RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/03342 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H4FF
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MENDE
20 novembre 2020
RG:19/00013
[K]
C/
S.A.R.L. SOCIETE NOUVELLE CAMPING COUDERC
Grosse délivrée le 14 MARS 2023 à :
– Me IVORRA
– Me LANOY
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 14 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MENDE en date du 20 Novembre 2020, N°19/00013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
Madame Leila REMILI, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 01 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [W] [K]
Chez Madame [V] – [Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Magali IVORRA de la SELARL IVORRA, ORTIGOSA LIAZ, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A.R.L. SOCIETE NOUVELLE CAMPING COUDERC Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [W] [K] a été engagée, avec son compagnon M. [M] [D], à compter du 26 avril 2011, suivant contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 31 août 2011, en qualité de femme de toutes mains au sein d’un camping par la SARL Nouvelle Camping Couderc (SNCC).
Mme [W] [K] a par la suite été recrutée par plusieurs contrats à durée déterminée au sein de la SARL SCNN :
– du 1er mars au 31 octobre 2012 et 2013 en qualité d’employée qualifiée,
– du 1er avril au 31 septembre 2014 à 2016, en qualité de directeur, statut cadre,
– du 1er mars au 30 novembre 2017 et 2018, en qualité directeur, statut cadre,
La convention collective applicable est celle de l’hôtellerie de plein air.
Par requête du 29 mars 2019, Mme [W] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Mende aux fins de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de condamnation de la SARL SCNN aux paiement de diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 20 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Mende a :
– requalifié la relation de travail, de Mme [W] [K], en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2017,
– condamné la SARL SCNN à payer à Mme [W] [K] les sommes suivantes :
– 3 311,97 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 1 324,79 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 9 935,91 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 9 935,91 euros au titre des salaires de décembre 2017, janvier et février 2018,
– 993,59 euros au titre des congés payés afférents,
– ordonné à l’employeur de délivrer les documents légaux liés au versement de ces
salaires,
– débouté Mme [W] [K] du surplus de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu a application de 1’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SARL SCNN aux entiers dépens de l’instance.
Par acte du 17 décembre 2020 (RG n°20 03342), Mme [W] [K] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par acte du 24 décembre 2020 (RG n°20 03462), la SARL SCNN a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 janvier 2023 (RG n°20 03342), Mme [W] [K] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il requalifie la relation de travail de Mme [W] [K] en contrat à durée indéterminée, et en ce qu’il condamne la société SNCC à lui verser les sommes suivantes :
– 3 311,97 euros nets au titre de l’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminé,
– 9 935,91 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 993,59 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 9 935,91 euros au titre des salaires de décembre 2017 à février 2018 outre 993,59 au titre des congés payés afférents,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes pour le surplus, statuant à nouveau,
– juger que l’ancienneté de Mme [W] [K] doit être retenue à compter du 1er mars 2012,
– requalifier la relation de travail entre Mme [W] [K] et la société SNCC en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012,
– juger que Mme [W] [K] a accompli des heures des travail au-delà de sa période d’emploi en contrat à durée déterminée qui ne lui ont pas été rémunérées, par conséquent, condamner la société SNCC à lui verser les sommes suivantes :
– 3 910,23 euros bruts au titre des heures de travail non rémunérées de janvier à mars 2016, outre 391,02 euros bruts de congés payés afférents,
– 1 512 euros bruts au titre des heures de travail non rémunérées de janvier à février 2017, outre 151,20 euros bruts de congés payés afférents,
– 1 858,50 euros bruts au titre des heures de travail non rémunérées de janvier à février 2018, outre 185,85 euros bruts de congés payés afférents,
– juger que Mme [W] [K] a réalisé des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été intégralement rémunérées,
– juger que la société SNCC n’a pas respecté les repos compensateurs dus à Mme [W] [K],
– condamner la société SNCC à verser à Mme [W] [K] les sommes suivantes :
– 5 464,75 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement
– 26 495,76 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– 33 884,22 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées sur l’année 2016, outre 3 388,42 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 9 753,87 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées sur l’année 2017, outre 973,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 10 037,37 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées sur l’année 2018, outre 1003,73 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 19 377,67 euros bruts au titre des repos compensateurs dus sur l’année 2016, outre 1 937,76 euros euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 6 498,87 euros bruts au titre des repos compensateurs dus sur l’année 2017, outre 649,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 6 782,37 euros bruts au titre des repos compensateurs dus sur l’année 2018, outre 678,23 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– juger que l’employeur est coupable de l’infraction de travail dissimulé et par conséquent,
– condamner la société SNCC à verser à Mme [W] [K] la somme de 19 110,42 euros nets,
– juger que l’employeur a injustement décompté des congés payés à Mme [W] [K], qui auraient dû être rémunérés en temps de travail effectif, par conséquent condamner la société SNCC à lui verser la somme de 4 116 euros bruts, outre 411,60 euros bruts de congés payés afférents,
– juger que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, condamner la société SNCC à verser à Mme [W] [K] la somme de 7 000 euros nets au titre de la violation de l’obligation de sécurité,
– ordonner la transmission du dossier au procureur de la république conformément à l’article 40 du code de procédure pénale,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il déboute Mme [W] [K] de ses demandes au titre de l’article 700, et par conséquent condamner la société SNCC à verser à Mme [W] [K] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 janvier 2023 (RG n°20 03462), Mme [W] [K] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Mende du 20 novembre 2020, en ce qu’il a :
– requalifié la relation de travail de Mme [W] [K] en contrat à durée
indéterminée,
– Mme [W] [K] ayant contesté la date de début dans son appel,
– condamné la SARL SCNN à payer à Mme [W] [K] :
– 3 311,97 euros au titre de l’indemnité de requalification,
– une indemnité de licenciement,
– dont le quantum est discuté dans le cadre de l’appel de Mme [W] [K],
– 9 935,51 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 9 935,51 euros au titre des rappels de salaires de décembre 2017, janvier et février 2018
– 993,59 euros au titre des congés payés afférents,
– ordonné à l’employeur de délivrer les documents légaux liés au versement
de ces salaires,
– condamné la société SNCC au entiers dépense de l’instance,
En conséquence,
– débouter la société SNCC de l’ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :
– condamner la société SNCC à verser à Mme [W] [K] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– mettre à la charge de la société SNCC les entiers dépens de la procédure.
Mme [W] [K] soutient que :
– la prescription ne commence de courir qu’à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée et l’ancienneté remonte au premier,
– de 2012 à 2016 elle a exercé son activité sur toute l’année et non sur le seules périodes couvertes par les contrats à durée déterminée saisonniers,
– de 2017 à 2018 elle a été recrutée pour surcroît d’activité alors qu’elle exerçait ses fonctions de directrice toute l’année,
– la rupture des relations s’analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
– elle a travaillé 1h30/ jour du 11 janvier au 31 mars 2016, du12 janvier au 28 février 2017 et du 1er janvier au 28 février 2017, elle verse aux débats un tableau récapitulatif des heures de travail qu’elle a accomplies d’où apparaît de nombreuses heures supplémentaires non payées, ce tableau est corroboré par les attestations produites,
– l’employeur s’est rendu coupable d’agissements de travail dissimulé dans la mesure où il s’est délibérément abstenu de déclarer les heures supplémentaires accomplies par ses salariés,
– l’employeur lui a décompté des congés payés non pris,
– l’employeur a manqué à son obligation de préserver la santé et la sécurité de son salarié dès lors qu’elle n’a bénéficié d’aucun repos hebdomadaire pendant toute la durée de son contrat de travail.
En l’état de ses dernières écritures en date du 24 janvier 2023, contenant appel incident, la SARL SCNN a demandé de :
– réformer le jugement attaqué en ce qu’il a :
– requalifié la relation de travail, de Mme [W] [K], en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2017,
– condamné la SARL SCNN, à payer à Mme [W] [K] les sommes suivantes :
– 3.311,97 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 1.324,79 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 9.935,91 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 9.935,91 euros au titre des salaires de décembre 2017, janvier et février 2018,
– 993,59 euros au titre des congés payés afférents,
– ordonné à l’employeur de délivrer les documents légaux liés au versement de ces salaires,
– condamné la SARL SCNN aux entiers dépens de l’instance,
En conséquence,
– débouter Mme [W] [K] de l’ensemble de ses demandes injustifiées et manifestement excessives,
Statuant à nouveau,
Il est demandé à la cour de :
– condamner Mme [W] [K] au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel,
– mettre à sa charge les entiers dépens de la présente instance.
La SARL SCNN fait valoir que :
– non seulement Mme [K] est forclose pour les demandes qu’elle formule au titre des années 2016 et 2017 mais, en tout état de cause, elle ne produit aucun élément permettant d’étayer ses demandes conformément aux dispositions légales et à la jurisprudence en vigueur, en outre elle était déclarée comme demandeur d’emploi durant les périodes où elle soutient avoir travaillé sans aucun contrat de travail,
– elle conteste les manquements reprochés,
– son activité est par essence saisonnière ce qui explique le recours à des contrats à durée déterminée,
– pour les périodes interstitielles, la salariée ne démontre pas qu’elle se tenait à la disposition de son employeur.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 18 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 janvier 2023 à 16 heures et, par ordonnance du 14 octobre 2022, a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 1er février 2023 ( dossier n° 20 03342).
Par ordonnance du 20 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 31 janvier 2023 à 16 heures et l’examen de l’affaire a été appelé à l’audience du 1er février 2023 ( dossier n° 20 3462).
Par conclusions du 24 janvier 2023 ( dossier n°20 03462) la SARL Société Nouvelle Camping Couderc demande à la Cour de :
– rejeter les dernières conclusions notifiées par Mme [K] le 23 janvier 2023
– mettre les dépens à la charge de Mme [K].
MOTIFS
Il apparaît dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction de l’affaire enregistrée sous le n° RG n°20 03462 au dossier enregistré sous le n° RG n°20 03342.
Sur la demande de rejet des conclusions notifiées le 23 janvier 2023 par Mme [K]
Mme [K] a notifié ses dernières conclusions le 23 janvier 2023, soit avant la clôture fixée au 31 janvier 2023, et par conclusions du 24 janvier 2023 la société appelante en demande le rejet.
Or d’une part ces conclusions sont intervenues sept jours avant la clôture (dossier n° 20 3462), d’autre part ces conclusions ne développent aucune argumentation nouvelle et ne contiennent que des captures d’écran de pièces déjà communiquées.
Ces conclusions ne sont donc pas de nature à porter atteinte au principe de la contradiction.
Il n’y a pas lieu dans ces conditions de rejeter les écritures prises le 23 janvier 2023 par Mme [K].
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
– Sur la prescription :
Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier. Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.
En l’espèce, la relation entre les parties a pris fin le 30 novembre 2018, le conseil de prud’hommes a été saisi le 29 mars 2019, la demande n’est pas prescrite.
– sur les contrats saisonniers :
Le caractère saisonnier d’un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
Tel est le cas d’un camping en région touristique comme en l’espèce.
Pour la période de 2012 à 2016, Mme [K] a été recrutée par le biais de contrats de travail
saisonniers à temps complet.
Elle soutient qu’elle a en réalité travaillé hors des périodes couvertes par ces contrats.
Elle produit un courriel du 10 mars 2011 de l’employeur rédigé en ces termes : « Vous travaillerez 169 jours par an, plus le temps passé dans l’année pour prendre de là où vous résiderez en hiver les réservations et préparer la saison (petits travaux, préparation de la saison, relations prestataires du camping) que l’on peut estimer en gros à 1h par jour sur 3 mois hors période d’ouverture du camping ». L’employeur faisait état d’un forfait en jours contrairement aux mentions figurant sur le contrat de travail.
Dans un courriel du 19 octobre 2011 l’employeur écrivait «Les travaux du camping hors saison : ramassage de feuilles, travaux d’entretien (peinture, petits aménagements divers) seront à faire dans le cadre de la rémunération annuelle convenue entre nous».
Mme [K] verse des échanges de courriels hors saison révélant une activité de sa part pour le compte de l’entreprise soit en effectuant des réservations, soit en intervenant sur le site internet de la société.
Toutefois ces éléments très partiels ne permettent pas de caractériser une activité salariée pour toute la période hors contrat et certainement pas à temps plein. D’une part, le courriel du 10 mars 2011 est antérieur à la conclusion du premier contrat ( 26 avril 2011) et ne reflète donc pas un engagement ferme de l’employeur. D’autre part, les deux courriels produits par la salariée des 10 et 28 janvier 2018 ne concernent pas la période 2012/2016.
La salariée échoue à établir une activité salariée hors la période couverte par le contrat saisonnier régulier signé des parties.
– sur les contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité :
Pour la période de 2017 et 2018, Mme [K] a été recrutée par le biais de contrats à durée déterminée pour surcroîts temporaires d’activité pour une période allant du 1er mars à la fin du mois novembre.
Il a été rappelé plus avant que l’activité consistant à exploiter un camping présente un aspect saisonnier. Il en résulte un accroissement d’activité durant la période saisonnière justifiant le recours à un contrat à durée déterminée.
Au demeurant, pour contester la pertinence de ce motif de recours, Mme [K] fait valoir que «le motif de surcroît temporaire d’activité invoqué dans les contrats … n’est absolument pas justifié dans la mesure où il a déjà été précédemment démontré [qu’elle] était embauchée afin de pourvoir un poste lié à l’activité permanente de l’entreprise» ce qui, précisément, n’a pas été retenu par la cour.
En outre, Mme [K] était déclarée comme demandeur d’emploi auprès de Pôle emploi durant les périodes d’inactivité et c’est par pures affirmations qu’elle prétend que « Monsieur [U] a utilisé le fait que Madame [K] et Monsieur [D] se trouvaient indemnisés par pôle emploi, pour solliciter leurs services hors saison sans avoir à les rémunérer puisqu’ils étaient indemnisés par pôle emploi.»
Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la requalification des contrats litigieux.
Sur la rupture de la relation de travail
Dès lors que la relation de travail a pris fin par la survenance du terme stipulé au contrat à durée déterminée, la salariée ne peut prétendre à aucune indemnisation.
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
À défaut d’éléments probants fournis par l’employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié
Après analyses des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.
Pour les périodes hors contrat il a été constaté que Mme [K] ne rapportait pas la preuve d’une activité rémunérée.
– Sur la forclusion :
L’employeur excipe de la signature d’un solde de tout compte pour opposer à Mme [K] la forclusion de l’article L.1234-20 du code du travail.
Or le reçu pour solde de tout compte n’a d’effet libératoire pour l’employeur que pour les sommes qu’il mentionne.
Le solde de tout compte signé des parties pour la dernière période de travail ne comporte aucune précision concernant les heures supplémentaires.
Par contre le solde de tout compte pour la période expirant en novembre 2017 fait état d’heures supplémentaires majorées à hauteur de 15% pour un montant de 1.086,75 euros, soit l’équivalent d’environ 45 heures supplémentaires. Mme [K] n’ayant pas contesté la sincérité de ces mentions dans un délai de six mois se trouve forclose.
Pour le surplus, Mme [K] verse aux débats des agendas complétés, un décompte des heures supplémentaires qu’elle prétend avoir accomplies, des attestations d’autres salariés ou de clients confirmant les grandes amplitudes horaires réalisées, ces éléments étant suffisamment précis pour permettre à l’employeur, chargé du contrôle des horaires effectués, d’apporter ses propres éléments.
Or la société SNCC se borne de manière parfaitement inopérante à critiquer la valeur et la pertinence des pièces et témoignages produits par la salariée sans verser au débat le moindre élément probant.
Il convient donc de retenir que Mme [K] a effectué 881 heures supplémentaires en 2016 et 400,5 heures supplémentaires en 2018 soit :
– 33 884,22 euros au titre des heures supplémentaires pour 2016
– 3 388,42 euros au titre des congés payés afférents
– 10 037,37 euros au titre des heures supplémentaires pour 2018
– 1 003,73 euros au titre des congés payés afférents
Mme [K] rappelle que conformément à la Convention Collective de l’hôtellerie de plein air, elle est fondée à réclamer la rémunération des repos compensateurs sur les heures accomplies au-delà du contingent annuel de 180 heures de la manière suivante :
– 50% pour les heures de 130 à 180 heures
– 100% pour les heures accomplies au-delà du contingent annuel de 180 heures.
Elle est en droit de prétendre au paiement des sommes suivantes :
2016 :
– 19.377,67 euros au titre des repos compensateurs
– 1.937,76 euros au titre des congés payés afférents
2018 :
– 6.782,37 euros au titre des repos compensateurs
– 678,23 euros au titre des congés payés afférents
Sur l’existence d’un travail dissimulé
La dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 8221-5 du code du travail n’est caractérisée que si l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Pour allouer au salarié cette indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
L’élément moral de l’infraction peut résulter de ce que l’employeur n’a pu ignorer l’amplitude du travail des salariés en raison des moyens de contrôle du temps de travail existant dans l’entreprise.
Il n’est pas caractérisé en l’espèce une intention de se soustraire au paiement des heures supplémentaires dont la salariée n’a pas sollicité le paiement.
Mme [K] se réfère en outre à un courriel du 10 mars 2011 dans lequel l’employeur évoque la possibilité de verser une partie de la rémunération en liquide sans qu’il soit établi que cela se soit effectivement réalisé.
La demande est en voie de rejet.
Sur les congés décomptés et non pris
Mme [K] relève qu’alors même qu’elle n’a pris aucun congé durant ses périodes de travail, son employeur lui a décompté des congés payés comme en attestent ses bulletins de paie.
Elle soutient que ces périodes ne correspondent pas à des périodes de congés mais bien à du temps de travail effectif et sollicite le paiement de la somme de 4.116 euros au titre des congés payés injustement décomptés pour les années de 2016 à 2018 outre 411,60 euros au titre des congés payés afférents.
Elle ajoute qu’elle n’a jamais signé de solde de tout compte pour l’année 2018, en sorte qu’elle ne peut être déclarée forclose en sa demande.
Or, outre qu’elle a signé un solde de tout compte en 2016 et 2017 qu’elle n’a pas dénoncé, Mme [K] n’a jamais émis de protestation à la délivrance de ses bulletins de paie et elle ne verse aucun document de nature à établir qu’elle n’aurait pas effectivement pris les jours de congés décomptés, la mention portée sur les bulletins de paie opérant une présomption que la salariée ne parvient pas à renverser.
Sa demande est en voie de rejet.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur
Au visa de l’article L. 4121-1 du code du travail selon lequel l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l’établissement, y compris les travailleurs temporaires, Mme [K] sollicite le paiement de la somme de 7 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité.
L’article 6.2.3 de la Convention Collective prévoit que « Le recours aux heures supplémentaires,
quelles qu’elles soient, est limité par deux séries de durées, conformément aux dispositions légales en vigueur.
La durée maximale hebdomadaire absolue sur une semaine est de 48 heures pour le personnel
sans équivalence »
L’article 6.2.1 de cette même convention prévoit que le temps de repos entre deux jours de travail
est fixé pour l’ensemble du personnel à 11 heures consécutives.
Mme [K] soutient qu’elle n’a bénéficié d’aucun repos hebdomadaire pendant toute la durée de son contrat de travail, qu’elle ne bénéficiait d’aucun jour de repos et travaillait 7 jours sur 7, que l’employeur a violé la règle de l’interdiction absolue de dépasser la durée hebdomadaire de travail de 48 heures, que, sur certaines périodes, elle ne bénéficiait d’aucune pause quotidienne.
Ainsi en juillet 2016, elle effectuait 8h ‘ 22h tous les jours, de même qu’en juillet et août 2017, ainsi qu’en juillet et août 2018.
Il appartient à l’employeur débiteur de l’obligation de rapporter la preuve qu’il a permis à la salariée de profiter de ses temps de pause et de repos.
Le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire cause nécessairement au salarié un préjudice qu’il appartient aux juges du fond de réparer.
En l’absence de tout élément produit par la société SNCC, il y a lieu d’allouer à Mme [K] la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SARL Nouvelle Camping Couderc (SNCC) à payer à Mme [K] la somme de 3.000,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Ordonne la jonction de l’affaire enregistrée sous le n° RG n°20 03462 au dossier enregistré sous le n° RG n°20 03342,
Dit n’y avoir lieu de rejeter les écritures notifiées le 23 janvier 2023 par Mme [K],
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la SARL Nouvelle Camping Couderc aux entiers dépens de l’instance,
Statuant à nouveau,
Condamne la SARL Société Nouvelle Camping Couderc à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
– 33 884,22 euros au titre des heures supplémentaires pour 2016 et 3 388,42 euros au titre des congés payés afférents
– 10 037,37 euros au titre des heures supplémentaires pour 2018 et 1 003,73 euros au titre des congés payés afférents
– 19.377,67 euros au titre des repos compensateurs pour 2016 et 1.937,76 euros au titre des congés payés afférents
– 6.782,37 euros au titre des repos compensateurs pour 2018 et 678,23 euros au titre des congés payés afférents
– 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité,
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s’agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Déboute Mme [K] de toutes ses autres prétentions,
Condamne la SARL Nouvelle Camping Couderc à payer à Mme [K] la somme de 3.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Nouvelle Camping Couderc aux dépens d’appel.
Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT