CDD pour accroissement d’activité : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/02295
CDD pour accroissement d’activité : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/02295

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

IG/ILAF

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 19/02295 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ETCE

jugement du 30 Septembre 2019

Tribunal de Grande Instance de LAVAL

n° d’inscription au RG de première instance : 18/00266

ARRET DU 14 DECEMBRE 2023

APPELANT ET INTIME

Monsieur [T] [L]

né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 10] (92)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 193643 et Me Guillaume FOURRIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEES ET APPELANTES

S.A. MMA IARD venant aux droits de COVEA FLEET

[Adresse 1]

[Localité 7]

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de COVEA FLEET

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentées par Me Céline LEROUGE de la SELARL A.B.L.C AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20190174 et Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocat plaidant au barreau de RENNES

INTIMEE

CPAM DE LA MAYENNE – CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE-

[Adresse 3]

[Localité 4]

assignée, n’ayant pas constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 26 Septembre 2023 à 14’H’00, Mme GANDAIS, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 14 décembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 septembre 2009, sur la commune d'[Localité 9] (53), M. [T] [L], alors âgé de 18 ans, était victime d’un accident de la circulation alors qu’il se trouvait passager du véhicule conduit par son beau-père, M. [N] [S]. Ledit véhicule s’est trouvé percuté par un poids-lourds conduit par M. [H] [F], assuré auprès de la compagnie d’assurances Covéa Fleet, aux droits de laquelle viennent la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles.

Dans les suites de cet accident, M. [S] est décédé et M. [L] a présenté d’importantes lésions, notamment un traumatisme crânien grave avec coma, un hématome extra-dural frontal gauche, une fracture fronto-pariétale gauche, un traumatisme facial, un traumatisme du rachis cervical, un traumatisme thoracique avec contusion pulmonaire, une fracture ouverte du tiers inférieur de l’avant-bras gauche.

Une mesure d’expertise médicale amiable réalisée par le Dr [Y] [K], médecin conseil de la compagnie Covéa Fleet et par le Dr [P] [D], médecin conseil de la victime, a donné lieu au dépôt d’un rapport en date du 7’décembre 2012.

Suivant ordonnance de référé du 13 avril 2016, le président du tribunal de grande instance du Mans a condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à verser à M. [L] une provision de 330 000 euros.

Par actes d’huissier du 24 avril 2018, M. [T] [L], Mme [M] [I], sa mère, et Mme [B] [L], sa soeur, ont fait assigner la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM ci-après) de la Mayenne, devant le tribunal de grande instance de Laval, aux fins d’obtenir la réparation de leurs préjudices.

Par jugement réputé contradictoire du 30 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Laval, devant lequel la CPAM de la Mayenne était défaillante, a :

– condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [T] [L] les sommes suivantes :

– 32 805,40 euros pour les pertes de gains professionnels actuels,

– 4 026,40 euros pour les frais d’expertise,

– 46 080 euros pour l’aide humaine avant consolidation,

– 453 467 euros pour les pertes de gains professionnels futurs,

– 50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle,

– 123 360 euros pour l’aide humaine allant de la date de consolidation à la date du présent jugement,

– 15 674,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire,

– 35 000 euros en réparation des souffrances endurées,

– 210 500 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent,

– 8 000 euros en réparation du préjudice esthétique,

– 8 000 euros en réparation du préjudice d’agrément,

– 30 000 euros en réparation du préjudice d’établissement,

– 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [T] [L] une rente annuelle viagère d’un montant de 17 520 euros au titre de la tierce personne, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5’juillet 1985 et suspendue en cas d’hospitalisation à partir du 46ème jour et ce, à compter du 1er octobre 2019,

– dit qu’il y aura lieu de déduire des sommes ainsi allouées les provisions versées à hauteur de 512 240 euros,

– condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à Mme [M] [I] les sommes suivantes :

– 2 500 euros pour ses frais de déplacement,

– 7 994,25 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire,

– 15 000 euros en réparation des souffrances endurées,

– 16 400 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent,

– 15 000 euros en réparation de son préjudice moral d’affection,

– dit qu’il y aura lieu de déduire des sommes ainsi allouées les provisions versées à hauteur de 12 648 euros,

– condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à Mme [B] [L] la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral,

– condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à Mme [M] [I] et Mme [B] [L] la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 novembre 2019, M. [L] a formé appel de ce jugement en ses dispositions condamnant la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer les sommes suivantes : 32 805,40 euros pour les pertes de gains professionnels actuels, 4 026,40 euros  pour les frais d’expertise, 46 080 euros pour l’aide humaine avant consolidation, 453 467 euros pour les pertes de gains professionnels futurs, 50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle, 123 360 euros pour l’aide humaine allant de la date de consolidation à la date du présent jugement, 15 674,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire, 35 000 euros en réparation des souffrances endurées, 210 500 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent, 8 000 euros en réparation du préjudice esthétique, 8 000 euros en réparation du préjudice d’agrément, 30 000 euros en réparation du préjudice d’établissement, 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamnant la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer une rente annuelle viagère d’un montant de 17 520 euros au titre de la tierce personne, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5’juillet 1985 et suspendue en cas d’hospitalisation à partir du 46ème jour et ce, à compter du 1er octobre 2019, disant qu’il y aura lieu de déduire des sommes ainsi allouées les provisions versées à hauteur de 512 240 euros et l’ayant débouté de ses demandes plus amples ou contraires ; intimant la SA MMA Iard, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la CPAM de la Mayenne.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 décembre 2019, la SA’MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles ont interjeté appel de ce même jugement en ce qu’il a été alloué les sommes suivantes au titre des postes de préjudices : 32’805,40 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, 453 467 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, 50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle, 8 000 euros au titre du préjudice d’agrément, 210 500 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent, 30 000 euros au titre du préjudice d’établissement ; intimant M. [T] [L] et la CPAM de la Mayenne.

Sur cet appel principal des assureurs, M. [L] a formé appel incident, suivant écritures signifiées le 18 juin 2020, demandant à la cour d’ ‘infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions contestées (…), le confirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

– condamner MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum à verser à M. [T] [L] les sommes qui seront fixées comme suit à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites :

– 5026 euros au titre des frais divers

– 1000 euros pour les frais de déplacement

– 62’340 euros au titre de la tierce personne avant consolidation

– 183’180 euros en capital au titre de la tierce personne du 15 septembre 2012 au 27 mars 2020

– 1’071’674 euros en capital au titre de la tierce personne à compter du 27 mars 2020

– 40’927,54 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels

– 815’940 euros en capital au titre des pertes de gains professionnels futurs jusqu’à 65 ans

– 1’066’910 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs en viager à titre subsidiaire

– 186’148 euros en capital au titre des pertes de droits à retraite

– 150’000 euros au titre de l’incidence professionnelle

– 17’280 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel

– 35’000 euros au titre de la souffrance endurée

– 250’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

– 10 000 euros au titre du préjudice esthétique

– 20’000 euros au titre du préjudice d’agrément

– 50’000 euros au titre du préjudice d’établissement’.

Suivant ordonnance du 29 juin 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

La CPAM de la Mayenne qui s’est vue signifier le 2 mars 2020, la déclaration d’appel et les premières conclusions d’appelant de M. [L] puis le 19 mars 2020, la déclaration d’appel et les premières conclusions d’appelantes de la SA MMA Iard et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles, par actes d’huissier remis à personne habilitée et par dépôt à l’étude d’huissier, n’a pas constitué avocat. La CPAM de la Mayenne a reçu signification des conclusions de M. [L], le 26 mai 2023 et celles de la SA MMA Iard et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles, le 6’septembre 2023, par actes de commissaire de justice remis à personne habilitée.

L’arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2023, conformément aux avis de report adressés par le greffe aux parties les 6 juillet et 7 septembre 2023 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 26 septembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 5 septembre 2023, M.'[T] [L] demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, des articles 546, 564 et 565 du code de procédure civile, de :

– le recevoir en son appel principal et incident et en ses contestations et demandes, l’y déclarant fondé et y faisant droit,

– déclarer les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles non fondées en leur appel principal et incident et en toutes leurs prétentions, les en débouter,

– infirmer le jugement entrepris en toutes les dispositions qu’il conteste, notamment en ce qu’il :

– a condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer les sommes suivantes :

* 32 805,40 euros pour les pertes de gains professionnels actuels,

* 4 026,40 euros pour les frais d’expertise,

* 46 080 euros pour l’aide humaine avant consolidation,

* 453 467 euros pour les pertes de gains professionnels futurs,

* 50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle,

* 123 360 euros pour l’aide humaine allant de la date de consolidation à la date du présent jugement,

* 15 674,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire,

* 35 000 euros en réparation des souffrances endurées,

* 210 500 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent,

* 8 000 euros en réparation du préjudice esthétique,

* 8 000 euros en réparation du préjudice d’agrément,

* 30 000 euros en réparation du préjudice d’établissement,

* 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– a condamné la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer une rente annuelle viagère d’un montant de 17 520 euros au titre de la tierce personne, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d’hospitalisation à partir du 46ème jour et ce, à compter du 1er octobre 2019,

– a dit qu’il y aura lieu de déduire des sommes ainsi allouées les provisions versées à hauteur de 512 240 euros,

– l’a débouté de ses demandes plus amples ou contraires,

en conséquence, statuant à nouveau sur les chefs de compétences critiqués :

– condamner la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum à lui verser les sommes qui seront fixées comme suit à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites :

* 6 126 euros au titre des frais d’assistance à expertise,

* 1 000 euros pour les frais de déplacement,

* 57 600 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

* 235 080 euros au titre de la tierce personne échue,

* 1 567 074 euros en capital au titre de la tierce personne à compter du 27’mars 2023 (gaz pal 2022 à – 1%),

* 1 187 019 euros en capital au titre de la tierce personne à compter du 27’mars 2023 (gaz pal 2022 à 0%),

* 40 927,54 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

* 1 150 761 euros en capital au titre des pertes de gains professionnels futurs jusqu’à 65 ans (gaz pal 2022 à – 1%),

* 914 738 euros en capital au titre des pertes de gains professionnels futurs jusqu’à 65 ans (gaz pal 2022 à 0%),

* 1 769 320 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs en viager à titre subsidiaire (gaz pal 2022 à – 1%),

* 1 266 105 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs en viager à titre subsidiaire (gaz pal 2022 à 0%),

* 231 519 euros en capital au titre des pertes de droits à retraite barème 2022 à – 1%,

* 204 649 euros en capital au titre des pertes de droits à retraite barème 2022 à 0%,

* 150 000 euros au titre de l’incidence professionnelle,

* 2 700 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total,

* 17 037 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

* 35 000 euros au titre de la souffrance endurée,

* 250 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 10 000 euros au titre du préjudice esthétique,

* 20 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

* 50 000 euros au titre du préjudice d’établissement,

– confirmer le jugement pour le surplus et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

– condamner encore la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 20 septembre 2023, la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et de la loi du 21 décembre 2006, de :

– les déclarer recevables en leur appel et en leur appel incident sur l’appel de M.'[L],

– débouter M. [L] de son appel incident,

– juger M. [L] irrecevable en ses demandes suivantes :

* 62 340 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

* 1 066 910 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs en viager à titre subsidiaire,

* 17 280 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel,

– juger M. [L] irrecevable en sa demande relative à la perte de droits à la retraite dont la cour n’est pas saisie en application des articles 562 et 910 4° du code de procédure civile,

– subsidiairement sur cette demande, juger la demande irrecevable comme nouvelle en application de l’article 564 du code de procédure civile,

très subsidiairement, débouter M. [L] de sa demande d’indemnisation d’une perte de droits à la retraite,

– en toutes hypothèses :

– débouter M. [L] de son appel incident,

– confirmer le jugement et débouter M. [L] de ses demandes présentées au titre des frais de transport,

– confirmer le jugement sur les postes suivants qui seront indemnisés comme suit :

* frais d’expertise : 4 026,40 euros,

* tierce personne avant consolidation : 46 080 euros,

* dépenses de santé : néant,

* dépenses de santé futures : néant,

* incidence professionnelle : 50 000 euros,

* tierce personne évaluée à un capital de 123 360 euros correspondant à la tierce personne passée de la date de consolidation jusqu’au 30’novembre 2019 puis à compter du 1er octobre 2019 une rente annuelle viagère d’un montant de 17 520 euros payable trimestriellement et indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d’hospitalisation à partir du 46ème jour,

* déficit fonctionnel temporaire : 15 674,50 euros,

* souffrances endurées : 35 000 euros,

* préjudice esthétique : 8 000 euros,

– débouter le requérant de ses demandes de liquidation des postes de tierce personne définitive et pertes de gains professionnels futurs sous forme de capital,

– réformer le jugement en ce qu’il a fixé les indemnités comme suit :

* 32 805,40 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

* 453 467 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

* 50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle,

* 8 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

* 210 500 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent,

* 30 000 euros au titre du préjudice d’établissement,

et statuant à nouveau :

– débouter le requérant de ses demandes de liquidation des postes de tierce personne définitive et perte de gains professionnels futurs sous forme de capital,

– réformer le jugement sur les postes suivants et juger que l’indemnisation sera évaluée comme suit :

* pertes de gains professionnels actuels : 316,84 euros,

* perte de gains professionnels futurs : 85 800 euros au titre des arrérages échus du 15 septembre 2012 (date de la consolidation) au 15 septembre 2023 puis versement d’une rente annuelle de 7 800 euros par an à compter du 15 septembre 2023,

subsidiairement, versement d’un capital de 418 314 euros,

* déficit fonctionnel permanent : 150 000 euros,

* préjudice d’agrément : rejet,

* préjudice d’établissement : rejet,

– confirmer le jugement et déduire les provisions allouées à hauteur de 512 240 euros,

– débouter M. [L] de sa demande d’application du barème GP 2022 et faire application du BCRIV 2023,

– déduire les sommes réglées au titre de l’exécution provisoire sous réserves d’appel (sic) à savoir :

* 504 643,30 euros au profit de M. [L], outre 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* 44 246,25 euros au profit de Mme [I] outre 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* 6 000 euros au profit de Mme [B] [L] outre 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la restitution du trop-perçu au titre des provisions et du règlement effectué au titre de l’exécution provisoire,

– débouter M. [L] de ses appels principal et incident,

– confirmer l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toutes autres demandes plus amples ou contraires ou tout appel incident,

– dépens comme de droit.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la cour constate que le droit à indemnisation intégrale de M. [L] sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n’a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d’appel l’évaluation des postes de préjudice.

Par ailleurs, il convient de relever que si M. [L] a interjeté appel du chef du jugement disant qu’il y a lieu de déduire des sommes allouées les provisions versées à hauteur de 512 240 euros, reprenant aux termes de ses dernières écritures une demande d’infirmation à ce titre, il n’a développé aucun moyen au soutien de celle-ci. Dès lors, il convient, sans plus ample examen au fond, de confirmer ce chef du jugement déféré.

I- Sur la recevabilité des demandes formées en appel par M. [L]

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs font valoir que l’appelant ne peut, à la faveur de leur appel incident, modifier ses demandes exprimées dans un premier temps dans le cadre de son propre appel et ce, en vertu du principe de concentration des moyens. Ils estiment ainsi que la cour n’est valablement saisie que des demandes initiales exprimées dans le cadre du premier appel par l’appelant principal, ce dernier ne pouvant, en application des articles 910-4 et 562 du code de procédure civile ainsi que du principe d’estoppel, saisir la cour de conclusions tardives par rapport à son appel principal et faisant apparaître des demandes nouvelles au titre de la tierce personne avant consolidation, de la perte de gains professionnels futurs en viager à titre subsidiaire et du déficit fonctionnel temporaire total et partiel.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] réplique qu’il peut juridiquement, dans le cadre de la procédure d’appel, procéder à l’actualisation de ses demandes, pour prendre en considération notamment l’argumentation de ses contradicteurs, l’évolution de la jurisprudence ou de sa propre situation ou encore le changement de barème de capitalisation. Il considère ainsi qu’il ne peut se voir opposer l’article 562 du code de procédure civile pour l’obliger à limiter ses demandes alors qu’il est tout à fait en droit de pouvoir répondre à l’appel incident des assureurs, ayant tout à la fois la qualité d’appelant et celle d’intimé. Il ajoute que la cour de cassation a souvent rappelé que la victime pouvait présenter des chefs de préjudice complémentaire, pour la première fois en cause d’appel, qui ne sont pas considérés comme une prétention nouvelle car participant, de manière complémentaire à la recherche de la réparation intégrale des préjudices résultant de l’accident.

Sur ce, la cour,

En vertu des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

– sur la demande subsidiaire d’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs par capitalisation viagère

La déclaration d’appel de M. [L] du 26 novembre 2019 critique expressément le chef de dispositif du jugement ayant condamné les assureurs à lui payer la somme de 453 467 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs.

Aux termes de ses premières conclusions d’appelant signifiées le 25 février 2020, M. [L], a formé une demande au titre de la perte de gains professionnels futurs jusqu’à 65 ans (à hauteur de 815 940 euros) et une autre au titre des pertes de droits à retraite (à hauteur de 186 148 euros). Il n’énonçait pas alors de prétention subsidiaire s’agissant de la perte de gains professionnels futurs au cas où la cour rejetterait sa demande d’indemnisation au titre de la perte de droits à retraite.

Cette demande subsidiaire figure dans ses dernières écritures récapitulatives du 5 septembre 2023 mais également dans ses écritures du 18 juin 2020, en tant qu’intimé formant appel incident.

Il est exact que cette demande n’a pas été formée dans les premières conclusions d’appel principal de M. [L] du 25 février 2020 et apparaît dans ses dernières conclusions du 5 septembre 2023.

Toutefois, M. [L] a présenté cette demande subsidiaire dans ses conclusions d’intimé, formant appel incident, le 18 juin 2020. A la faveur de l’effet dévolutif de cet appel incident, il a pu élargir son recours initial portant sur l’évaluation du poste de perte de gains professionnels futurs.

Il est ainsi recevable, dans le dispositif de ses dernières conclusions, prises après jonction des deux appels, à demander en cas de débouté par la cour au titre de sa perte de droits à la retraite, l’indemnisation subsidiaire de sa perte de gains professionnels futurs, par capitalisation viagère.

– sur les demandes indemnitaires au titre de la tierce personne temporaire et du déficit fonctionnel temporaire

M. [L] a formé appel principal, aux termes de sa déclaration du 26’novembre 2019, du chef des condamnations prononcées à l’encontre des assureurs au titre de l’aide humaine avant consolidation et au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Aux termes de ses premières écritures d’appelant principal en date du 25’février 2020, il demandait la condamnation des assureurs à lui payer les sommes de 46 080 euros au titre de la tierce personne avant consolidation et 15’674,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, en l’occurrence l’exact montant des indemnités qui lui ont été allouées par le premier juge.

Dans ses conclusions d’intimé et appelant incident du 18 juin 2020, M.'[L] a chiffré différemment le montant de ces postes de préjudices, réclamant alors 62 340 euros au titre de la tierce personne avant consolidation et 17 280 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel.

Les dernières écritures de M. [L], du 5 septembre 2023, font apparaître de nouvelles évaluations pour ces postes de préjudice puisqu’il est sollicité 57 600 euros au titre de la tierce personne avant consolidation et 19 737 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire (total et partiel).

La cour rappelle que lorsqu’une partie n’a pas succombé en ses demandes, elle est en principe dépourvue d’intérêt à agir, de sorte qu’est irrecevable son appel de ce chef.

Au cas particulier, le tribunal a satisfait à la prétention indemnitaire formée par la victime du chef du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, retenant sur ce point l’accord des parties pour évaluer ce poste de préjudice à la somme de 15’674,50 euros. Aux termes de leurs écritures, les assureurs confirment que M.'[L] avait accepté leur proposition au titre de l’évaluation du déficit fonctionnel temporaire.

Il s’ensuit que M. [L], indemnisé par le tribunal, conformément à sa demande, ne dispose pas d’un intérêt à faire appel sur ce poste de préjudice. La fin de non recevoir soulevée par les assureurs doit dès lors être accueillie.

S’agissant du chef de la tierce personne temporaire, ni le jugement ni les écritures des parties ne permettent à la cour de connaître le montant sollicité en indemnisation de ce poste de préjudice par la victime, en première instance. Contrairement au déficit fonctionnel temporaire, le juge ne fait pas état d’un accord intervenu entre les parties et apparaît avoir adopté un autre mode de calcul que celui qu’elles ont effectué, qualifié d’ ‘incompréhensible’, s’agissant du volume horaire de l’aide humaine. Aux termes de ses premières conclusions d’appelant principal, M. [L] indiquait qu’il ‘accepte l’indemnisation’ fixée par le tribunal, ce qui signifie qu’il n’avait pas obtenu entière satisfaction par rapport à ce qu’il avait demandé.

Dès lors, il conserve un intérêt à agir et s’il lui incombe de présenter dans son premier jeu de conclusions adressées à la cour, l’ensemble de ses prétentions sur le fond, la modification du chiffrage du poste de préjudice sollicité ne peut être considérée comme opérant un changement de sa prétention de fond en ce qu’il s’agit uniquement d’actualiser le poste de préjudice en retenant un coût horaire de 20 euros au lieu de 16 euros appliqué par le tribunal.

Il s’ensuit que la demande de M. [L] tendant à obtenir le versement d’une indemnité actualisée au titre du poste lié à la tierce personne temporaire, doit être déclarée recevable.

II – Sur l’évaluation du préjudice corporel de M. [L]

Les experts amiables, les Drs [K] et [D], indiquent dans leur rapport en date du 7 décembre 2012 que M. [L] a présenté à la suite de l’accident du 15 septembre 2009 :

– un traumatisme crânien sévère avec plaies du scalp et de la face (avec un hématome extra-dural, plusieurs pétéchies hématiques mésencéphaliques et un ‘dème cérébral)

– au niveau de la face :

– une fracture fronto-pariétale gauche,

– une fracture mandibulaire intéressant la branche horizontale gauche entre la 37 et la 38 et une fracture de la branche verticale droite jusqu’à l’échancrure,

– sur le plan orthopédique :

– un traumatisme du rachis cervical avec subluxation de C2 sur C1,

– un traumatisme thoracique avec contusion pulmonaire en région antérieure gauche,

– une fracture ouverte du tiers inférieur de l’avant-bras gauche qui a dû être ostéosynthèsée.

M. [L] a dû subir plusieurs interventions immédiates :

– suture des plaies par l’ORL

– évacuation de l’hématome extra-dural avec constitution d’un volet

– parage, suture, réduction et synthèse de la fracture du membre supérieur gauche par 3 broches au radius, une broche intra-médullaire sur le cubitus.

Au niveau maxillo-facial, il a bénéficié :

– d’un blocage intermaxillaire

– d’une ostéosynthèse de fracture après réduction de la branche horizontale gauche avec plaque vissée

– d’une trachéotomie par cervicothomie.

La durée du coma est d’au moins 15 jours et l’amnésie post-traumatique est supérieure à un mois.

Les experts précisent que M. [L] est resté en réanimation chirurgicale du 15 septembre au 1er octobre 2009 puis en neurochirurgie du 1er octobre au 2 novembre 2009, date à laquelle il a été transféré au centre de rééducation de [Localité 11] jusqu’au 9 février 2010 puis au centre de rééducation [8] à [Localité 13] en externe où il est resté du 11 février au 2 juillet 2010 puis du 7 septembre au 17 décembre 2010, les allers-retours se faisant en VSL.

M. [L] a été admis à l’unité d’évaluation de réentraînement et d’orientation socio-professionnelle (l’UEROS ci-après) où il a séjourné du 29 mai au 15 juin 2012 et ultérieurement il n’y a pas eu de prise en charge spécifique.

Les experts s’accordent à dire que la victime conserve des troubles neuropsychologiques, orthopédiques, maxillo-faciaux, visuels ainsi que des séquelles ORL.

Ils fixent la date de consolidation au 15 septembre 2012, soit à trois ans de l’accident.

Les Drs [K] et [D] ont également rédigé des ‘conclusions définitives communes’ détaillant l’évaluation des divers postes de préjudice. Si ces conclusions ne sont pas datées, il résulte des écritures des parties qu’un nouvel examen de M. [L] serait intervenu fin 2014 ou début 2015, donnant lieu à ce compte-rendu final qui serait intervenu le 31 mars 2015, ainsi que mentionné aux termes de l’offre d’indemnisation émise par les assureurs, le 25 août 2015.

Le rapport d’expertise amiable de décembre 2012 et les conclusions de mars 2015 constituent, sous les précisions qui suivent, une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi par M. [L], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime née le [Date naissance 2] 1991, de son activité professionnelle au jour de l’accident, de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux

articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

I- sur les préjudices patrimoniaux :

a- les préjudices patrimoniaux temporaires

– frais d’assistance à expertise

Le tribunal a retenu une somme de 4 026,40 euros au titre des frais exposés par la victime qui a rémunéré plusieurs médecins pour l’assister au cours des différentes réunions d’expertise. Faute de justificatif, le juge a écarté la somme de 1 000 euros réclamée par le demandeur au titre des frais d’assistance à expertise pour le bilan neuropsychologique réalisé par Mme [V].

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] sollicite la somme globale de 6 126 euros, au titre des frais d’assistance à expertise, indiquant avoir exposé en 2011, lors de la première expertise médicale et lors des deux expertises des sapiteurs (ORL et ophtalmologue), la somme totale de 2 850 euros. Il ajoute avoir réglé des honoraires à hauteur de 2 276 euros auprès du Dr [D] qui l’a assisté lors des deux expertises médicales de 2012 et 2014 et enfin une somme de 1 000 euros au titre des frais d’assistance en expertise pour le bilan neuropsychologique. L’appelant fait grief au tribunal de ne pas avoir intégré les honoraires de Mme [V] et du Dr [O].

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs concluent au débouté de l’appelant et à la confirmation du jugement en sa disposition ayant retenu une somme de 4 026, 40 euros, relevant qu’il n’est aucunement justifié de la pertinence d’une réclamation complémentaire, forfaitaire, de 1 000 euros.

Sur ce, la cour,

Les frais d’assistance à expertise peuvent faire l’objet d’une indemnisation au titre du poste des frais divers qui comprend, à l’exception des dépenses de santé, tous les frais susceptibles d’être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l’accident à l’origine du dommage corporel qu’elle a subi.

La cour constate qu’au soutien de son appel, M. [L] produit :

– deux reçus établis par le Dr [O] attestant de règlements par M.'[L] d’une somme de 650 euros au titre d’honoraires d’assistance pour une consultation médico-légale du 15 novembre 2011 et d’une somme de 1 100 euros au titre d’honoraires pour ‘3 expertises médico-légales contradictoires’ sans précision de date,

– un reçu d’honoraires pour un montant de 1 076,40 euros, établi le 28’novembre 2012 par le Dr [D] ‘pour examen de M. [T] [L] à [son] cabinet et assistance à une expertise contradictoire pratiquée avec le Dr [K] le 28 novembre 2012″

– un reçu d’honoraires pour un montant de 1 200 euros, établi le 16 avril 2014 par le Dr [D] ‘pour examen de M. [T] [L] à [son] cabinet et assistance à une expertise contradictoire pratiquée avec le Dr [K] le 16 avril 2014  »

– un reçu d’honoraires pour un montant de 598 euros, établi le 28’novembre 2012 par le Dr [D] ‘pour examen de Mme [M] [L] à [son] cabinet et assistance à une expertise contradictoire pratiquée avec le Dr [K] le 28 novembre 2012″.

La pièce numérotée 12 appelée ‘honoraire médecin’, aux termes du bordereau de pièces communiqué par l’appelant, correspondrait selon les écritures de ce dernier, à une facture de 1 000 euros établie par Mme [V] l’ayant assisté pour le bilan neuropsychologique. Toutefois, ladite pièce renseignée comme ‘non communiquée’ audit bordereau, n’apparaît pas au titre des pièces transmises à la cour.

Il s’ensuit qu’au regard des éléments précités, produits aux débats par l’appelant et faute de communication par ce dernier d’autres justificatifs des dépenses engagées, le tribunal a retenu, à juste titre une somme de 4 026,40 euros (650 + 1 100 + 1 076,40 + 1 200). Le reçu d’honoraires du 28 novembre 2012 concernant Mme [L] ne peut être pris en considération puisqu’il s’agit ici d’indemniser les frais d’assistance à expertise concernant exclusivement la victime directe.

Le jugement sera dès lors confirmé s’agissant de chef de préjudice.

– frais de transport

Le tribunal a rejeté la demande indemnitaire formée par M. [L] à hauteur de la somme forfaitaire de 2 500 euros, au titre des frais de transport qu’il indique avoir engagés. Le juge a relevé que ces dépenses ont été prises en charge par la CPAM pour la période du 15 septembre 2009 au 28 novembre 2011, à hauteur de 21’972,81 euros sans toutefois couvrir les frais de trajet exposés par la victime pour se rendre aux expertises. A cet égard, le tribunal a retenu, en se fondant sur l’attestation de Mme [I], que cette dernière accompagnait son fils avec son véhicule personnel aux différents rendez-vous médicaux et qu’à ce titre, elle formait une demande distincte d’indemnisation. Aussi, il a été considéré que la victime ne justifiait pas de frais de transport qui seraient restés à sa charge.

Aux termes de ses dernières écritures, l’appelant sollicite une somme forfaitaire de 1 000 euros. Il fait valoir qu’il a dû engager des frais pour se rendre aux différentes réunions d’expertise, qu’il s’est déplacé à de nombreuses reprises auprès de son médecin traitant et de son kinésithérapeute et ce, durant les trois années précédant sa consolidation, sans qu’il ne puisse ‘se faire à lui-même de factures.’ Il ajoute que ces déplacements qui ont été véhiculés par sa mère, qui en atteste, se vérifient à la lecture du rapport d’expertise. M. [L] indique encore que si la CPAM a pris en charge certains déplacements, il a dû se rendre personnellement, sans utiliser de VSL, chez son kinésithérapeute, chez son médecin traitant ou encore chez son conseil pour préparer et passer les quatre expertises médicales à [Localité 12].

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs demandent la confirmation du jugement entrepris dès lors que l’appelant ne justifie pas des frais de transport exposés, observant qu’il sollicite une somme forfaitaire désormais inférieure à celle qui était réclamée devant le premier juge.

Sur ce, la cour,

Au même titre que les frais d’assistance à expertise, les frais de transport peuvent être indemnisés au titre des frais divers.

Au soutien de son appel, M. [L] produit une attestation de sa mère, Mme [I], établie le 22 octobre 2018, aux termes de laquelle elle détaille les divers rendez-vous d’expertise, du suivi SAMSAH et UEROS, intervenus avant et après le 15 septembre 2012, date de consolidation de la victime. Elle indique ‘tous ces rendez-vous représentent environ 7 500 kms et environ 450 euros de péage pour l’accompagnement de M. [L] [T]’.

Il importe de relever que Mme [I] s’est vue allouer par le tribunal une somme de 2 500 euros pour compenser ses frais de déplacement, le juge précisant que l’intéressée conduisait, avec son véhicule, son fils aux différents rendez-vous pour les expertises à [Localité 12] ou en région parisienne ainsi que pour son suivi SAMSAH et UEROS près de [Localité 13]. Les indemnités accordées à Mme'[I] sont définitives, aucun appel n’ayant été interjeté par cette dernière s’agissant de la liquidation de ses préjudices.

En définitive, si l’appelant justifie de la réalité des rendez-vous médicaux et réunions d’expertise auxquelles il a dû se rendre, avant sa consolidation, il n’établit pas avoir conservé à sa charge des frais afférents qui n’auraient pas été pris en compte par son organisme social ou qui seraient étrangers à ceux qui ont déjà fait l’objet d’une indemnisation directement auprès de sa mère, Mme [I].

Dès lors, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que la demande formée à titre forfaitaire par la victime ne pouvait prospérer et l’en a débouté.

– tierce personne temporaire

Le tribunal a alloué à la victime une somme de 46’080 euros, se fondant sur une amplitude horaire différente selon les périodes et retenant au total un volume de 2 880 heures indemnisées suivant un taux horaire de 16 euros.

Aux termes de ses dernières écritures, l’appelant sollicite une somme de 57’600 euros, sur la base d’un taux horaire de 20 euros, pour tenir compte de l’importance de la dépendance dans les suites immédiates de l’accident et de la gravité des séquelles orthopédiques et neurologiques.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs sollicitent la confirmation du jugement, rappelant que le chiffrage du coût horaire de l’aide humaine n’est pas fonction de l’importance de la dépendance et de la gravité des séquelles mais de la réalité, objectivée par un expert, de la nécessité d’un recours à la tierce personne.

Sur ce, la cour,

Il s’agit ici d’indemniser la victime des dépenses liées à la réduction d’autonomie. Le préjudice est indemnisé selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaire.

En application du principe de la réparation intégrale, le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance familiale ni subordonné à la production de justifications des dépenses effectives.

Par ailleurs, il importe de rappeler que l’évaluation du dommage, en ce compris les dépenses engagées pendant la période antérieure à la consolidation et jusqu’à l’arrêt, doit être faite au moment où la cour statue. Il convient dès lors de statuer en fonction d’un tarif horaire correspondant à celui habituellement pratiqué à ce jour.

Les experts amiables indiquent aux termes de leur rapport : il y a eu aide par tierce personne de 4 heures par jour lorsque la victime était à domicile pendant les permissions de week-end et de 3 heures par jour lorsqu’il était en hôpital de jour. À compter du 17 décembre 2010, date de la fin de l’hospitalisation de jour, l’aide est de 2 heures par jour jusqu’au 17 juin 2011. Au-delà du 18 juin 2011, l’aide était de 10 heures par semaine jusqu’à ce qu’il ait son permis de conduire, le 3 mars 2012. Au-delà, il pouvait se déplacer. Il a toujours besoin d’une aide pour l’encadrement, la planification, la gestion administrative, évaluée à 1 heure par jour à compter du 4 mars 2012.

Dans leurs conclusions définitives communes, les Dr [K] et [D] ont donné une évaluation ‘lissée dans le temps’ de 3 heures par jour jusqu’à la date de consolidation, pendant tous les week-ends et lorsque la victime était à domicile.

Il résulte du rapport d’expertise amiable que les premières permissions de week-end, lorsque M. [L] se trouvait en centre de rééducation, remontent au 20 novembre 2009. Il est sorti complètement du centre de rééducation à compter du 17 décembre 2010.

Si chacune des parties donne des analyses différentes s’agissant des périodes à prendre en considération, elles s’accordent à prendre pour base de calcul le volume total de 2 880 heures retenu par le premier juge.

Eu égard à la nature de l’aide requise, majoritairement non médicalisée et non spécialisée et du handicap qu’elle est destinée à compenser, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire de 18 euros.

L’indemnité de la tierce personne temporaire s’établit ainsi à la somme de 51’840 euros (2 880 heures x 18 euros).

Le jugement sera réformé en ce sens.

– perte de gains professionnels actuels

Le tribunal a alloué à M. [L] la somme de 32’805,40 euros au titre de sa perte de gains professionnels actuels. Il a relevé que ce dernier travaillait en qualité de maçon dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée depuis le 15 juillet 2009, ayant perçu pour le mois d’août la somme de 1 249,56 euros et ayant ainsi subi une perte de 316,84 euros jusqu’au 31 décembre 2009, fin prévue de son contrat, après déduction des indemnités journalières. Ensuite, le juge a retenu une perte de chance de renouvellement du CDD en CDI, évaluée à 80% au regard de l’attestation de son employeur du 22 octobre 2018 et ainsi estimé la perte financière à la somme de 32 488,56 euros (80% de 1 249,56 euros pendant 32 mois et demi), sur la période allant du 1er janvier 2010 jusqu’à la date de consolidation.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] rappelle qu’il venait de commencer un CDD de 5,5 mois, suivant contrat du 15 juillet 2009 en qualité de maçon, avec un salaire de référence pour le mois d’août 2009 de 1 249,56 euros. Il estime sa perte de gains à la somme de 44’984, 16 euros (1 249,56 euros x 12 x 3 ans), avant déduction de la créance de la CPAM, affirmant que sans l’accident, il aurait poursuivi son travail et qu’il aurait été embauché par son employeur en CDI à l’issue du CDD. À cet égard, il produit des attestations du gérant de la société qui l’avait embauché en juillet 2009 et de sa mère, informée du projet de l’employeur. L’appelant fait grief au tribunal d’avoir retenu une perte de chance de 80% au lieu d’une indemnisation totale alors que la poursuite de son activité professionnelle dans l’entreprise était acquise.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs concluent à la réformation du jugement entrepris, demandant de limiter la perte de gains professionnels actuels à la somme de 316,84 euros. Ils font valoir que M. [L] ne peut revendiquer le bénéfice d’une perte de gains professionnels actuels correspondant à une prolongation de son contrat de travail à durée déterminée dès lors qu’il n’est nullement établi qu’il aurait poursuivi ce travail dans cette entreprise, dans le cadre d’une activité professionnelle qu’il débutait en dehors de sa sphère de compétences initiales. Ils estiment que le caractère spéculatif de l’analyse faite par M. [L] mais également par le premier juge, s’en tenant à un raisonnement théorique, justifie le rejet de la demande. En outre, ils considèrent que les deux attestations produites sont très insuffisantes pour établir une perte de gains professionnels actuels, celle de Mme [I], mère de la victime, étant considérée comme établie pour les besoins de la cause et celle de l’employeur ne révélant qu’une hypothétique volonté d’embauche. Les assureurs rappellent que ne peuvent être indemnisées que des pertes nettes de revenus sur une période de travail définie et justifiée médicalement.

Sur ce, la cour,

Le poste perte de gains professionnels actuels vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions financières du dommage dans la sphère professionnelle et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus, ce qui impose de reconstituer le revenu perçu par la victime avant l’accident puis d’évaluer les pertes par comparaison entre les revenus perçus avant et après le fait dommageable sans se référer à des revenus hypothétiques.

Il résulte du rapport d’expertise amiable que M. [L] s’est trouvé dans l’incapacité de travailler du jour de l’accident jusqu’à la fin théorique de son contrat de travail à durée déterminée prenant fin le 31 décembre 2009. En effet, les experts ont conclu à un déficit fonctionnel temporaire total du 15 septembre 2009 au 5 décembre 2009 et partiel de classe IV (75%) du 6 décembre 2009 au 17’décembre 2010. Par la suite, les experts ont retenu une gêne temporaire partielle de classe III (50%) du 18 décembre 2010 au 15 juin 2012, période au cours de laquelle la victime a pu être en rééducation et suivre un stage en UEROS.

La période d’inactivité professionnelle, du 15 septembre 2009 jusqu’au 31’décembre 2009, n’est pas contestée par les assureurs ni davantage la perte financière évaluée par le tribunal à la somme de 316,84 euros ([1 249,56 euros x 3 mois et demi] – 4 056,62 euros), correspondant à la différence entre les salaires que la victime aurait dû percevoir jusqu’à la fin de son contrat, sur la base du salaire du mois d’août 2009 pris comme référence (soit 1 249,56 euros) et ce, après déduction des indemnités journalières pour 4 056,62 euros.

En revanche, les parties s’opposent sur l’existence même d’une perte de gains professionnels à compter du 1er janvier 2010 jusqu’à la date de consolidation.

Pour démontrer que sans la survenance de l’accident, il aurait obtenu un emploi stable, M. [L] produit une attestation du 22 octobre 2018 de M. [E] [U], son ancien employeur et gérant de la société Les Maçonneries du Maine, déclarant l’avoir embauché le 15 juillet 2009 par contrat CDD ‘suite à un besoin pour répondre un accroissement d’activité’ et avoir été ‘entièrement satisfait de la qualité de son travail, ayant prévu une embauche en CDI à l’issue du CDD en tant que maçon dans [son] entreprise’. L’appelant verse également

une attestation du même jour établi par sa mère, Mme [I] indiquant que le CDD ‘aurait été transformé en CDI par le gérant M. [E] [U] (entreprise Les Maçonneries du Maine). En effet mon ami M. [S] et mon fils qui travaillait (sic) pour la même entreprise en avaient discuté avec M. [U] qui était très content de la qualité de leur travail. L’entreprise avait beaucoup de chantiers et M. [U] voulait garder [T] qui travaillait en binôme avec M.'[S].’

D’une part, la cour relève que l’impossibilité pour la victime de travailler, en relation avec l’accident de la date de celui-ci jusqu’à la consolidation, soit du 15’septembre 2009 jusqu’au 15 septembre 2012, soit trois ans, n’est pas contestable au regard des constatations médicales précitées. Les assureurs ne discutent d’ailleurs pas cette incapacité pour M. [L] de reprendre une activité professionnelle au cours de cette période.

D’autre part, il est établi qu’au jour de l’accident, M. [L] était salarié depuis le 15 juillet 2009, en qualité de maçon, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée et ce, jusqu’au 31 décembre 2009. L’attestation précitée de son employeur rapporte l’intention de ce dernier de l’embaucher au titre d’un CDI à l’issue de son CDD sans qu’il s’agisse toutefois d’une offre ferme de contrat. L’attestation de Mme [Z], mère de la victime, ne fait que confirmer ce projet de l’employeur sans qu’elle n’apporte une quelconque garantie d’embauche.

Pour autant, l’attestation de M. [U] témoigne d’une opportunité sérieuse qui ne peut être considérée comme hypothétique dès lors qu’elle est formulée par le gérant de l’entreprise qui employait depuis deux mois M. [L] et à qui ce dernier avait donné satisfaction. Cela caractérise ainsi pour M. [L] un droit à l’indemnisation d’une perte de chance d’être recruté de manière pérenne et de percevoir des gains professionnels pendant la période avant consolidation.

En considération de ces éléments, la perte de chance d’être recruté en qualité de maçon dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, a pu justement être évaluée par le premier juge à 80 %.

Pour le calcul de la perte subie, il convient de se référer au salaire perçu par la victime au cours du mois d’août 2009, soit 1 249,56 euros. La perte s’élève ainsi à 32’488,56 euros (1 249,56 euros x 80% x 32 mois et demi).

Il convient ainsi de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M.'[L] une somme totale de 32 805,40 euros (316,84 euros + 32 488,56 euros) au titre de la perte de gains professionnels actuels subie entre le 15 septembre 2009 et le 15 septembre 2012.

b- les préjudices patrimoniaux permanents :

Le choix du barème de capitalisation, support de l’évaluation des préjudices futurs, relève du pouvoir souverain du juge du fond. La cour retient l’application du barème de capitalisation édité dans la Gazette du palais du 31 octobre 2022, qui est fondé sur une espérance de vie issue des tables de mortalité 2017-2019, et sur un taux d’intérêt de 0% corrigé de l’inflation, ce qui permet ainsi de protéger la victime contre les effets de l’érosion monétaire, et constitue le référentiel le mieux adapté à l’espèce.

– tierce personne permanente

Le tribunal a retenu, sur la base du rapport d’expertise, la nécessité d’une aide par tierce personne de trois heures par jour et l’a évaluée, pour la période allant du 15 septembre 2012 au 30 septembre 2019, date du jugement, à la somme en capital de 123’360 euros, sur la base d’un taux horaire de 16 euros et de 365 jours par an. À compter du 1er octobre 2019, le tribunal a jugé que l’indemnisation interviendra sous la forme d’une rente annuelle viagère, payable trimestriellement, aux motifs que c’est la forme la plus appropriée s’agissant de dépenses échelonnées dans le temps susceptibles d’évoluer notamment en cas d’hospitalisation et en raison de la personnalité de la victime qui n’est pas en mesure de gérer son budget et qui aurait dilapidé l’une des provisions allouée, observant encore que cette dernière ne bénéficie que d’une mesure de curatelle simple. Le premier juge a ainsi alloué une rente annuelle viagère d’un montant de 17’520 euros (365 jours x 3 heures x 16 euros), payable trimestriellement et indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d’hospitalisation à partir du 46e jour.

Aux termes de ses dernières écritures, l’appelant sollicite à titre principal la somme en capital de 235’080 euros au titre de la tierce personne échue du 15 septembre 2012 au 27 mars 2023 sur la base d’un taux horaire de 20 euros et de 412 jours par an, afin de tenir compte à la fois de la majoration du coût horaire, suivant la jurisprudence actuelle et d’intégrer les congés payés de l’intervenant ainsi que les jours fériés. À compter du 27 mars 2023, il sollicite l’indemnisation de la tierce personne sous forme d’un capital à hauteur de 1’567’074 euros, faisant valoir son intérêt dans la mesure où les taux d’intérêt concernant les rentes sont désormais très faibles. L’appelant ajoute que son besoin en heures journalières est faible, qu’il est désormais âgé de 32 ans, qu’il n’a pas été hospitalisé depuis 2012 et qu’il ne le sera plus à l’avenir puisqu’il ne conserve pas de séquelles justifiant des interventions chirurgicales dans le futur. Il souligne encore que la mesure de curatelle simple permet une surveillance, que sa famille est très présente à ses côtés et qu’il n’existe donc aucun risque s’agissant de l’utilisation du capital qui lui serait versé. L’appelant sollicite par ailleurs l’application du barème de capitalisation publié à la gazette du palais en 2022 à -1% qu’il considère comme étant le plus actuel pour tenir compte des taux d’intérêt de l’inflation et de l’évolution de l’espérance de vie. A titre subsidiaire, il demande l’application du même barème dans sa version à 0%, conduisant à une indemnisation à hauteur de 1’187’019 euros.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs demandent la confirmation du jugement sur ce poste de préjudice et notamment sur le principe de la rente. À cet égard, les intimés estiment que l’appelant n’apporte aucune démonstration de la nécessité de procéder à une indemnisation en capital. Ils soulignent que ce dernier insiste sur ses troubles cognitifs pour justifier d’une perte de gains professionnels actuels et futurs et dans le même temps se dit apte à gérer un capital. Les intimés ajoutent que l’indemnisation sous forme de rente indexée est indispensable pour garantir à la victime un revenu régulier et revalorisé au fur et à mesure de ses besoins et pour tenir compte du contexte actuel d’instabilité économique. Si l’indemnisation en capital était retenue, ils sollicitent l’application du barème de capitalisation de référence pour l’indemnisation des victimes (BCRIV), considérant que l’adoption d’un barème sur un taux réel négatif supposerait le maintien de cet environnement économique anormal en le cristallisant sur toute la durée de vie de la victime, ce qui constitue une ‘aberration économique’.

Sur ce, la cour,

Ce poste vise à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.

Aux termes de leur rapport et de leurs conclusions définitives, les experts ont conclu à la nécessité d’une aide par tierce personne à raison de trois heures par jour.

Ce besoin d’assistance, viager, de 3 heures par jour, postérieurement à la consolidation pour aider M. [L] dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et suppléer sa perte d’autonomie n’est pas contestée dans son principe mais reste discutée dans son étendue et dans son coût.

Il convient de rappeler qu’en application du principe de la réparation intégrale, l’indemnité allouée au titre de la tierce personne ne saurait être réduite en cas d’aide familiale ni subordonnée à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l’aide requise, non médicalisée et non spécialisée et du handicap qu’elle est destinée à compenser, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire de 18 euros et sur une année de 412 jours par an, pour tenir compte des jours fériés et des congés.

L’indemnité annuelle due sur 412 jours s’élève ainsi à la somme de 22 248 euros (412 jours x 18 euros x 3 heures).

Par ailleurs, il appartient au juge du fond, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, de choisir le mode de réparation du dommage, sous forme de rente ou de capital. Compte tenu du jeune âge de la victime au jour de la consolidation (21 ans) et de l’importance de son handicap (50% de déficit fonctionnel permanent), il convient, outre de garantir l’indemnisation intégrale de son préjudice, de l’accompagner sa vie durant en toute sécurité financière. Quand bien même M. [L] bénéficie d’une mesure de curatelle simple, il s’agit avant

tout de lui permettre de disposer de fonds sur le long terme qui lui seront nécessaires pour faire face à l’éventuelle embauche d’une tierce personne et en tout état de cause à une dépense qui s’échelonne dans le temps. A cette fin, la cour retiendra le versement de l’indemnisation de la tierce personne permanente sous forme de rente annuelle viagère indexée, payable trimestriellement.

L’indemnisation de la tierce personne permanente sera ainsi évaluée et ventilée comme suit :

– assistance tierce personne échue du 15 septembre 2012, date de consolidation au 5 décembre 2023, soit 11 ans, 2 mois et 20 jours : [(3 heures x 18 euros x 412 jours x 11 ans) + (3 heures x 18 euros x’30,5 jours x 2 mois) + (3 heures x 18 euros x 20 jours)] = 249 102 euros

– assistance tierce personne à échoir, à compter du 6 décembre 2023 : montant annuel de la rente = 22 248 euros (18 euros x 3 heures x 412 jours).

En conséquence, il sera alloué à M. [L] :

– un capital de 249 102 euros,

– une rente viagère annuelle de 22 248 euros, payable trimestriellement, à terme échu, à compter du 6 décembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et indexée selon les dispositions de l’article 43 de la loi du 5 juillet 1985, et suspendue en cas d’hospitalisation à partir du 46ème jour, ou d’institutionnalisation à temps complet.

Le jugement sera ainsi réformé de ce chef.

– perte de gains professionnels futurs

Le tribunal a alloué à M. [L] une somme capitalisée arrondie de 453’437 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs. D’une part, il a retenu une perte de chance de l’ordre de 80% de percevoir un salaire mensuel de 1 800 euros correspondant au salaire médian français, dans la mesure où il n’est pas certain qu’il aurait exercé la profession de coffreur bancheur. D’autre part, le premier juge a déduit la rémunération que M. [L] pourrait percevoir d’un travail en ESAT correspondant à 55% du SMIC, soit 675 euros par mois. Ainsi, il a fixé la perte de salaire mensuel à 765 euros par mois (1 800 x 80% – 675 euros), soit une perte annuelle de 9 180 euros qui a été capitalisée sur la base du barème de la gazette du palais 2018 (9 180 euros x 49,394).

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] fait valoir qu’au regard des graves séquelles neurologiques, des troubles cognitifs et de comportement dont il souffre, consécutivement à l’accident, il ne pourra jamais travailler dans un milieu ordinaire ou protégé. Il expose que depuis sa consolidation, il n’a pu envisager la reprise d’une formation qu’il n’est pas capable de suivre correctement. Il se fonde sur les bilans neuropsychologiques de 2009, 2011 et sur

le bilan orthophonique de 2010 pour décrire l’importante altération de ses capacités d’apprentissage. Il fait encore état de son comportement agressif et son irritabilité vis-à-vis des tiers qui constituent d’importants obstacles, conjugués à des acouphènes permanents, perturbant son audition et son attention. Il ajoute souffrir de séquelles ophtalmiques importantes avec un déficit fonctionnel permanent spécifique de 7 %, de séquelles ORL avec un taux de déficit spécifique de 14% et de séquelles stomatologiques avec un taux spécifique de déficit de 4%. M. [L] évoque un stage réalisé à l’UEROS en mai 2012 qui s’est soldé par un échec et qui a dû être interrompu du fait de ses troubles comportementaux. Il déclare que depuis 2012, il se trouve sans emploi et ne bénéficie d’aucune aide, sollicitant dès lors une indemnité de 1’150’761 euros, par capitalisation de sa perte de gains jusqu’à 65 ans, sur la base du salaire médian français, soit 1 800 euros par mois. Il fait grief au premier juge d’avoir retenu une perte de chance de pouvoir exercer un emploi puisqu’il travaillait et allait bénéficier d’un CDI. Il lui reproche également d’avoir retranché un salaire ESAT en ne prenant pas la mesure de ses importants déficits qui le rendent incapable de pouvoir travailler dans ce type d’établissement. Il indique encore que la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé a été renouvelée à compter du 1er avril 2020 et cela pour une durée illimitée. A titre subsidiaire, s’il n’était pas fait droit à la demande d’indemnisation au titre de la perte de ses droits à retraite, il sollicite la capitalisation viagère de sa perte de gains professionnels futurs et ainsi une somme de 1’769’320 euros.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs soutiennent que M.'[L] est apte à exercer une activité professionnelle en milieu protégé, au vu des conclusions du rapport d’expertise amiable. Ils font grief à leur contradicteur qui ne sollicite toujours aucune mesure d’expertise complémentaire, de leur opposer des éléments non contradictoires. À cet égard, s’agissant notamment du document UEROS, ils objectent qu’il ne s’agit pas d’un rapport d’expertise contradictoire ou d’une constatation médicale excluant toute activité professionnelle mais d’un document relatif à un stage professionnel. Ils font valoir que l’absence actuelle d’activité professionnelle de M. [L] ne signifie pas pour autant qu’il est incapable d’occuper un emploi. Ils proposent d’indemniser la perte de gains professionnels futurs par le versement d’une somme de 85’800 au titre des arrérages échus au 15 septembre 2023, sur la base d’un revenu moyen mensuel de 1300 euros et en tenant compte d’une capacité d’exercer une activité professionnelle à 50 % ([(1300 euros x 50% x12 mois) x 11 ans]) et par le règlement, à compter du 15 septembre 2023, d’une rente annuelle de 7 800 euros, payable trimestriellement à terme échu. À titre subsidiaire, si l’indemnisation en capital était retenue, ils sollicitent l’application du BCRIV 2023 et proposent sur cette base une indemnité de 418’314 euros.

Sur ce, la cour

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

La fixation de la perte de gains professionnels futurs suppose d’évaluer les pertes annuelles par comparaison entre les revenus perçus avant et ceux qui ont ou auraient dû l’être après le fait dommageable, sans se référer à des revenus hypothétiques, de déterminer les pertes éprouvées entre la consolidation et la décision en multipliant les pertes annuelles par le nombre d’années écoulées, ces pertes donnant lieu à un versement en capital, puis de déterminer les pertes qui seront éprouvées à compter de la décision jusqu’à la retraite ou de manière viagère, en multipliant les pertes annuelles de revenus par l’euro de rente d’un barème de capitalisation choisi, correspondant au sexe et à l’âge de la victime au jour de la décision et à l’âge auquel elle aurait pu prendre sa retraite ou de manière viagère.

Aux termes du rapport d’expertise amiable du 7 décembre 2012, les Drs'[K] et [D] indiquent être d’accord pour dire que ‘pour le moment, l’intéressé ne peut pas avoir d’activité professionnelle tant qu’il n’a pas refait le stage en UEROS’. Les conclusions définitives communes des deux praticiens, rédigées en 2015, énoncent que ‘l’intéressé n’est pas inapte à toute activité. Le Dr [K] regrette que l’intéressé n’ait pas été orienté vers CAP EMPLOI. Il considère que l’intéressé pourrait avoir une activité dans un ESAT ‘hors les murs’. Le Dr [D] considère que la possibilité d’un travail en poste adapté lui paraît théorique’.

Les experts ont fait état aux termes de leur rapport du stage réalisé par M.'[L], à l’ADAPT d’Ille et Vilaine du 29 mai au 15 juin 2012, reprenant un extrait du compte rendu de l’association : ‘M. [L] a remis en cause sa présence à l’UEROS, il s’interroge sur le sens de ce qu’il fait. Il semble hésiter pour répondre à la demande de son entourage, avocat. Après plusieurs hésitations, la décision d’interrompre son parcours devient effective le 14 juin 2012″.

Le bilan intermédiaire de l’UEROS mentionnait ‘M. [L] questionne le sens de sa présence à l’UEROS (…) son investissement est fluctuant … Sa présentation n’est pas adaptée au cadre de travail proposé, il garde sa casquette, ses lunettes de soleil, il regarde son portable. Sa posture au travail est très détendue (…) Il prend bien les remarques et reste agréable dans la relation. En début d’activité, il a tendance à se précipiter pour commencer sans écouter la consigne jusqu’au bout. Il a pu se concentrer et s’investir quelques heures sur une activité. Il comprend les consignes et analyse ce qui est demandé. Il prend peu le temps de chercher, en cas de difficulté, il interroge le professionnel alors qu’il a parfois la solution. Les préhensions fines sont possibles. Le traçage est approximatif car il ne suit pas le plan.’

Les experts rapportent les constatations des neuropsychologues ayant examiné M. [L], qui ont repéré que l’attention et la concentration de ce dernier sont très perturbées (l’intéressé a des difficultés à rester sur la même tâche plus d’une heure), que le niveau est très faible en raisonnement social, qu’une lenteur d’exécution le pénalise souvent et qu’au niveau comportemental, l’humeur a changé avec une impulsivité.

Les Drs [K] et [D] s’accordaient à dire qu’au jour de leur expertise, l’intéressé ne pouvait pas avoir d’activité professionnelle tant qu’il n’avait pas refait de stage en UEROS. A cet égard, s’ils précisaient dans leur rapport qu’un nouveau stage UEROS était prévu à compter de décembre 2012, celui-ci n’a pas eu lieu et ils ne font état d’aucune nouvelle expérience professionnelle dans leurs conclusions définitives de 2015.

M. [L] produit aux débats la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées lui accordant le bénéfice de l’AAH pour la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2017, au taux d’incapacité supérieure ou égale à 80 %. Il justifie également d’une reconnaissance par la maison départementale de l’autonomie de la Mayenne, de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) à partir du 1er avril 2020 et sans limitation de durée. Il verse aux débats quatre attestations de 2015, 2018 et 2019 établies par des gérants d’entreprises différentes (relevant du secteur du bâtiment), l’ayant pris ‘à l’essai’ pour ‘évaluer ses capacités et aptitudes en entreprise’. Leurs témoignages convergent pour dire que M. [L] ne comprend pas les consignes données et s’énerve facilement, présente des difficultés de concentration ne lui permettant pas de travailler en entreprise et ce, malgré tous ses efforts pour tenter de s’intégrer.

Il importe de rappeler que s’agissant d’une victime très jeune à la date de l’accident, sa perte de gains professionnels futurs doit s’apprécier par voie d’estimation au regard du revenu qu’elle aurait raisonnablement pu espérer sans la survenance du fait dommageable et du revenu qu’elle pourra effectivement percevoir.

Avant son accident et ainsi que cela résulte du rapport d’expertise amiable, M. [L] avait suivi une scolarité sans redoublement, s’était rendu en Belgique pour obtenir une formation en BEP de restauration. À son retour en France, il avait commencé une activité professionnelle dans ce domaine, l’avait continuée en Belgique avant de l’abandonner, ce secteur de la restauration ne lui plaisant plus. De juin 2008 à juillet 2009, il n’a plus d’activité particulière et c’est son beau-père, M. [S] qui, travaillant en intérim pour une entreprise, l’a fait embaucher par celle-ci en CDD à compter du 14 juillet 2009 afin qu’il soit formé au métier de coffreur bancheur.

Aucune orientation, notamment en ESAT n’a pu être préconisée par l’organisme ayant animé le stage UEROS que M. [L] a interrompu en juin 2012 et qu’il n’a pas repris par la suite.

Il n’est pas contestable qu’au regard notamment des troubles de l’attention, de la mémoire, du ralentissement idéatoire et d’exécution, des déficits d’attention et au vu des conclusions des sapiteurs ORL, ophtalmologues, neurologues, M.'[L] présente des difficultés importantes qui sont handicapantes en termes de réinsertion socio-professionnelle et qui ne lui permettent pas une reprise en milieu ordinaire. A cet égard, les tentatives personnelles de M. [L] se sont ainsi soldées par des échecs, comme les attestations précitées le démontrent.

S’agissant du milieu professionnel protégé, le stage UEROS de 2012 n’a pas permis d’évaluer la capacité pour M. [L] d’occuper un tel emploi, que ce soit à temps complet ou partiel.

Il ne ressort pas du rapport d’expertise amiable et des conclusions définitives des experts qu’il serait dans l’incapacité totale de travailler, y compris en milieu protégé. En effet, cette inaptitude ne ressort d’aucun document médical ou émanant d’un professionnel de l’insertion professionnelle. Il s’ensuit que la victime ne peut valablement soutenir subir une perte de gains professionnels futurs totale à compter de la consolidation.

Ayant pour l’essentiel une expérience professionnelle dans la restauration et venant, au jour de l’accident, de se réorienter depuis deux mois pour travailler dans le secteur du bâtiment, il convient de retenir qu’il aurait raisonnablement pu percevoir, soit dans ce corps de métier, soit dans la restauration, une rémunération moyenne équivalente au salaire médian qui s’élève en France à 1’800 euros par mois, sans l’affecter d’un coefficient de perte de chance.

S’agissant des revenus que pourrait percevoir l’intéressé au titre d’un emploi en milieu protégé, il y a lieu de retenir que ce dernier ne pourrait espérer travailler qu’à temps partiel au sein d’un ESAT au vu de ses difficultés et de sa fatigabilité. Le revenu mensuel qu’il pourrait ainsi percevoir en établissement adapté peut être évalué à 500 euros.

Il sera donc retenu que M. [L] subit une perte de revenus mensuelle de 1’300 euros (1 800 euros – 500 euros).

Pour la perte de gains professionnels futurs échue au titre de la période du 15 septembre 2012 au 5 décembre 2023 et sur la base des éléments qui précèdent, M. [L] aurait dû percevoir sur cette période une somme totale de 174 850 euros (1 300 euros x 134,5 mois).

Pour la pertes de gains professionnels futurs à échoir jusqu’à l’âge prévisible de départ à la retraite, il convient, contrairement à la tierce personne permanente qui peut impliquer l’embauche d’un salarié ou le recours à une société prestataire sur le long terme, de faire droit à la demande de M. [L] qui sollicite une indemnisation sous forme de capital, cette modalité ne paraissant pas porteuse de risque pour lui compte tenu de l’existence de la mesure de protection.

A ce titre, à compter du 6 décembre 2023 et jusqu’à l’âge de 65 ans, il y a lieu de lui allouer un capital de 493 443,60 euros [(1300 euros x 12 mois) x 31,631)] calculé en fonction de l’euro de rente temporaire prévu au barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 (taux à 0%) pour un homme âgé de 32 ans à la date de la liquidation.

Le montant total de la perte de gains professionnels futurs s’élève ainsi à la somme de 668 293,60 euros.

Le jugement qui a condamné les assureurs au paiement d’un capital de 453 437 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs sera en conséquence infirmé.

– perte de droits à la retraite

Aux termes de ses dernières conclusions, M. [L] sollicite en fonction du barème appliqué par la cour, une indemnité à titre principal de 231’519 euros et à titre subsidiaire de 204’649 euros, sur la base d’une perte de retraite mensuelle de 1 800 euros, capitalisée de manière viagère pour un homme de 65 ans. Il rappelle que la capitalisation jusqu’à 65 ans de la perte de gains professionnels futurs ne permet pas de prendre en considération ce poste de préjudice particulier, observant qu’il ne bénéficie pas d’une pension d’invalidité.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs opposent à la victime l’irrecevabilité de cette demande dont n’a pas été saisi le premier juge. Ils considèrent que la déclaration d’appel de M. [L] ne produit aucun effet dévolutif sur la question de la perte de droits à la retraite et que la cour n’en est donc pas valablement saisie. Ils ajoutent que M. [L] ne peut à la faveur d’un appel incident, présenter une demande qui ne figure pas dans sa déclaration d’appel au titre de son appel principal. A titre subsidiaire, ils exposent que cette demande ne tend pas aux mêmes fins que les demandes initiales puisqu’il s’agit d’indemniser un nouveau poste de préjudice. A titre très subsidiaire, sur le fond, ils relèvent d’une part que la perte de retraite est déjà indemnisée au titre de l’incidence professionnelle. D’autre part, ils font grief à M. [L] de fonder sa demande sur des éléments théoriques, basant son calcul sur le salaire médian alors qu’il aurait la possibilité de bénéficier d’une retraite, ayant toute capacité professionnelle pour ce faire. Ils concluent dès lors au rejet de cette demande, objectant encore que la perte de gains professionnels futurs étant indemnisée à titre viager, l’impact sur la retraite est déjà pris en compte.

Sur ce, la cour

Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Cependant, l’article 565 du même code précise que ne sont pas nouvelles les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

M. [L] présente à hauteur d’appel une demande indemnitaire au titre de la perte de ses droits à retraite. D’une part, cette demande présentée dès ses premières conclusions d’appelant principal du 25 février 2020, tend à la réparation de son préjudice financier tenant à la perte de revenus dont il avait saisi le premier juge sur le fondement de la perte de gains professionnels futurs à titre viager.

D’autre part, ce préjudice entre dans l’appréciation plus globale de l’incidence professionnelle, chef de préjudice dont il a régulièrement fait appel, à titre principal. Dans ces conditions, cette prétention indemnitaire, dont la cour se trouve valablement saisie, ne peut pas s’analyser comme une demande nouvelle et il convient de la déclarer recevable.

Sur le fond, la cour rappelle que la perte de droits à la retraite s’analyse au titre de l’incidence professionnelle et ne peut faire l’objet d’une indemnisation autonome. Elle sera dès lors examinée en tant que telle, au titre de l’incidence professionnelle.

– incidence professionnelle

Le tribunal a accordé à la victime une somme de 50’000 euros en réparation de ce poste de préjudice au regard de son état séquellaire qui la dévalorise totalement sur le marché du travail. Dans le même temps, le premier juge a indiqué que l’indemnisation qui lui a été allouée au titre de la perte de gains professionnels futurs lui assure un revenu constant à vie alors qu’au cours d’une carrière elle aurait pu connaître des périodes de chômage et aurait en tout état de cause été confrontée à une baisse de ses revenus à sa retraite.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] critique la motivation retenue par le premier juge qui ne correspond pas au principe de réparation de préjudice intégrale de la victime et réclame une somme de 150’000 euros. Il rappelle que l’indemnisation de l’incidence professionnelle est bien distincte de celle de la perte de gains professionnels futurs. Il souligne encore que son taux de déficit fonctionnel permanent et l’ensemble de ses séquelles établissent la modification actuelle et future de ses capacités travail avec une importante dévalorisation.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs sollicitent la confirmation du jugement, estimant que l’indemnisation, dans les proportions sollicitées par la victime, revient à réparer la perte de gains professionnels futurs, opérant ainsi une confusion entre les deux postes.

Sur ce, la cour,

L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l’obligation de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Il importe également de rappeler que l’incidence sur la retraite apparaît dans la nomenclature Dintilhac comme un élément de l’incidence professionnelle même si elle peut être indemnisée à travers une capitalisation viagère de la perte de gains professionnels futurs.

Le rapport d’expertise amiable ne comporte aucune précision autre que les éléments d’information déjà développés au titre de la perte de gains professionnels futurs, relativement aux perspectives professionnelles de M.'[L].

Il est acquis aux débats que M. [L] est inapte définitivement à exercer une activité professionnelle en milieu ordinaire, compte tenu de son état séquellaire. Celui-ci n’apparaît toutefois pas incompatible avec un emploi en milieu protégé, ainsi que la cour l’a énoncé.

En tout état de cause, les handicaps de M. [L] limitent grandement ses activités professionnelles et le dévalorisent sur le marché du travail, cela se traduisant au delà de la perte de revenu par une déception de ne pouvoir exercer la profession qu’il espérait pouvoir atteindre et par des difficultés à trouver un emploi tenant compte des contraintes imposées par son état.

En outre, c’est à juste titre que la victime fait état des pertes financières qu’il va subir au titre du montant de sa retraite. Toutefois, celles-ci ne sauraient être adossées au montant du salaire médian, la pension de retraite étant nécessairement inférieure au revenu d’activité.

L’intéressé se trouvant au début de sa vie professionnelle, il apparaît adapté d’analyser cette perte de droits à la retraite comme une perte de chance, indemnisable à hauteur de 70% du revenu qui a pu être évalué, après consolidation, à la somme mensuelle de 1 300 euros.

La capitalisation de la perte des droits à la retraite, s’effectuant à compter de l’âge de 65 ans, avec un prix de l’euro de rente viagère de 18,949, le préjudice s’établit comme suit :

[(1 300 euros x 70% x12) x 18,949 = 206 923, 08 euros.

Par ailleurs, en considération des éléments qui précèdent, M. [L] étant âgé de 21 ans lors de la consolidation, la cour considère que la somme de 50 000 euros vient justement réparer les conséquences directes du dommage que sont la dévalorisation sur le marché du travail et la pénibilité accrue au travail.

Du tout, il résulte que l’incidence professionnelle est évaluée à la somme totale de 256 923,08 euros (206 923, 08 euros + 50 000 euros).

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

II- sur les préjudices extra-patrimoniaux :

a- les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

– les souffrances endurées

Le tribunal a alloué à la victime la somme de 35’000 euros en réparation des souffrances endurées, relevant que celles-ci ont été évaluées par les experts à 5,5/7, tenant compte des lésions initiales, des nombreuses interventions chirurgicales et de la nécessité de séances de kinésithérapie.

Dans le cadre de ses appels principal et incident, M. [L] a sollicité l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné les assureurs à lui payer la somme de 35 000 euros en réparation des souffrances endurées. Toutefois, aux termes de ses dernières écritures, l’appelant ne critique pas le montant de l’indemnité qui lui a été allouée, demandant la condamnation in solidum des intimés à lui payer la somme de 35 000 euros au titre de ce poste de préjudice. Pour leur part, les intimés n’ont pas formé d’appel principal ou incident sur ce point, sollicitant la confirmation du jugement.

Dès lors, sans plus ample examen au fond, il convient de confirmer le chef précité du jugement entrepris.

b- les préjudices extra-patrimoniaux permanents :

– déficit fonctionnel permanent

Le tribunal a alloué à la victime, âgée de 21 ans à la date de la consolidation, la somme de 210’500 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent, relevant que celui-ci a été évalué par les experts à 50%, en tenant compte des séquelles neuropsychologiques, de la dysarthrie, des séquelles visuelles, ORL, orthopédiques et maxillo-faciales.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] sollicite une indemnité de 250’000 euros, soulignant ses séquelles cognitives importantes, ses troubles du comportement ainsi que ses difficultés de mémoire et d’attention qui entraînent une diminution incontestable de ses capacités physiques et neurologiques. Il ajoute qu’âgé de 20 ans au jour de la consolidation, il est dans l’incapacité d’exercer un emploi, de faire ses courses seul, d’avoir son propre appartement et d’avoir également une vie conjugale.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs concluent à l’infirmation du jugement entrepris et proposent d’indemniser la victime à hauteur de 150 000 euros, considérant que la somme allouée par le tribunal est très nettement supérieure à l’évaluation du point compte tenu de la nature des séquelles et de l’âge de M. [L]. Ils considèrent que ce dernier tente de justifier l’indemnité revendiquée en faisant valoir des moyens qui sont étrangers à l’évaluation du déficit fonctionnel permanent et qui relèvent de l’évaluation d’autres postes.

Sur ce, la cour

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.

Aux termes de leur rapport d’expertise, les Drs [K] et [D] ont évalué le taux de déficit fonctionnel permanent à 50% en tenant compte des séquelles neuropsychologiques, visuelles, ORL et orthopédiques ainsi que des séquelles maxillo-faciales.

Les experts ont décrit ces différentes séquelles :

– troubles neuropsychologiques : ces troubles ressortaient déjà du premier bilan réalisé par Mmes [A] et [V] du 2 mai 2011. Ils sont confirmés dans un deuxième bilan réalisé le 21 novembre 2012 au centre de l’ADAPT. M. [L] a des troubles de la mémoire immédiate, des troubles de l’attention et de la concentration. Sa mère rapporte qu’il a tendance à perdre ses objets. Il persiste une fatigabilité et la planification est déficitaire. Il a toujours des troubles du comportement avec des colères et une intolérance à la frustration.

– troubles orthopédiques : une raideur modérée du poignet gauche a été repérée.

– troubles maxillo-faciaux : les experts reprennent le rapport de décembre 2011 du Dr [W], sapiteur stomatologiste (déficit sensitif au niveau de la région labio-mentonnière, avec un taux retenu de 4% d’un strict point de vue stomatologique ; 2 % pour un syndrome algo-dysfonctionnel de l’articulation temporo-mandibulaire gauche sans limitation de l’ouverture buccale avec altération de propulsion du condyle mandibulaire gauche et 2% pour le déficit sensitif labio-mentonnier gauche) avec une hypoesthésie au niveau du nerf alvéolaire labio-mentonnier gauche. Les experts retrouvent un syndrome algo-dysfonctionnel avec des douleurs à la pression de l’articulation temporo-mandibulaire gauche.

– troubles visuels : les experts reprennent le rapport de décembre 2011 du Dr [J], sapiteur ophtalmologiste, qui avait retrouvé une paralysie de la convergence, une asthénopie de l »il droit et une paralysie accommodative incomplète de l »il droit. Ce sapiteur évaluait un déficit fonctionnel permanent spécifique de 7% au niveau ophtalmologique, retenant 5% pour la paralysie de convergence et 2% pour l’asthénopie de l »il droit.

– troubles ORL : les experts se rapportent au compte rendu de décembre 2011 du Dr [C], sapiteur ORL, qui a mis en évidence une hyposmie, un déficit auditif du côté droit, une asymétrie vestibulaire et une discrète parésie faciale. Le sapiteur évaluait, pour la sphère ORL, un taux de déficit fonctionnel permanent à 14% (4% pour l’hyposmie, 4% pour le déficit auditif du côté droit, 4% pour l’asymétrie vestibulaire responsable de l’instabilité à la marche, 2% pour la discrète parésie faciale inférieure droite entraînant une accentuation des troubles de mastication et d’élocution).

Au vu de l’âge de la victime au jour de sa consolidation, soit 21 ans, de la gravité de ses séquelles physiques et neuropsychologiques, il y a lieu d’appliquer une valeur du point de 4 800 euros au taux de 50% évalué par les experts, ce qui conduit à retenir la somme de 240 000 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

– préjudice esthétique permanent

Le tribunal a alloué à la victime une somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent, relevant que celui-ci était évalué à 3,5/7 par les experts qui ont tenu compte d’une cicatrice du volet à gauche, de plusieurs cicatrices faciales, d’une cicatrice de trachéotomie, de cicatrices du membre supérieur gauche et d’une dysarthrie.

Aux termes de ses dernières écritures, l’appelant sollicite l’infirmation du jugement sur ce point et l’allocation d’une somme de 10’000 euros, reprenant la description détaillée faite par les experts de ses cicatrices et de la parésie faciale.

Aux termes de leurs dernières écritures, les intimés concluent au débouté de l’appelant et à la confirmation de la décision sur ce poste de préjudice.

Sur ce, la cour

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes physiques et plus généralement l’altération de l’apparence physique de la victime après la consolidation.

Aux termes de leur rapport d’expertise et de leurs conclusions définitives, les Drs [K] et [D] ont évalué le préjudice esthétique permanent à 3,5/7, relevant la cicatrice du volet à gauche, les cicatrices faciales, la cicatrice de trachéotomie, les cicatrices du membre supérieur gauche et la dysarthrie. L’examen cutané de la victime auquel ils ont procédé met en évidence :

– une asymétrie crânienne avec une dépression fronto-temporale gauche avec une légère parésie faciale

– une plage cicatricielle fronto-pariétale gauche sur une zone grossièrement ovalaire de grand axe 8 cm, petit axe vertical 3 cm

– une cicatrice de volet fronto-temporo-pariétale partant de la partie antérieure de l’oreille, remontant sur 18 cm

– une cicatrice mentonnière de la région médiane au niveau de la branche horizontale, sous la joue, régulière, 5 cm, surmontée par deux autres cicatrices; une cicatrice fait 2 cm, l’autre en dessous 1 cm

– une cicatrice de trachéotomie qui est longue de 5 cm, invaginée, dans la partie centrale elle est circulaire de 2 cm de diamètre

– une cicatrice au niveau du bord radial du 2ème métacarpien qui mesure 3 »cm

– 6 cicatrices de brochage et d’extraction de broches au bord radial du poignet, évolutives, hypertrophiques, cicatrice de 1,5 cm de large de l’extraction de la broche ulnaire

– cicatrice ancienne de brûlure de ripage au niveau de l’olécrâne

– cicatrice d’ouverture en L à la face antérieure du poignet. La branche distale mesure 3 cm, la branche horizontale proximale cubitale 3 cm, élargie, en évolution

– cicatrice à la limite de l’endo-lèvre au niveau de la lèvre inférieure sur 2 »à 3 cm.

Au regard de l’évaluation expertale et de la description des lésions cutanées, il convient d’indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 10 000 euros.

– préjudice d’agrément

Le tribunal a accordé à la victime une somme de 8’000 euros en réparation de ce poste de préjudice, se fondant sur le rapport d’expertise rapportant une gêne à la course alors que la victime pratiquait le football avant l’accident. Le premier juge relevait dans le même temps que le demandeur ne produisait aucun document à l’appui de sa prétention indemnitaire.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] réitère sa demande indemnitaire formée devant le premier juge, à hauteur de 20 000 euros, soulignant que les troubles neurologiques dont il souffre lui interdisent les activités sportives et de loisirs justifiant d’une bonne coordination.Il ajoute que les assureurs lui avaient proposé le versement d’une somme de 20’000 euros en réparation de son préjudice d’agrément.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs concluent à l’infirmation du jugement entrepris, faisant reproche au tribunal d’avoir accédé partiellement à la demande indemnitaire du requérant qui ne produisait pourtant aucun document témoignant d’une pratique régulière d’une activité spécifique sportive ou de loisirs avant l’accident. A titre subsidiaire, ils proposent une indemnité de 5 000 euros.

Sur ce, la cour

Le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

Aux termes de leur rapport, les experts ont conclu à l’existence d’un préjudice d’agrément, indiquant ‘l’intéressé nous a dit qu’il a repris la musculation mais il est gêné à la course. Il n’a pas pu reprendre le football et la boxe.’

M. [L], qui n’a produit aucun élément devant le premier juge, n’a pas davantage communiqué devant la cour de pièce justifiant de la pratique régulière d’une activité spécifique sportive ou de loisirs, avant la survenance de l’accident.

Il convient en conséquence de le débouter de ce chef de demande, le jugement entrepris étant infirmé en cette disposition.

– préjudice d’établissement

Le tribunal a indemnisé à hauteur de 30’000 euros le préjudice d’établissement subi par la victime, retenant une perte de chance de cette dernière de réaliser un projet de vie familiale dans la mesure où elle présente des troubles du comportement.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [L] sollicite l’infirmation du jugement et réclame une indemnité de 50’000 euros. Il fait valoir, en se fondant sur le rapport d’expertise amiable, qu’il est incapable de gérer une maison, qu’il ne peut faire seul ses courses, procédant à des achats inutiles, qu’il est incapable de gérer un budget et n’a aucune notion de l’argent, ayant ainsi dilapidé, en 1999 (sic), toutes les sommes versées par les assureurs au titre de son indemnisation. Il ajoute qu’il est particulièrement influençable et n’est pas en capacité de nouer des liens avec des tiers du fait de ses graves troubles du comportement. Il souligne encore qu’il ne peut fonder une famille du fait de ses séquelles neurologiques qui constituent une barrière infranchissable pour les jeunes femmes.

Aux termes de leurs dernières écritures, les assureurs concluent à l’infirmation du jugement et au débouté de M. [L]. Ils exposent que le préjudice d’établissement doit s’apprécier au regard de la situation de handicap présenté par l’intéressé. À cet égard, ils soulignent que ce dernier conserve une certaine autonomie, entretient des liens amicaux en retrouvant régulièrement ses amis, y compris en conduisant son véhicule.

Sur ce, la cour

Ce poste de préjudice correspond à la perte d’espoir et à la perte d’une chance normale de réaliser un projet de vie familiale. La gravité du handicap et l’âge sont deux déterminants importants dans l’appréciation du préjudice d’établissement. Il est constant par ailleurs que ce préjudice ne se confond ni avec le préjudice d’agrément ni avec le préjudice sexuel.

La cour constate que les importantes séquelles présentées par M. [L] viennent nécessairement contrarier le projet familial qu’il pouvait légitimement concevoir, âgé seulement de 21 ans à la consolidation et alors célibataire et sans enfants. C’est dès lors à tort que les assureurs contestent la réalité même de ce préjudice.

Pour l’évaluer, il convient de relever d’une part que M. [L] n’est pas dans l’incapacité d’établir une relation avec autrui. Les troubles de comportement et cognitifs dont il souffre ne l’ont pas empêché d’avoir une petite amie (lors de la réalisation des opérations d’expertise en 2012), ce qui établit la possibilité d’une vie affective. Néanmoins, son état séquellaire se traduisant notamment pas des difficultés à se mobiliser dans les actes de la vie quotidienne, limite ses possibilités de construire une relation affective stable et de s’occuper d’un enfant.

Au vu de ce qui précède, ce préjudice a été justement évalué par le premier juge à la somme de 30 000 euros. Le jugement sera ainsi confirmé sur ce point.

III- Sur la demande des assureurs tendant à déduire les sommes réglées au titre de l’exécution provisoire et à ordonner la restitution par la victime du trop-perçu

D’une part, il convient de rejeter la demande des assureurs tendant à déduire des sommes dues par eux, les indemnités versées à Mme [I] et Mme [L], en exécution du jugement entrepris dès lors que celles-ci ne sont pas parties à la procédure d’appel.

D’autre part, il y a lieu de prévoir que s’agissant des indemnités allouées à M. [L], viendront en déduction les sommes déjà versées par la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, au titre de l’exécution provisoire.

Par ailleurs, il convient d’observer que le présent arrêt qui statue sur le montant des indemnités allouées à M. [L], en réparation de son préjudice corporel, constitue le titre ouvrant droit à une éventuelle restitution au bénéfice de la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles du trop-perçu par M. [L], au titre des provisions et des sommes réglées en exécution du jugement entrepris. Il n’y a donc pas lieu à statuer sur cette demande de restitution d’un trop-perçu.

* * *

La SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, venant toutes deux aux droits de la société Covéa Fleets, c’est à bon droit que M. [L] sollicite que leurs condamnations à paiement soient prononcées in solidum et que le jugement soit réformé sur ce point.

IV- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et ceux d’appel seront supportés par la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, qui succombent principalement. Ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans la mesure où M. [L] sollicite l’infirmation du jugement en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et forme une demande sur ce fondement sans ventiler selon les procédures, il convient de condamner les assureurs à lui payer la somme globale de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

DECLARE recevable la demande subsidiaire formée par M. [T] [L] au titre de sa perte de gains professionnels futurs, par capitalisation viagère,

DECLARE irrecevable la demande de M. [T] [L] relativement au poste de préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire,

DECLARE recevable la demande de M. [T] [L] relativement au poste de préjudice lié à la tierce personne temporaire,

DECLARE recevable la demande de M. [T] [L] formée au titre de la perte de droits à la retraite,

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Laval du 30’septembre 2019 en ce que les condamnations prononcées à l’encontre de la SA MMA Iard et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles sont conjointes à l’égard de M. [L], en ce qui concerne la liquidation de la tierce personne temporaire, de la tierce personne définitive, de la perte de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent, du préjudice d’agrément ainsi que les dispositions prises au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE in solidum la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [T] [L] les sommes de :

– 51 840 euros au titre de la tierce personne temporaire,

– 249 102 euros au titre de la tierce personne permanente échue du 15’septembre 2012 au 5 décembre 2023,

– 668 293,60 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

– 256 923,08 euros au titre de l’incidence professionnelle,

– 240 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

– 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

CONDAMNE in solidum la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [T] [L], au titre de la tierce personne permanente à compter du 6 décembre 2023, une rente viagère annuelle d’un montant de 22’248 euros payable trimestriellement, à terme échu, et indexée selon les dispositions de l’article 43 de la loi du 5 juillet 1985, et suspendue en cas d’hospitalisation à partir du 46ème jour, ou d’institutionnalisation à temps complet,

DEBOUTE M. [T] [L] de sa demande formée au titre du préjudice d’agrément,

CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement en toutes ses autres dispositions, sauf à préciser que les condamnations sont prononcées in solidum à l’encontre de la SA MMA Iard et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles, au bénéfice de M. [T] [L],

Y ajoutant,

DIT que les indemnités allouées à M. [T] [L] seront réglées par la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, sous déduction des sommes déjà versées par elles en exécution du jugement entrepris,

DEBOUTE la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande tendant à déduire les sommes réglées par elles au titre de l’exécution provisoire, au profit de Mme [I] et de Mme [L],

DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de la SA MMA Iard et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles tendant à la restitution du trop-perçu au titre des provisions et du règlement effectué au titre de l’exécution provisoire,

CONDAMNE in solidum la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [T] [L] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

CONDAMNE in solidum la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens d’appel, avec distraction au profit du conseil de M. [T] [L], conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C.MULLER

 


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