S.A.R.L. AGENCE CONTINENTALE DE SECURITE
C/
[N] [R]
[F] [W] es qualité de mandataire judiciaire de la SARL AGENCE CONTINENTALE DE SECURITE
CGEA DE [Localité 9]
S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE prise en la personne de Maître [L]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 01/02/24 à :
-Maître Angelique PLOUARD
C.C.C délivrées le 01/02/24 à :
-Maître Sabira BOUGHLITA
-Maître Demba NDIAYE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 01 FEVRIER 2024
MINUTE N°
N° RG 22/00345 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F6ON
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section AD, décision attaquée en date du 14 Avril 2022, enregistrée sous le n° 20/00685
APPELANTE :
S.A.R.L. AGENCE CONTINENTALE DE SECURITE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Maître Sabira BOUGHLITA, avocat au barreau de DIJON, Maître Demba NDIAYE, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉS :
[N] [R]
[Adresse 8]
[Localité 4]
représenté par Maître Angelique PLOUARD, avocat au barreau de DIJON
[F] [W] es qualité de mandataire judiciaire par jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SARL AGENCE CONTINENTALE DE SECURITE, du Tribunal de Commerce de Caen en date du 15/03/2023
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Maître Sabira BOUGHLITA, avocat au barreau de DIJON, Maître Demba NDIAYE, avocat au barreau de CAEN
CGEA DE [Localité 9]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]
non comparant
S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE prise en la personne de Maître [L]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Maître Sabira BOUGHLITA, avocat au barreau de DIJON, Maître Demba NDIAYE, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Décembre 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL lors des débats et Juliette GUILLOTIN lors de la mise à disposition,
ARRÊT : rendue par défaut,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE :
M. [N] [R] a été embauché par la société Agence Continentale de Sécurité (ci-après ACS) par un contrat à durée déterminée à temps partiel pour la période du 3 au 28 février 2018 en tant qu’agent de sécurité, niveau III, échelon l, coefficient 130 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Par avenant du 28 février 2018, le terme du contrat a été porté au 31 mars 2018 et a fixé la durée mensuelle de travail à 60 heures.
Par avenant du 31 mars 2018, il a été proposé au salarié de reporter le terme du contrat au 31 mai 2018.
Par requête du 31 décembre 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon aux fins de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée à temps partiel en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et condamner la société ACS à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité de requalification et à titre de rappel de salaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 14 avril 2022, le conseil de prud’hommes de Dijon a accueilli les demandes du salarié.
Par déclaration du 16 mai 2022, la société ACS a relevé appel de cette décision.
Par jugement du 15 mars 2023, le tribunal de commerce de Caen a ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société ACS et désigné la SELARL TRAJECTOIRE, prise en la personne de Maître [L], en qualité d’administrateur judiciaire et Maître [F] [W] en qualité de mandataire judiciaire.
La période d’observation était renouvelée jusqu’au 15 mars 2024 par jugement du même tribunal du 13 septembre 2023.
Aux termes de ses dernières écritures du 5 décembre 2023, la société ACS, la SELARL TRAJECTOIRE, prise en la personne de Maître [M] [L], es qualité d’administrateur judiciaire de la société ACS, et Maître [F] [W], es qualité de mandataire judiciaire de la société ACS, demandent de :
– déclarer irrecevables et mal fondées les fin de non recevoir soulevées par M. [R],
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* requalifié la relation contractuelle à temps partiel en relation contractuelle à temps complet,
* requalifié les contrats de travail à durée déterminé en un contrat à durée indéterminée,
* prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ACS et requalifié cette rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse, * dit que le salaire brut de référence est de 1 521,79 euros,
* condamné la société ACS à lui payer les sommes suivantes :
– 1 521,79 euros nets à titre d’indemnité de requalification,
– 3 043,58 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 304,35 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 521,79 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 4 565,37 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 73 806,81 euros à titre de rappel de salaire, outre 7 380,68 euros brutrs au titre des congés payés afférents,
* condamné la société ACS à lui payer la somme de 762,30 euros bruts, outre 76,23 euros au titre des congés payés afférents à titre de rappel d’heures complémentaires,
* condamné la société ACS à lui remettre les documents légaux et les bulletins de salaires rectifiés correspondant aux condamnations prononcées ci-avant, sous astreinte de 20 euros par jour de retard par document, à compter d’un mois aprés la date du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider cette astreinte,
* jugé ‘que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal a compter de la notification par le conseil de prud’hommes à la société ACS de la convocation devant le conseil de prud’hommes, soit le » »’, et a compter de la date du présent jugement pour les sommes d’une autre nature,’
– le confirmer en ses autres dispositions,
– débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner à lui régler la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 5 décembre 2023, M. [R] sollicite de:
à titre principal,
– déclarer irrecevable d’office les conclusions d’appelant déposées par la société CAS le 8 juillet 2022, et en conséquence prononcer la caducité d’office de la déclaration d’appel n° 22/00908 de la société ACS,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement déféré dans l’intégralité de ses dispositions,
– requalifier la relation contractuelle à temps partiel en temps complet,
– requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ACS et requalifier cette rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– fixer le salaire brut de référence à 1 521,79 euros bruts mensuels,
– fixer et inscrire à titre de créances de M. [R] au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société ACS les sommes suivantes :
* 1 521,79 euros nets à titre d’indemnité de requalification,
* 3 043,58 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 304,35 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 521,79 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 4 565,37 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 73 806,81 euros à titre de rappel de salaire, outre 7 380,68 euros brutrs au titre des congés payés afférents,
* 762,30 euros bruts, outre 76,23 euros au titre des congés payés afférents à titre de rappel d’heures complémentaires,
– condamner Maître [F] [W], es-qualité de mandataire judiciaire, à lui remettre les documents légaux (attestation Pole Emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) et les bulletins de salaire rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,
– juger que les sommes ayant la nature de créance salariale ou assimilée produiront intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud’hommes à la société ACS de la convocation devant le conseil de prud’hommes, et à compter de la date du présent jugement pour les sommes d’une autre nature,
– fixer et inscrire à titre de créance de M. [R] au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société ACS la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– inscrire les dépens de la première instance et d’appel au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société ACS,
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 9],
– rejeter l’intégralité des écritures, fins et prétentions formulées par la société ACS, Maître [F] [W], la SELARL TRAJECTOIRE et l’AGS-CGEA de [Localité 9].
Par courrier du 29 août 2023, l’AGS/CGEA de [Localité 9] a informé la cour que compte tenu de l’objet du litige, elle n’entendait être ni présente ni représentée lors de l’audience du 19 décembre 2023.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour constate que par ordonnance d’incident du 5 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a déjà statué sur la demande de M. [R] aux fins de déclarer irrecevable d’office les conclusions d’appelant déposées par la société ACS le 8 juillet 2022 et en conséquence prononcer la caducité d’office de la déclaration d’appel n° 22/00908 de la société ACS.
Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la société ACS fondée sur le fait que seul le conseiller de la mise en état peut statuer sur une demande de déclaration d’irrecevabilité de conclusions ou de caducité de la déclaration d’appel, ces demandes ayant déjà été rejetées, il n’y a pas lieu de statuer à nouveau.
Par ailleurs, les développements que la société ACS consacre dans ses écritures sur les demandes de M. [R] à titre d’indemnité de déplacement, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et exécution déloyale du contrat de travail sont sans objet, le salarié ne formulant à hauteur de cour aucune demande sur ces points.
I – Sur la requalification de la relation de travail :
a – Sur la durée du contrat de travail :
M. [R] soutient que si son contrat à durée déterminée initial fait mention du motif de recours à un contrat temporaire, les deux avenants de prolongation ne comportent pour leur part aucun motif, de sorte que la relation de travail doit être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée et qu’elle s’est poursuivie postérieurement à la date du terme fixé.
La société ACS oppose que l’avenant au contrat de travail est un apport ou une modification apportée au contrat de travail initial, de sorte que l’ensemble des éléments du contrat initial, non modifiés par l’avenant, restent en vigueur, y compris le motif de recours au contrat à durée déterminée. Or en l’espèce, l’article 1er du contrat de travail à durée déterminée du 3 février 2018 indique que le motif de recours au contrat à durée déterminée est un accroissement temporaire d’activité résultant d’une demande de gardiennage supplémentaire de la société SECURITAS, l’avenant du 28 février 2018 a seulement modifié le terme du contrat (reporté au 31 mars 2018) et le volume horaire mensuel (porté à 60 heures) sans modification du motif du recours et l’avenant du 31 mai 2018 n’a jamais été signé par les parties.
Néanmoins, l’article L 1242-2 du code du travail dispose que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et dans certains cas, notamment l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
Selon les dispositions de l’article L. 1245-1 du même code, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa premier, L.1243-11 alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du code du travail.
Enfin, lorsque la juridiction fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, cette disposition s’appliquant sans préjudice des dispositions relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
En l’espèce, il ressort des pièces produites que le contrat de travail à durée déterminée du 8 février 2018 fait mention que son motif est un accroissement temporaire d’activité résultant d’une demande de gardiennage supplémentaire de la société SECURITAS, ce qui n’est pas discuté par le salarié.
En revanche, l’avenant du 28 février 2018 ne fait mention d’aucun motif de report du terme du contrat.
Dans ces conditions, étant rappelé :
– d’une part que l’exigence de mentionner le motif de recours relatif à l’accroissement d’activité s’impose à la fois au contrat initial et aux avenants postérieurs,
– d’autre part que la société ACS ne justifie d’aucun élément de nature à renverser la présomption de contrat de travail à durée indéterminée résultant de l’absence de mention du motif de recours dans l’avenant du 28 février 2018,
– enfin que lorsqu’un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, la requalification a pour effet que le contrat à durée déterminée n’a jamais existé de sorte que le salarié bénéficie du contrat de travail à durée indéterminée dès sa date d’embauche,
il s’en déduit que la relation de travail doit être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 février 2018 et que, faute d’avoir été rompue, elle s’est ensuite poursuivie, peu important que l’avenant du 31 mars 2018 ne soit pas signé par le salarié, cet avenant à un contrat à durée déterminée rétroactivement requalifié en contrat de travail à durée indéterminée étant sans objet et de ce fait inopposable.
b – Sur le temps de travail :
M. [R] soutient avoir effectué un nombre d’heures ayant porté la durée du travail à la durée légale, ne pas avoir reçu de planning régulier, de sorte qu’il se trouvait à la disposition permanente de l’employeur et n’était pas informé du rythme auquel il devait travailler, et sollicite en conséquence la requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps complet.
L’employeur oppose que M. [R] a été embauché pour un volume horaire mensuel de ’80 euros’ et que le contrat de travail précise la durée de travail pour chaque semaine et renvoie à un planning qu’il reconnaît avoir reçu régulièrement en temps voulu, ajoute qu’il n’a jamais été à la disposition de son employeur en dehors des horaires de plannings qui lui étaient remis et précise que le recours à des heures complémentaires est expressément prévu dans le contrat de travail et que celles-ci lui ont été réglées.
Par ailleurs, le contrat de travail a pris fin le 31 mars 2018 lorsqu’il a refusé le 2ème avenant qui lui a été proposé.
En l’espèce, étant rappelé qu’il ressort des développements qui précèdent que la relation de travail telle que requalifiée ne s’est pas achevée au 31 mars 2018, la cour constate que si le contrat de travail prévoit que les heures de travail du salarié sont réparties selon un planning mensuel qui sera transmis chaque mois et que la répartition prévisionnelle est la suivante : semaine 1 : 19 heures, semaine 2 : 18 heures, semaine 3 : 19 heures et semaine 4 : 18 heures, la société ACS ne justifie d’aucun élément sur la remise effective du planning de mars 2018, M. [R] ne produisant pour sa part que le planning du mois de février 2018 en deux exemplaires [pièces n°5 et 7].
Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur l’autre moyen de requalification allégué, en l’absence de répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois en mars 2018, le contrat de travail à temps partiel est présumé à temps complet à compter du 3 février 2018, présomption simple que l’employeur ne renverse par aucun élément.
III – Sur les conséquences pécuniaires de la requalification :
a – Sur l’indemnité de requalification :
L’article L.1251-41 du code du travail prévoit l’octroi d’une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire calculée sur le salaire de base et les accessoires du salaire.
Sur la base d’un salaire de référence s’établissant à 1 521,79 euros pour 151,67 heures travaillées, outre la prime d’habillage de 0,1310 euros/heure, il sera alloué à M. [R] la somme de 1 521,79 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire postérieurement à celui-ci impliquant que ces sommes doivent être fixées au passif de celle-ci.
b – Sur le rappel de salaire :
M. [R] sollicite à titre de rappel de salaires pour la période courant du mois d’avril 2018 au 14 avril 2022, date du jugement du conseil de prud’hommes ayant prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 73 806,81 euros bruts, outre 7 380,68 euros bruts au titre des congés payés afférents.
L’employeur oppose que le contrat à durée déterminée à temps partiel de M. [R] a pris fin le 31 mars 2018 lorsque le salarié a refusé l’avenant de prolongation qui lui a été proposé et ajoute qu’en présence d’un contrat de travail apparent, caractérisé notamment par la délivrance de bulletins de paie, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve. Or à compter de fin mars 2018, il n’a plus reçu de planning ni de salaire et n’a jamais prétendu être toujours salarié de la société ACS ni réclamé le paiement d’un quelconque salaire au-delà du 31 mars 2018. En conséquence, le contrat de travail apparent né de l’envoi par erreur de bulletins de salaire après le terme du contrat à durée déterminée est de fait un contrat fictif au sens de la jurisprudence et la demande de résiliation est irrecevable.
Néanmoins, il ressort des développements qui précèdent que l’existence d’une relation de travail au delà du 31 mars 2018, telle qu’alléguée par le salarié, résulte du fait que le contrat à durée déterminée et son avenant du 28 février 2018 ont été rétroactivement requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée à compter de la première embauche, soit le 3 février 2018. En conséquence, le débat ne porte pas sur l’existence ou non d’une relation de travail mais sur les conditions de sa poursuite jusqu’à sa rupture, laquelle n’est intervenue qu’au titre de la résiliation judiciaire prononcée par le jugement déféré.
Il s’en déduit que la fin de non recevoir n’est pas fondée.
S’agissant de la demande de rappel de salaire pour la période postérieure au 31 mars 2018 jusqu’à la résiliation du 14 avril 2022, il appartient à l’employeur de fournir le travail contractuellement prévu au salarié auquel il n’a jamais reproché un abandon de poste, qu’il n’a pas mis en demeure de reprendre le travail et à qui il n’a pas même reproché son absence, se contentant de lui adresser des bulletins de paye avec la mention ‘absence injustifiée’.
En outre, l’employeur ne démontre pas que le salarié a refusé de travailler ou ne s’est pas tenu à sa disposition pendant cette période.
En conséquence, les bulletins de paye produits démontrant que M. [R] n’a perçu aucun salaire sur la période concernée par la demande, la cour retient que les salaires sont dus en totalité sur la période d’emploi sur la base d’un temps complet, déduction faite des sommes déjà versées en février et mars 2018.
Il lui sera donc alloué la somme de 73 806,81 euros à titre de rappel de salaire, outre 7 380,68 euros bruts au titre des congés payés afférents, tel qu’expressément demandé, le jugement déféré étant infirmé sur ce point, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire postérieurement à celui-ci impliquant que ces sommes soivent être fixées au passif de celle-ci.
c – Sur les heures complémentaires :
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
M. [R] soutient qu’il n’a pas été rémunéré de 70 heures complémentaires effectuées en février 2018 et sollicite en conséquence la somme de 762,30 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 76,23 euros bruts de congés payés afférents.
A l’appui de son affirmation, il produit un décompte de ses heures de travail et son planning de février 2018 ainsi qu’un courrier électronique de réclamation (pièces n° 5, 6 et 12).
La cour considère que ces éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En réponse, l’employeur ne justifie d’aucun élément.
Néanmoins, il résulte des développements qui précèdent que le contrat de travail à temps partiel est rétroactivement requalifié en contrat de travail à temps complet à compter du 3 février 2018.
Dans ces conditions, les 70 heures alléguées comme complémentaires de son temps de travail contractuel initialement à temps partiel ne dépassant pas la durée légale de travail à temps complet, la cour considère que ces heures sont payées au titre du rappel de salaire ci-dessus alloué, de sorte que la demande sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
V – Sur la rupture de la relation de travail :
Le juge peut, à la demande du salarié, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur lorsqu’il est établi que celui-ci a commis des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.
En l’espèce, M. [R] a formulé le 31 décembre 2020 une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Il ressort des développements qui précèdent :
– d’une part que le contrat de travail initial à durée déterminée du 3 février 2018 et son avenant du 28 suivant sont rétroactivement requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 février 2018,
– d’autre part que l’employeur a omis de fournir un travail au salarié pendant une longue période et de verser la rémunération correspondante,
de sorte qu’il a commis un manquement à ses obligations dont la gravité ne permettait pas la poursuite de la relation contractuelle.
La cour confirme donc le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [R] aux torts exclusifs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont la date d’effet sera fixée à la date du jugement déféré qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que l’employeur ne démontre pas qu’à la date de la décision prononçant la résiliation judiciaire le salarié ne se tenait plus à sa disposition.
A ce titre, il sera alloué à M. [R] les sommes suivantes :
– 3 043,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 304,35 euros au titre des congés payés afférents, le salarié justifiant d’une ancienneté de plus de deux années,
– 1 521,79 euros à titre d’indemnité de licenciement tel qu’expressément demandé,
– 4 565,37 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L1235-3 du code du travail,
le jugement déféré étant infirmé sur ces points, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire postérieurement au jugement déféré impliquant que ces sommes soient être fixées au passif de celle-ci.
VI – Sur les demandes accessoires :
– sur la remise documentaire :
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
La société ACS sera condamnée à remettre à M. [R] une attestation Pole Emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et les bulletins de salaire rectifiés.
En revanche, les circonstances de l’espèce ne justifient pas que cette condamnation soit assortie d’une astreinte, la demande à ce titre étant rejetée.
– sur les intérêts au taux légal :
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Il sera dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ACS de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, sous réserve des règles propres aux procédures collectives, et notamment la suspension du cours des intérêts,
– sur le salaire de référence :
L’article R1454-28 alinéa 2 3°) du code du travail dispose que sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment: le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.
Ces dispositions n’étant pas applicables devant la cour d’appel, la demande de M. [R] de fixer le salaire de référence est sans objet et sera donc rejetée.
– sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées,
La société ACS succombant pour l’essentiel, elle supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut
CONFIRME le jugement rendu le 14 avril 2022 par le conseil de prud’hommes de Dijon sauf en ce qu’il a :
– condamné la société Agence Continentale de Sécurité à payer à M. [N] [R] les sommes suivantes :
* 762,30 euros bruts, outre 76,23 euros bruts au titre des congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour des heures complémentaires ,
* 1 521,79 euros nets à titre d’indemnité de requalification,
* 3 043,58 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 304,35 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 521,79 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 4 565,37 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Agence Continentale de Sécurité à remettre à M. [N] [R] les documents légaux et les bulletins de salaire rectifiés correspondant aux condamnations prononcées ci-avant, le tout sous astreinte de 20 € par jour de retard, à compter d’un mois après la date du présent jugement, le Conseil se réservant le droit de liquider cette astreinte,
– jugé que les sommes ayant la nature de créance salariale ou assimilée produiront intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud’hommes à la société Agence Continentale de Sécurité de la convocation devant le conseil de prud’hommes, et à compter de la date du présent jugement pour les sommes d’une autre nature,
– statué sur les dépens;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [N] [R] aux fins de déclarer irrecevable d’office les conclusions d’appelant déposées par la société Agence Continentale de Sécurité le 8 juillet 2022 et en conséquence prononcer la caducité d’office de la déclaration d’appel n° 22/00908,
FIXE au passif du redressement judiciaire de la société Agence Continentale de Sécurité les créances suivantes de M. [N] [R] :
– 73 806,81 euros à titre de rappel de salaire, outre 7 380,68 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 1 521,79 euros nets à titre d’indemnité de requalification,
– 3 043,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 304,35 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 521,79 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 4 565,37 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
REJETTE la demande de M. [N] [R] à titre de rappel de salaire pour des heures complémentaires,
CONDAMNE Maître [F] [W], es-qualité de mandataire judiciaire de la société Agence Continentale de Sécurité, à remettre M. [N] [R] une attestation Pole Emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et les bulletins de salaire rectifiés,
REJETTE la demande d’astreinte,
DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Agence Continentale de Sécurité de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, sous réserve des règles propres aux procédures collectives, et notamment la suspension du cours des intérêts,
REJETTE la demande au titre du salaire de référence, :
RAPPELLE que la présente décision est nécessairement opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 9],
REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile formulées à hauteur d’appel,
CONDAMNE la société Agence Continentale de Sécurité aux dépens de première instance et d’appel
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 1er février 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION