CDD pour accroissement d’activité : décision du 10 novembre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00091
CDD pour accroissement d’activité : décision du 10 novembre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00091

DLP/CH

S.A.S. AUXODIS, représentée par son Président en exercice domicilié ès- qualités au siège

C/

[N] [U]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

MINUTE N°

N° RG 21/00091 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FTZD

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 07 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00746

APPELANTE :

S.A.S. AUXODIS, représentée par son Président en exercice domicilié ès-qualités au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Martin LOISELET, avocat au barreau de DIJON, et Me Stéphane GIURANNA, avocat au barreau d’EPINAL substitué par Me Laure IOGNA-PRAT, avocat au barreau D’EPINAL

INTIMÉ :

[N] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL – VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Inès PAINDAVOINE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 30 juillet 2018, M. [U] a été engagé par la SAS Auxodis par contrat de travail à durée déterminée (CDD) pour accroissement temporaire d’activité lié à la réorganisation du service liquide.

Son contrat a fait l’objet d’un avenant, signé le 29 octobre 2018, en vue du remplacement d’un salarié.

Le 5 novembre 2018, la société Auxodis l’a recruté par contrat à durée indéterminée (CDI) à temps partiel de 33,33 heures hebdomadaires en qualité d’employé commercial.

Par courrier du 1er février 2019, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 février 2019.

Le 15 février 2019, il s’est vu notifier son licenciement pour faute grave en raison du maintien en rayon de produits présentant des dates de consommation périmées.

Par requête reçue au greffe le 29 novembre 2019, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir la requalification du contrat à durée déterminée du 30 juillet 2018 en contrat à durée indéterminée et de voir dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, avec le paiement des indemnités subséquentes.

Par jugement du 7 janvier 2021, le conseil de prud’hommes a prononcé la requalification du contrat à durée déterminée du 30 juillet 2018 en contrat à durée indéterminée et dit que le licenciement intervenu le 15 février 2019 était sans cause réelle ni sérieuse.

Par déclaration enregistrée le 4 février 2021, la société Auxodis a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 septembre 2021, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [U] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [U] aux entiers dépens de l’instance.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 5 septembre 2022, M. [U] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris, sauf sur le quantum des sommes accordées,

Statuant à nouveau,

– condamner la société Auxodis à lui verser une somme de 1 498,32 euros nets au titre de l’indemnité de requalification,

– condamner la société Auxodis à lui verser la somme nette de 1 498,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Auxodis à lui verser la somme de 1 498,32 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 149,83 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– condamner la société Auxodis à lui verser la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Auxodis à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées, à savoir fiche de paie et attestation Pôle emploi,

– dire que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2019,

– dire et juger que les intérêts sur les sommes autres que salariales, dans l’hypothèse où la cour ne devrait pas confirmer sur le quantum de l’indemnité à lui allouer, il conviendra de juger que cette indemnité porte intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021,

– condamner la société Auxodis aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA REQUALIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

M. [U] recherche la requalification de son contrat de travail en CDI au motif que l’employeur ne rapporte pas la preuve de l’accroissement d’activité ayant justifié le recours à un CDD.

La société Auxodis répond que le contrat comporte bien la définition précise de son motif et qu’il n’y a donc pas lieu à requalification.

Aux termes de l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte. A défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Ici, le motif du recours au CDD conclu le 30 juillet 2018 pour une durée de 3 mois, à savoir l’accroissement d’activité de la société, n’est pas justifié par cette dernière.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a requalifié ce contrat en CDI et octroyé au salarié une indemnité qui devra être portée à 1 498,32 euros.

SUR LE BIEN-FONDÉ DU LICENCIEMENT

Sur la faute grave

M. [U] prétend que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l’absence de preuve de la faute grave retenue à son encontre. Il indique qu’il était employé commercial et non pas responsable de rayon de sorte qu’il n’est pas responsable de la défaillance dans la gestion du rayon. Il ajoute qu’aucun élément n’indique réellement la date de péremption des produits litigieux.

La société Auxodis réplique que la faute grave est établie.

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est en outre constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l’espèce, M. [U] a été licencié pour faute grave au motif que, le 1er février 2019, alors que l’employeur procédait à une relève de produits dans les rayons dont le salarié avait la charge, ainsi que dans les réserves correspondantes, il a constaté la présence de produits périmés pour un total de 653,45 euros dont une partie était en vente en rayons.

Il ressort du contrat de travail de M. [U] qu’il avait pour mission de retirer des rayons les produits périmés. Or, son responsable prétend avoir constaté qu’il n’avait pas dûment effectué cette tâche, de nombreux produits étant périmés en rayon. Pour en justifier, l’employeur produit un document intitulé ‘extraction mouvements manuels du stock’ (pièce 7), relevé qui aurait été établi par le responsable de M. [U], et l’attestation en ce sens de M. [H], salarié présent lors de ce constat (pièce 8).

La cour observe cependant que le relevé précité est un document établi par l’employeur lui-même et qu’aucun élément n’indique la date de péremption des produits concernés, seule une date apparaissant dans la colonne ‘libellé’ et uniquement pour certains produits, de surcroît inscrite de façon manuscrite. De plus, le responsable de M. [U] ne témoigne pas et la seule attestation, très succinte, de M. [H], salarié dans un lien de subordination avec l’employeur, doit être considérée avec prudence.

Ces pièces ne sauraient donc constituer, de façon certaine, la preuve des faits reprochés au salarié, étant rappelé que le doute doit profiter à ce dernier.

Les griefs invoqués par l’employeur n’étant pas établis de façon certaine, le licenciement de M. [U] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant sur ce point confirmé.

Sur les demandes indemnitaires

Le licenciement étant injustifié, le salarié peut, par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Compte tenu de son ancienneté (moins d’un an) dans une entreprise employant plus de onze salariés et du montant mensuel brut de sa rémunération (1 498,32 euros), il y a lieu d’allouer à M. [U], en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 1 498,32 euros en réparation du préjudice subi.

Il lui sera également octroyé une somme de 1 498,32 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 149,83 euros de congés payés afférents, le jugement querellé étant infirmé sur le montant alloué au titre de ces indemnités.

La décision attaquée n’est, en revanche, pas contestée en ce qu’elle a rejeté la demande du salarié au titre de l’indemnité légale de licenciement dès lors que ce dernier ne justifiait pas de 8 mois d’ancienneté dans l’entreprise.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à la remise des documents légaux rectifiés.

Les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.

La décision est également confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Auxodis, qui est à l’origine d’un appel non fondé, doit prendre en charge les dépens d’appel et supporter, à hauteur de cour, une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf concernant le montant des sommes allouées à M. [U] au titre de l’indemnité de requalification, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité compensatrice de préavis et concernant le point de départ des intérêts légaux,

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la société Auxodis à verser à M. [U] les sommes suivantes :

– 1 498,32 euros au titre de l’indemnité de requalification,

– 1 498,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 498,32 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 149,83 euros de congés payés afférents,

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire,

Y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Auxodis et la condamne à payer complémentairement en cause d’appel à M. [U] la somme de 1 500 euros,

Condamne la société Auxodis aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION

 


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