Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01997 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSAY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 janvier 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 19/01895
APPELANTE
Association L’UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF EST – SIRENE 775 671 878
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-France DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R186
INTIMÉS
Monsieur [B] [M]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Nicolas PEYRÉ, avocat au barreau de la SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188
Me [H] [O] en qualité de mandataire liquidateur de la Société AGENCE DE SÉCURITÉ PRIVÉE INDUSTRIELLE
[Adresse 3]
[Localité 6]
N’ayant pas constitué avocat. Signification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant le 09 avril 2020, remise à étude.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRÊT :
– RENDU PAR DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES
M. [M] a été embauché par la SARL Agence de sécurité privée industrielle, par contrat à durée déterminée du 12 décembre 2011 au 15 juin 2012, puis par avenant renouvelé jusqu’au 15 décembre 2012 en qualité de maître-chien.
A compter du 1er septembre 2012, les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée mensuelle de 60 heures.
Le salaire fixé s’élevait à la somme de 571 euros par mois.
Par jugement du 23 novembre 2016, le Tribunal de Commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la la SARL Agence de sécurité privée industrielle.
Me [O] a été désigné mandataire liquidateur.
M. [M] a saisi le Conseil des Prud’hommes de Bobigny par requête en date 13 juin 2019.
Par jugement contradictoire du 29 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :
– requalifié la relation de travail à temps partiel en relation de travail à temps plein à compter du 01 septembre 2012 au 23 novembre 2016 ;
– fixé la rupture du contrat de travail à durée indéterminée au 23 novembre 2016, date de la liquidation judiciaire ;
– dit que la rupture de la relation de travail doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– fixé la créance de M. [M] au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence de sécurité privée industrielle par Me [O] aux sommes de :
‘ 2.890,82 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 289,08 euros à titre de congés payés y afférant,
‘ 1.675,41 euros à titre d’indemnité de licenciement,
‘ 8.672,46 eurosà titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonné à Me [O], ès-qualité, d’avoir à remettre à M. [M] les bulletins de salaires pour la période de juin 2016 à novembre 2016, l’attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conforme ;
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 1.445,41euros ;
– dit le présent jugement est opposable à l’ASG CGEA IDF EST dans la limite de sa garantie ;
– débouté M. [M] du surplus de ses demandes ;
– condamné Me [O], ès-qualités, aux éventuels dépens.
Par déclaration notifiée par le RVPA le 03 avril 2020, l’Association AGS CGEA IDF EST a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 11 avril 2023, L’UNEDIC Délégation AGS, CGEA Ile de France Est demande à la cour de :
– juger recevable et bien fondée l’AGS en son appel, ses moyens et conclusions ;
Et y faisant droit :
Dès lors,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, notamment en ce qu’il a été rendu opposable à l’AGS ;
Statuant à nouveau :
– juger, ordonner et prononcer l’irrecevabilité des demandes formées envers l’AGS, s’agissant au surplus d’une nullité de fond en l’absence de requête à l’encontre de l’AGS dans les formes et conditions stipulées aux articles R 1452-1 et R 1452-2 du code du travail ;
Dès lors,
– infirmer le jugement dont appel ;
En tout état de cause,
– juger irrecevable et mal fondé en son appel incident M. [M] et ce, en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter ;
Très subsidiairement,
– juger et ordonner que les demandes formulées par M. [M] sont prescrites au visa des dispositions des articles L3245-1, 1471-1 du code du travail ;
Dès lors,
– juger et prononcer l’irrecevabilité et le mal fondé de l’ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [M] ;
– juger et prononcer que le dernier jour travaillé remonte au mois de décembre 2014 et que toute action de M. [M] est donc prescrite en vertu des dispositions précitées ;
– condamner M. [M] à payer à l’Unedic Delegation AGS sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile une somme de 1.000 euros ;
– le condamner aux entiers dépens ;
Sur la garantie :
– juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir que la garantie de l’AGS n’est pas mobilisable en ce qui concerne les indemnités de rupture résultant d’une demande de résiliation judiciaire en l’absence de licenciement par les organes de la procédure collective de l’employeur, à supposer même que la Cour n’ait pas préalablement prononcé et ordonné que les demandes de M. [M] sont prescrites depuis le 14 décembre 2014, date la plus tardive et très subsidiairement depuis le 23 novembre 2018 ;
– juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites et conditions des articles L 3253-6 et suivants dont l’article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 du code de procédure civile et dépens étant ainsi exclus de la garantie ;
– juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir, qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l’un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail ;
– statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’Unedic Délégation AGS.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 24 septembre 2020, M. [M] demande à la cour de :
– dire et juger que le jugement déféré n’encourt aucune nullité ;
– dire et juger que M. [M] est recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;
– débouter l’A.G.S.-C.G.E.A. Ile-de-France EST de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
– dire et juger que M. [M] était lié à son employeur par un contrat de travail à temps plein et à tout le moins, prononcer la requalification de la relation de travail à temps partiel en relation de travail à temps plein ;
– dire et juger M. [M] recevable et bien fondé à solliciter des rappels de salaires pour la période courant de juin 2012 à novembre 2016 inclus ;
– dire et juger que le contrat de travail liant les parties a été rompu le 23 novembre 2016 à l’initiative de l’employeur et analyser cette situation de fait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à tout le moins abusif ;
– subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties à la date du 23 novembre 2016 ou à telle date qu’il plaira à la Cour et lui faire produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à tout le moins abusif ;
En conséquence,
– fixer au passif de la SARL Agence de sécurité privée industrielle et rendre opposable à l’AGS les sommes suivantes assorties de l’intérêt au taux légal :
‘ une indemnité de requalification : 1.445,41 euros,
‘ un rappel de salaire pour la période de juin 2012 à octobre 2014 inclus : 28.098,39 euros,
‘ les congés payés afférents : 2.809,84 euros,
‘ un rappel de salaire pour la période de novembre 2014 à novembre 2016 inclus : 36.135,25 euros,
‘ les congés payés afférents : 3.613,53 euros,
‘ une indemnité compensatrice de préavis : 2.890,82 euros,
‘ une indemnité de congés payés afférents : 289,08 euros,
‘ une indemnité de licenciement : 1.675,41 euros,
‘ une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à tout le moins des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 8.672,46 euros,
– ordonner en outre la remise des bulletins de salaire de juin 2016 janvier 2017 inclus conformes à la décision à intervenir, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes à la décision à intervenir ;
– condamner enfin l’A.G.S.-C.G.E.A. Ile-de-France EST au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Maître [O] es qualité de mandataire liquidateur de la société Agence de sécurité privée industrielle n’a pas constitué avocat, étant précisé que la déclaration d’appel lui a été signifiée par dépôt à l’étude le 9 avril 2020.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’instruction a été déclarée close le 12 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du jugement
L’AGS expose qu’elle a été mise en cause par le demandeur initial à l’instance en cours de procédure par de simples écritures qui constituent une demande incidente de sorte qu’elle apparaît comme intervenant forcé. Aucune requête n’a été introduite à son encontre afin de la citer en intervention forcée mentionnant l’objet de la demande et ce en violation des dispositions des articles R 1452-1 et R.1452-2 du code du travail dans leur rédaction issue de l’article 8 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016.
En défense, M. [M] fait valoir qu’il a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 16 juin 2015 en les formes de la procédure orale, soit à une date antérieure à celle d’entrée en vigueur du décret visé par l’AGS, de sorte que les règles invoquées sont inapplicables.
Les dispositions de l’article R1452-2 et suivants du code du travail issues du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 n’étaient pas applicables lorsque l’instance a été introduite. L’AGS ne peut dès lors utilement soutenir que sa mise en cause ne serait pas régulière au visa de ces dispositions alors que la saisine du conseil de prud’hommes intervenue le 16 juin 2015 ainsi qu’en fait foi la décision du bureau de conciliation a été faite conformément aux termes des articles R. 1452-1 et R.1452-2 du code du travail alors applicables.
Il sera également rappelé que selon l’article 331 du code de procédure civile un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement. Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense. Or, ainsi qu’il ressort des termes du jugement l’AGS présente et représentée en premier ressort a été pu présenter sa défense.
La demande de nullité du jugement présentée par l’AGS doit être rejetée.
Sur la prescription de l’action de M. [M]
L’AGS soutient que les actions engagées par le salarié tant au titre de l’exécution du contrat de travail qu’au titre de la rupture du contrat sont prescrites.
Il convient à ce sujet de distinguer les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail de celles relatives à la rupture du contrat de travail.
S’agissant des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail :
Sur la prescription de l’ action au titre de l’exécution du contrat de travail
Selon l’article 21 de la loi du 14 juin 2013 , les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article modifiant les délais de prescription prévus aux articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Dès lors, lorsque la prescription quinquennale a commencé à courir antérieurement à la date de promulgation de la loi du 14 juin 2013, soit le 16 juin 2013, les nouveaux délais de prescription s’appliquent à compter de cette date, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l’espèce, le contrat à durée déterminée a été conclu 12 juin 2011 avec pour terme le 15 juin 2012 et a été renouvelé pour une durée de six mois soit jusqu’au 15 décembre 2012. La prescription quinquennale était en déjà cours à la date de promulgation de la loi du 14 juin 2013.
L’ action en justice a été introduite le 16 juin 2015 après l’entrée en vigueur de ladite loi, de sorte que le régime transitoire s’applique sans que le total du délai de prescription ne dépasse la durée totale de la prescription antérieure, soit 5 ans.
Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, l’ action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour où lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.
Ce texte issu de la loi du 14 juin 2013 comporte en conséquence deux mentions relatives au temps :
– la première mention fixe un délai pour agir;
– la seconde mention temporelle n’est pas un délai de prescription mais une limite imposée par le législateur relativement à la période sur laquelle peut porter le demande des arriérés de salaires.
En l’espèce, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes le 16 juin 2015 de demandes au titre de l’exécution du contrat de travail, en ce compris de rappel de salaires et au titre de la rupture. L’affaire a fait l’objet d’une radiation puis a donné lieu à réinscription.
Comme il le rappelle, dès lors que le cours de la prescription a été interrompu par l’introduction de l’instance prud’homale, la radiation de l’affaire est sans effet sur la poursuite de cette interruption.
Au visa des dispositions transitoires de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 réduisant le délai de prescription des actions en paiement des salaires de 5 ans à 3 ans, la prescription a commencé à courir en l’espèce à compter du 12 décembre 2011 pour une durée de 5 ans, ramenée à 3 ans par la loi nouvelle et courait jusqu’en juin 2016.
Ayant saisi le conseil de prud’hommes le 16 juin 2015, l’action engagé par M. [M] n’est pas prescrite. En application du texte sus visé, il est recevable à réclamer le paiement de salaire à compter du 16 juin 2012.
Sur la prescription de l’action au titre de la rupture du contrat de travail.
M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes le 16 juin 2015 d’une demande de résiliation judiciaire.
Par principe, la résiliation judiciaire d’un contrat de travail prend effet à la date de la décision qui la prononce, dès lors qu’à cette date le contrat de travail n’a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur. A défaut, il est possible de la faire rétroagir. Toutefois, cette rétroactivité ne peut conduire à fixer la date à une date antérieure à la demande en justice aux fins de résiliation judiciaire.
A regard de ces éléments, l’action introduite par M. [M] au titre de la rupture du contrat de travail n’est pas prescrite.
Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
Il résulte des dispositions des articles, L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-7, L. 1242-12, L. 1242-13, et L. 1245-1 que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés par la loi et notamment pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.
Selon les dispositions de l’article L 1245-1 du code du travail, lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée a été conclu en dehors des situations autorisées par la loi ou en violation des interdictions légales, il est réputé à durée indéterminée.
Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.
En l’espèce M. [M] expose qu’aucun élément n’établit l’existence d’un accroissement temporaire d’activité visé précisément dans le contrat à durée déterminée signé le 12 décembre 2011 avec l’entreprise Agence de sécurité privée. Il sera également relevé que l’avenant au contrat prévoit le renouvellement de ce contrat pour une durée de 6 mois soit jusqu’au 15 décembre 2012 en raison d’un accroissement temporaire d’activité.
Il fonde désormais son action en requalification dirigée à l’encontre de l’entreprise utilisatrice uniquement sur l’absence de preuve des motifs du recours.
L’AGS ne conteste pas l’existence d’un contrat à durée indéterminée aux motifs qu’au regard de son renouvellement le contrat à durée déterminée et s’est trouvé nové en contrat à durée indéterminée.
Or l’employeur à qui revient la charge de la preuve de la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée et en l’espèce de l’accroissement d’activité, est défaillant à la rapporter.
Par application des principes susvisés, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de faire droit à la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Sur l’indemnité de requalification
L’article L.1245-2 du code du travail énonce notamment que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié portant sur la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il lui accorde une indemnité à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Il est de jurisprudence constante que lorsque le contrat de travail à durée déterminée est suivi d’un contrat de travail à durée indéterminée, cette indemnité reste due lorsque la demande de requalification du salarié s’appuie sur une irrégularité du contrat à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite.
En l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée de M. [M] prenant effet 12 décembre 2011 a été conclu aux motifs d’un accroissement d’activité qui n’est pas justifié. Ce contrat a été suivi d’un contrat durée indéterminée.
Par application des dispositions précitées, M. [M] peut donc prétendre à l’indemnité de requalification, l’absence de motif justifiant le recours au contrat à durée indéterminée constituant une irrégularité.
Sera en conséquence fixée au passif de la société la somme de 1445, 41 euros au titre de l’indemnité de requalification.
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
M. [M] conclut à l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes qui l’a débouté de sa demande de requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet. Il sollicite la somme de 28.098, 39 euros pour la période courant de juin 2012 à octobre 2014, outre les congés payés afférents, outre une indemnité de requalification.
Il soutient que ni son contrat initial ni l’avenant à ce contrat et le contrat à durée indéterminée qui s’en est suivi ne respectent le formalisme de l’article L. 3123-14 du code du travail en l’ absence de mention de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine.
En application de l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
En l’espèce, le contrat à temps partiel initial signé le 15 décembre 2011 prévoit une durée du travail fixée à 12 heures hebdomadaires mais ne mentionne pas la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Par ailleurs, l’avenant à ce contrat mentionne une durée hebdomadaire de 15 heures sans autre mention de la répartition de cette durée..
Dès lors, le contrat signé par les parties, qui ne correspond pas aux conditions légales du contrat de travail à temps partiel, est présumé à temps plein.
Pour renverser cette présomption, l’employeur doit prouver la durée exacte de travail et le fait que son salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir selon quels horaires il travaillait et n’avait pas à se tenir à sa disposition constante. Il doit ainsi produire des plannings horaires et la preuve de leur notification ou de leur affichage dans les délais de prévenance contractuels, afin que le salarié connaisse ses horaires de travail de manière à pouvoir organiser son emploi du temps de travail et au besoin occuper un autre emploi.
En l’absence de tout élément de cet ordre, le contrat doit être requalifié à temps plein.
M. [M] peut prétendre à une indemnité de requalification qui sera fixé à la somme de 1445, 41 euros.
Le salarié a également droit à un rappel de salaires de 27 581, 63 euros pour la période considérée après déduction de la somme perçue à temps partiel de 476, 50 euros chaque mois pour la période du 16 juin 2012 au mois d’octobre 2014 compris, outre les congés payés afférents.
Sur le rappel de salaires pour la période de novembre 2014 au 23 novembre 2016 inclus
Le salarié soutient qu’à défaut de rupture du contrat de travail, ses salaires lui demeurent dus, ce d’autant qu’il est resté à la disposition de son employeur et a sollicité la régularisation de sa situation soit par la fourniture de travail et le paiement des salaires, soit par la mise en ‘uvre d’une procédure de licenciement à son égard.
L’AGS répond que M. [M] ne démontre pas sur cette période qu’il s’est tenu à la disposition permanente de la société pas plus qu’il ne rapporte la preuve d’avoir effectué une prestation de travail.
Le conseil de prud’hommes a pour sa part retenu que les demandes concernant les années 2013 à 2015 étaient prescrites et que le salarié ne rapportait pas la preuve d’être resté à la disposition de son employeur durant la période de janvier 2015 à novembre 2016, date de la liquidation judiciaire.
Il appartient à l’employeur de fournir le travail contractuellement prévu au salarié auquel il n’a jamais reproché un abandon de poste, qu’il n’a pas mis en demeure de reprendre le travail et à qui il n’a pas même reproché son absence et ce alors même qu’il était parfaitement informé de son intention de travailler par courrier du 12 janvier 2015.
L’employeur ou son représentant ne rapporte pas la preuve de ce que le salarié ne s’est pas tenu à sa disposition.
Faute de tout élément justifiant du paiement d’un salaire à M. [M] sur la période concernée par la demande, la cour retient en conséquence que les salaires sont dus en totalité sur la période considérée.
En conséquence, il sera accordé au salarié un rappel de salaire du 1er novembre 2014 au 23 novembre 2016 concernant 24 mois et 23 jours, soit la somme de 35 797, 98 euros, outre les congés payés afférents.
Sur la résiliation du contrat de travail
M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes le 12 juin 2015 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il sollicite que la date de la résiliation soit fixée au 23 novembre 2016, date de la liquidation judiciaire, ou à toute date qu’il plaira à la Cour.
Le juge peut, à la demande du salarié, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur lorsqu’il est établi que celui-ci a commis des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.
En l’espèce, M. [M] a formulé le 16 juin 2015 une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et a sollicité des indemnités de rupture, des dommages intérêts pour rupture abusive, des indemnités ainsi qu’un rappel de salaires ainsi que la décision du bureau de conciliation le précise.
En ne fournissant pas de travail au salarié pendant une longue période malgré une demande écrite formulée le 12 janvier 2015, l’employeur a commis un manquement à ses obligations dont la gravité ne permettait pas la poursuite de la relation contractuelle.
La cour confirme donc le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [M] aux torts exclusifs de l’employeur, dont la date d’effet sera fixée à la date de la décision qui la prononce, soit la date du jugement déféré, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que l’employeur ne démontre pas qu’à la date de la décision prononçant la résiliation judiciaire, le salarié ne se tenait plus à sa disposition.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse
La résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [M] est en droit de prétendre non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) mais également à des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société employait plus de onze salariés.
Comme sollicité, seront fixées au passif de la Sarl Agence de sécurité privée industrielle les sommes de 2890,82 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 289, 08 euros au titre des congés payés afférents, précision faite que ces sommes sont exprimées en brut ainsi que la somme de 1675, 41 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié, qui était employé dans une entreprise occupant habituellement plus de onze salariés peut prétendre en application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige à une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par le salarié, de son ancienneté au sein de l’entreprise et de sa capacité à retrouver un emploi, il apparaît au vu des pièces que le préjudice subi par le salariée du fait de la perte de son emploi sera par voie de confirmation du jugement fixé au passif de la société à la somme de 8672, 46 euros.
Compte tenu des développements qui précédent, la demande du salarié tendant à la remise de documents de fin de contrat conformes au présent arrêt sera accueillie dans les termes du dispositif.
Sur la garantie par l’AGS-CGEA d’Ile de France Est
L’Unedic AGS CGEA d’Ile de France Est invoque la non mobilisation de sa garantie des demandes visant des indemnités de rupture, citant la jurisprudence de la Cour de cassation qui a précisé que les créances résultant de la rupture des contrats de travail ne sont garanties qu’à la condition que cette rupture soit à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire, ce qui exclut toute prise en charge en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail et de demande de résiliation judiciaire.
Il résulte des dispositions de l’article L.3253-8 2° du Code du Travail, que l’ AGS garantit les créances résultant de la rupture des contrats de travail, si cette rupture intervient :
a) Pendant la période d’observation b) Dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession c) Dans les quinze jours ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de 1’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation.
Il en ressort de l’article L. 3253-8 du code du travail que les créances résultant de la rupture des contrats de travail ne sont garanties par l’AGS qu’à la condition que cette rupture intervienne, en cas de liquidation judiciaire, à l’initiative du mandataire liquidateur dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ou pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation.
En l’espèce la liquidation judiciaire de la société a été prononcée par jugement du 23 novembre 2016.
Or la cour retient que la rupture du contrat de travail, qui n’est pas à l’initiative des organes de la procédure, est fixée au 29 janvier 2020, soit bien au-delà de la date butoir de garantie de l’AGS pour obtenir paiement des indemnités de rupture.
Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la garantie de l’AGS. à la date retenue par le jugement à la demande du salarié, soit la date du prononcé de la liquidation judiciaire de la société au 23 novembre 2016.
Il convient toutefois pour les autres créances de dire le présent arrêt opposable à l’AGS-CGEA Ile de France Est et de rappeler que la garantie de l’AGS n’est due, toutes créances avancées pour le compte du salarié dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D. 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue de sa garantie à savoir les articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à L.3253-24 du code du travail.
Sur les demandes accessoires
Le sens de la présente décision commande de confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
L’AGS, partie perdante sera condamnée aux dépens d’appel et à verser à M. [M] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par l’AGS CGEA Ile de France Est ;
DÉBOUTE l’AGS -CEGEA Ile de France Est de sa demande de nullité du jugement ;
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a fixé la date de la résiliation au 23 novembre 2016, débouté M. [B] [M] de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, rappels de salaires de juin 2012 à novembre 2016 et au titre des congés payés afférents et dit le jugement opposable à l’AGS -CGEA Ile de France Est;
CONFIRME pour le surplus ;
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
FIXE la date de la résiliation judiciaire au 29 janvier 2020 ;
FIXE au passif de la SARL Agence de sécurité privée industrielle les sommes suivantes:
– 1.445, 41 euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
– 27 .581, 63 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 16 juin 2012 au mois d’octobre 2014 ;
– 2.758,16 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
– 35.797, 98 euros bruts à titre de rappels de salaire du mois de novembre 2014 au 23 novembre 2016 ;
– 3.579, 79 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
DÉCLARE inopposables à l’AGS CGEA d’Ile de France Est les dispositions du jugement confirmées par le présent arrêt relatives à l’indemnité de rupture abusive, à l’indemnité de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;
DIT que les autres sommes allouées à M. [B] [M] sont opposables à l’AGS CGEA d’Ile de France Est dans les limites de la garantie légale de l’AGS, laquelle est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte des salariés, à l’un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail ;
RAPPELLE qu’en application des dispositions de l’article 1.622-28 du code de commerce, le cours des intérêts a été interrompu à la date de l’ouverture de la procédure collective ;
CONDAMNE l’AGS-CGEA Ile de France Est à payer à M. [B] [M] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’AGS-CGEA Ile de France Est aux dépens d’appel ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La présidente.