CDD pour accroissement d’activité : décision du 11 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01120
CDD pour accroissement d’activité : décision du 11 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01120

AFFAIRE : N° RG 22/01120 –

N° Portalis DBVC-V-B7G-G7IY

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG EN COTENTIN

du 15 Mars 2022 – RG n° 21/00107

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 AVRIL 2023

APPELANTE :

CSE FONDATION BON SAUVEUR DE LA MANCHE

[Adresse 2]

[Localité 1]

pris en la personne de son représentant légal

assistée de Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN,

représentée par Me Guillaume LETERTRE, avocat au barreau de CHERBOURG

INTIMÉE :

LA FONDATION DU BON SAUVEUR DE LA MANCHE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau de COUTANCES

DÉBATS : A l’audience publique du 05 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 11 Avril 2023 par prorogation du délibéré initialement fixé au 14 mars 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 11 février 2020, le Comité Social et Economique (Cse) de la Fondation Bon Sauveur de la Manche a voté la mise en oeuvre d’une expertise de la politique sociale de la Fondation Bon Sauveur de la Manche et a désigné le cabinet Technologia Expertises afin d’y procéder.

Par acte du 25 juin 2021, le Cse de la Fondation Bon Sauveur a fait assigner la Fondation Bon Sauveur de la Manche devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin aux fins de la faire condamner à assumer le coût de l’expertise relative à la politique sociale régulièrement votée le 11 février 2020 et qu’il lui soit fait injonction d’avoir à communiquer à la société Technologia Expertises les documents nécessaires à l’exécution de sa mission.

Par ordonnance du 19 octobre 2021, le juge des référés a :

– rejeté les exceptions de nullité de l’assignation du 25 juin 2021 soulevées par la Fondation Bon Sauveur de la Manche ;

– annulé la délibération du Cse de la Fondation Bon Sauveur de la Manche du 20 avril 2021 en ce qu’elle donne ‘mandat à Mme [Z] [T], trésorière adjointe du Cse Fbsm, d’engager pour le compte du Cse les démarches et l’ensemble des frais nécessaires (notamment auprès de cabinets d’avocats Condamine et Letertre) afin d’être conseillé et d’aller jusqu’à ester en justice concernant le contentieux portant sur la mission d’expertise relative à la politique sociale et aux conditions de travail de la Fondation Bon Sauveur de la Manche’ ;

– déclaré irrecevable le Cse de la Fondation Bon Sauveur de la Manche en ses demandes ;

– condamné le Cse de la Fondation Bon Sauveur de la Manche à payer à la Fondation Bon Sauveur de la Manche une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé les dépens de la présente instance de référé à la charge du Comité Social et Economique de la Fondation Bon Sauveur de la Manche ;

– rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par acte du 14 décembre 2021, le Cse de la Fondation Bon Sauveur a de nouveau fait assigner la Fondation Bon Sauveur de la Manche devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin afin qu’elle soit condamnée à assumer le coût de l’expertise relative à la politique sociale régulièrement votée le 11 février 2020 et qu’il lui soit fait injonction d’avoir à communiquer à la société Technologia Expertises, dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document, les documents nécessaires à l’exécution de sa mission.

Par ordonnance du 15 mars 2022 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge des référés du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin a :

– débouté le Cse de la Fondation Bon Sauveur de la Manche de l’intégralité de ses demandes ;

– condamné le Cse de la Fondation Bon Sauveur de la Manche à payer à la Fondation Bon Sauveur de la Manche une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé les dépens de la présente instance de référé au Cse de la Fondation Bon Sauveur de la Manche ;

– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 5 mai 2022, le comité d’établissement Cse Fondation Bon Sauveur a formé appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 24 juin 2022, le comité d’établissement Cse Fondation Bon Sauveur demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin en date du 5 mai 2022 ;

statuant à nouveau,

– dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en ses demandes ;

– constater que la carence de la Fondation Bon Sauveur de la Manche dans la production des documents réclamés par la société Technologia Expertises interdit la mise en ‘uvre de l’expertise de la politique sociale régulièrement votée par le Comité le 11 février 2020 et caractérise un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser ;

en conséquence,

– dire et juger que la Fondation Bon Sauveur de la Manche doit assumer le coût de l’expertise relative à la politique sociale régulièrement votée par le Comité le 11 février 2020, et ce par application des dispositions combinées des articles L.2312-17, L.2315-80 et L.2315-91 du code du travail ;

– faire injoncion à la Fondation Bon Sauveur de la Manche d’avoir à communiquer à la société Technologia Expertises, dans un délai de 8 jours à compter de l’ordonnance à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document, les documents suivants :

* lettre de mission validée ;

* documents relatifs aux données sociales, à la politique salariale, à la formation professionnelle et aux conditions de travail listés dans la première demande d’informations :

1. Données sociales

1.1. Accès à tous les documents présents dans la base de données économiques et sociales (BDES) ou copie de la BDES à jour au moment de l’ouverture de l’information consultation

1.2. Organigramme fonctionnel nominatif à fin 2020

1.3. Bilan social ou rapport annuel

1.4. Rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes

1.5. Suivi mensuel des effectifs inscrits, actifs et en équivalents temps plein par type de contrat (CDI, CDD, stagiaires) par CSP, par sexe, par service, par métier et par établissement

1.6. Détail des effectifs moyens et fin de période par type de contrat (CDI, CDD, stagiaires) par CSP, par sexe, par métier et par établissement

1.7. Détail du recours à des prestataires externes (intérimaires)

1.8. Détail des entrées et sorties de personnels (et motif pour les sorties) par CSP, par sexe, par service, par métier et par établissement

1.9. Eléments permettant d’affecter les coûts des CDD et de l’intérim (en indiquant le motif de remplacement et de surcroît de travail) par CSP, par sexe, par métier et par établissement

1.10. Données permettant d’établir des pyramides des âges et d’ancienneté pour les CDI par CSP, par sexe, par service et par métier et par établissement

1.11. Copie des différents accords d’entreprise (ou désaccords) en cours de validité à fin 2020 et ceux éventuellement signés en 2021

1.12. Détail du calcul des subventions des AEP et ASC allouées au CSE en 2020 et budget 2021

1.13. Fichier Excel reprenant pour l’ensemble des personnes rémunérées en 2018, 2019 et 2020 : Matricule (le même matricule pour les trois exercices et identique à celui des fichiers Excel des points « formation » et « conditions de travail »), Sexe, XSP, Niveaux/qualifications/ coefficients, Date de naissance, Date d’entrée, Type de contrat, Etablissement, Date d’ancienneté, Motif d’entrée (remplacement ou accroissement d’activité pour les CDD, transformation CDD ou entrée directe pour les CDI), Date de sortie, Motif de sortie le cas échéant, Temps de travail (en ETP) (plein/partiel), Intitulé d’emploi ou Métier et / ou regroupement métiers, Service.

2. Politique salariale :

2.1. Fichier EXCEL reprenant l’ensemble des personnes rémunérées en 2018, 2019 et 2020 : matricule (le même matricule pour les trois exercices et identique à celui des fichiers Excel des points « formation » et « conditions de travail »), Sexe, Catégorie socioprofessionnelle (CSP), Niveaux/qualifications/coefficients, Date de naissance, Date d’entrée, Type de contrat, Etablissement, Date d’ancienneté, Motif d’entrée (remplacement ou accroissement d’activité pour les CDD, transformation CDD ou entrée directe CDI), Date de sortie, Motif de sortie le cas échéant, Temps de travail (en ETP) (plein/partiel), Intitulé de l’emploi ou Métier et/ou regroupement métiers, Service, Nombre total d’heures travaillées, Nombre d’heures supplémentaires effectuées, Nombre d’heures d’absence, Salaire de base, Détail des différentes

primes (ancienneté, travail de nuit, vacances’), Salaire brut, Détail des retenues par motif (tous les éléments relatifs à la politique salariale).

2.2. Liste et modalités de calcul et de versement des différents primes et autres rémunérations variables versés et mode d’attribution aux populations,

2.3. Journaux des rubriques de paie pour les trois dernières années (au global et par établissement),

3. Formation professionnelle :

3.1. Documents d’information remis au CSE relatifs à la formation professionnelle continue (bilan 2020 et plan de développement des compétences 2020 et 2021)

3.2. Fichier Excel pour les années 2018, 2019 et 2020 reprenant par stagiaire (c’est-à-dire qu’un salarié ayant suivi deux formations au cours de l’année sera donc visible sur deux lignes) : Matricule (identique à celui du fichier Excel au point 1.13), Sexe, Catégorie socioprofessionnelle (CSP), Niveau/qualification/coefficient, Date de naissance, Intitulé de l’emploi ou Métier et/ou regroupement métiers, Service, Etablissement, Type de formation (obligatoire ou non, certifiante, qualifiante’), Domaine de la formation, Intitulé de l’action de formation, Formation interne / externe, Nom de l’organisme de formation, Date de début de la formation, Date de fin de la formation, Durée de la formation (en heures), Coûts pédagogiques (ou inscription)’

4. Conditions de travail :

4.1. Nombre d’accidents avec arrêt/ sans arrêt par circonstance / contexte de l’accident

4.2. Evolution du taux de gravité par CSP, par sexe, par service, par métier et par établissement

4.3. Evolution du taux de fréquence des AT par CSP, par sexe, par service et par métier et par établissement

4.4. Détail des maladie professionnelles déclarées et des restrictions d’aptitudes par CSP, par sexe, par service, par entité pertinente et par métier et par établissement

4.5. Document unique d’évaluation des risques (DUER)

4.6. Programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail pour les années (2018, 2019, 2020)

4.7. Rapports de la Médecine du travail (2018, 2019 et 2020)

4.8. Fichier Excel : une ligne par absence, le matricule (identique à la partie salariale et formation) de la personne concernée, motif de l’absence et le nombre de jours d’absence ou date de début, date de fin de l’absence.

– Modifications à apporter sur le questionnaire établi par Technologia Expertises, concernant les découpages en tranche d’âge et les regroupements de métiers/ sites/établissements appropriés ;

– Base des salariés avec les informations permettant l’envoi du questionnaire par voie postale ;

– condamner la Fondation Bon Sauveur de la Manche à l’indemniser de ses frais de défense à hauteur de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 juillet 2022, la Fondation du Bon Sauveur de la Manche demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin rendue en date du 15 mars 2022 en toutes ses dispositions ;

– subsidiairement, accorder un délai de 2 mois pour la communication des documents ordonnés par le tribunal ;

– ne pas prononcer d’astreinte ;

– rejeter la demande du Cse sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le Cse de la Fondation Bon Sauveur de la Manche à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et d’appel ;

– condamner le Cse de la Fondation du Bon Sauveur de la Manche aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 30 novembre 2022.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Le Comité d’établissement appelant rappelle que postérieurement à la délibération actant de l’expertise sur la politique sociale de la Fondation Bon Sauveur de la Manche et désignant expressément le cabinet Technologia Expertises pour ce faire, l’employeur disposait d’un délai de 10 jours pour élever des contestations, ce dont il s’est abstenu ;

Que le cabinet Technologia a pris contact avec la Fondation Bon Sauveur de la Manche le 17 février 2021, qu’une réunion a eu lieu le 22 février 2021 durant laquelle il a été présenté à la direction la méthode de travail et le traitement de la thématique des conditions de travail, que le cabinet Technologia a adressé le 26 février 2021 sa lettre de mission, alors que la direction de la Fondation n’a pas usé des articles L.2315-86 et R.2315-49 du code du travail ;

Qu’une nouvelle réunion a eu lieu le 16 mars 2021 et cela à la demande de la Fondation en cause à laquelle il a été adressé un devis sur le coût des opérations, modifié le 25 mars 2021, mais que l’employeur n’a jamais adressé les documents utiles à la réalisation de la mission convenue ;

Il est exposé par le Comité d’établissement en cause que les dispositions de l’article L.2315-81-1 du code du travail ont été respectées et qu’il a été adressé à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée de l’expertise ;

Que l’attitude de la Fondation en litige ne peut pas être acceptée, car il est démontré que la délibération votée le 11 février 2020 faisait référence sans aucune ambiguïté à une expertise de la politique sociale de la structure ;

Que dès sa désignation le cabinet Technologia a posé le cadre légal de l’expertise votée en précisant que son intervention se faisait conformément aux articles L.2312-17-3° et L.2315-91 du code du travail ;

Le Comité d’établissement dont s’agit expose qu’en tout état de cause, même dans le cas d’une expertise libre, l’article L.2135-89 du code du travail fait obligation de fournir toutes les informations nécessaires à l’exercice de la mission de l’expert, ce qui conduit à constater que l’employeur en l’espèce n’y procède pas ;

Que la carence de l’employeur dans la transmission à Technologia Expertises des pièces et documents réclamés pour la mise en oeuvre de l’expertise en litige, constitue incontestablement un trouble manifestement illicite ;

La Fondation du Bon Sauveur de la Manche répond qu’elle rapporte la preuve de ce que la nomination de l’expert ne s’est pas faite dans le cadre de l’information/consultation prévue à l’article L.2312-17 3° du code du travail et qu’il s’agit donc d’une expertise libre ;

Que pour ce qui concerne, la communication des documents sollicités soit ceux-ci sont déjà en possession du Cse, soit ils concernent la vie privée des salariés, soit il s’agit de demandes qui sont hors la mission de l’expert, sachant qu’en tout état de cause, il n’est pas rapporté la preuve d’un trouble manifestement illicite ;

Sur ce, il convient de préciser comme les 1ers juges y ont procédé que la compétence du juge des référés pour présent litige, s’effectue dans le cadre des articles 835 alinéa 1er et 836 du code de procédure civile, puisqu’il est fait état par l’appelant d’un trouble manifestement illicite ;

– Sur la nature juridique de la désignation de l’expert par le Cse :

Il convient de déterminer si la désignation de l’expert le Cabinet Technologia a été réalisée en application des dispositions de l’article L.2312-17 3° du code du travail, ce que soutient le Cse appelant pour justifier la réalité d’un trouble manifestement illicite, puisqu’il s’agirait selon lui, d’une expertise dont la Fondation en cause empêcherait la mise en oeuvre, ce que conteste la Fondation du Bon Sauveur de la Manche ;

Les problématiques soulevées doivent être envisagées au regard de l’article L.2312-17 3° du code du travail que dispose que le comité social et économique est consulté sur notamment en -3°- la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi ;

Comme les 1ers juges l’ont noté selon les articles L.2315-80 et L.2315-81 du code du travail, le Cse peut recourir à un expert avec une prise en charge des frais :

– lors des consultations récurrentes notamment celle de l’article L.2315-91 du même code, qui précise que le Cse peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, mentionnée au 3° de l’article L.2312-17, auquel cas, les frais d’expertise sont pris en charge à hauteur de 100% par l’employeur;

– lors des consultations ponctuelles prévues à l’article L.2315-87 du même code relatives aux orientations stratégiques de l’entreprise, auquel cas l’intervention de l’expert est prise en charge à hauteur de 20% par le Cse et de 80% par l’employeur ;

– de manière libre par le Cse, pour préparer ses travaux et dans ce cas à ses seuls frais ;

En l’espèce, comme le 1er juge l’a justement noté l’ordre du jour de la réunion du Cse du 11 février 2020 prévoyait en un point N°6g la question suivante à débattre :

– politique sociale : les élus FO demandent une expertise de la politique sociale de la fondation Bon Sauveur de la Manche et proposent le cabinet Technologia;

Le procès-verbal de la réunion du Cse du 11 février 2020 comporte la délibération suivante :

– Les élus FO demandent une expertise de la politique sociale de la fondation Bon Sauveur de la Manche et proposent le cabinet Technologia. Débat entre les élus sur les objectifs à atteindre la méthodologie, le coût, le choix du cabinet ainsi que le timing ;

La cour doit constater que la décision de procéder à l’expertise suggérée a été adoptée par les membres présents du Cse, ainsi que le choix du cabinet Technologia pour l’effectuer ;

Or il doit être relevé que l’expertise décidée ne l’a pas été dans le cadre des obligations d’information/consultation à la charge de l’employeur au sens de l’article L.2312-17 3° du code du travail, sachant que l’employeur est tenu, dans de nombreuses situations, d’informer ou de consulter le Comité social et économique avant de prendre une décision, et que ces deux notions ne doivent pas être confondues, car à l’initiative de l’employeur pour la consultation, celle-ci nécessite, pour le CSE, d’émettre un avis motivé ;

A l’inverse, la simple information ne requiert pas d’avis émanant du Comité social et économique;

Ainsi, l’employeur doit une fois par an consulter le Cse sur sa politique sociale, les conditions de travail et l’emploi ;

Cette consultation annuelle porte principalement au regard de l’article L.2312-26 du code du travail sur l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail ;

Afin de permettre au Comité social et économique de formuler un avis motivé, ce dernier dispose d’informations précises transmises par l’employeur ;

Les informations transmises par celui-ci le sont essentiellement par le biais de la BDES conformément à l’article R 2312-8 du code du travail.

En effet, l’ensemble des informations que l’employeur met à la disposition du Comité social et économique, nécessaires aux consultations récurrentes, se trouve rassemblé dans la base de données économiques et sociales (BDES) de l’entreprise ;

Le Cse dispose alors d’un délai pour donner son avis sur la consultation qui lui est faite par l’employeur, celle concernant le 3° de l’article L.2312-17 précité est obligatoire et dans ce cas le Cse peut décider de recourir aux services d’un expert s’il estime ne pas disposer des éléments d’information lui permettant de fournir un avis ;

Il doit être constaté que le déroulé précité n’a été en rien respecté en l’espèce puisque le recours à l’expertise a été prise à l’initiative des représentants du syndicat Fo présents au Cse en l’absence de toute procédure de consultation/ information de l’employeur, ce qui résulte par ailleurs des ordres du jour et des procès-verbaux des réunions du Cse précédents, soit des 18 juin 2019 et 9 juillet 2019 ;

A l’aune de ces éléments, la cour estime que comme le 1er juge l’a apprécié la lecture des ordres du jour et des procès-verbaux des réunions précitées ne démontre pas que le Cse y avait été consulté sur la thématique du 3° de l’article L.2312-17 du code du travail, et qu’il n’est établi aucun lien entre une information/ consultation antérieure sur la politique sociale, les conditions de travail et de l’emploi, ce qui aurait exigé la désignation d’un expert pour fournir un avis motivé à la direction de la Fondation ;

Qu’il apparaît pour la cour comme cela a été justement apprécié par le 1er juge, que l’expertise litigieuse doit s’analyser comme une expertise libre, telle que prévue à l’article L.2315-81 du code du travail, et cela en l’absence de toute inscription à l’ordre du jour du Cse à la date du 11 février 2020 d’une information/consultation relative à la politique sociale, les conditions de travail et de l’emploi ;

Il résulte de tout ce qui précède qu’il est démontré que l’expertise en litige n’a pas été soumise à l’article L.2312-17 du code du travail, ce qui rend surabondant le débat sur le moment de la désignation de l’expert qui manifestement n’a pas eu lieu dans le cadre juridique de l’article précité ;

De plus la cour retient comme également le 1er juge l’a noté, s’agissant d’une expertise libre, que les dispositions de l’article L.2315-86 du code du travail relatives aux délais ouverts à l’employeur pour contester :

– la délibération décidant du recours à une mesure d’expertise, sur le choix de l’expert, la notification du cahier des charges et des informations prévues à l’article L.2315-81-1, en cas de contestation du coût prévisionnel, de l’étendue et de la durée de l’expertise ou encore du coût final de cette mesure- ne s’appliquent pas, ceci étant exclu par l’article L.2315-81 du code du travail ;

Ainsi la cour retient comme le 1er juge l’a apprécié qu’il appartient au Cse de prendre à sa charge la totalité du coût de l’expertise en litige, sans qu’il y ait lieu pour la Fondation Bon Séjour de la Manche de retourner au cabinet Technologia sa lettre de mision validée, sachant que si la direction de la Fondation a accepté de participer à certaines réunions concernant l’expertise dont s’agit, la Fondation n’a, à aucun moment, manifesté sa décision de la prendre en charge financièrement ou de répondre favorablement aux demandes de documents présentées par l’expert choisi, sachant de plus, que la Fondation en cause a clairement rappelé sa position dans un courrier du 20 avril 2021 ;

La cour estime que celui-ci ne peut pas être qualifié de tardif car du fait de la pandémie, l’expertise ordonnée le 11 février 2020 a débuté avec retard, les éléments concernant sa mise en oeuvre n’ayant été rassemblés et communiqués que le 26 février 2021, sans approbation en retour dûment formulée par la Fondation Bon Sauveur de la Manche comme en atteste le courrier précité du 20 avril 2021 ;

S’agissant de la demande de communication de documents qui est formée par le Cse appelant, il résulte de tout ce qui précède que celui-ci ne peut pas justifier cette réclamation sur le fondement des articles L.2312-17, L.2315-80 et L.2315-91 du code du travail, puisque l’expertise en litige relève de l’article L.2315-81 du même code ;

Ce dont il se déduit que l’employeur à savoir la Fondation dont s’agit n’est pas contrainte de répondre positivement aux réclamations présentées par le Cabinet Technologia ; Que de plus le Cse dispose spontanément et librement des informations mises à sa disposition dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), et qu’il a accès à un certain nombre de documents, et notamment :

– au registre unique du personnel ;

– aux documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective établis par l’employeur lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif ;

Que les membres du Cse peuvent se faire présenter l’ensemble des livres, registres et documents non nominatifs rendus obligatoires par la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité ;

Que dans ces conditions, il ne peut pas être imposé à la Fondation Bon Sauveur de la Manche d’adresser à ses salariés le questionnaire réalisé par le Cabinet Technologia, qui ne s’inscrit pas dans le cadre des consultations obligatoires de l’article L.2312-17 3° précité, en l’absence de consultation sollicitée par l’employeur comme cela a déjà été explicité précédemment ;

Qu’il résulte de tout ce qui précède que le trouble manifestement illicite résultant d’une entrave au bon déroulement de l’expertise en litige dont la Fondation Bon Secours de la Manche serait l’auteur, n’est pas constitué ni caractérisé, puisqu’il s’agit d’une expertise libre à la seule charge financière du Cse, sans obligation légale de délivrance de documents imposée à l’employeur, sachant que le Cabinet Technologia dispose de tous les éléments accessibles ci-dessus exposés par le Cse lui-même ;

Que de plus, l’employeur n’ayant pas à financer l’expertise en cause, il n’a pas à soutenir l’envoi du questionnaire proposé par le cabinet Technologia en communiquant les coordonnées personnelles de ses salariés, sans leur accord, ce qui pourrait lui être reproché ;

En conséquence, le Cse Fondation Bon sauveur en l’absence de trouble manifestement illicite et d’obligation légale méconnue par l’employeur, la Fondation Bon Sauveur, doit être débouté de toutes ses demandes et l’ordonnance entreprise sera confirmée ;

– Sur les autres demandes :

L’ordonnance entreprise étant confirmée, elle le sera s’agissant des dépens et de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

En cause d’appel, il apparaît équitable d’allouer à la Fondation Bon Secours de la Manche la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, d’écarter la demande présentée à ce titre par le Cse de la Fondation Bon Sauveur, qui partie perdante supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe.

– Confirme l’ordonnance entreprise ;

– Y Ajoutant :

– Déboute le Comité social et économique de la Fondation Bon Sauveur de la Manche de toutes ses demandes ;

– Condamne le Comité social et économique de la Fondation Bon Sauveur de la Manche à payer à la Fondation du Bon Sauveur de la Manche la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne le Comité social et économique de la Fondation Bon Sauveur de la Manche aux dépens de 1ère instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON

 


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