CDD pour accroissement d’activité : décision du 10 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05269
CDD pour accroissement d’activité : décision du 10 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05269

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 10 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/05269 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OYO4

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE – N° RG F 19/00086

APPELANTE :

Madame [K] [H]

Née le 09 mai 1962 à [Localité 6] (15)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Mylène MARCHAND, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMES :

Société [D] [Z]

EIRL RCS CARCASSONNE N° 538 473 281

pris en la personne de son représentant légal en exercice, sis

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Vincent DE TORRES de la SCP DE TORRES – PY – MOLINA – BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Gautier DAT avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.S. + ASSURANCES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice sis audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent DE TORRES de la SCP DE TORRES – PY – MOLINA – BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Gautier DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 Octobre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 NOVEMBRE 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Le 21 avril 2017, Mme [K] est employée dans le cadre d’un stage de formation préalable au recrutement du 24 avril 2017 au 19 juillet 2017 par la société [D] [Z] pour un total de 399 heures réparties sur la période.

Le 20 juillet 2017, Mme [K] est embauchée par la société [D] [Z] en qualité d’employée administrative classe A selon contrat à durée déterminée jusqu’au 19 janvier 2018 pour surcroît temporaire d’activité à temps partiel à raison de 19h30 par semaine moyennant une rémunération mensuelle brute de 824,72 €.

Le 20 janvier 2018, un second contrat à durée déterminée est conclu dans les mêmes conditions jusqu’au 19 mai 2018.

Le 20 mai 2018, Mme [K] est engagée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet par la société [D] [Z], moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 498,50 €.

Le 1er janvier 2019, le contrat de travail de Mme [K] est transféré à la société + Assurances.

Le 11 juin 2019, la société + Assurances notifie un avertissement à Mme [K].

Le 12 juin 2019, Mme [K] est placée en arrêt de travail.

Le 18 juin 2019, la société + Assurances convoque Mme [K] à un entretien préalable au licenciement le 25 juin 2019.

Le 28 juin 2019, la société + Assurances notifie à Mme [K] son licenciement pour faute grave.

Le 8 août 2019, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Carcassonne.

Aux termes de ses dernières écritures, Mme [K] formulait les demandes suivantes :

Dire et juger que son salaire mensuel moyen est de 1 521,25 € brut ;

Dire et juger que l’avertissement du 11 juin 2019 n’est pas fondé ;

Annuler l’avertissement du 11 juin 2019 ;

Dire et juger que les contrats à durée déterminée conclus du 20 juin 2017 au 19 janvier 2018 ainsi que du 20 janvier 2018 au 19 mai 2018 sont irréguliers ;

Dire et juger que son licenciement est nul, et à titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement est abusif ;

Condamner la société [D] [Z] et la société + Assurances à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

1 521,25 € à titre d’indemnité de requalification ;

200 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;

75,04 € au titre des frais de repas impayés ;

90 € au titre des frais de transport non remboursés ;

1 521,25 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

3 042,50 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 304,25 € au titre des congés payés afférents ;

9 127,50 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou abusif ;

2 150 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement rendu le 19 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Carcassonne a :

Dit et jugé que l’avertissement du 11 juin 2019 est fondé ;

Dit et jugé que le licenciement du 28 juin 2019 est fondé sur une accumulation de fautes ;

Débouté Mme [K] de l’intégralité de ses demandes au titre de la rupture du contrat ;

Débouté Mme [K] de sa demande d’indemnité liée à la requalification du CDD en CDI ;

Donné acte à la société + Assurances de ce qu’elle reconnaît devoir à Mme [K] la somme de 74,04 € au titre des frais de repas et l’a condamnée à lui rembourser cette somme ;

Donné acte à la société + Assurances de ce qu’elle reconnaît devoir à Mme [K] la somme de 80,25 € au titre des frais de transport et l’a condamnée à lui rembourser cette somme ;

Débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit qu’il n’y a pas lieu à prononcer l’exécution provisoire.

*******

Mme [K] a interjeté appel de ce jugement le 24 novembre 2020.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 5 octobre 2023, elle demande à la cour de :

Dire et juger que son salaire mensuel moyen est de 1 521,25 € brut ;

Dire et juger que l’avertissement du 11 juin 2019 n’est pas fondé ;

Annuler l’avertissement du 11 juin 2019 ;

Dire et juger que les contrats à durée déterminée conclus du 20 juin 2017 au 19 janvier 2018 ainsi que du 20 janvier 2018 au 19 mai 2018 sont irréguliers ;

Dire et juger que son licenciement est nul, et, à titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement est abusif ;

Condamner la société [D] [Z] et la société + Assurances à lui verser les sommes suivantes :

1 000 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié ;

1 521,25 € à titre d’indemnité de requalification ;

200 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ;

75,04 € au titre des frais de repas impayés ;

90 € au titre des frais de transport non remboursés ;

1 521,25 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

3 042,50 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 304,25 € au titre des congés payés afférents ;

9 127,50 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, et à titre subsidiaire la somme de 5 324,37 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Débouter la société + Assurances de l’intégralité de ses demandes.

*******

Dans leurs dernières conclusions déposées par RPVA le 4 octobre 2023, la société +Assurances et la société [D] [Z] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Carcassonne en date du 19 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Condamner Mme [K] à payer à la société + Assurances la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [K] aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

Constater que l’indemnité de requalification ne peut être sollicitée qu’à l’encontre de la société [Z] ;

Constater que la demande de dommages-intérêts pour avertissement infondé est irrecevable comme présentée pour la première fois devant la cour.

**

Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 23 octobre 2023 fixant la date d’audience au 13 novembre 2023.

*******

MOTIFS :

Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée :

L’article L.1242-1 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il ressort des dispositions de l’article L 1242-2 du code du travail que, sous réserve des dispositions de l’article L.1242-3 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tache précise et temporaire et seulement dans certains cas et notamment:

1° remplacement d’un salarié ;

2° accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3° emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir aux contrats de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Mme [K] soutient que les deux contrats de travail à durée déterminée des 20 juillet 2017 et 20 janvier 2018 ont comme motif « accroissement temporaire d’activité » alors qu’ils étaient liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

La société +Assurances et la société [D] [Z] font valoir que M. [Z] et son épouse ont décidé de créer la société +Assurances compte tenu de l’accroissement d’activité de société et que dès lors que Mme [Z] consacrait du temps à la création de la nouvelle société, la signature des deux contrats à durée déterminée est bien intervenue dans le cadre d’un accroissement temporaire d’activité ; subsidiairement que seule la société [D] [Z] peut être condamnée à verser une indemnité de requalification.

Mme [K] a signé avec l’entreprise [Z] les deux contrats de travail à durée déterminée des 20 juillet 2017 (6 mois) et 20 janvier 2018 (4 mois), avant d’être embauché dans le cadre de son contrat à durée indéterminée le 20 mai 2018.

La société [D] [Z] ne produit aux débats aucune pièce de nature à justifier un accroissement temporaire d’activité sur la période du 20 juillet 2017 au 19 mai 2018, il convient donc de faire droit à la demande de requalification des deux contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Mme [K] est donc fondée à solliciter le versement de l’indemnité de requalification à hauteur d’un mois de salaire soit 1 521,25 € à l’encontre de la société [D] [Z], le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le défaut de visite médicale d’embauche :

En application de l’article R.4624-10 du code du travail en vigueur depuis le 1er janvier 2017 tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L.4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

Les intimés font valoir que l’absence de visite médicale d’embauche au titre du premier contrat en date du 20 juillet 2017 était prescrite au jour de la saisine du conseil de prud’hommes le 8 août 2019 et qu’en tout état de cause aucun préjudice n’est caractérisé.

Si le premier argument des intimés ne peut être retenu dès lors que le manquement des employeurs a débuté passé le délai de trois à compter de l’embauche soit à compter du 19 octobre 2017 et s’est renouvelé tout au long de l’embauche, il est par contre exact que Mme [K] n’explique pas en quoi cette absence de visite d’information et de prévention lui a causé un préjudice.

Par conséquent Mme [K] sera déboutée de sa demande, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les frais de transport :

Le conseil de prud’hommes a condamné la société +Assurances à rembourser à Mme [K] la somme de 80,25 € à ce titre.

Mme [K] dans le dispositif de ses conclusions sollicite la confirmation du jugement sur ce point mais sollicite le remboursement de la somme de 90 € net.

Il convient de confirmer le juger et de dire que la société +Assurances est débitrice envers Mme [K] de la somme de 80,25 €.

Sur l’avertissement du 11 juin 2019 :

La lettre d’avertissement notifiée à Mme [K] fait état des griefs suivants :

« Nous venons par ce courrier vous alerter sur la qualité de votre travail et le non respect de votre hiérarchie directe.

Effectivement, depuis le 20 mai 2019, date d’une réunion de service hebdomadaire, il vous a été demandé d’accomplir les tâches suivantes :

– Faire fiche process du service IARD, et fiche des résiliations IARD dans le drive. Pour ‘n de semaine.

– Tableaux : inventaire, souscription à remettre au propre : uniformiser,

– Drive : ajouter l’année de souscription dans le titre,

– Qu’en est-il des dossiers en attentes quelles sont les dispositions prises ‘

– Alimenter Saleforces lors des appels clients,

A’n de réaliser au mieux les tâches demandés dans le temps imparti j’ai demandé à votre responsable de service : [O] [J] de vous apporter son savoir-faire et son expérience.

Le 22 mai, nous nous sommes entrevue dans 1’urgence des dossiers en attentes APIVIA qui allaient être résiliés dans le mois à venir. Information émise, le jour même, par la commerciale terrain, et non, par vous comme il se devait.

Vous demandant d’intervenir en priorité sur la mise en place d’une procédure du traitement des dossiers en attentes. Vous disposiez des 23 et 24 mai, et de 1’aide de votre responsable pour y parvenir.

Le 24 mai, vous me demandez d’effectuer des heures supplémentaires, pour surcroit d’activité. Ce qui vous a été refusé, étant donné de la faible activité du service IARD (soit une moyenne de 5 appels/ jour et la réception et l’envoi d’environ 10 mails/ jour), le temps et les moyens mis à votre disposition pour atteindre l’objectif.

A la réunion de service du 27 mai 2019, j’ai été forcé de constater que vous avez refusé l’aide et les conseils de votre responsable : [O] [J], ainsi le travail demandé a été partiellement réalisé en reproduisant les erreurs du passé, ce contre quoi, votre responsable vous avez mis en garde.

Je vous ai donc, entrevue, pour vous faire part de mon mécontentement concernant votre attitude et le travail effectué en vous demandant de vous ressaisir.

A la suite duquel, je vous ai donnée la procédure à appliquer pour les dossiers en attentes et je vous ai demandé de réaliser le tableau et de l’alimenter.

Le 29 mai 2019, le travail n’étant pas fait, votre responsable a été dans l’ob1igation de créer ce tableau à votre place. Vous avez encore mis jusqu’au 6 juin 2019, pour alimenter médiocrement ce tableau.

Votre comportement est inacceptable et entrave le bon fonctionnement de l’entreprise. Les faits, ci-dessus, sont inacceptables et constituent un manquement à vos obligations contractuelles.

Nous vous adressons donc ce premier avertissement. ».

En l’espèce l’employeur fait valoir que Mme [K] ne conteste pas ne pas avoir accompli ce qui lui a été demandé le 20 mai 2019, ne conteste pas ne pas avoir informées les fiches de résiliation de la compagnie APAVIA au 22 mai 2019, ne conteste pas plus avoir sollicité le 24 mai 2019 des heures supplémentaires et avoir refusé le 27 mai 2019 les conseils de sa responsable et que finalement c’est cette salariée qui a crée le tableau à sa place et que Mme [K] a médiocrement alimenté ce tableau jusqu’au 6 juin 2019.

Toutefois dans ses écritures Mme [K] ne reconnaît pas avoir refusé les conseils et l’aide de Mme [O] et avoir médiocrement rempli le tableau jusqu’au 6 juin 2019.

Si elle reconnaît que dans le délai de deux jours imparti le 22 mai 2019, elle n’avait pas traité les dossiers en attente APIVIA, elle fait valoir qu’elle avait signalé à Mme [Z] que les dossiers étaient en attente de validation auprès de la compagnie APIVIA qui avait un mois de retard et que les dossiers qu’elle devait traiter étaient incomplets car la commerciale n’effectuait pas les relevés d’information.

Elle reconnaît avoir sollicité le 24 mai 2019 des heures supplémentaires, mais fait valoir que cette demande était justifiée par la nécessité d’enregistrer les contrats qui étaient incomplets.

Elle reconnaît aussi ne pas avoir répondu à la demande de création du tableau concernant les dossiers en attente qui lui a été faite lors de la réunion du 27 mai 2019 mais fait valoir que dès lors qu’il lui avait été demandé de traiter en urgence les dossiers incomplets de la compagnie APIVIA, elle ne pouvait pas répondre à cette demande.

Par conséquent si Mme [K] reconnaît la matérialité de certains des faits , elle en conteste le caractère fautif, au motif notamment que les dossiers qu’elle devait traiter étaient incomplets en l’absence de relevés suffisants de la commerciale, qu’elle avait donc une surcharge de travail ne lui permettant pas de répondre aux autres demandes et notamment à la demande de création d’un tableau.

L’article L.1333-1 du code du travail relatif aux sanctions disciplinaires prévoit que « En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste il profite au salarié. ».

En l’espèce la société +Assurances n’a produit aux débats aucune pièce justifiant des griefs allégués dans l’avertissement.

De son côté Mme [K] produit aux débats l’attestation de Mme [R], qui déclare avoir travaillé 10 mois dans l’agence en qualité d’employée administrative et commerciale avant sa démission le 31 mai 2019, et avoir travaillé avec Mme [K] pendant 5 mois dans le même bureau, avoir constaté le sérieux et le professionnalisme de celle-ci malgré les problèmes auxquels elle se heurtait au quotidien, du fait des nombreuses pièces manquantes et dossiers de souscription incomplets qui lui remontaient de la commerciale, ces pièces étant obligatoires dans le procès de souscription des contrats.

Au vu de ces éléments, d’une part les faits de refus de l’aide et des conseils de sa responsable par la salariée et d’alimentation médiocre du tableau établi le 29 mai 2019 par la responsable au 6 juin 2019 ne sont pas établis, et en ce qui concerne les autres éléments dont la matérialité est reconnue par la salariée, leur caractère fautif n’est pas établi.

Il convient de déclarer l’avertissement notifié le 11 juin 2019 non fondé et donc d’annuler ledit avertissement, le jugement sera infirmé de ce chef.

L’article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la notification abusive d’une sanction disciplinaire est la conséquence de la demande d’annulation de l’avertissement qui avait été formée en première instance, elle est donc recevable.

Mme [K] justifie avoir été placée en arrêt maladie le lendemain de la notification de l’avertissement du 11 juin 2019, mais ne donne dans ses conclusions aucune précision sur la nature et l’étendue de son préjudice, il lui sera alloué la somme de 500 €.

Sur le licenciement :

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motifs.

La faute grave, dont la preuve incombe à l’employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire.

Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties, il revient en revanche à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié. S’il existe un doute concernant l’un des griefs invoqués par l’employeur ayant licencié le salarié pour faute grave, il profite au salarié.

Lorsque les faits sont établis mais qu’aucune faute grave n’est caractérisée, le juge du fond doit vérifier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l’employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La lettre de licenciement notifiée à Mme [K] le 28 juin 2019 fait état des éléments suivants :

« Pour rappel des faits précédents, le 11 juin 2019 à midi, je vous ai adressé, en main propre, un avertissement de travail concernant votre refus de respecter votre responsable hiérarchique directe et sur la qualité et votre travail. Votre inaction face aux tâches demandées et les délais anormalement long concernant les tâches effectuées.

L’après-midi même, vu votre attitude très fermée, votre responsable : [J] [O] est venue vers vous en vous demandant de ne pas réagir négativement à cet avertissement, a’n de voir si vous vous sentiez capable d’accomplir votre mission.

Votre réponse fut la réitération de ne pas souhaiter avoir à faire à elle et qu’en ce qui concerne le travail demandé vous alliez voir comment faire.

Le 12 juin 2019 au matin, vous avez informé votre responsable de service être en arrêt pour maladie jusqu’au 12 Juillet 2019.

C’est alors que dans l’urgence, j’ai repris votre poste de travail, et à mon grand désappointement j’ai constaté les points suivants :

Impossible de reprendre le travail en cours car aucun suivi n’a été effectué comme demandé, soit :

1/ Aucune note dans La GRC (Saleforce) (appels entrants/sortants, courriers entrants/sortants, demandes en cours,…), les mails et téléphones non à jour, manque certain numéro de contrat. Ce à quoi vous avez répondu ‘avoir eu ordre de ma part de ne pas noter l’arrivée des pièces lors de l’adhésion’ : ce qui ne correspond pas à ce qui vient d’être exposé.

2/ Le tableau des dossiers en attentes de souscription : les procédures non appliquées, pas à jour = inexploitable, impossible de connaître l’avancement de ces dossiers. Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

3/ Les dossiers clients dématérialisés appelés ‘drive’ : non à jour, format titre non respecté, pièces illisibles (devoir de conseil, permis, carte grise), les contrats édités par les compagnies et les dossiers pdf envoyés par la commerciale terrain : absents, beaucoup de fautes de frappe, et aucune unifomité dans les intitulés des noms de ‘chiers.

J’ai alors attiré votre attention sur la qualité des pièces fournies. nombre de dossier sont en attentes pour pièces illisibles.

Je me suis rendu compte que cela vient uniquement du fait, qu’étant incapable d’extraire un pdf d’un fichier, vous imprimiez les pièces et vous les scanniez à nouveau, le résultat étant très médiocre. (+ perte de temps)

Au lieu de demander de l’aide vous avez préféré envoyer ces pièces aux compagnies partenaires et ainsi, nuire à l’image qualitative de la société, mais également de voir ces dossiers être mis en instance, à la limite de la résiliation.

Vous avez opté pour la solution de mettre votre collègue terrain sous pression en demandant une meilleure qualité.

Or à ce jour, j’ai fait parvenir les pièces, initialement envoyées par la commerciale, aux compagnies, qui ont validé l’intégralité des dossiers en attentes pour ce type de problème.

Ce à quoi vous avez répondu ne pas être responsable de l’intégralité des dossiers résiliés ce qui ne correspond pas à ce qui vient d’être exposé.

4/ Tableau de suivi des rétractations vide. Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

5/ Compte je résilie non activé, par validation de l’adresse mail. Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

6/ Dossier [F]/Laumont Cv dé’nitives non envoyées depuis le 06/06/19, car aucun suivi n’existe. Ce à quoi vous avez répondu que le site de la compagnie (ici, APIVIA) ne vous donne pas la possibilité de le faire. Faux, étant donné je l’ai fait moi-même et les ai envoyé aux clients furieux de ce retard.

7/ Inventaire matériel, non à jour. Les documents non rangés et en désordre dans l’armoire, enveloppes encore cachetées. Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

8/ Tableau de souscription mal renseigné : Chiffre d’affaire mal ventilé sur le mois de production, Chiffre d’affaire des contrats chutés ou résiliés non supprimés = tableau inexploitable, puisque n’étant représentatif du chiffre d’affaire réalisé. Également, dossiers en statut VALIDE alors qu’ils sont en attente au niveau de la compagnie. Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

9/ Mme [N] [E], avenant auto au 05/06/19, m’informe de pas avoir reçu sa carte verte. J’ai pris contact avec la compagnie (Pact Of’ce) qui m’a informé ne pas avoir reçu les conditions particulières signées. Ces dernières étaient absentes du ‘drive’, je les ai retrouvé dans le dossier papier contrairement aux instructions reçues. Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

10/ Mr [I] erreur sur le prénom ([B] au lieu de [C]), depuis 2 mois, aucune demande de rectification, aucune action identifiée. J’ai procédé à l’avenant correctif. Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

11/ Lors d’envoi de mail aux compagnies, je me suis rendu compte que les contacts n’ont pas été créé, comme je vous l’ai personnellement demandé en janvier lors de la mise en place du service. Afin de gagner en rapidité. Ce à quoi vous n ‘avez rien répondu.

12/ MR [L] et Mme [F] ne veulent surtout plus avoir à faire à vous, ce qu’ils ont précisé à [U], le lundi 17/06 en ma présence. Votre accueil téléphonique étant inapproprié. Ce qui surcharge d’appel la commerciale terrain.Ce à quoi vous avez répondu être informé pour Mr [L], mais qu’il s’agit d’un client difficile et par contre être très étonnée car vous avez de très bonnes relations avec Mme [F].

13/ MR [Y] : En traitant une demande de ce client, j’ai trouvé dans la boite mail, un mail du jeudi 06 juin,dans lequel [U] vous demande d’envoyer une résiliation au nom du client, ce qui je vous rappelle, est n°1 en terme de priorité de travail.

Vous lui avez purement et simplement répondu « Non, impossible, se sera lundi car je dois préparer un travail que m ‘a demandé la direction », cela est inadmissible, la demande de la direction portée sur l’alimentation du tableau des dossiers en attente, et ce depuis le 22/05 (Cf à l’avertissement).

Les conséquences de ce refus sont graves : risque de refus selon le type de résiliation, le cumul de 2 contrats sur plusieurs jours (d’où vos demandes de remboursement à multiple reprise, dernièrement refusées). Ce à quoi vous n’avez rien répondu.

Voilà ce que j’ai constaté entre le 12 (date de votre absence) et le 25 juin 2019 (date de cet entretien), j’ai constaté également la rapidité de traitement d’APIVIA, contrairement à vos dires.

Je vous ai part de ma déception et surtout qu’à aucun moment, vous n’avez évoqué ou fait remonter une problématique durant la réunion hebdomadaire du lundi matin. Vous n’avez eu aucune question, jamais demandé d’aide à votre responsable, collègue ou moi-même.

Aujourd’hui, au bout de 6 mois le service est en danger. Ce à quoi vous avez répondu ne pas être responsable de la rentabilité de l’entreprise. Que le principal problème vient de l’absence des relevés d’informations lors de la souscription, que la qualité de travail de la commerciale terrain n’est pas à la hauteur. Et enfin que les pratiques de la société en terme de respect de la réglementation des assurances, ne correspond pas à votre conception.

A aucun moment je n’ai abordé ces points. Quant à votre vision de l’application de la réglementation des assurances , j’aurais aimé que vous m’en fassiez part, même si à ce jour nous ne rencontrons aucune dificulté de cet ordre.

Mme [K], pour terminer voici les articles de votre contrat de travail qui n’ont pas été respectés :

II-1 Mission générale « Bonne tenue du service IARD et ainsi développer l’image de la société  »

II-2 « Tenue et suivi du fichier client  » – « Mettre à jour les tableaux en place  » – « Veillez à ce que les contrats soient validés auprès des compagnies  » – « Suivi et commande de l’économat des documents indispensables à la réalisation des contrats d’assurances  »

II-6 « d’assurer sa fonction au mieux des intérêts de la société  »

III-2 « rendra compte de son activité, aussi souvent qu’il lui est demandé, suivant les modalités précisées à tout moment par l’employeur. Ainsi, elle doit rendre compte quotidiennement de son activiteé sur le logiciel informatique de la Société dédié à cet effet, en faisant le point notamment sur ses activités administratives mais également commerciales. compte rendu quotidien conformément aux instructions reçues.

III-5 s’engage à fournir un travail de qualité conforme aux attentes légitimes de son employeur, devra, en toutes circonstances, se conformer aux directives qui lui seront transmises.

Par conséquent, au regard de tous ces motifs nous vous con’rmons ne pas pouvoir poursuivre notre collaboration puisque les faits que nous avons constatés constituent une faute grave justi’ant ainsi votre licenciement sans indemnités ni préavis. »

La société +Assurances ne produit aux débats aucune pièce justificatives de la réalité des griefs reprochés à sa salariée. Elle fait valoir que les griefs ne sont pas contestés par Mme [K].

Or Mme [K] dans ses conclusions conteste la totalité des griefs qui lui sont reprochés, soit parce que les manquements allégués n’existent pas, soit parce qu’ils ne relevaient pas de ses fonctions mais ressortaient du travail d’autres salariés, soit parce qu’elle n’avait pas eu le temps en l’espace de 10 jours de réaliser certaines taches avant son arrêt maladie.

Il en résulte que l’employeur qui ne produit aucune pièce de nature à confirmer la matérialité des faits qu’il reproche à sa salariée est défaillant à démontrer l’existence d’une faute grave de celle-ci.

Dès lors que la matérialité des faits n’est pas établie, le licenciement prononcé à l’encontre de Mme [K] est donc sans cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé de ce chef.

Mme [K] soutient que son licenciement est nul car il dissimule un licenciement économique. Elle soutient qu’elle était affectée au service IARD, que ce service n’était plus rentable, qu’il était prévu une réorganisation de l’entreprise avec un changement de siège social à [Localité 8], soit à plus de 58 km de son lieu de travail ([Localité 9]), qu’elle n’aurait pas accepté la modification de son lieu de travail et que son employeur aurait du la licencier pour motif économique.

Toutefois la pièce produite aux débats, savoir le compte rendu d’entretien préalable établi par M. [A], conseiller salarié, qui mentionne « Mme [Z] déclare que le service n’est pas rentable » et « sur ce, mon sentiment c’est que la société veut se séparer de la salariée à moindre coût en évitant un licenciement économique » ne démontre pas l’existence de difficultés économiques de l’employeur.

En outre l’extrait société.com produit aux débats fait état de ce que la société +Assurances a fermé son établissement secondaire de [Localité 9] le 25 octobre 2018, et que le siège de la société a toujours été à [Localité 10], et il n’est nullement fait mention d’un transfert de siège social à [Localité 8].

Mme [K] sera déboutée de sa demande tendant à voir déclaré nul son licenciement.

Sur les conséquences indemnitaires :

Mme [K] est fondé à percevoir une indemnité de licenciement et une indemnité de préavis.

Les montants des sommes qu’elle sollicite au titre de l’indemnité de licenciement (1 521,25 e) et de l’indemnité de préavis ( 3 042,50 €) ne sont pas contestées par l’employeur, il sera fait droit à ses demandes.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [K]justifie être restée sans emploi pendant plus d’un an, il sera fait droit à sa demande de dommages intérêts à hauteur de 5 324,37 €.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes :

La société +Assurances et M. [D] [Z] qui succombent seront tenus aux dépens de première instance et d’appel et condamnés en équité in solidum à verser à Mme [K] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Carcassonne en ce qu’il a donné acte à la société +Assurances de ce qu’elle reconnaît devoir à Mme [K] la somme de 80,25 € au titre des frais de transport et débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de visite d’information et de prévention et l’infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau :

Condamne la société [D] [Z] à verser à Mme [K] la somme de 1 521,25 € au titre de l’indemnité de requalification ;

Annule l’avertissement notifié le 11 juin 2019 ;

Condamne la société +Assurances à verser à Mme [K] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié ;

Déboute Mme [K] de sa demande d’annulation de son licenciement ;

Dit le licenciement de Mme [K] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société +Assurances à verser à Mme [K] la somme de 1 521,25 € à titre d’indemnité de licenciement ;

Condamne la société +Assurances à verser à Mme [K] la somme 3 042,50 € à titre d’indemnité de préavis outre 304,25 € au titre des congés payés correspondant ;

Condamne la société +Assurances à verser à Mme [K] la somme 5 324,37 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

Condamne la société +Assurances et la société [D] [Z] in solidum à payer à Mme [K] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société +Assurances et la société [D] [Z] aux dépens de premières instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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