JUGER que la classification conventionnelle de Monsieur [Y] était conforme aux dispositions
JUGER que la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires est infondée et injustifiée ;
JUGER que I’employeur a respecté son obligation de loyauté tout au long de la relation contractuelle ;
JUGER que I’employeur n’a commis aucun manquement grave rendant impossible la poursuite du lien contractuel ;
En conséquence.
DEBOUTER Monsieur [Y] de sa demande de requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTER Monsieur [Y] de l’intégralité de ses demandes fins et prétentions ;
CONDAMNER Monsieur [Y] à verser à Monsieur [G] la somme de 875€ bruts au titre de I’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 87,50€ bruts au titre des congés payés y afférents ;
En tout de cause.
CONDAMNER Monsieur [Y] à payer à Monsieur [G] la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de I’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [Y] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Clément LAMBERT, Avocat au Barreau de TOULON.’
Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les ‘dire et juger’ et les ‘constater’ ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .
I. Sur l’exécution du contrat de travail
1) Sur les heures supplémentaires
M. [Y] réclame la somme de 883,40 euros à titre de rappel de salaire correspondant à 70 heures supplémentaires non rémunérées sur toute la période de travail, soit une heure par semaine.
M. [G] fait valoir qu’il a rémunéré l’ensemble des heures supplémentaires accomplies par le salarié qui travaillait 39 heures par semaine et non 40 heures comme allégué.
L’article L.3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
M. [Y] soutient avoir travaillé durant toute la relation contractuelle du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 14h à 18h, soit 40 heures par semaine alors qu’il était payé à hauteur de 39 heures dont une partie en heures supplémentaires.
Il explique que les heures de travail qu’il invoque correspondent aux horaires d’ouverture du garage.
A l’appui de sa demande, le salarié produit:
– ses bulletins de salaire des mois d’octobre et novembre 2016 mentionnant 17,33 heures supplémentaires majorées à 25%;
– le référencement Google du garage de M. [G] mentionnant : ‘8h-12h ;14h-18h30 horaires du mercredi’ et indiquant ‘Ferme à 18h30″
– un témoignage d’un ancien salarié attestant avoir travaillé au sein de garage selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 janvier au 30 avril 2015 du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 14 h à 18h.
La cour dit que le salarié présente, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre.
M. [G] produit le contrat du salarié qui stipule une durée de travail de 151,67 heures par mois et relève que les bulletins de salaire communiqués par le salarié mentionnent le paiement d’heures supplémentaires.
Il conteste les horaires d’ouverture du garage tel qu’allégués par le salarié.
La cour, après analyse des pièces et éléments produits, relève que les parties ne contestent pas que M. [Y] accomplissait chaque semaine 39 heures de travail, soit 4 heures supplémentaires hebdomadaires qui lui étaient régulièrement rémunérées en tant que telles, comme cela ressort de ses bulletins de salaire.
S’agissant de l’heure supplémentaire (la 40e) qui demeure contestée par l’intimée, la cour observe des incohérences dans les explications du salarié qui indique que ses horaires de travail correspondaient aux heures d’ouverture du garage, soit du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 14h à 18h alors que les horaires figurant sur le référencement Google qu’il produit et auxquels il se réfère sont différents et ne concernent que le mercredi.
En outre, la cour relève que l’employeur a toujours payé un nombre conséquent d’heures supplémentaires effectuées par le salarié, s’agissant de 4 heures par semaine, ce qui démontre qu’il exerçait un contrôle sur le temps de travail de M. [Y].
En cet état, la cour dit que M. [Y] a accompli des heures supplémentaires qui ont été rémunérées par M. [G].
La demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires non payées est par conséquent rejetée et le jugement confirmé.
2) Sur la classification du salarié et le rappel de salaire
M. [Y] fait valoir que bien qu’embauché à l’échelon 1 de la catégorie des ouvriers et employés de la convention collective de l’automobile, il aurait dû être classé à l’échelon 9 et rémunéré en tant que tel au motif que:
– il avait une solide expérience en tant que mécanicien;
– il avait tenu seul le garage de M. [G] durant l’absence de celui-ci pour maladie;
– il a effectué son service militaire dans la spécialité mécanique auto et a un certificat de pratique professionnelle nominatif en qualité de mécanicien auto.
M. [G] conteste la demande au motif que le salarié ne démontre pas qu’il aurait exercé seul des fonctions dans le garage, ni qu’il aurait eu un certificat inscrit au répertoire national des qualifications en matière automobile.
La qualification professionnelle du salarié qui doit être précisée dans le contrat de travail est déterminée en référence à la classification fixée par la convention collective applicable dans l’entreprise .
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique
Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
La convention collective de l’automobile prévoit le barème applicable aux ouvriers et employés qui comprend 12 échelons :
– les échelons 1et 2 concernent les emplois qui n’exigent pas de qualification professionnelle;
– les échelons 3, 6, 9 et 12 sont les échelons de référence attribués aux qualifications de branche;
– les échelons 4, 5, 7, 8, 10 et 11 sont les échelons majorés.
Selon la grille de classification, l’échelon 9 est l’échelon de référence du professionnel maîtrisant toutes les techniques dans sa spécialité et possédant de larges connaissances dans les techniques voisines. Il organise son travail sous sa responsabilité pour atteindre l’objectif dans le cadre qui lui est fixé.
La cour relève qu’aux termes du contrat de travail, M. [Y] devait effectuer, ‘sous la direction du chef d’entreprise, de toutes tâches liées à son poste et notamment : accueil client, diagnostic de panne, démontage, contrôle, réglage, réparation de tout véhicule, entretien courant, graissage, vidange, nettoyage et entretien du matériel’.
Ses bulletins de salaire mentionnent le coefficient 190 de la classification ouvrier de la convention collective.
M. [Y] produit un certificat de pratique professionnelle de l’activité de mécanicien délivré par un lieutenant colonel de l’armée.
Il ne justifie cependant pas exercer des fonctions différentes de celles stipulées au contrat de travail et qui correspondraient à celles de l’échelon 9 susvisé. Aucun élément n’est produit quant au fait qu’il aurait tenu seul le garage.
Sa demande doit être rejetée et le jugement confirmé.
3) Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
a/ sur l’irrecevabilité et la prescription de l’action en requalification
M. [G] soulève la prescription de l’action du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et paiement de l’indemnité éponyme au motif qu’elle est soumise à la prescription de deux ans s’agissant d’une action portant sur l’exécution du contrat de travail. Il soutient en conséquence que le salarié ne pouvait plus agir au delà du 4 mai 2017.
A titre subsidiaire, l’employeur soulève l’irrecevabilité de la demande comme étant nouvelle en cause d’appel, le salarié fondant la requalification du contrat de travail sur le fait que l’employeur y avait eu recours pour pourvoir à l’activité permanente et durable de l’entreprise et qu’il convenait de retenir comme point de départ de la prescription le terme du dernier contrat à durée déterminée.
En réponse, M. [Y] soutient que sa demande n’est pas prescrite car fondée sur une irrégularité dans la formation du contrat et ainsi soumise à la prescription quinquennale.
Selon lui, même en cas d’application de la prescription de deux ans, il pouvait agir jusqu’au 12 juillet 2017 ayant pris connaissance de l’irrégularité lors de la conclusion de l’avenant le 12 juillet 2015.
En l’espèce, la cour relève en premier lieu qu’aucune demande nouvelle n’est élevée par M. [Y] qui sollicitait déjà devant le conseil des prud’hommes la requalification susvisée fondée sur l’irrégularité du contrat de travail à durée déterminée et rappelle qu’un moyen nouveau n’est pas un motif d’irrecevabilité.
L’action est par conséquent recevable.
L’action fondée sur la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est une action portant sur l’exécution du contrat de travail qui, en application de l’article L.1471-1 du code du travail, se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Le point de départ du délai de prescription diffère selon le fondement de l’action en requalification. S’il est invoquée l’absence d’une mention au contrat, le point de départ de l’action est la date de la conclusion du contrat à durée déterminée. Si l’action est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, elle a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.
Le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.
L’indemnité de requalification ne s’analysant pas en une créance salariale, elle est également soumise à l’indemnité de deux ans.
En l’espèce, M. [Y] fonde sa demande sur le motif du recours au contrat à durée déterminée qu’il s’agisse du contrat du 29 avril 2015, prenant effet au 4 mai suivant, pour remplacement d’un salarié absent, ou de celui du 12 juillet pour accroissement d’activité. Le point de départ était donc le terme du dernier contrat, soit le 4 novembre 2016.
Il s’ensuit que l’action n’est pas prescrite, le salarié ayant saisi le conseil des prud’hommes d’une demande en requalification le 19 mai 2017.
b / sur le bien fondé de la demande
M. [Y] soutient que la tâche pour laquelle il a été embauché n’était pas temporaire, de sorte que le motif du recours au contrat à durée déterminée était illicite et la requalification sollicitée automatique de même que l’octroi de l’indemnité de requalification.
M. [G] n’a pas répliqué sur le fond. Il considère que le contrat de travail à durée déterminée a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée en raison de sa poursuite au delà du terme.
L’article L.1221-2 du code du travail édicte que toute embauche réalisée pour faire face à l’activité normale et permanente de l’entreprise doit s’effectuer dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Le contrat à durée déterminée ne doit avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, quel que soit son motif. Il ne peut être conclu que pour l’accomplissement d’une tâche précise et temporaire.
Tout contrat à durée déterminée conclu en dehors des cas de recours autorisés, sans respect des dispositions légales ou conventionnelles relatives aux durées maximales ou aux conditions de successions, sans contrat écrit ou sans définition précise de son objet, est requalifié automatiquement en contrat à durée indéterminée en application de l’article L.1254-1 du code du travail.
Selon l’article L.1243-11 du code du travail, la poursuite de l’exécution du contrat de travail à durée déterminée au delà de son échéance, en dehors de l’hypothèse du renouvellement et sans qu’ait été conclu un nouveau contrat, le transforme automatiquement en contrat à durée indéterminée.
Lorsque le contrat à durée déterminée devient un contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme, le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité de requalification.
En l’espèce, l’avenant du 12 juillet 2015 fait état d’un accroissement d’activité et prolonge la relation contractuelle pour ‘une nouvelle période sans que la durée totale des 2 contrats confondus -initial + avenant de renouvellement – ne puissent excéder 18 mois,’ soit jusqu’au 4 novembre 2016.
La cour relève que le recours au contrat à durée déterminée pour un surcroît d’activité, pour une durée imprécise pouvant aller jusqu’à 18 mois pour la totalité de la relation contractuelle, répond en réalité à un besoin de l’activité normale et permanente de l’entreprise. En effet, le caractère temporaire de l’accroissement de l’activité, qui n’est même pas mentionné au contrat, n’est pas démontré par l’employeur.
Il en résulte que le contrat de travail doit être requalifié en contrat à durée indéterminée et ce, à compter du 4 mai 2015.
S’agissant d’une requalification fondée sur une irrégularité du contrat, l’indemnité de requalification, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire en vertu de l’article L.1245-2 du code du travail, est due d’office par l’employeur.
Il convient par conséquent de condamner M. [G] à verser à M. [Y] la somme de 1676,13 euros correspondant à son salaire brut moyen mensuel.
4) Sur le rappel de salaire au titre du mois d’août 2015
M. [Y] soutient qu’il a travaillé dans le garage du 3 au 7 août 2015 puis le 31 août 2015 sans rémunération. Il réclame en conséquence un rappel de salaire pour cette période.
L’employeur conteste que le salarié ait effectué une prestation de travail salariée durant cette période. Il soutient que celui-ci ne lui a jamais adressé de demande en ce sens et ne produit aucun élément à l’appui de sa demande.
Il fait valoir que M. [Y], qui était autoentrepreneur, a travaillé du 3 au 7 août 2015 dans le garage pour son compte personnel pour faire des réparations sur les véhicules de ses propres clients avec les équipements mis gratuitement à sa disposition.
Il produit le bulletin de salaire du mois d’août 2015 mentionnant un congés sans solde pour toute la période.
Le salaire constitue une obligation essentielle de l’employeur.
En cas de litige relatif au paiement des salaires, il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou ne s’est pas tenu à sa disposition.
En l’espèce, durant la période litigieuse, du 3 au 7 août et le 31 août 2015, le contrat de travail de M. [Y], requalifié en contrat à durée indéterminée, était en cours d’exécution. Il incombait par conséquent à l’employeur de lui fournir un travail.
Il n’est pas contesté que M. [Y] se trouvait, à cette période, dans le garage qui était ouvert jusqu’au 7 août inclus, avant la fermeture annuelle.
M. [G] ne démontre pas, par la production d’un numéro SIREN relatif à la création d’une activité de réparation automobile par M. [Y] et par une attestation sans aucun lien avec les dates litigieuses, que ce dernier refusait de se tenir à sa disposition ou d’accomplir son travail en effectuant des prestations de travail pour son propre compte.
Le versement par l’employeur d’un bulletin de salaire faisant apparaître une rémunération nulle accompagnée de la mention ‘congés sans solde’, sans démontrer, ni alléguer que le salarié avait sollicité un tel congé, démontre que M. [G] n’a fourni aucune prestation de travail à M. [Y].
Il convient par conséquent de condamner l’employeur à un rappel de salaire à hauteur de 330,27 euros pour la période du 3 au 7 août et le 31 août 2015, soit 6 jours de travail.
II. Sur la rupture du contrat de travail
M. [Y] expose que sa démission du 25 avril 2017 doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que la lettre de démission mentionne les manquements de l’employeur et qu’il établit que ce dernier a gravement manqué à ses obligations s’agissant du paiement des heures supplémentaires, du motif de recours au contrat à durée déterminée, du non respect des minima sociaux et de l’exécution loyale du contrat de travail.
Pour contester la demande, l’employeur expose que le salarié n’a jamais fait état de griefs avant de ne plus venir travailler du jour au lendemain et de lui adresser une lettre de démission.
Il conteste les manquements invoqués.
La démission ne se présume pas ; il s’agit d’un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements suffisamment graves imputables à son employeur, et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ou, dans le cas contraire, d’une démission.
C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur, s’il subsiste un doute, celui-ci profite à l’employeur.
A) Sur la lettre de démission
La lettre de démission du 25 avril 2017 est ainsi rédigée:
‘Je vous informe de ma démission de mon poste d’opérateur mécanicien que j’occupais depuis le 4 mai 2015. Ma démission aux torts de l’employeur est effective dès maintenant. J’ai dû prendre cette décision suite à votre non respect du contrat de travail, non respect de la réglementation des CDD, non paiement des jours travaillés en août 2015, non paiement de la 40e heure hebdomadaire, non paiement en décembre 2016 et défaut d’exécution de bonne foi du contrat.’
Le salarié invoque tant dans sa lettre que ses conclusions, des manquements de l’employeur. Il est ainsi démontré que dans une période contemporaine de la démission, il existait un différend entre les parties de sorte que le caractère équivoque de celle-ci doit être retenu, justifiant d’examiner les faits invoqués, lesquels ne se limitent pas à la lettre sus-visée.
B) Sur les manquements fautifs invoqués par le salarié
a / sur le non paiement des heures supplémentaires
La cour n’ayant pas retenu l’existence d’heures supplémentaires impayées, il n’y pas de manquement de ce chef.
b/ sur la classification
La cour n’a pas non plus retenu de classification conventionnelle différente de celle indiquée au contrat de travail et a rejeté la demande de rappel de salaire.
c/ sur le non paiement du salaire de novembre 2016
A l’appui de ce manquement qui figure dans la lettre de démission, M. [Y] indique qu’il a dû faire une requête devant le juge des référés du conseil de prud’hommes pour obtenir paiement du salaire de novembre 2016.
Il ressort de l’ordonnance du 23 mars 2017 que le juge des référés a ‘donné acte à M. [G] qu’il a été remis à M. [Y] un chèque d’un montant net de 1 295,52 euros’ et a indiqué que ‘ce point n’est pas contesté par M. [Y] qui retire sa demande de ce chef et que M. [G] s’engage à payer le salaire de décembre’.
Il en résulte qu’un différend existait sur le paiement du salaire de novembre 2016.
Le manquement est par conséquent constitué.
d/ sur le rappel de salaire août 2015
La cour a jugé que l’employeur était redevable de la somme de 330,27 euros pour 6 jours de travail non rémunérés en août 2015.
Le manquement est constitué.
e / sur le comportement déloyal de l’employeur
M. [Y] reproche à l’employeur un comportement déloyal en ce qu’il lui aurait volontairement dissimulé le terme du contrat de travail.
Il expose que sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2016 était mentionné ‘entrée:04/05/2015; sortie : 03/11/ 2016″ mais que l’employeur lui a également indiqué que son contrat de travail était ‘passé en CDI’, ce que lui-même ne souhaitait pas car M. [G] s’était engagé à lui céder le garage.
M. [G] rejette tout manquement soutenant que le salarié avait changé d’adresse pour être domicilié au garage et qu’il n’a donc pas reçu le courrier du 4 décembre 2016 aux termes duquel il lui était indiqué que son contrat de travail était transformé en contrat à durée indéterminée.
Le salarié ne produit aucun élément sur le projet de cession de l’entreprise à son profit.
La cour observe par ailleurs qu’il a su tirer avantage de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en sollicitant une telle requalification ; il ne peut dans le même temps le reprocher à l’employeur.
f / sur le recours au contrat à durée déterminée
La cour a jugé que le recours par M. [G] au contrat à durée déterminée n’était pas conforme aux exigences de l’article L.1242-2 du code du travail ce qui a eu pour effet la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée.
Le manquement est par conséquent établi.
Pour évaluer si les griefs du salarié sont fondés et justifient que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement, les juges doivent prendre en compte la totalité des reproches formulés par le salarié et procéder en une apprécie globale et non manquement par manquement.
Le différend relatif au paiement du salaire de novembre 2016 a été réglé lors de l’audience du 15 mars 2017 devant le juge des référés qui a indiqué que M. [Y] avait retiré sa demande suite au règlement effectué par l’employeur. Il n’est pas fait état d’autre salaire impayé postérieurement à cette date et aucune demande en paiement ne concerne désormais le mois de novembre 2016.
S’agissant de défaut de paiement du salaire en août 2015, ce manquement est antérieur de 19 mois à la lettre de démission du salarié qui a continué de travailler.
Enfin, le recours fautif au contrat de travail à durée déterminée qui est également antérieur de plusieurs mois à la démission ne saurait être considéré comme préjudiciable au salarié lui ayant permis de bénéficier d’un contrat de travail à durée indéterminée, porteur d’un statut plus protecteur.
Au vu de ces éléments, les manquements constitués ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la requalification de la démission en prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les demandes financières susbséquentes sont rejetées.
Le jugement est par conséquent confirmé.
III. Sur les autres demandes
Il n’est pas équitable de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable la demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée liant M. [F] [G] à M. [R] [Y], en contrat de travail à durée indéterminée,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription,
Confirme le jugement entreprise SAUF s’agissant du :
– rejet de la demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– rejet de la demande au titre de l’indemnité de requalification et d’un rappel de salaire au titre du mois d’août 2015
Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant:
Ordonne la requalification du contrat de travail à durée déterminée liant M. [F] [G] à M. [R] [Y], en contrat à durée indéterminée à compter du 4 mai 2015,
Condamne M. [F] [G] à payer à M. [R] [Y] les sommes suivantes :
– 1 676,13 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 330,27 euros à titre de rappel de salaire pour la période de travail du 3 au 7 août 2015 inclus et le 31 août 2015,
Rejette les autres demandes,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT