COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 10 MARS 2023
N° 2023/086
Rôle N° RG 19/07880 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIUP
[O] [D]
C/
SAS START PEOPLE
Copie exécutoire délivrée
le : 10 mars 2023
à :
Me Jean FAYOLLE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 375)
Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 17 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00260.
APPELANT
Monsieur [O] [D], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean FAYOLLE de la SELARL FAYOLLE JEAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS START PEOPLE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Nina SISLIAN, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Florence TREGUIER, Présidente de chambre a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023,
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [D] a été mis à dispostion de la société ENDEL par la société de travail temporaire START PEOPLE en exécution de divers contrats de missions qui se sont succédés entre le 17 octobre 2012 et le 16 mars 2018 ;
La convention collective applicable est la Convention collective Nationale des Entreprises de Travail Temporaire. La société START PEOPLE emploie plus de 50 salariés.
Considérant que la société START PEOPLE a manqué à ses obligations notamment en n’appliquant pas le délai de carence prévu par la loi et en ne mentionnant pas le nom et la qualification de la personne remplacée sur les contrats, M [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues aux fins de voir requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée, voir dire que la fin de la relation contractuelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences indemnitaires de droit et condamner la société à lui payer des dommages intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement , inégalité de traitement dans la prise des congés payés et maintien abusif dans la précarité.
Par jugement en date du 18 mars 2019, dont la date de notification à M [D] demeure inconnue de la cour à défaut de présence de l’accusé reception de la lettre de notification au dossier de première instance, le conseil de prud’hommes de Martigues a :
Dit et jugé toutes les demandes antérieures au 23 mai 2016 prescrites.
Dit et jugé que le délai de carence ne peut constituer un motif de requalification à l’encontre de l’entreprise START PEOPLE.
Dit et jugé que les contrats irréguliers au titre de l’ absence du nom du salarié remplacé sont couverts par la prescription.
Dit et jugé que Monsieur [D] ne peut pas se prévaloir d’une transmission tardive de ses contrats de mission.
En conséquence :
Débouté Monsieur [D] de l’ensemble de ses demandes et prétentions liées à la requalification de ses contrats de mission.
Débouté Monsieur [D] du surplus de ses demandes liées au rappel de salaire, aux dommages et intérêts pour inégalité de traitement au titre des congés payés et dommages et intérêts pour maintien abusif dans la précarité.
Débouté la société START PEOPLE de sa demande au titre de l’article 700 du CPC.
Laissé les dépens à la charge de Monsieur [D].
Par déclaration d’appel enregistrée au RPVA le 14 mai 2019 M [D] a interjeté appel du jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.
Par conclusions déposées et signifiées par RPVA le 13 aout 2019 , auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l’appelant demande à la cour
D’infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de MARTIGUES le 18 mars 2019 en toutes ses dispositions ,
Et, statuant à nouveau
Requalifier, à l’égard de la Société START PEOPLE, en contrat de travail à durée indéterminée, les contrats de missions temporaires conclus pour la période du 17 octobre 2012 au 16 mars 2018 à raison de la violation des dispositions des articles L. 1251-17, L. 1251-36, L1251-37, et L 1251-43 du Code du travail ,
Fixer la date de rupture du contrat de travail au 16 mars 2018 .
Dire que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse .
Dire que la société START PEOPLE a exécuté la relation contractuelle de façon déloyale
Dire que la société START PEOPLE a maintenu abusivement Monsieur [D], en sa qualité de salarié intérimaire, dans la précarité ,
Dire qu’a été imposée à Monsieur [D], en sa qualité de salarié intérimaire, une inégalité de traitement illicite au titre de la prise des congés par rapport à la situation de ses collègues de travail titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée ;
Fixer la moyenne de salaires de Monsieur [D] à la somme de 2.541,03 € .
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNER la Société START PEOPLE à verser à Monsieur [T] [D] les sommes de
5.082,06 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ,
508,21 € à titre de congés payés afférents
3.440,98 € à titre d’indemnité légale de licenciement .
15.246,18 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .
2.541,03 € à titre d’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement
1.171,53 € à titre de rappel de salaire
117,15 € à titre de congés payés y afférents .
3.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales relatives à la prise des congés payés et inégalité de traitement de ce chef .
3.000 € à titre de dommages-intérêts pour maintien abusif dans la précarité .
CONDAMNER la Société START PEOPLE à délivrer à Monsieur [D], sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter de la notification de l’arrêt à intervenir.
– Une attestation destinée à Pôle Emploi, mentionnant pour motif de rupture du contrat de travail « un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 16 mars 2018 »
– Le certificat de travail
– Le solde de tout compte
– Les bulletins de salaires rectifiés pour la période du 17 octobre 2012 au 16 mars 2018
CONDAMNER la société START PEOPLE au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
ASSORTIR les condamnations d’intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la convocation initiale de la société START PEOPLE .
CONDAMNER la société START PEOPLE aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.
A l’appui de ses demandes il fait valoir
‘ Que l’action en requalification n’est pas prescrite contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes car la Cour de Cassation indique en pareil cas que le délai de prescription ne court qu’à compter du terme du dernier contrat de mission tandis que les effets de la requalification remontent au premier jour de la première mission même si elle concerne plusieurs blocs de contrats espacés de plusieures années et remonte au delà du délai de prescription. Qu’ainsi la requalification devait remonter au 17 octobre 2012.
‘ Que la Cour de Cassation juge que la violation des conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d’ouvre est interdite entraine la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée et admet cette requalification à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire qui est responsable du respect du formalisme du contrat ;
Qu’en l’espèce :
– L’entreprise de travail temporaire qui l’a mis à disposition pour des motifs d’accroissement d’activité à titre habituel n’a pas respecté le délai de carence contrairement aux dispositions des articles L 1251-36 et 37 du code du travail
– Que les contrats du 28 avril au 13 juin 2014 et du 13 octobre au 31 octobre 2014 ne mentionnent pas le nom du salarié remplacé contrairement à ce qu’exigent les articles L 1251-16 et L 1251-37 du code du travail
– Que le contrat du 19 février au 3 mars 2018 et son avenant sont tous deux datés du 19 février 2018 mais n’ont été signés que le 9 mars 2018 , donc ont été remis hors délai , en violation des dispositions de l’article L1251-17 du code du travail
– Que les contrats de missions doivent être considérés comme ne mentionnant pas que l’embauche du salarié par l’entreprise utilisatrice à l’issue des contrats de mission n’est pas interdite alors que cette mention est imposée par l’article L 1251-16 du code du travail
‘ Que le salarié recruté pour une durée de travail à temps quasi complet n’a pas été rémunéré pour la durée prévue au contrat hors heures supplémentaires alors qu’il s’est tenu à la disposition de l’entreprise et peut en conséquence prétendre à un rappel de salaire
‘ Que du fait de la requalification le terme du dernier contrat de mission est inopposable à l’appelant qui peut en conséquence prétendre aux indemnités de rupture calculées sur la moyenne de ses trois derniers de rémunération soit 2 752,57 euros et à minima 2541,03 euros outre une indemnité de requalification
‘ Que le salarié n’a pas bénéficié du régime en vigueur au sein de l’entreprise pour la prise des congés payés et a travaillé sans repos entre le 1er mars 2013 et le 21novembre 2014 ce qui a porté atteinte à sa vue personnelle et familiale; qu’il a été maintenu dans la précarité par la violation des dispositions légales et a ainsi été privé de la possibilité de conclure un contrat de prêt.
Par conclusions d’intimée déposées et notifiées par RPVA le 8 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SOCIETE START PEOPLE demande à la cour de
– dire et juger que l’action en requalification des contrats de mission conclus antérieurement au 23 mai 2016 est irrecevable du fait de la prescription,
En conséquence,
– dire et juger que les contrats prétendument irréguliers au titre du délai de carence sont couverts par la prescription et qu’en tout état de cause, l’éventuel non-respect du délai de carence ne peut constituer un motif de requalification en contrat à durée indéterminée à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire ;
– dire et juger que les contrats prétendument irréguliers au titre de l’absence du nom du salarié remplacé sont couverts par la prescription ;
– dire et juger que Monsieur [D] ne peut se prévaloir d’une transmission tardive des contrats qui, en tout état de cause, n’est pas un motif de requalification des contrats de mission
– dire et juger que les contrats sont réguliers et comportent toutes les mentions utiles ;
– Dire et juger que Monsieur [D] n’a pas pourvu durablement à un emploi permanent au sein de l’entreprise utilisatrice et qu’en tout état de cause, un tel argument n’est pas recevable à l’encontre d’une entreprise de travail temporaire ;
– Fixer le salaire moyen de Monsieur [D] à la somme de 1.713,87 € bruts ;
En conséquence,
– Débouter Monsieur [D] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 5.082,06€, outre les congés payés afférents ;
A titre subsidiaire, le préavis de deux mois devra être fixé à 3.427,74 € bruts outre 342,77 € bruts au titre des congés payés afférents.
-Débouter Monsieur [D] de sa demande d’indemnité légale de licenciement à hauteur de 3.440,98€ ;
A titre subsidiaire, l’indemnité de licenciement devra être fixée à 1.298,90 €.
– Débouter Monsieur [D] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 15.246,18€ ;
A titre subsidiaire, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse sera fixée à 3 mois de salaire, soit 5.141,61 € et au maximum 4 mois de salaire, soit 6.855,48 €.
– Débouter Monsieur [D] de sa demande de d’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement à hauteur de 2.541,03€ ;
A titre subsidiaire, l’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement sera fixée à 1.713,87 € bruts.
– Débouter Monsieur [D] de sa demande de rappel de salaires à hauteur de 1.171,53€, outre les congés payés afférents ;
– Debouter Monsieur [D] de sa demande de dommage et intérêts pour inégalité de traitement à hauteur de 3.000€ ;
– Débouter Monsieur [D] de sa demande de dommages et intérêts pour maintien abusif dans la précarité à hauteur de 3.000€ ;
En tout état de cause,
– Débouter Monsieur [D] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– Condamner Monsieur [D] aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir :
‘Qu’en application de l’article 1471-1 du code du travail la cour de cassation considère que le délai de prescription de l’action fondée sur la critique du formalisme du contrat , et notamment du non respect du délai de carence, court de la date de conclusion du contrat de sorte qu’en l’espèce le conseil des prud’hommes ayant été saisi le 23 mai 2018 l’action est prescrite concernant les contrats de mission antérieurs au 23 mai 2016
‘Qu’en toute hypothèse le législateur a strictement et limitativement prévu les cas de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et que l’article L. 1251-40 du Code du travail ne prévoit pas la possibilité d’une requalification à l’égard de l’entreprise de travail temporaire
‘Que compte tenu de la prescription aucune requalification ne peut intervenir pour le non respect du délai de carence concernant les contrats conclus en 2014 ; que pour le surplus l’appelant n’invoque aucun contrat en particulier; qu’en toute hypothèse le délai de carence ne s’applique qu’en cas d’identité de poste occupé par l’interimaire que l’entreprise de travail temporaire n’est pas en mesure d’apprécier et qui n’est pas démontrée en l’espèce.
‘Qu’il en est de même s’agissant de l’absence de mention du nom des salariés remplacés , les contrats concernés étant atteints par la prescription et affectés d’une erreur sur le motif du recours au travail temporaire qui ne peut être créatrice de droit pour le salarié.
‘Que l’article L 1251-17 du code du travail exige la transmission dans le délai qu’il fixe et non la signature du contrat ; que la charge de la preuve d’une transmission tardive incombe au salarié alors qu’en l’espèce les contrats lui ont été transmis éléctroniquement sur l’espace sécurisé COFFREO selon une convention de notification qu’il a acceptée ; qu’en toute hypothèse le retard de notification n’est pas sanctionné par une requalification ni sanctionné quand les contrats ont été exécutés comme en l’espèce
‘Que le contrat de travail n’est pas régi par les dispositions du code de la consommation relatives aux polices de caractères.
‘Que l’article L 11251-41 du code du travail ne prévoit l’indemnité de requalification qu’à l’égard de l’entreprise utilisatrice
‘Que le salaire à prendre en considération pour le calcul éventuel des indemnités est de 1713,87 euros correspondant au salaire habituel étant précisé que l’appelant ne démontre pas s’être tenu à la disposition de l’entreprise pendant son préavis, que l’ancienneté retenue pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement et de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être appréciée en excluant les périodes pendant lesquelles le salarié n’a pas été employé conformément aux dispositions de l’article L 1251-55 du code du travail, que l’indemnité de procédure ne peut se cumuler en application de l’article 1235-2 du code du travail
‘Que l’appelant qui ne démontre pas s’être tenu à la disposition de l’entreprise pendant les période intermissions doit être débouté de sa demande en rappel de salaire ; que le contrat mentionne l’horaire de référence dans l’entreprise mais ne fixe pas un tel horaire pour le salarié qui a été rémunéré de l’ensemble de ses heures de travail effectivement accomplies au sein de l’entreprise utilisatrice
‘Que les demandes au titre de l’inégalité de traitement dans la prise des congés payés ou le maintien dans la précarité doivent être rejetées en ce que le salarié a bénéficié à chaque fin de mission d’une indemnité spécifique .
L’ordonnance de clôture est en date du 19 décembre 2022.
Motifs de la décision
I Sur l’existence d’une action en requalification à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire et la prescription
Si l’article L 1251-40 du code du travail dans sa rédaction antérieure et postérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ouvre au salarié une action tendant à se voir reconnaitre les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée en cas de non respect des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7 , L 1251-10 à L 1251-12 , L 1251-30 et L 1251-35 du code du travail à l’encontre de l’entreprise utilisatrice, la jurisprudence de la cour de cassation admet que cet article n’exclut pas la possibilité pour le salarié d’agir en requalification à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire.
Cette action est notamment ouverte lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d’oeuvre est interdite n’ont pas été respectées et particulièrement en cas d’absence de contrat de mission, de contrat de mission irrégulier, de non respect du délai de carence entre les différents contrats de mission ou encore en cas de mise à disposition de la société utilisatrice en vue de pourvoir un emploi permanent.
L’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de la cause , dispose que toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Ce texte s’applique aux prescriptions en cours à la date du 17 juin 2013, date de promulgation de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi qui l’a introduit ainsi qu’aux contrats conclus postérieurement.
Le délai de prescription antérieur à cette loi, fixé par la loi du 17 juin 2008, était de cinq ans et le délai antérieur à la loi du 17 juin 2008 était de 30 ans.
Il résulte de l’article 2222 du code civil qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
S’agissant des irrégularités formelles affectant le contrat de mission dès sa conclusion (défaut de respect du délai de transmission, défaut de respect du délai de carence) et que le salarié aurait donc du connaitre dès ce moment , le délai de prescription court à partir de la date de conclusion du contrat
En revanche il est constant qu’en cas de demande de requalification d’une succession de contrats de travail temporaires en contrat de travail à durée indéterminée lorsque l’action en requalification est fondée sur la réalité du motif du recours indiqué au contrat le point de départ de la prescription est le terme du dernier contrat conclu ; que lorsque la prescription n’est pas acquise le salarié peut demander que la requalification produise ses effets à la date du premier engagement irrégulier même si il est antérieur de plus deux ans à la date de la demande en justice.
Ainsi s’agissant des demandes de requalification fondées sur l’irrégularité formelle des contrats de mission conclus antérieurement au 17 juin 2013 , la prescription initialement applicable était en l’espèce la prescription quinquennale qui , n’ayant pas en l’espèce expiré à la date de l’entrée en viguer de la loi nouvelle , a été ramenée à 2 ans .Le délai courait depuis le 17 juin 2013 et expirait donc le 17 juin 2015 soit antérieurement au delai prévu par la loi antérieure. Pour les contrats conclus postérieurement au 17 juin 2013 , la prescription a commencé à courir à compter de la conclusion du contrat .
L’action ayant en l’espèce été introduite le 23 mai 2018 , il en résulte que les demandes de l’appelant fondées sur le non respect du délai de carence et l’absence de mention du salarié remplacé sur les contrat de missions , connus à compter de la formation du contrat , sont prescrites pour les contrats conclus antérieurement au 17 juin 2013 ainsi que pour les contrats postérieurs conclus avant le 23 mai 2016 .
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a déclaré prescrite l’action concernant les contrats conclus antérieurement au 23 mai 2016 mais infirmé en ce qu’il a considéré que l’appelant ne peut invoquer le non respect du délai de carence comme moyen de requalification à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire.
II Sur la demande de requalification concernant les contrats conclus postérieurement au 23 mai 2016
Il s’agit en l’espèce des contrats conclus ( pièce 2 du dossier de l’appelant notée pièce 1 dans son bordereau de communication de pièce contrats de missions)
– Du 28 juin 2017 au 29 septembre 2017 au motif d’un accroissement temporaire d »activité
– Le 3 juillet 2017au titre d’une formation au sein de l’entreprise de travail temporaire
– Le 4 juillet 2017 au titre d’une formation au sein de l’entreprise de travail temporaire
– Du 19 février au 16 mars 2018 au motif d’un accroissement temporaire d’activité.
A- Sur le moyen tiré du défaut de respect du délai de carence
En application de l’article L. 1251-36 du Code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017 et de l’article L 1251-36-1 résultant de ladite ordonnace
« A l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus. Ce délai de carence est égal
1 °Au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus
2°A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours.
Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs « .
Le contrat précédent le contrat conclu le 28 juin 2017 est un contrat du 22 février au 23 septembre 2016 de sorte que le délai de carence a été respecté.
Le contrat précédent le contrat établi le 19 février 2018 est celui ayant expiré le 29 septembre 2017, le délai de carence est donc également respecté.
Aucune requalification n’est donc encourue pour non respect du délai de carence .
B – Sur le moyen tiré du défaut de mention du salarié remplacé
Ce moyen n’est invoqué qu’à l’égard de contrats de mission conclus du 28 avril au 13 juin 2014 et du 13 octobre au 1er novembre 2014 pour lesquels la cour a dit l’action prescrite.
C – Sur le moyen tiré de la transmission hors délai du contrat du 19 février au 3 mars 2018 et de son avenant du 4 au 16 mars 2018
En application de l’article L 1251-17 du code du travail le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition toutefois depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnace du 22 septembre 2017 , antérieure aux contrats de mission dont la transmission tardive est invoquée , l’article L 1251-40 du code du travail dispose que la méconnaissance de l’obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l’article L. 1251-17 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée.
Dans ces conditions il n’y a pas lieu à requalification de ce chef alors au surplus que l’intimée démontre que l’appelant a adhéré le 22 janvier 2018 à une convention de dématérialisation en exécution de laquelle il accepte la transmission et la signature éléctronique de ses contrats de mission et avenants et qu’enfin l’appelant a dûment éxécuté le contrat .
D – Sur le moyen tiré du défaut d’une mention obligatoire du contrat
Aux termes des dispositions de l’article L. 1251-16 du Code du travail :
» Le contrat de mission est établi par écrit.
Il comporte notamment : 7° La mention selon laquelle l’embauche du salarié par l’entreprise utilisatrice à l’issue de la mission n’est pas interdite « .
Cette disposition étant d’ordre public en ce quelle concourt à garantir les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d’oeuvre est interdite , sa violation entraîne, à la demande du salarié, la requalification en un contrat de travail à durée indéterminée.
En l’espèce la cour relève qu’en pièce 46 de son dossier l’appelant verse aux débats un exemplaire recto verso du contrat de mission établi le 19 février 2018 dont il ressort que les conditions générales du contrat imprimées au verso ne comportent pas la mention exigée par l’article L 1251-16 du code du travail auquel elles se contentent de renvoyer.
L’intimée sur laquelle pèse la charge de la preuve du respect des obligations mises à sa charge par la loi ne rapporte aucune preuve contraire.
Dans ces conditions les contrats de mission doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 juin 2017 et le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté l’appelant de sa demande de requalification.
III Sur la demande en rappel de salaire
L’appelant forme une demande de rappel de salaire à compter du mois de mars 2016 ;
En l’espèce la cour relève que les contrats de missions signés entre l’appelant et l’intimée à partir de cette date précisent , indépendamment de la mention de la durée collective moyenne du travail dans l’entreprise utilisatrice et des horaires pratiqués au sein de cette entreprise, au chapitre rémunération et après la mention ‘complément de salaire’ que le temps de travail hebdomadaire est de 38 heures dont deux heures de RTT et une heure de travail non effectif et non rémunéré tandis que les bulletins de salaires mnetionnent un nombre d’heures rémunérées inférieur à 151,67 heures par mois.
C’est donc à juste titre que l’appelant prétend à l’égard de l’intimée qui est partie au contrat à un rappel de salaire sur la base d’un temps plein hors heures supplémentaires ce qui est en l’espèce une simple conséquence du contrat indépendante de la requalification.
En effet la mention d’une durée de travail de 38 heures par semaine implique necessairement que le salarié s’est tenu à sa disposition à temps complet même si il n’a pas été occupé à temps complet par l’entreprise utilisatrice.
En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté l’appelant de sa demande à ce titre et, en l’absence de critique opérante sur le calcul figurant en pièce 3 de son dossier ,il est fait droit à la demande .
IV Sur les conséquences indemnitaires de la requalification.
Il est constant que la requalification a pour conséquence l’inopposabilité du terme des contrats de mission à l’appelant , dès lors la rupture de la relation de travail au terme du dernier contrat requalifié doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à défaut de respect de la procédure applicable à la rupture d’un CDI.
Il est rapidement rappelé que licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse porte les effets suivants :
– condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, légale ou conventionnelle, avec incidence congés payés (articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail)
– condamnation de l’employeur au paiement de l’indemnité légale (article L1234-9) ou conventionnelle de licenciement si l’ancienneté du salarié est suffisante ;
– condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité légale déterminée conformément au règle de l’article l 1235-3 du code du travail dans sa rédaction résultant en l’espèce de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
En l’espèce l’appelant entend voir fixer son salaire de référence en prenant en considération les trois derniers mois travaillés soit aout et septembre 2017 ainsi que le salaire de février 2018 calculé sur une base de 151,67 heures au taux horaire de 11,30 euros
L’intimée entend voir fixer ce salaire en tenant compte des mois de septembre , février et mars 2018 ou à défaut un salaire de 151,67 heures au taux horaire de 11,30 euros;
La cour observe que le calcul sur le seul taux horaire multiplié par un temps de travail à temps plein est défavorable au salarié en ce qu’il exclut du calcul des derniers salaires perçus les sommes gagnées au titre de heures supplémentaires qui sont la contrepartie du travail .Il ne correspond pas à la situation de fait ayant précédé la rupture du contrat .
En l’espèce ni l’appelant ni l’intimée ne produisent le bulletin de salaire du mois de mars 2018.
Au vu des bulletins de salaire produits aux débats la cour retient un salaire de base mensuel de 151,67 h x 11,30 euros auquel elle ajoute le montant des heures de nuit , de RTT ou des heures supplémentaires acomplies effectivement sur les trois derniers mois d’activité soit
Février 2018 : 1713,87 + 197,75+ 22,60 =1934,22
Septembre 2017 : 1713,87 +28,25+39,55+192,86+706,25+67,80+197,75+22,60=2968,93
Aout 2017 : 1713,87+28,25+197,75+90,40+22,60+28,25+316,40+135,60+118,68+45,20+67,80=2764,80
Soit un salaire moyen des trois derniers de travail ramené à 2541,03 euros conformément à la demande de l’appelant.
S’agissant de l’ancienneté du salarié , la requalification remontant en l’espèce au premier contrat non prescrit du 28 juin 2017, elle doit être calculée à compter de cette date.
Il en résulte qu’à la date de rupture du contrat le 16 mars 2018 le salarié pouvait se prévaloir d’une ancienneté de 10 mois et 16 jours compte tenu de la durée du préavis.
A/ Sur l’indemnité de préavis
L’intimée ne peut se prévaloir du terme du contrat requalifié pour prétendre que le salarié ne s’est pas tenu à sa disposition et se soustraire ainsi à la sanction que constitue la requalification.
En l’espèce les parties s’accordent pour reconnaitre qu’en raison de sa qualification professionnelle l’appelant peut prétendre , sur le fondement de l’article 7-1 de la convention collective à un préavis de 2 mois . Il sera en conséquence fait droit à la demande
B/ Sur l’indemnité légale de licenciement
En application des aticles R 1234-2 er R1234-4 du code du travail le salarié peut prétendre à
2555,98/4=638,99 ;638,00/12×10=532,49 euros .
C/ Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Au vu d’une ancienneté inférieure à une année dans l’entreprise il sera alloué au salarié un mois de salaire en application de l’article L 1235-3 du code du travail
D/ Sur l’indemnité pour non respect de la procédure
En application de l’ Article L1235-2 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2018 lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Il en résulte que lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aucune indemnité de procédure distincte de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est accordée .
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté l’appelant de sa demande à ce titre.
E/ Sur l’indemnité pour inégalité de traitement au titre des congés payés
Il appartient à l’appelant de justifier de son préjudice sur ce fondement or, bien que d’ores et dejà indemnisé au titre de l’exécution des contrats de mission par la perception de sommes au titre des congés payés M [D] ne produit aucun élément suceptible d’établir un préjudice. Le jugement sera donc confirmé enc e qu’il a débouté l’appelant de ce chef.
F- Sur les dommages intérêts pour maintien abusif dans la précarité.
Il appartient à M. [D] qui a perçu à la fin de chaque contrat une indemnité de fin de mission destinée compenser la préacarité de sa situation d’intérimaire de rapporter la preuve de son préjudice, ce qu’il ne fait pas. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté de ce chef.
Compte tenu de la requalification, l’entreprise de travail temporaire devra remettre à l’appelant une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, un solde de tout compte et des bulletins de salaire rectifiés conformément au dispositif du présent arrêt. Le prononcé d’une astreinte n’apparait pas nécessaire.
Il résulte des dispositions combinées des articles 1146 et 1153, devenus 1231 et 1231-6 du code civil, et R.1452-5 du code du travail, que les créances salariales, légales ou conventionnelles portent de plein droit intérêts calculés au taux légal à compter, pour celles objets de la demande initiale, de la mise en demeure résultant de la citation devant le bureau de conciliation et d’orientation, c’est à dire à compter de la date de la réception par le défendeur de la convocation devant ce bureau – ou devant le bureau de jugement pour les affaires dispensées de conciliation -, et pour celles objets de demandes additionnelles ou reconventionnelles, à partir de la date à laquelle le défendeur a été informé de ces nouvelles demandes. En l’espèce ces intérêts courront donc à compter du 5 juin 2019 (date mentionnée sur le jugement dont appel).
S’agissant des intérêts sur les créances indemnitaires, dont le régime est fixé par l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, ils courront, au taux légal, à compter du jugement déféré.
S’agissant de la capitalisation, l’article 1343-2 du code civil qui s’est substitué à l’article 1154, dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.
Il convient de condamner la société START PEOPLE qui succombe sur la demande de requalification à payer à M [D] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 et de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT
Confirme le jugement en ce qu’il a dit la demande de requalification prescrite pour les contrats antérieurs au 23 mai 2016 , débouté M [D] de ses demandes de dommages intérêts pour inégalité de traitement dans la prise des congés payés et maintien abusif dans la précarité et d’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement.
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
Requalifie les contrats de missions conclus entre M. [D] et la société START PEOPLE en contrat à durée indéterminée à compter du 28 juin 2017.
Fixe la moyenne des trois dernier mois de salaire à la somme de 2541,03 euros
Dit que la cessation des relations contractuelles à compter du 16 mars 2018 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence
Condamne la Société START PEOLE à payer à M [D]
– 5082,06 euros brut à titre d’indemnité de préavis
– 508,21 euros brut à titre de congés payés afférents
– 532,49 à titre d’indemnité légale de licenciement
– 2541,03 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamne la Société START PEOPLE à payer à M [D] la somme de 1171,53 euros à titre de rappel de salaire et de 117,15 euros au titre des congés payés afférents
Avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2019 pour les sommes à caractère salarial et à compter du jugement pour le surplus.
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Condamne la société START PEOPLE à remettre à M [D] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, un solde de tout compte et des bulletins de salaire rectifiés conformément au dispositif du présent arrêt.
Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte
Condamne la société START PEOPLE à payer à M [D] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du CPC
Condamne la société START PEOPLE aux dépens.
Le greffier Le président