CDD pour accroissement d’activité : décision du 14 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03152
CDD pour accroissement d’activité : décision du 14 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03152

EP/KG

MINUTE N° 23/264

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 14 Mars 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03152

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUAD

Décision déférée à la Cour : 15 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANTE :

S.A.R.L. AMBULANCES BERTRAND

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Yasmine HANK, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIME :

Monsieur [Z] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Nathalie HOFFMANN-EBLIN, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Z] [H] a été embauché par la société Ambulances Bertrand en qualité d’ambulancier, par contrat à durée déterminée pour la période du 28 octobre 2019 au 29 avril 2020, au motif d’accroissement temporaire d’activité, et, ce, en contrepartie d’un salaire mensuel brut de 1 698 euros pour une durée mensuelle de travail de 151, 67 heures.

Suite au confinement national, le contrat de travail liant les parties a été rompu, par l’employeur, le 20 mars 2020, verbalement, les documents de fin de contrat, remis postérieurement faisant état d’une rupture pour force majeure ou fait du prince.

Par requête du 4 septembre 2020, Monsieur [Z] [H] a saisi le Conseil de prud’hommes de Colmar, section commerce, aux fins, à titre principal, de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, aux fins d’indemnisation pour requalification du contrat, licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour procédure irrégulière, compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, et indemnité de précarité.

Par jugement du 15 juin 2021, ledit Conseil de prud’hommes a :

– dit et jugé que le contrat de travail à durée déterminée conclue entre les parties doit être requalifié en contrat à durée indéterminée,

– dit et jugé que la rupture de ce contrat est intervenue de manière irrégulière et sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la Sarl Ambulances Bertrand à verser à Monsieur [H] les sommes

de :

* 1 923,50 euros au titre de l’indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

* 888,45 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et 88,84 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 1 189 euros nets au titre de l’indemnité de précarité.

ces sommes avec les intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2020, date de réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation,

* 1 923,50 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné Monsieur [Z] [H] à rembourser à la Sarl Ambulances Bertrand la somme de 1 500 euros nets au titre du remboursement de trop-perçu, cette somme pouvant être compensée avec les condamnations de la partie défenderesse prononcée dans le présent jugement,

– rappelé les conditions de l’exécution provisoire de droit et ordonné l’exécution provisoire pour le surplus,

– autorisé la Sarl Ambulances Bertrand à consigner les sommes dues au titre de l’exécution provisoire sur le compte Carpa jusqu’à la décision définitive,

– débouté la Sarl Ambulances Bertrand du surplus de ses demandes reconventionnelles ( alors qu’il n’y avait en sus que la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile),

– condamné la Sarl aux dépens.

Par déclaration du 7 juillet 2021, la Sarl Ambulances Bertrand a interjeté appel limité aux dispositions la condamnant et rejetant le surplus de ses demandes reconventionnelles.

Par écritures transmises par voie électronique le 5 octobre 2021, la Sarl Ambulances Bertrand sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ses dispositions sur la requalification du contrat, sur la rupture constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et sur sa condamnation à payer à Monsieur [H] les sommes au titre d’une indemnité de requalification, d’une indemnité compensatrice de préavis, avec congés payés y afférents, d’une indemnité de précarité, des dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et que la Cour, statuant à nouveau, déboute Monsieur [H] de toutes ses prétentions et le condamne à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Subsidiairement, elle sollicite la réduction des montants sollicités à plus justes proportions.

Elle demande, en tout état de cause, la confirmation du jugement en ses dispositions sur sa demande reconventionnelle.

Par écritures transmises par voie électronique le 4 janvier 2022, Monsieur [Z] [H], qui a formé un appel incident, sollicite :

– l’infirmation du jugement entrepris en ce que sa demande d’indemnité pour irrégularité de procédure a été rejetée, sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce que la Sarl Ambulances Bertrand a été autorisée à consigner les sommes dues au titre de l’exécution provisoire de droit,

et que la Cour statuant, à nouveau, condamne la Sarl Ambulances Bertrand à lui payer la somme de :

* 1 923, 50 euros au titre de l’irrégularité de procédure de licenciement,

* 3 847 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– la confirmation du jugement entrepris pour le surplus,

– la condamnation de la Sarl Ambulances Bertrand à lui payer la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 13 décembre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Liminaire

Ni la déclaration d’appel, ni l’appel incident ne remettent en cause la condamnation de Monsieur [Z] [H] à payer la somme de 1 500 euros nets, au titre de la répétition d’un indu, et la compensation avec les sommes dues par la Sarl Ambulances Bertrand, de telle sorte que les dispositions, à ces titres, sont définitives.

I. Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Selon l’article L 1241-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Selon l’article L 1242-2 du même code, sous réserve des dispositions de l’article L 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants, notamment, 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

En l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée, signé le 28 octobre 2019, stipule qu’il a été conclu pour faire face à un accroissement temporaire d’activité, notamment lié à une variation de la charge d’activité sur la période concernée, soit du 28 octobre 2019 au 29 avril 2020 inclus.

Toutefois, le graphique, établi par l’employeur (pièce n°9 de ce dernier), relatif à la comparaison  » volumes transports 2019-2020  » ne fait pas apparaître un accroissement d’activité sur la période du 28 octobre 2019 à mars 2020 (début de la période de confinement à compter du 17, à partir duquel le volume s’effondre), le volume étant en baisse entre octobre et décembre 2019.

L’augmentation d’activité se constate uniquement sur le mois de janvier 2020, le volume étant, par ailleurs, similaire à celui de janvier 2019 (1 654 pour 1 650 en 2019), ce qui démontre une activité pratiquement identique lors de ce mois par rapport à l’année précédente.

Par ailleurs, comme relevé à juste titre par les premiers juges, le registre unique du personnel fait apparaître que Monsieur [M] [I], qui occupait un poste d’ambulancier, et non de simple chauffeur taxi, selon contrat à durée indéterminée, à temps complet, depuis le 1er mai 2019, est sorti des effectifs le 29 septembre 2019.

Postérieurement, l’employeur a embauché Madame [T] [R], selon contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 4 mai 2020, sur un poste identique d’ambulancier.

Ces 2 salariés disposaient des mêmes qualifications que Monsieur [H] (E2/GB).

Il en résulte, dès lors, clairement que l’embauche de Monsieur [H], selon contrat à durée déterminée, avait pour but de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

II. Sur la rupture du contrat de travail

Selon l’article L 1234-12 du code du travail, la cessation de l’entreprise pour cas de force majeure libère l’employeur de l’obligation de respecter le préavis et de verser l’indemnité de licenciement prévue à l’article L 1234-9.

Selon l’article 1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

Pour justifier la rupture du contrat pour force majeure, l’employeur soutient que le confinement a fait perdre à l’entreprise une grande partie des réservations de transport de malades, et que le gouvernement a tranché la question de la reconnaissance de la force majeure dans le cadre du coronavirus, selon déclaration du 28 février 2020 du ministre de l’économie.

D’une part, aucune disposition réglementaire ou légale, spéciale, n’a retenu la période de confinement, due aux mesures prises pour lutter contre la pandémie Covid 19, comme cas de force majeure permettant de rompre les contrats à durée indéterminée.

D’autre part, l’événement, invoqué par l’employeur, pour rompre le contrat de travail, ne présentait pas de caractère irrésistible rendant impossible la poursuite du contrat de travail du salarié.

De ses propres écritures et de sa pièce n°9, sur le volume des transports, l’entreprise n’a pas cessé son activité, même provisoirement, alors que, par ailleurs, la période de confinement était une mesure, restrictive de libertés, nécessairement provisoire, de telle sorte que la rupture du contrat de travail, à durée indéterminée, en tout état de cause et quelque soit sa forme, s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, en l’absence de lettre de licenciement motivée, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, en l’absence de respect de toute procédure de licenciement, il existe également un vice de procédure.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit la rupture intervenue de manière irrégulière et sans cause réelle et sérieuse.

III. Sur les indemnisations

Le salaire mensuel brut de référence, sur les 3 derniers mois, s’élève à la somme de 1 923, 50 euros.

A. Sur l’indemnisation de requalification

En application de l’article L 1245-2 du code du travail, le salarié a droit à une indemnité ne pouvant être inférieure à 1 mois de salaire brut, dès lors le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur, à ce titre, à la somme de 1 923, 50 euros bruts.

B. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au regard de l’âge du salarié, né le 4 août 1975, de son ancienneté, alors de moins de 5 mois, des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, le Conseil de prud’hommes a fait une juste évaluation du préjudice de Monsieur [Z] [H], en condamnant l’employeur à payer des dommages et intérêts, à ce titre, correspondant à 1 mois de salaire brut, soit au maximum légal.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

C. Sur l’indemnité pour vice de procédure

Selon l’article L 1235-2 du code du travail, alinéa 4 et 5, en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3.

L’indemnité pour vice de procédure n’est cependant pas cumulable avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, quelque soit l’ancienneté du salarié.

En conséquence, le jugement sera complété en ce qu’il a été omis de statuer au dispositif du jugement, la demande d’indemnisation, à ce titre, étant rejetée.

D. Sur l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents

Le Conseil de prud’hommes a fait une juste application de l’article L 1234-5 du code du travail, applicable en Alsace-Moselle, en condamnant l’employeur à une indemnité équivalente à 15 jours, la rémunération de Monsieur [Z] [H] étant fixée par mois, outre aux congés payés y afférents.

E. Sur l’indemnité de précarité

Selon l’article L 1243-8 du code du travail, l’indemnité de précarité, qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification d’un contrat à durée déterminée (Cass. Soc. 25 novembre 2020 n°19-20.949).

En conséquence, le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande d’indemnité, à ce titre, sera infirmé, et Monsieur [Z] [H] débouté de cette demande.

IV. Sur la consignation des sommes dues au titre de l’exécution provisoire de droit

Les articles R 1454-28 et R 1454-14 du code du travail, sur l’exécution provisoire de droit, sont des dispositions spéciales dérogeant aux dispositions générales que constituent les articles 514-1 et suivants du code de procédure civile, de telle sorte que le Conseil de prud’hommes n’avait pas le pouvoir d’ordonner la consignation des fonds, sur le compte Carpa de Me Hank, conseil de l’employeur, pour s’opposer à l’exécution provisoire de droit, en usant, de façon implicite et non équivoque, des dispositions de l’article 521 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef, étant relevé que l’appel incident ne porte pas sur la consignation des sommes, jusqu’à décision définitive, pour lesquelles l’exécution provisoire a été ordonnée, de telle sorte que seule la demande de la Sarl Ambulances Bertrand de consignation des sommes au titre de l’exécution provisoire de droit sera rejetée.

V. Sur les demandes annexes

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la Sarl Ambulances Bertrand qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel.

En application de l’article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à Monsieur [Z] [H] la somme de 2 000 euros.

La demande, de la Sarl Ambulances Bertrand, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.

Les dispositions du jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du 15 juin 2021 du Conseil de prud’hommes de Colmar SAUF en ce qu’il a :

– condamné la Sarl Ambulances Bertrand au paiement d’une indemnité de précarité,

– ordonné la consignation des sommes revêtues de l’exécution provisoire de droit sur le compte Carpa de Me Hank jusqu’à la décision définitive ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [Z] [H] de sa demande d’indemnisation pour irrégularité de procédure de licenciement ;

DEBOUTE Monsieur [Z] [H] de sa demande d’indemnité de précarité ;

DEBOUTE la Sarl Ambulances Bertrand de sa demande de consignation des sommes dues à Monsieur [Z] [H] au titre de l’exécution provisoire de droit ;

CONDAMNE la Sarl Ambulances Bertrand à payer à Monsieur [Z] [H] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Sarl Ambulances Bertrand de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sarl Ambulances Bertrand aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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