AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00870 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M24C
[Z]
C/
Société ALP’EMPLOI
Société BUT INTERNATIONAL
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 21 Janvier 2020
RG : F18/02840
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
APPELANT :
[T] [Z]
né le 04 novembre 1973 à [Localité 9] (TUNISIE)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Me Emmanuelle BONIN, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2020/03308 du 20/02/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉES :
Société ALP’EMPLOI
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Amaury CANTAIS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Vincent LE FAUCHEUR de la SELEURL Cabinet Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS
Société BUT INTERNATIONAL
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane FREGARD de la SELAFA FIDAL, avocat au barreau de NANTES
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Octobre 2022
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [T] [Z] a été embauché par la société ALP EMPLOI, entreprise d’intérim, en qualité de préparateur de commande, à compter du 14 septembre 2015, pour des missions auprès de la société BUT INTER, entreprise utilisatrice.
Soutenant que ses missions s’étaient poursuivies du 14 septembre 2015 au 31 août 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon, par requête déposée le 21 septembre 2018, d’une demande de requalification en contrat à durée indéterminée.
Par jugement du 21 janvier 2020, le conseil de prud’homme de Lyon a
dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats de mission de M. [Z] [T] en contrat de travail à durée indéterminée, tant vis-à-vis de la SAS BUT International que de la SAS ALP’EMPLOI ;
dit que Monsieur [Z] [T] n’a pas fait l’objet d’un licenciement par la SAS BUT International ni par la SAS ALP’EMPLOI ;
En conséquence,
débouté M. [Z] [T] de toutes ses demandes à l’encontre des SAS BUT international et ALP’EMPLOI relatives tant à la requalification de son contrat de mission en contrat à durée indéterminée qu’aux conséquences financières qui en découlent ;
débouté M. [Z] [T] de toutes demandes indemnitaires formulées à l’encontre de la SAS BUT International et de la SAS ALP’EMPLOI au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
débouté M. [Z] [T] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
condamné M. [Z] à la charge des entiers dépens.
M. [Z] a fait appel de ce jugement le 3 février 2020.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 17 juin 2020, il demande à la cour de :
A titre principal :
dire qu’il était sous le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée depuis décembre 2014 avec la société BUT INTERNATIONAL sur les fondements de l’article L 1251-40 du Code du Travail,
fixer son salaire à la somme de 1 955,98 euros bruts par mois,
dire qu’un licenciement est intervenu, licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
constater la solidarité des sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI,
condamner la société BUT INTERNATIONAL au paiement de la somme de 1 955,98 euros au titre de l’indemnité de requalification de contrat en application de l’article L 1251-41 du Code du Travail ;
condamner les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI solidairement au paiement de la somme de 1 466,99 euros à titre de l’indemnité de licenciement ;
condamner les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI solidairement au paiement de la somme de 7 823,92 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamner les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI solidairement au paiement d’une indemnité de préavis de 3 911,96 euros, outre 391,19 euros de congés payés,
condamner les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI solidairement au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,
condamner la société BUT INTERNATIONAL à produire le registre du personnel,
condamner la société BUT INTERNATIONAL à communiquer les bulletins de paye corrigés des condamnations à intervenir depuis l’embauche de Monsieur [Z],
condamner la société BUT INTERNATIONAL à délivrer un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
condamner les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI au paiement solidaire de la somme de 2 800 euros au titre de l’article 700 du CPC, distraits au profit de Maître [D], avocat sur son affirmation de droit,
– Intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement de sommes d’argent à compter de la saisine du Conseil.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
fixer le salaire de Monsieur [T] [Z] à la somme de 1 955,98 euros bruts par mois,
dire qu’il était sous le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée depuis décembre 2014 avec la société ALP’EMPLOI sur les fondements de l’article L 1251-16 et L 1251-17 du Code du Travail, dire qu’un licenciement est intervenu, licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
condamner la société ALP’EMPLOI au paiement de la somme de 1 466,99 euros à titre de l’indemnité de licenciement,
condamner la société ALP’EMPLOI au paiement de la somme de 7 823,92 euros au titre de l’indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamner la société ALP’EMPLOI au paiement d’une indemnité de préavis de 3 911,96 euros, outre 391,19 euros de congés payés,
condamner la société ALP’EMPLOI au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail, condamner la société ALP’EMPLOI au paiement solidaire de la somme de 2 800 euros au titre de l’article 700 du CPC, distraits au profit de Maître [D], avocat sur son affirmation de droit,
Par conclusions notifiées le 7 juillet 2020, la société ALP EMPLOI demande à la cour de :
A titre principal,
confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de LYON en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] de sa demande de requalification de ses contrats de mission en CDI à l’encontre de la société ALP’EMPLOI y compris à titre solidaire avec la société BUT INTERNATIONAL
En conséquence,
débouter M. [Z] de l’intégralité de ses demandes ;
condamner M. [Z] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
condamner Monsieur [Z] aux entiers dépens de l’instance d’appel ;
A titre subsidiaire, en cas de requalification des contrats de missions en contrat à durée indéterminée :
débouter M. [Z] de sa demande au titre de l’indemnité de requalification
ramener à un plus juste montant l’indemnité à accorder à M. [Z] au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Par conclusions notifiée le 6 mai 2020, la société BUT demande à la cour de :
dire que les conditions de mise à disposition de M. [Y] sont parfaitement régulières et conformes au droit du travail temporaire et qu’en conséquence il n’y a pas lieu à la requalification de la relation d’intérim en contrat de travail à durée indéterminée ;
dire qu’elle justifie d’un motif de surcroît temporaire d’activité pour chaque mission d’intérim de M. [Y] et que le cadre d’engagement est parfaitement licite ;
confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Y] de toutes ses demandes ;
débouter M [Y] de toutes ses demandes ;
CONDAMNER M. [Y] à la somme de 1 000 Euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 2 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel, ces derniers au profit de Me LAFFLY, avocat sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.
SUR CE,
Sur la demande de requalification des contrats de mission temporaire en contrat de travail à durée indéterminée
à l’égard de société BUT :
Le salarié fait valoir :
qu’il a toujours occupé le poste de préparateur de commande, pendant trois ans, sans discontinuer ;
que le motif des contrats est «accroissement temporaire d’activité» ou « remplacement d’un salarié absent » ;
qu’en réalité, il a occupé le poste de préparateur de commande avec une fonction de chargement et déchargement de colis
que la société BUT ne pouvait avoir recours comme elle l’a fait en l’espèce, à un travailleur intérimaire pour faire face à ses fluctuations de commercialité et pour permettre à ses salariés de prendre leurs congés annuels ;
que les contrats étaient renouvelés sans respect du délai de carence ;
qu’il a postulé plusieurs fois sur un poste en CDI mais que ses demandes ont été refusées ;
que son salaire moyen des douze derniers mois s’élève à 1 955,98 euros et qu’il est droit demander une indemnité de requalification égale à un mois de salaire ainsi qu’une indemnité légale de licenciement.
La société BUT réplique
que M. [Y] a été mis à sa disposition par la société ALP’EMPLOI pour des missions d’intérim dans le cadre d’opérations commerciales exceptionnelles ( émission de dépliants commerciaux comportant des promotions et impliquant l’accroissement des commandes) ou d’accroissement temporaire d’activité (ouverture de magasins ) ;
que chaque contrat d’intérim a été signé le jour même du début de la mission, conformément à l’article L 1251-42 du code du travail
que les conditions et motifs de recours au travail temporaire sont licites
que le délai de carence entre deux contrats de mission doit être observé lorsqu’il s’agit de pourvoir le même poste mais qu’il est tout à fait possible de conclure, avec le même salarié, plusieurs contrats de mission successifs, sur des postes différents ;
que le recours aux services de M. [Y] a toujours correspondu à des périodes d’accroissement d’activité différentes, et pour des postes différents en tant que manutentionnaire ou en tant que préparateur de commande
que chaque contrat de mission a été suivi d’une période d’interruption pour les années 2018, 2017 et 2016
La société ALP EMPLOI soutient :
que M. [Z] ne pourvoyait pas un emploi durable et permanent
qu’il appartient au salarié qui se prévaut d’une entente illicite entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire d’en rapporter la preuve ;
que la société BUT a toujours pris soin de lui indiquer les motifs du recours à une mission de travail temporaire
que M. [Z] confond contrat initial et avenant de renouvellement ;
que la stipulation d’un délai de souplesse sur les contrats n’a créé ni confusion ni préjudice
que le délai de 18 mois prévu à l’article L 1251-35 du code du travail s’apprécie mission par mission et non en fonction de la totalité des contrats de missions conclus par le salarié ;
qu’aucun contrat de mission n’a dépassé ce délai de 18 mois.
***
L’article L. 1251-5 du code du travail dispose que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale permanente de l’entreprise utilisatrice, quel que soit son motif.
Selon l’article L. 1251-6 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1251-7 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée ‘mission’ et seulement dans les cas qu’il prévoit, parmi lesquels, ‘l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise’.
L’article L. 1251-40 du code du travail dispose que ‘lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L1251-5 à L 1251-7 et L1251-10 à L. 1251-12, L1251-30 et L1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.’
Il appartient à l’entreprise utilisatrice, et non au salarié, de justifier de la réalité du motif de recours invoqué et de son caractère temporaire, le recours aux contrats précaires ne pouvant s’inscrire ni dans un accroissement durable et constant d’activité, ni dans le cadre d’une gestion visant à faire face à un besoin structurel de main-d »uvre.
Les contrats de mission sont conclus pour accroissement temporaire d’activité liée
à l’ouverture de magasins pour les 20 premiers contrats de mission, conclus entre le 14 septembre 2015 et le 7 mars 2016 ; les magasins se trouvent à [Localité 8], [Localité 7], [Localité 12] (« BUT DOMUS ») ou [Localité 10] alors que le lieu de travail se trouve à [Localité 11].
Il est précisé au contrat, au titre des caractéristiques du poste «préparation des colis à expédier dans les magasins» ou «préparation des colis meubles avant expédition». Le poste occupé est indifféremment celui de préparateur de commande ou manutentionnaire. La société de travail temporaire emploie deux termes pour désigner la même fonction.
La société BUT a seulement versé aux débats l’inscription au SIRET de la société «BUT KITCHEN» située à [Adresse 13], avec la mention «actif au répertoire Sirene» depuis le 1er novembre 2015. Elle ne justifie aucunement de l’accroissement d’activité lié à cette ouverture ni des ouvertures des autres magasins.
au dépliant avec la seule précision du numéro du dépliant (n°613 ou 608) ou de l’opération de promotion ( les jours BUT, les soldes BUT’)
Le poste occupé est toujours celui de manutentionnaire, avec, au titre des caractéristiques particulières «préparation des colis meuble avant expédition».
La société BUT verse aux débats les dépliants promotionnels, par exemple : «braderie jusqu’à moins 50%» du 15 mars au 11 avril 2016 ou encore «le méga show BUT» du 14 février au 20 mars 2017, «la bonne idée» du 9 mai au 12 juin 2017 etc’
Elle ne précise ni ne justifie à quoi correspondent les numéros de dépliant figurant sur les contrats de mission.
Les contrats de mission ne coïncident pas avec la durée de chacune des promotions ; en général, plusieurs missions, espacées de quelques jours se succèdent dans la période de promotion.
La société BUT ne verse aucun élément justifiant de l’accroissement de l’activité.
Ainsi, la société BUT n’établit pas la réalité du motif de recours invoqué et de son caractère temporaire.
Le jugement sera infirmé et les contrats de mission requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du 14 septembre 2015 à l’égard de la société BUT INTERNATIONAL.
En application de l’article L 1251-41 du code du travail, il y a lieu d’allouer à M. [Z] une indemnité de requalification égale au montant du salaire mensuel, soit 1 995,98 euros, somme au paiement de laquelle il convient de condamner la société BUT INTERNATIONAL.
à l’égard de la société ALP EMPLOI :
Le salarié fait valoir :
qu’il se voyait le plus souvent remettre ses contrats de mission à l’issue ou au cours de ses missions ;
qu’il appartient aux sociétés BUT et ALP EMPLOI d’apporter la preuve qu’elles ont rempli leurs obligations ;
qu’il devait constamment se tenir à disposition de la société BUT.
La société ALP’EMPLOI soutient :
qu’elle verse aux débats 50 contrats signés par le salarié sur les 62 établis tandis que M. [Z] verse les 62 exemplaires non signés de ces contrats ;
que M. [Z] n’a volontairement pas retourné signés une minorité des contrats
qu’il n’a rayé aucune mention relative à la date sur les contrats qu’il a retournés
que les contrats sont pourvus de numéro chronologique ;
que M. [Z] ne s’est jamais plaint d’une remise tardive d’un contrat de mission
que le code du travail ne prévoit aucune sanction au non-respect du délai de carence entre deux contrats de mission qui n’entraine pas la requalification en contrat de travail à durée indéterminée
que le respect du délai de carence ne relève pas de la responsabilité de l’entreprise de travail temporaire
que l’indemnité de requalification n’est pas à la charge de l’entreprise de travail temporaire.
***
Selon l’article L1251-16 du code du travail, le contrat de mission est établi par écrit.
Faute de comporter la signature du salarié, le contrat de mission ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit.
L’écrit étant d’ordre public, son omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification du contrat de travail en contrat de droit commun à durée indéterminée.
Il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse.
En l’espèce, M. [Z] est en possession de ses exemplaires de 62 contrats de mission, tandis que la société ALP EMPLOI n’en produit que 50 : 36 ont été signé entre le 14 septembre 2015 et le 27 juin 2016, 12 contrats signés entre le 5 septembre 2016 et le 21 novembre 2016, un contrat signé le 12 décembre 2016 et un contrat signé le 5 juin 2017.
Entre temps, des missions ont été exécutées par le salarié : entre le 11 juillet et le 15 juillet 2016, du 6 mars au 31 mars 2017, du 3 au 7 avril, du 1er au 5 mai 2017, du 15 au 19 mai 2017, puis aux mois d’octobre, novembre, décembre 2017, janvier, avril, mai, juin, juillet et août 2018.
La circonstance que le salarié soit en possession de contrats est insuffisante à établir qu’il a refusé de les signer dans une intention frauduleuse.
Il convient en conséquence de requalifier également les contrats de mission litigieux en contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de la société ALP’EMPLOI à compter du 1er contrat irrégulier, soit le 11 juillet 2016.
Sur les indemnités de rupture :
Le salarié estime :
qu’il a droit en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité, correspondant au préjudice subi, soit la somme de 7 823,92 euros ;
que lui sont dues une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés ;
que la condamnation in solidum de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice est justifiée car elles ont toutes les deux méconnu les dispositions légales.
La société ALP EMPLOI objecte que la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas étayée par la justification d’un préjudice.
***
La rupture des relations contractuelles à l’expiration du dernier contrat de mise à disposition, dont le terme est survenu le 31 aout 2018, s’analyse, en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Par l’effet de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée tant à l’égard de l’entreprise utilisatrice qu’à l’égard de la société de travail temporaire, les employeurs sont tenus in solidum de répondre des conséquences de la rupture du contrat.
M. [Z] ayant plus de deux ans d’ancienneté, il a droit une indemnité de préavis de deux mois, soit la somme de 3 911,96 euros, outre la somme de 391,19 euros de congés payés sur préavis.
M. [Z] totalisait au 31 août 2018, une ancienneté, préavis compris de l’ordre de 37 mois, le 1er contrat de mission datant du 14 septembre 2015, l’indemnité de licenciement due à M. [Z] s’élève à 1 466,99 euros.
A cette date, il était âgé de 45 ans ; il ne justifie pas de sa situation actuelle. Au vu de ces éléments, il lui sera alloué une somme de 6 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, en application de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail,
Le salarié fait valoir :
que le gérant du magasin lui a promis un contrat à durée indéterminée, de lui faire passer le CACES et l’a dissuadé de chercher du travail ;
qu’il a formé plusieurs intérimaires qui eux, ont été embauchés.
La société BUT répond que M. [Z] a refusé les propositions d’embauche qui lui ont été faites à plusieurs reprises et qu’il est de mauvaise foi.
La société ALP EMPLOI réplique que la demande de dommages intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail repose sur des griefs faits à l’égard de l’entreprise utilisatrice et fait double emploi avec l’indemnité de requalification.
***
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La société BUT INTERNATIONAL verse aux débats plusieurs témoignages de salariés qui convergent pour dire que M. [G] [X] a proposé à M. [Z] une embauche mais que celui-ci a décliné cette offre.
Le demande de dommages intérêts sera rejetée.
Sur les autres demandes :
Il y a lieu d’ordonner à la société BUT INTERNATIONAL de remettre à M. [Z] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans un délai d’un mois à compter de sa signification.
Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d’une astreinte.
Les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI, qui succombent, seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel.
Il est équitable de condamner in solidum les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI à payer à Me [D] la somme de 2 800 euros sur le fondement de l’article 700 2° du code procédure civile
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement :
INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
Statuant à nouveau
REQUALIFIE les contrats de mission de M. [N] en contrat à durée indéterminée à compter du 14 septembre 2015 à l’égard de la société BUT INTERNATIONAL et à compter du 11 juillet 2016, à l’égard de la société ALP EMPLOI ;
CONDAMNE la société BUT INTERNATIONAL à payer à M. [Z] à titre d’indemnité de requalification, la somme de 1 995,98 euros ;
CONDAMNE in solidum la société BUT INTERNATIONAL et la société ALP’EMPLOI à payer à M. [Z] :
la somme de 3 911,96 euros à titre d’indemnité de préavis outre celle de 391,19 euros pour congés payés afférents ;
la somme de 1 466,99 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
CONDAMNE in solidum la société BUT INTERNATIONAL et la société ALP’EMPLOI aux dépens de première instance et d’appel ;
ORDONNE à la société BUT INTERNATIONAL à remettre à M. [Z] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans un délai d’un mois à compter de sa signification ;
REJETTE la demande en fixation d’une astreinte ;
CONDAMNE in solidum les sociétés BUT INTERNATIONAL et ALP’EMPLOI à payer à Me [D] la somme de 2 800 euros sur le fondement de l’article 700- 2° du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la société BUT INTERNATIONAL et la société ALP’EMPLOI aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE