Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 10 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/00402 – N° Portalis DBVK-V-B7D-N7LV
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 DECEMBRE 2018 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS
N° RG F 17/00024
APPELANTE :
Me [B] [Y] – Mandataire liquidateur de la S.A.R.L. SYD RESTO
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [U] [X]
né le 06 Novembre 1967 à PÉZENAS
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Xavier LAFON et Me PORTES de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, substitués par Me BARBE, avocate au barreau de Montpellier
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 3],
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
substituée par Me CHATEL, avocat au barreau de Montpellier
Ordonnance de clôture du 14 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL SYD RESTO a embauché M. [U] [X] suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er juin 2016 et jusqu’au 29 juillet 2016 en qualité de chef de cuisine avec une période d’essai de 8 jours.
Le salarié a bénéficié d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 août 2016, toujours en qualité de chef de cuisine avec une période d’essai de 3 mois.
Le 28 août 2016, le salarié a été victime d’un accident du travail et placé en arrêt de travail jusqu’au 2 janvier 2017.
Le 4 janvier 2017, le salarié a été déclaré apte à la suite d’une visite médicale de reprise.
Le même jour, l’employeur a mis un terme à période d’essai avec un délai de prévenance de 48 heures par lettre ainsi rédigée :
« Vous avez été embauché en tant que Chef de cuisine, Niveau IV ‘ Échelon 1, et votre contrat à durée indéterminée prévoit une période d’essai de 3 mois qui a débuté le 22 août 2016. Le contrat faisant suite à un CDD, la période d’essai est diminuée de la durée du CDD, à savoir 2 mois. La période d’essai est donc ramenée à un mois. Durant cette période, vous avez été absent pour accident du travail durant 4 mois et 6 jours, repoussant la fin de votre période d’essai d’autant, à savoir au 26 janvier 2017. Cependant, cette période d’essai n’ayant pas été concluante, nous sommes au regret de devoir y mettre fin. En application des dispositions légales, vous bénéficiez d’un délai de prévenance de quarante-huit heures. Vous cesserez donc votre activité le 06/01/2017. Nous vous proposons de ne pas vous présenter à votre poste mais votre salaire sera maintenu durant ce délai de prévenance. Au 06/01/2017, nous vous remettrons votre certificat de travail, solde de tout compte et attestation destinée à Pôle Emploi. »
Contestant notamment la rupture du contrat de travail, M. [U] [X] a saisi le 19 janvier 2017 le conseil de prud’hommes de Béziers, section commerce, lequel, par jugement rendu le 6 décembre 2018, a :
requalifié le contrat à durée déterminée en date du 1er juin 2016 en contrat à durée indéterminée ;
dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
condamné l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
‘1 671,40 € à titre d’indemnité de requalification ;
‘1 240,07 € à titre de rappel de salaire du 30 juillet au 21 août 2016 ;
‘ 124,00 € au titre des congés payés y afférents ;
‘1 000,00 € à titre de dommages et intérêts ;
‘4 45,71 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 44,57 € au titre des congés payés afférents ;
‘1 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
ordonné à l’employeur de remettre au salarié un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés et conformes au jugement, sous astreinte de 30 € par jour de retard qui commencera à courir passé un délai de 30 jours suivant la date de notification du jugement ;
dit que le conseil se réserve la compétence pour liquider ladite astreinte ;
débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
rappelé que les condamnations à paiement de créances salariales portent intérêts au taux légal (code civil, article 1231-7) à compter de la saisine du conseil et les condamnations à créances indemnitaires à compter du prononcé du jugement ;
condamné l’employeur aux entiers dépens.
Cette décision n’a pas été régulièrement notifiée à la SARL SYD RESTO qui en a interjeté appel suivant déclaration du 21 janvier 2019.
Suivant jugement du 31 juillet 2019, le tribunal de commerce de Béziers a placée la SARL SYD RESTO en liquidation judiciaire et a désigné Maître [B] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 8 février 2022, laquelle a été révoquée avec l’accord des parties suivant ordonnance du 1er mars 2022.
L’instruction a été à nouveau clôturée suivant ordonnance du 14 février 2023.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 7 juin 2022 aux termes desquelles Maître [B] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SYD RESTO, demande à la cour de :
à titre principal
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
‘dit la rupture du contrat de travail abusive ;
‘condamné au paiement des salaires entre le 30 juillet et le 21 août 2016 ;
débouter le salarié de toutes ses demandes ;
à titre subsidiaire,
réduire à de plus justes proportions le quantum de la condamnation au titre de :
‘l’indemnité compensatrice de préavis ;
‘l’indemnité pour licenciement abusif ;
‘la requalification du contrat de travail ;
en tout état de cause,
déclarer le salarié irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter ;
condamner le salarié au paiement de la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner le salarié aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 2 juin 2022 aux termes desquelles l’AGS, CGEA de [Localité 3], demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris ;
débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes totalement injustifiées ;
à titre subsidiaire,
ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts éventuellement alloués au titre du licenciement ;
en tout état de cause,
constater que la garantie de l’AGS est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l’un des trois plafonds définis par l’article D. 3253-5 du code du travail et qu’en l’espèce, c’est le plafond 4 qui s’applique ;
exclure de la garantie AGS les sommes éventuellement fixées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dépens et astreinte ;
dire que toute créance sera fixée en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l’article L. 3253-8 in fine du code du travail ;
lui donner acte de qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires tant au plan des conditions de la mise en ‘uvre du régime d’assurance de créances des salariés que de l’étendue de ladite garantie.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 20 avril 2022 aux termes desquelles M. [U] [X] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 1er juin 2016 en un contrat à durée indéterminée ;
‘dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement ;
fixer ses créances aux sommes suivantes :
‘1 671,40 € à titre d’indemnité de requalification ;
‘1 240,07 € à titre de rappel de salaire pour la période du 30 juillet au 21 août 2016 ;
‘ 124,00 € au titre des congés payés y afférents ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la rupture du contrat de travail ne reposait pas sur un motif discriminatoire lié à son état de santé et à l’accident du travail dont il a été victime ;
à titre principal,
dire que la rupture du contrat de travail repose sur un motif discriminatoire lié à son état de santé et à l’accident du travail dont il a été victime ;
dire nul le licenciement ;
fixer sa créance à la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
à titre subsidiaire,
dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
fixer sa créance à la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
à titre plus subsidiaire,
dire que la rupture intervenue pendant la période d’essai est abusive comme étant liée à son état de santé ;
fixer sa créance à la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
en tout état de cause,
condamner le liquidateur judiciaire de l’employeur, es qualité, à lui remettre un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés et conformes à l’arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document manquant ou erroné qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la signification de l’arrêt ;
dire que les sommes allouées ayant une nature salariale porteront intérêts à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes, celle-ci valant sommation de payer au sens de l’article 1344-1 du code civil ;
mettre les dépens à la charge de la liquidation judiciaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée
Le salarié demande à la cour de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 1er juin 2016 motivé par un accroissement temporaire d’activité en un contrat de travail à durée indéterminée. Il fait valoir que le contrat indique qu’il a été conclu pour l’accomplissement de tâches résultant d’un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise alors que l’employeur ne justifie d’aucun accroissement temporaire d’activité. Il explique que les recettes s’élevaient au mois d’avril 2016 à la somme de 8 345,45 € au mois de mai à celle de 8 347,80 €, au mois de juin à 9 346,90 € et au mois de juillet à 5 478,80 € alors que le restaurant avait été ouvert en début d’année et qu’il a été fermé pour congés annuels en août, le contrat à durée déterminée visant uniquement à tester ses aptitudes professionnelles sans le rémunérer pendant les congés annuels et avant de l’embaucher à durée indéterminée le 22 août 2016.
Le liquidateur judiciaire et l’AGS répondent que l’accroissement temporaire d’activité se trouve justifié par la saison touristique et notamment par la féria de [Localité 7].
La cour retient que les chiffres d’activités produits par l’employeur lui-même ne justifient pas un accroissement d’activité et que le restaurant était fermé pour congés annuels lors de la féria de [Localité 7] qui s’est déroulée du 11 au 15 août 2016. En conséquence, il convient de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2016.
2/ Sur l’indemnité de requalification
Le salarié sollicite la somme de 1 671,40 € à titre d’indemnité de requalification, soit un mois de salaire.
Le liquidateur judiciaire de l’employeur conteste cette somme sans s’expliquer sur sa contestation alors que le montant sollicité apparaît fondé. Dès lors il sera alloué au salarié.
3/ Sur la demande de rappel de salaire du 30 juillet au 21 août 2016
Le salarié réclame la somme de 1 240,07 € à titre de rappel de salaire pour la période du 30 juillet au 21 août 2016, outre celle de 124 € au titre des congés payés y afférents.
Mais, comme l’explique lui-même le salarié, l’entreprise se trouvait alors fermée pour congés annuels, il ne s’est donc pas tenu à la disposition permanente de l’employeur durant cette période. Il sera dès lors débouté de sa demande de rappel de salaire de ce chef.
4/ Sur la rupture du contrat de travail
L’employeur soutient que la rupture du contrat de travail se trouve justifiée dès lors qu’elle est intervenue durant la période d’essai alors que le salarié fait valoir au contraire qu’il s’agit d’une mesure discriminatoire prise en considération de son accident du travail.
La cour retient que le salarié a effectué avec succès la période d’essai de 8 jours figurant au contrat de travail du 1er juin 2016 requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et qu’en conséquence l’employeur ne pouvait lui imposer une nouvelle période d’essai le 22 août 2016.
Par contre, aucune pièce produite ne permet de retenir que la rupture du contrat de travail soit causée par l’accident du travail alors qu’elle est intervenue après la suspension du contrat et alors que le salarié était déclaré apte à reprendre son poste.
En conséquence, la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non en un licenciement nul.
5/ Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents
Dans le corps de ses écritures, le salarié sollicite une indemnité compensatrice de préavis conventionnelle de 8 jours, soit la somme de 445,71 € outre celle de 44,57 € au titre des congés payés y afférents, mais il ne reprend pas ces demandes dans le dispositif de ses écritures. Il ne sera donc pas statué les concernant.
6/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié bénéficiait d’une ancienneté de 7 mois lors de la rupture du contrat de travail et il était âgé de 50 ans. Il justifie être resté au chômage de manière ininterrompue jusqu’au 1er février 2022. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer au salarié une somme équivalente à un mois de salaire soit la somme de 1 671,40 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
7/ Sur les autres demandes
La somme allouée à titre salarial produira intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.
La somme allouée à titre indemnitaire produira intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.
Le liquidateur judiciaire de l’employeur remettra au salarié un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés et conformes à l’arrêt sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure d’astreinte.
Le liquidateur judiciaire de l’employeur sera débouté de sa demande relative aux frais irrépétibles formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront laissés à la charge de la liquidation judiciaire de l’employeur.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
requalifié le contrat à durée déterminée en date du 1er juin 2016 en contrat à durée indéterminée ;
dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
L’infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Fixe les créances de M. [U] [X] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SYD RESTO aux sommes suivantes :
1 671,40 € à titre d’indemnité de requalification ;
1 671,40 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dit que la somme allouée à titre salarial produira intérêts au taux légal à compter de la réception par la SARL SYD RESTO de sa convocation devant le bureau de conciliation.
Dit que la somme allouée à titre indemnitaire produira intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.
Dit que l’AGS devra garantir par application des dispositions de l’article L. 3253-8 du code du travail le paiement des sommes fixées dans la limite du plafond prévu aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code du travail sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles pour procéder au paiement.
Dit que Maître [B] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SYD RESTO, remettra à M. [U] [X] un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés et conformes à l’arrêt.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Dit que les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL SYD RESTO.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT