CDD pour accroissement d’activité : décision du 13 septembre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/00382
CDD pour accroissement d’activité : décision du 13 septembre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/00382

13 SEPTEMBRE 2022

Arrêt n°

CV/NB/NS

Dossier N° RG 20/00382 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FL7K

[E] [R]

/

S.A.R.L. [G] FILS

Arrêt rendu ce TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [E] [R]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Christophe BRINGER de la SCP AIMONETTI BLANC BRINGER MAZARS, avocat au barreau d’AVEYRON, avocat plaidant

APPELANT

ET :

S.A.R.L. [G] FILS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Vincent VINOT de la SELARL SYNAPSE AVOCATS, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

INTIMEE

Après avoir entendu, Mme VICARD, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 02 mai 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé le 05 juillet 2022, par mise à disposition au greffe, date à laquelle les parties ont été informées que la date de ce prononcé était prorogée au 13 septembre 2022 conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL [G] & FILS est une entreprise familiale spécialisée dans le secteur d’activité des transports routiers réguliers de voyageurs dont le siège social est situé à [Localité 4]

M. [E] [R] a été engagé en qualité de conducteur routier par la SARL [G] & FILS le 21 juillet 2013 suivant deux contrats successifs à durée déterminée conclus pour accroissement temporaire d’activité, puis remplacement d’un salarié absent, respectivement du 23 juillet au 30 novembre 2013, puis du 1er décembre 2013 au 28 février 2014.

A compter du 1er mars 2014, la relation de travail, régie par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, s’est poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Par courriers recommandés des 10 juin et 23 juillet 2014, la SARL [G] & FILS a notifié à M. [R] deux avertissements successifs sanctionnant des dépassements de la vitesse autorisée.

Le 15 septembre 2014, après un entretien préalable à sanction disciplinaire, l’employeur a infligé à M. [R] une mise à pied de deux jours pour de nouveaux excès de vitesse.

Par courrier recommandé du 28 octobre 2014, M. [R] a été licencié pour faute grave.

Le 20 janvier 2015, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes du Puy- en- Velay en annulation des sanctions disciplinaires, contestation de son licenciement et paiement de diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 23 janvier 2020, le conseil de prud’hommes du Puy- en- Velay a :

– dit que les avertissements des 10 juin et 23 juillet 2014 sont réguliers et justifiés ;

– dit que la mise à pied disciplinaire du 15 septembre 2014 est régulière et justifiée ;

– dit que le licenciement pour faute grave de M. [R] est régulier et justifié ;

– dit que M. [R] a été rempli de l’ensemble de ses droits par la SARL [G] & FILS;

– débouté en conséquence M. [R] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné M. [R] à payer la somme de 100 euros à la SARL [G] & FILS ;

– condamné M. [R] aux dépens de l’instance et d’exécution.

Le 25 février 2020, M. [R] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 31 janvier 2020.

La procédure d’appel a été clôturée le 4 avril 2022 et l’affaire appelée à l’audience de la chambre sociale du 02 mai 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 octobre 2020, M. [R] conclut à l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– prononcer l’annulation des deux avertissements des 10 juin et 23 juillet 2014 ;

– prononcer l’annulation de la mise à pied disciplinaire et condamner la SARL [G] & FILS à un rappel de salaire pour les 2 jours retenus sur la paie ;

– juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL [G] & FILS à rembourser le montant des salaires retenus au titre de la mise à pied conservatoire;

– condamner la SARL [G] & FILS à lui payer les sommes suivantes :

* 1.821,35 euros à titre d’indemnité de requalification CDD en CDI,

* 2.992,14 euros à titre de rappel de salaire (requalification à temps plein), outre 299,21 euros au titre des congés payés afférents;

* 49,35 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 4,94 euros au titre des congés payés afférents;

* 1.016,07 euros en indemnisation des coupures, outre 101,61 euros au titre des congés payés afférents;

* 302,35 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos;

* 9.500 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

* 2.435,25 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 243,52 euros au titre des congés payés afférents,

* 608,81 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 14.611,50 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;

* 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens.

M. [R] soutient tout d’abord que les contrats initiaux à durée déterminée doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée; que s’agissant du premier CDD, la preuve de l’accroissement temporaire d’activité n’est pas rapportée par l’employeur; qu’en réalité, il pourvoyait un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise; que le second contrat à durée déterminée, conclu sans respect du délai de carence, ne précisait pas le nom et la qualification de la personne remplacée.

Il sollicite également la requalification de ces contrats en temps plein, en ce qu’il n’a jamais eu connaissance ni dans le contrat, ni dans un planning mensuel, de la répartition des jours travaillés dans la semaine et dans le mois; qu’il était ainsi placé dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail; qu’en outre, la durée de travail a été portée pendant les mois d’août et novembre 2013 au- delà de la durée d’un temps plein de 35 heures hebdomadaires.

Il fait ensuite valoir que les indemnités pour les temps de coupure ne lui ont pas toutes été versées, de même que la totalité des heures supplémentaires effectuées ne lui a pas été réglée; que contrairement à ce que soutient l’employeur, le décompte du temps de travail à la quatorzaine n’était pas appliqué dans l’entreprise; qu’enfin, il n’a pas été rempli de la totalité de ses droits à contrepartie obligatoire en repos.

Il soutient que l’employeur a modifié à plusieurs reprises et à son insu les données enregistrées par le chronotachygraphe de façon à minorer les heures effectuées; que cette modification unilatérale et illicite par l’employeur du temps de travail effectif a été également constatée par l’inspectrice du travail lors d’un contrôle; que de tels agissements caractérisent l’infraction de travail dissimulé.

Il ajoute que la mise au jour des pratiques illicites de la SARL [G] ET FILS n’a pas été sans conséquences pour lui et ses collègues; qu’il a ainsi été victime de représailles de la part de l’employeur qui l’a sanctionné à plusieurs reprises pour cette unique raison et dans le but d’obtenir son départ; que l’employeur ayant détourné son pouvoir disciplinaire, les avertissements des 10 juin et 23 juillet 2014 doivent être annulés de même que la mise à pied disciplinaire.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 31 juillet 2020, la SARL [G] & FILS conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, au débouté de M. [R] en toutes ses demandes ainsi qu’à sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée soutient tout d’abord que le recours aux contrats à durée déterminée était justifié par l’accroissement d’activité et l’absence d’un salarié, dont la preuve est rapportée.

Elle objecte ensuite, s’agissant de la requalification des CDD à temps partiel en temps plein, que M. [R] était affecté sur des lignes régulières, de sorte que ses plannings horaires étaient connus à l’avance; que son planning variait en fonction de ses propres disponibilités, puisqu’il avait une autre activité auprès de la société [B] VOYAGES.

Concernant l’indemnisation des coupures et des heures supplémentaires, elle fait valoir que le salarié bénéficiait d’une rémunération forfaitaire incluant 17,33 heures supplémentaires ainsi que les majorations éventuelles pour amplitude, coupures et travail de nuit.

Elle rétorque, s’agissant des rappels de salaire sur heures supplémentaires et repos compensateur, que le temps de travail se décompte à la quatorzaine et non à la semaine; que le salarié a été rémunéré au- delà de ce qui lui était normalement dû.

L’intimée fait enfin valoir, s’agissant du licenciement pour faute grave, que le comportement fautif du salarié a persisté malgré les sanctions disciplinaires infligées; que l’intéressé ayant continué à commettre des excès de vitesse, son comportement, irresponsable et dangereux, justifiait son licenciement et son éviction immédiate de l’entreprise.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°- Sur la requalification de la relation salariale en contrat de travail à durée indéterminée :

M. [R] sollicite la requalification de la relation salariale en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 juillet 2013, motifs pris de l’absence de preuve d’un accroissement temporaire d’activité s’agissant du premier CDD, de l’absence de mention de la personne remplacée et d’un non respect du délai de carence s’agissant du second CDD.

* Sur l’accroissement temporaire d’activité:

Aux termes de l’article L. 1242-1 du code du travail,’le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise’.

L’article L. 1242- 2 du même code précise qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants: remplacement d’un salarié, accroissement temporaire d’activité, emplois saisonniers et emplois d’usage ou dans le cadre de la politique de l’emploi.

Le contrat de travail à durée déterminée doit comporter la définition précise de son motif et le cas légal de recours auquel celui-ci correspond. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. En cas de litige sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée. Le contrat à durée déterminée ne peut comporter qu’un seul motif de recours, à peine de requalification en contrat à durée indéterminée.

La cause de recours au contrat à durée déterminée s’apprécie à la date de conclusion du contrat de travail. Le juge ne peut retenir un autre motif de recours que celui mentionné dans le contrat de travail écrit.

S’agissant de la réalité du motif énoncé dans le contrat, l’accroissement temporaire d’activité s’entend d’une augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise, qui peut être régulière ou cyclique, auquel elle ne peut faire face avec son effectif permanent, de sorte qu’elle a besoin, de façon inhabituelle et limitée dans le temps, d’un renfort.

En l’espèce, il est constant que M. [R] a été engagé, du 21 juillet au 30 novembre 2013, en qualité de conducteur routier, sous contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour accroissement temporaire d’activité.

Il ressort de l’extrait K bis produit aux débats que la SARL [G] & FILS exerce une activité de transports routiers de marchandises pour compte d’autrui et de transports publics de voyageurs.

Pour rapporter la preuve d’un accroissement temporaire d’activité, l’intimée a produit aux débats des extraits de son bilan pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 ainsi qu’un relevé mensuel de son chiffre d’affaires entre les mois d’août 2011 et avril 2014 (pièces n°26 et 26 bis).

Force est en premier lieu de constater que l’entreprise a généré un chiffre d’affaires en augmentation constante entre 2010 et 2013, puis en légère régression entre les 30 juin 2013 et 30 juin 2014:

– au 30 juin 2010: 1.608 885 euros

– au 30 juin 2011: 1.851 807 euros

– au 30 juin 2012: 2.344 769 euros

– au 30 juin 2013: 2.608 597 euros

– au 30 juin 2014: 2.544 889 euros

Les comparaisons entre les chiffres d’affaires des mois de juillet à décembre 2012 et des mois de juillet à décembre 2013 font également apparaître un ralentissement certain de l’activité en 2013, de sorte que la réalité d’un accroissement temporaire d’activité nécessitant le recours à un CDD entre juillet et décembre 2013 n’est pas établie.

Aussi, la cour, estimant que la preuve d’un surcroît brutal d’activité nécessitant un renfort n’est pas rapportée, infirme le jugement déféré et fait droit à la demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 21 juillet 2013 et ce, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les moyens de requalification relatifs à la conclusion du second CDD.

L’article L. 1245- 2 du code du travail énonce que ‘lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. (…)’.

Pour la détermination de ce mois de salaire, il y a lieu de se référer au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction (Soc., 17 juin 2005, n°03- 44 900).

La SARL [G] & FILS sera donc condamnée à payer à M. [R] la somme de 1.592,69 euros, correspondant au dernier salaire mensuel brut horaire perçu, à titre d’indemnité de requalification.

2°- Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

L’article L. 3123- 14 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que ‘le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application des articles L. 3123-25 et suivants, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.’

A défaut d’écrit ou de mention de la durée du travail de référence, de sa répartition et du volume d’heures complémentaires, le contrat est présumé conclu à temps complet. Il s’agit toutefois d’une présomption simple que l’employeur peut combattre en apportant la preuve d’une part, de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail convenue, d’autre part, que le salarié avait connaissance des rythmes de travail et ne devait pas rester à sa disposition permanente.

Il résulte par ailleurs de la combinaison de l’article L.3121-10 du code du travail, qui fixe la durée légale du travail effectif à trente-cinq heures par semaine civile, et de l’article L.3123-17 du même code, selon lequel les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée conventionnellement, ces deux articles pris dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qu’un contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet, lorsque le salarié travaille trente-cinq heures ou plus au cours d’une semaine, quand bien même le contrat aurait fixé la durée de travail convenue sur une période mensuelle (Soc., 15 septembre 2021, pourvoi n° 19-19.563).

En l’espèce, le premier contrat de travail à durée déterminée conclu le 21 juillet 2013 stipule une embauche à temps partiel à raison d’un horaire mensuel de travail de 40 heures.

M. [R] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein du 21 juillet au 30 novembre 2013 en faisant valoir qu’il n’a jamais eu connaissance, ni dans son contrat ni dans un planning mensuel, de la répartition exacte des jours travaillés dans la semaine et dans le mois, de sorte qu’il n’était pas en mesure de prévoir son rythme de travail et devait se tenir à la disposition constante de l’employeur.

Il ajoute que la durée hebdomadaire de travail a été portée au niveau, voire au- delà de la durée d’un temps plein de 35 heures hebdomadaires.

Sur ce dernier point, il ressort des propres relevés de temps établis par l’entreprise (pièce appelant n°5) que la durée de travail de M. [R] a été portée au- delà de la durée d’un temps plein de 35 heures hebdomadaire au moins à trois reprises (35h 94 du 12 au 18 août 2013, 39h 63 du 18 au 24 novembre 2013, 47h 05 du 25 au 30 novembre 2013).

Il s’ensuit que le contrat de travail à temps partiel doit d’ores et déjà, à compter du premier dépassement, être requalifié en contrat de travail à temps complet.

Force est en outre de constater que :

– le contrat de travail litigieux ne prévoit pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;

– il ne précise nullement que M. [R] était affecté à un service régulier de transport et aucun document ne permet de le vérifier, étant au surplus observé que même si le service sur lequel était affecté l’intéressé était un service régulier, cela ne présume en rien de ses horaires personnels de travail;

– aucun planning n’est produit sur la période du contrat permettant d’affirmer qu’un tel document était remis à l’avance à M. [R];

– il résulte de l’attestation de M. [B] du 25 avril 2016 que M. [R] n’a été engagé dans son entreprise que durant deux mois, du 6 septembre au 31 octobre 2013, de sorte qu’il ne peut être sérieusement argué de sa grande latitude pour exercer une autre activité.

De ce qui précède, il s’évince que M. [R], dont la répartition des heures de travail était irrégulière, était dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail et devait se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Aussi, la cour, infirmant le jugement entrepris, requalifie le contrat de travail à temps partiel en temps complet à compter du 21 juillet 2013.

Au vu des éléments d’appréciation mis à sa disposition, la cour chiffre le rappel de salaires entre les 21 juillet et 30 novembre 2013 comme suit:

salaire à temps plein de 1592,69 euros X 4 mois = 6.370,75 euros, dont il convient de déduire les salaires de base et heures complémentaires perçus au cours de la période considérée à hauteur de 3.892,71 euros (cumul salaire brut sur le bulletin de paie de novembre 2013)

soit un solde restant dû de 2.478,04 euros bruts, majoré de la somme de 247,80 euros bruts au titre des congés payés afférents.

3°- Sur les demandes en paiement relatives à l’exécution du contrat de travail :

* Sur le rappel de salaires sur heures supplémentaires et congés payés afférents:

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine, soit 151.67 heures par mois.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose par ailleurs ‘qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. (…)’.

Il résulte ainsi de ces dispositions légales qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées ci-dessus. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [R] réclame un rappel de salaire sur heures supplémentaires pour le seul mois de décembre 2013.

Il produit aux débats les données des temps enregistrés par le chronotachygraphe (pièce n°17), un relevé des temps établi par lui- même (pièces n°4 et 11), un relevé des temps de travail établi par l’employeur (pièce n° 5) et une feuille de calcul des heures majorées faisant apparaître pour chaque semaine de la période comprise entre les 02 et 31 décembre 2013 (pièce n° 12) le nombre d’heures de travail réalisées et des heures supplémentaires accomplies.

Il ressort de ces documents que le salarié serait créancier de 3,76 heures supplémentaires non rémunérées à 125 %.

Les éléments fournis par le salarié sont suffisamment précis et détaillés pour permettre à l’employeur de les discuter et d’y répondre utilement.

Pour dénier la créance d’heures supplémentaires réclamées, la SARL [G] & FILS fait valoir que le temps de travail se décompte à la quatorzaine et non à la semaine.

Le contrat de travail à temps complet de M. [R] conclu le 1er décembre 2013 stipule en son article VI qu’il percevra un salaire brut à périodicité mensuelle de 1.821,35 euros pour un horaire mensuel de travail de 169 heures de travail; qu’en tout état de cause, sur un mois complet de travail, sa rémunération ne pourra être inférieure à 1.950 euros, majorations pour ancienneté, indemnisation au titre de l’amplitude, des coupures incluses; que le cas échéant, une indemnité différentielle sera accordée de manière à lui permettre de percevoir la somme précédemment indiquée.

Le contrat indique également que M. [R] s’engage à effectuer toutes les heures supplémentaires demandées par son employeur et ce, sur simple demande. En cas de réalisation d’heures majorées supplémentaires, celles- ci seront décomptées et payées conformément aux dispositions légales et conventionnelles applicables, étant précisé qu’elles s’imputeront sur l’indemnité différentielle.

La convention collective des transports routiers prévoit la possibilité de décompter la durée du travail et les heures supplémentaires sur deux semaines consécutives, par quatorzaine, si cette période comporte au moins trois jours de repos.

Cependant, l’employeur ne démontre aucunement, par la production de sa pièce n°34, qu’il opère un décompte de la durée du travail et des heures supplémentaires par quatorzaine, conformément à la convention collective.

Le salarié reproche également à la SARL [G] & FILS d’avoir procédé unilatéralement au retraitement des données brutes du chronotachygraphe et d’avoir ainsi décompté et rémunéré un nombre d’heures inférieur à celui enregistré.

Interrogé sur ce point le 04 novembre 2014 par l’inspection du travail, l’employeur n’a pas contesté, dans son courrier en réponse du 05 mars 2015, avoir procédé à un retraitement des données brutes enregistrées mais a imputé les écarts de décompte aux erreurs de manipulation du sélecteur d’activités du chronotachygraphe par les salariés (pièce intimée n° 39).

Il ne justifie toutefois d’aucun rappel à l’ordre de M. [R] sur ce point.

Il ne démontre par ailleurs aucunement avoir rectifié les données brutes des chronotachygraphes à l’issue d’une analyse contradictoire avec le salarié, ni même l’avoir informé du retraitement des données et de la minoration subséquente des heures décomptées et rémunérées, de telles indications n’apparaissant nullement dans le document de synthèse d’activité annexé chaque mois au bulletin de paie.

Dans ces conditions et faute d’avoir respecté cette procédure contradictoire rappelée par l’inspection du travail dans son courrier du 04 novembre 2014, le salarié est fondé à solliciter le paiement des heures de travail résultant des données brutes du chronotachygraphe.

Pour autant, il ressort de l’analyse croisée des bulletins de paie et des décomptes établis par le salarié sur les données brutes enregistrées par le chronotachygraphe (pièces appelant n° 4, 11 et 17), que:

– l’employeur a modifié à plusieurs reprises au cours du mois de décembre 2013 les données brutes du chronotachygraphe;

– le décompte des heures supplémentaires réalisées au vu des données brutes du chronotachygraphe révèle que le salarié a effectué au mois de décembre 2013, 15,12 heures supplémentaires majorées à 25 %;

– le bulletin de salaire du mois de décembre 2013 établit que l’employeur a rémunéré 17h 33 supplémentaires majorées à 25 %.

Il apparaît ainsi que le salarié a été rempli de ses droits et n’est pas fondé à réclamer un rappel de salaires sur heures supplémentaires.

L’inspection du travail avait d’ailleurs constaté l’absence d’impact des corrections apportées par l’employeur aux temps enregistrés sur la rémunération du mois de décembre 2013 (pièce appelant n°3).

La cour confirme en conséquence le jugement déféré, en ce qu’il a débouté M. [R] de ce chef de demande.

* Sur l’indemnisation des coupures et congés payés afférents:

L’article 7 de l’Accord du 18 avril 2002 relatif à l’ARTT, attaché à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, prévoit :

‘7.3. Indemnisation des coupures et de l’amplitude

(…)

2.a. Indemnisation des coupures:

Les coupures comprises entre 2 vacations et situées dans un lieu autre que le lieu d’embauche (lieu de la première prise de service journalière y compris le domicile) sont indemnisées de la manière suivante :

– coupures dans un dépôt aménagé dédié aux conducteurs de l’entreprise: indemnisation à 25 % du temps correspondant. Par dépôt aménagé, on entend un local chauffé disposant au minimum d’une salle de repos avec table et chaises et de sanitaires à proximité ;

– coupures dans tout autre lieu extérieur et pour les journées intégralement travaillées dans les activités occasionnelles et touristiques : indemnisation à 50 % du temps correspondant.

(…)

2.c. Cas particulier:

Dans le cas particulier où le salarié bénéficie d’une rémunération effective fixée sur la base d’un horaire théorique déterminé, cette rémunération effective comprend tous les éléments de rémunération, y compris les sommes versées au titre de l’indemnisation des coupures et, sous réserve d’un accord d’entreprise ou d’établissement, les sommes versées au titre de l’indemnisation de l’amplitude visées ci-dessus jusqu’à concurrence de la rémunération correspondant à cet horaire théorique de référence. Pour ce qui concerne l’indemnisation des coupures et de l’amplitude, la période de référence pour le calcul de l’imputation sur l’horaire garanti en cas d’insuffisance d’horaire est la semaine ou la quatorzaine. Une autre période de référence pour cette imputation peut être fixée par accord d’entreprise ou d’établissement.’

En l’espèce, M. [R] sollicite un rappel de salaire sur indemnisation des coupures prises à l’extérieur de l’entreprise entre les 21 juillet 2013 et 19 octobre 2014 (cf pièces n° 7, 8, 10).

Son contrat de travail à durée déterminée à temps complet, conclu le 1er décembre 2013, stipule un salaire minimal mensuel incluant les indemnisations au titre de l’amplitude et des coupures. L’indemnité différentielle accordée n’a pas pour objet d’indemniser de façon forfaitaire les coupures et les amplitudes mais simplement de garantir le salaire minimal prévu.

La SARL [G] &FILS n’est donc pas fondée à se prévaloir du paiement d’une indemnité différentielle pour invoquer une indemnisation forfaitaire des coupures.

Elle démontre en revanche avoir mis à disposition des conducteurs de l’entreprise, à compter du 1er janvier 2012, un local aménagé à [Localité 5], au Puy- en- Velay et à [Localité 2] (pièces n° 36 et 37) de nature à justifier une indemnisation limitée à 25 % du temps correspondant.

Il ressort des bulletins de paie de la période comprise entre les 21 juillet 2013 et 28 octobre 2014, date du licenciement, que:

– que les coupures n’ont pas été indemnisées entre les 21 juillet et 31 décembre 2013;

– des coupures, incorporées dans le paiement de l’indemnité différentielle, ont été indemnisées à hauteur de 50 % du temps correspondant à compter du mois de janvier à juin 2014 inclus;

– une distinction a été faite entre les coupures indemnisées à 25 % et celles indemnisées à 50% du temps correspondant à compter du 1er juillet 2014.

La cour, se basant sur les relevés des temps enregistrés par le chronotachygraphe, considère que le salarié peut prétendre aux indemnisations suivantes:

* Pour l’année 2013:

– de juillet à décembre 2013: 85,43 heures indemnisées à 25 % du temps correspondant (compte tenu de la mise à disposition d’un local aménagé à compter du 1er janvier 2012), soit l’équivalent de 21,35 heures X taux horaire de 10,50 euros = 224,17 euros

* Pour l’année 2014:

– de janvier à juin 2014 : 344,78 heures indemnisées à 25% du temps correspondant, soit l’équivalent de 86,19 heures X taux horaire de 10,50 euros = 904,99 euros

– de juillet à décembre 2014 : 137,68 heures indemnisées à 25% du temps correspondant, soit l’équivalent de 34,42 heures X taux horaire de 10,50 euros = 361,41 euros

soit un total pour toute la période considérée de 1.490,57 euros bruts, auquel s’ajoutent 149,05 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Les bulletins de paie établissent toutefois que l’employeur a indemnisé 219,14 heures de coupure, soit une somme d’un montant total de 2.300,97 euros.

Aussi, la cour, confirmant le jugement entrepris en ce qu’il a considéré M. [R] rempli de l’intégralité de ses droits, déboute celui- ci de ce chef de demande.

* Sur la contrepartie obligatoire en repos:

L’article L. 3121-11 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 applicable au litige, énonce que ‘des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu’une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel (…)’.

La loi précitée du 20 août 2008 dispose par ailleurs en son article 18 IV que ‘la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l’article L. 3121-11 du code du travail dans la rédaction issue de la présente loi est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés.’

L’article 5-3 de l’Accord du 18 avril 2002 relatif à l’ARTT, attaché à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixe le contingent annuel d’heures supplémentaires à 130 heures.

Chaque heure supplémentaire effectuée au- delà de ce contingent ouvre donc droit à une contrepartie obligatoire en repos de 50 % : il n’est pas discuté en effet que l’entreprise ne compte pas plus de 20 salariés.

En l’espèce, M. [R] sollicite le paiement d’une indemnité compensant les contreparties obligatoires en repos non prises en 2014.

Les décomptes établis par le salarié sur les données brutes enregistrées par le chronotachygraphe (pièce n° 9) et sa feuille de calcul de la contrepartie obligatoire en repos (pièce n° 13) font apparaître qu’il a accompli 124,03 heures supplémentaires au- delà du contingent annuel lui ayant ouvert 62,02 heures de contrepartie obligatoire en repos.

Le bulletin de paie du mois d’octobre 2014 établit que 35,84 heures de repos compensateur ont été réglées au salarié.

Néanmoins, le 21 novembre 2014, la SARL [G] & FILS, répondant à son courrier de réclamation du 7 novembre 2014, lui a précisé que son contingent d’heures supplémentaires s’élevait à 299,78 heures au 28 octobre 2014 et lui a rappelé le mode de calcul des repos compensateurs comme suit:

‘Le contingent annuel d’heures supplémentaires du personnel roulant est de 130 heures. Pour notre entreprise, les repos compensateurs ouvrent droit à une indemnisation à 50%.

Le calcul est le suivant :

299,78 -130 = 169,78 ct heures

169,78 X 50% = 84,89 ct heures

Soit 84,89 heures de repos compensateurs équivalents à 12,12 jours (84,89/7) à prendre.

Compte tenu du fait que votre solde de repos hebdomadaire était négatif de 7 jours au 28/10/2014, nous vous avons indemnisé 35,84 heures de repos compensateur (12,12 RC-7 RH = 5,12 jours X 7 heures = 35,84 heures) lors de la rupture de votre contrat de travail.’ (Pièce intimée n° 23).

Force est ainsi de constater que la SARL [G] & FILS a retenu un nombre d’heures supplémentaires dépassant le contingent annuel, supérieur à celui revendiqué par M. [R].

Ce dernier n’apporte aucune contradiction utile aux explications données par l’employeur sur l’indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos

Il sera dès lors débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

* Sur la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé:

Les articles L. 8221-1 et suivants du code du travail prohibent le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’activité ou par dissimulation d’emploi salarié.

L’article L. 8221-5 énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° soit de ne pas accomplir auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.

Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5, en cas de rupture de la relation de travail, peut prétendre au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, M. [R] fait valoir que l’employeur a unilatéralement modifié les temps enregistrés par le chronotachygraphe de façon à minorer les heures effectuées.

La SARL [G] & FILS ne conteste pas avoir procédé à une correction et minoration des temps enregistrés par le chronotachygraphe.

Elle allègue des mauvaises manipulations par le salarié de son appareil chronotachygraphe sans toutefois démontrer la réalité d’une pratique constante de M. [R] qui n’a fait l’objet d’aucun rappel à l’ordre.

De même, elle ne justifie aucunement avoir informé le salarié de la correction des temps enregistrés, les relevés de temps communiqués chaque mois en annexe du bulletin de paie ne faisant nullement état des modifications apportées aux temps enregistrés.

Pour autant, la cour constate que la correction unilatérale par l’employeur des données brutes du chronotachygraphe n’a pas généré, pour M. [R], d’omission de paiement de la totalité des heures de travail effectuées.

L’élément intentionnel du travail dissimulé étant dans ces conditions insuffisamment caractérisé, la cour, par confirmation du jugement entrepris, déboute M. [R] de ce chef de demande.

4°- Sur la demande en annulation des sanctions disciplinaires:

Aux termes de l’article L. 1331- 1 du code du travail, ‘constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération’.

La loi ne définit pas la faute de nature à déboucher sur une sanction disciplinaire. Elle se borne à autoriser l’employeur à sanctionner ‘tout agissement considéré par lui comme fautif’. De manière générale, la faute résulte du non- respect de la discipline par le salarié ou de l’exécution volontairement défectueuse de son travail.

Ainsi, une mauvaise exécution des tâches confiées, dès lors qu’elle n’est pas répétée ou régulière et ne procède pas d’une volonté délibérée de mal faire, ne saurait être qualifiée de faute.

Il entre dans l’office du juge de vérifier, au vu des données de l’espèce, que la sanction est justifiée et proportionnée à la gravité de la faute reprochée au salarié, à défaut de quoi l’article L. 1333-2 du code du travail lui confère le pouvoir de prononcer l’annulation de la sanction infligée par l’employeur.

L’article L.1333-1 du même code précise que ‘l’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.’

Enfin, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au- delà d’un délai de deux mois courant à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Néanmoins, si un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction au- delà du délai de deux mois, l’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique.

* Sur la demande en annulation de l’avertissement du 10 juin 2014:

Le 10 juin 2014, la SARL [G] & FILS a notifié à M. [R] un avertissement pour des dépassements de la vitesse maximale autorisée commis les 06, 10, 29, 30 et 31 janvier ainsi que le 06 février 2014.

La cour relève que la matérialité des excès de vitesse incriminés est établie et n’est pas discutée.

Toutefois, l’employeur ne démontre pas à quelle date il aurait eu connaissance des faits ainsi reprochés au salarié, la seule production aux débats de relevés édités les 06 et 14 mai 2014 ne pouvant suffire à rapporter cette preuve.

La SARL [G] & FILS ne saurait en outre sérieusement soutenir que l’analyse des données brutes des chronotachygraphes, à laquelle elle procédait tous les mois pour éventuellement corriger les temps enregistrés, se limitait uniquement à la vérification des manipulations du sélecteur d’activités par les chauffeurs et n’incluait pas celle des dépassements de vitesse autorisée.

Il s’ensuit que l’avertissement prononcé plus de deux mois après la commission des excès de vitesse incriminés doit être annulé du fait de leur prescription.

Le jugement querellé sera en conséquence infirmé de ce chef.

* Sur la demande en annulation de l’avertissement du 23 juillet 2014 :

Le 23 juillet 2014, la SARL [G] & FILS a notifié à M. [R] un deuxième avertissement pour un excès de vitesse commis le 8 juillet 2014, soit un mois après s’être vu reprocher de précédentes infractions de même nature, certes prescrites mais dont la matérialité est établie.

Aussi, le prononcé d’un avertissement pour sanctionner la réitération dans un délai rapproché de ce comportement fautif ne présente pas un caractère disproportionné.

C’est donc à bon escient que les premiers juges ont rejeté la demande en annulation de cet avertissement.

* Sur la demande en annulation de la mise à pied disciplinaire du 15 septembre 2014:

Le 15 septembre 2014, la SARL [G] & FILS a notifié à M. [R] une mise à pied disciplinaire de deux jours les 22 et 23 septembre 2014, pour trois excès de vitesse commis les 16 mai, 02 juin et 14 juillet 2014.

Si l’excès de vitesse du 16 mai 2014 était couvert par la prescription à la date de convocation à l’entretien préalable du 27 août 2014, ceux commis les 2 juin et 14 juillet 2014, nécessairement constatés à la lecture des disques chronotachygraphes respectivement à la fin des mois de juin et juillet 2014, n’étaient pas prescrits et justifient à eux seuls la mise à pied disciplinaire contestée, compte tenu des mises en garde précédentes, de la dangerosité liée à leur réitération et à la sécurité des personnes transportées ainsi que de la possible mise en cause de la responsabilité de l’employeur en cas d’infraction relevée.

Aussi, la cour, par confirmation du jugement entrepris, déboute également le salarié de ce chef de demande.

5°- Sur la rupture du contrat de travail :

Aux termes des dispositions combinées des articles L. 1232-1 et L. 1235- 1 du code du travail, l’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis.

En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la pertinence des griefs invoqués au soutien du licenciement prononcé pour faute grave. En application de l’article L.1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

Lorsque que les faits sont établis mais qu’aucune faute grave n’est caractérisée, le juge du fond doit vérifier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l’employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées de l’article 12 de la convention collective et des articles L. 1111-1 et L. 7221-2 du code du travail que le bien-fondé du licenciement du salarié d’un particulier employeur pour une cause réelle et sérieuse n’est soumis qu’aux dispositions de la convention collective, laquelle prévoit que le contrat de travail peut être rompu par l’employeur pour tout motif constituant une cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, la lettre de licenciement pour faute grave, notifiée à M. [R] le 28 octobre 2014, est libellée comme suit :

‘… Nous vous notifions, par ce courrier, votre licenciement sans préavis ni indemnité pour faute grave et ceci pour les motifs exposés lors de cet entretien, à savoir :

Vous avez été engagé le 21 juillet 2013 au sein de notre société en qualité de conducteur d’autocar, au coefficient de 150V groupe 10 de la convention collective nationale des transports.

En date du 30 septembre 2014 vous avez commis un nouvel excès de vitesse verbalisé par les forces de l’ordre. En effet, l’autocar CH 194 JS, que vous conduisiez, a été contrôlé à 72 km/h (avec une vitesse retenue de 67 km/h) dans un village/ ville alors que la limite autorisée y était classiquement de 50 km/h.

Un tel comportement est irresponsable et inadmissible. Nous vous avons pourtant rappelé à maintes reprises que vous devez respecter le code de la route en toutes circonstances et qu’il en va non seulement de votre sécurité et de celle du matériel qui vous est confié, mais également (et surtout) de celle des personnes que vous transportez et des autres usagers de la route.

Or, il ne s’agit pas d’un incident isolé puisque vous avez déjà été l’auteur de faits fautifs ayant donné lieu à sanction :

* Courrier en date du 10 juin 2014 : nous avons dû prononcer à votre encontre un avertissement pour 6 excès de vitesses enregistrées au dessus de 90 km/h. (…)

* Courrier en date du 23 juillet 2014 : nous avons dû prononcer à votre encontre un nouvel avertissement pour 1 excès de vitesse verbalisé par les forces de l’ordre. En effet, vous aviez été verbalisé, en date du 8 juillet 2014, avec le véhicule immatriculé DA 242 ZI sur la route D42 pour un excès de vitesse à 101km/h, retenu à 95 km/h, dépassant la vitesse maximum autorisée de 90km/h

* Courrier en date du 15 septembre 2014 : nous avons dû prononcer à votre encontre une mesure disciplinaire consistant en votre mise à pied pendant deux jours.(effectuée les 22 et 23 septembre 2014) pour 3 excès de vitesses enregistrées au dessus de 100km/h. (…)

Au total, 10 excès de vitesse ont été enregistrés entre la période du 06 janvier au 30 septembre 2014. Cette réitération de comportement fautif démontre que vous n’avez aucunement tenu compte des nombreuses observations qui vous ont été faites.

Lors de notre entretien du 24 octobre 2014, la seule question qui vous est venue est celle de savoir quelle était ‘la date de réception du courrier de la contravention d’excès de vitesse du 30 septembre 2014″.

Une telle réaction de votre part n’a pas manqué de redoubler nos craintes. Et en vous faisant la remarque qu’il n’y avait que cette date qui vous intéressait, nous vous avons demandé si vous aviez quelque chose d’autre à ajouter, vous nous avez répondu que ‘Non’.

De tels propos démontrent que vous n’avez aucune conscience de la gravité de vos actes.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien précité ne nous ont donc pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute, privatif de préavis et d’indemnité…’.

Il ressort ainsi des énonciations de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que M. [R] a été congédié pour avoir commis un nouvel excès de vitesse le 30 septembre 2014, après plusieurs mises en garde dont une mise à pied exécutée pour le même motif quelques jours auparavant.

La matérialité de cette nouvelle infraction n’est pas contestée et est au demeurant établie par l’avis de contravention produit aux débats.

La multiplication d’excès de vitesse commis par un chauffeur chargé de transporter des personnes, en dépit de plusieurs sanctions disciplinaires, caractérise une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant l’éviction immédiate du salarié, dès lors qu’un tel comportement:

– contrevient aux règles du code de la route, à la sécurité des passagers et des autres usagers de la route ainsi qu’aux directives de l’employeur qui ne peut davantage prendre le risque de voir sa responsabilité civile et pénale engagée;

– dénote l’absence de conscience ou le refus du salarié de prendre en compte la réalité des infractions et leurs conséquences, ainsi que les mises en garde de son employeur.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré fondé le licenciement pour faute grave de M. [R].

Aussi, la cour, par confirmation du jugement entrepris, rejette la contestation du salarié et ses demandes indemnitaires subséquentes.

6°- Sur les frais irrépétibles et dépens:

Au vu des développements précédents, il apparaît que l’appel de M. [R] a été jugé fondé sur plusieurs chefs de demandes. Le jugement déféré sera dès lors infirmé, en ce qu’il a débouté l’appelant de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamné ce dernier à payer à la SARL [G] & FILS la somme de 100 euros à ce titre, outre les dépens de première instance.

La SARL [G] & FILS, partie qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à M. [R] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code précité et ce, en sus des entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

1- débouté M. [E] [R] de sa demande en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée, signés les 21 juillet et 1er décembre 2013, en contrats de travail à durée indéterminée ;

2- débouté M. [E] [R] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel, signé le 21 juillet 2013, en contrat à temps complet ;

3- débouté M. [E] [R] de sa demande en annulation de l’avertissement du 10 juin 2014 ;

4- condamné M. [E] [R] à payer à la SARL [G] & FILS la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs ci-dessus infirmés :

1- Requalifie la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 21 juillet 2013;

Condamne en conséquence la SARL [G] & FILS à payer à M. [R] la somme de 1.592,69 euros à titre d’indemnité de requalification;

2- Requalifie le contrat de travail à temps partiel, signé le 21 juillet 2013, en contrat de travail à temps complet ;

Condamne en conséquence la SARL [G] & FILS à payer à M. [R] la somme de 2.478,04 euros bruts à titre de rappel de salaires entre les 21 juillet et 30 novembre 2013, outre celle de 247,80 euros bruts au titre des congés payés afférents;

3- Prononce l’annulation de l’avertissement du 10 juin 2014 ;

Ajoutant au jugement déféré,

Condamne la SARL [G] & FILS à payer à M. [E] [R] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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