CDD pour accroissement d’activité : décision du 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10188
CDD pour accroissement d’activité : décision du 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10188

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 01 DECEMBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10188 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYMH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juillet 2013 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 12/12403

APPELANTE

Madame [V] [X]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Thomas MONTPELLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0025

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/010483 du 01/04/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Madame [D] [S] veuve [R] ayant droit de M. [C] [R], mandataire ad’hoc de la SARL CHRISTEVE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

Monsieur [C] [W] [R] ayant droit de M. [C] [R]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [V] [X] prétend avoir été engagée suivant un contrat de travail verbal par

M. [C] [R], en date du 31 décembre 2004, pour travailler comme plongeuse polyvalente dans une crêperie située au [Adresse 3] dans [Localité 8] ainsi que dans le restaurant « Christève » dirigé par Mme [D] [S], épouse de M. [R], sis à [Adresse 7] et partageant sa cuisine avec le 1er établissement.

La salariée ajoute qu’elle travaillait pour la crêperie et le restaurant de 20h00 à 6h00, et que les après-midi, M. [R] l’envoyait faire du ménage dans son appartement.

Mme [V] [X] affirme, en outre, que les samedis et dimanches, elle travaillait pour le compte des enfants de M. [R] à [Localité 6].

Mme [V] [X] indique que, pour toute la durée de la relation contractuelle, sept contrats de travail à durée déterminée à temps partiel ont été signés avec M. [C] [R] pour les périodes suivantes : du 3 novembre 2008 au 21 avril 2009, du 22 avril 2009 au 31 juillet 2009, du 5 octobre 2009 au 4 avril 2010, du 5 avril 2010 au 31 juillet 2010, du 1er février 2011 au 31 juillet 2011.

Mme [V] [X] a également travaillé pour le compte de M. [C] [R], pour les périodes du 10 novembre 2011 au 31 mars 2012 et du 1er avril 2012 au 31 juillet 2012, suivant deux contrats de travail à durée déterminée qu’elle a refusé de signer car elle contestait l’horaire à temps partiel.

Dans le dernier état des relations contractuelles, régies par la convention collective du commerce de détail, Mme [V] [X] a perçu un salaire mensuel brut de 227,41 euros.

A la suite de la maladie de M. [C] [R], des difficultés sont apparues dans l’entreprise et une instruction judiciaire a même été diligentée. Le 19 juin 2012, Mme [V] [X] a appris, qu’en raison de ces événements, sa présence n’était plus souhaitable dans l’entreprise.

Le 13 novembre 2012, Mme [V] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour solliciter la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, des rappels de salaire et de congés payés, notamment, au titre des heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulé.

Le 25 juillet 2013, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Industrie, a statué comme suit :

– déboute Mme [V] [X] de l’ensemble de ses demandes

– déboute le défendeur de sa demande reconventionnelle pour la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– concernant le remboursement de la somme de 20 530 euros, le conseil invite les parties à mieux se pourvoir

– condamne Mme [V] [X] aux dépens.

Par déclaration du 1er octobre 2013, Mme [V] [X] a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 18 septembre 2013.

Aux termes d’une ordonnance du 17 janvier 2018, du magistrat chargé d’instruire l’affaire, la procédure a fait l’objet d’une radiationpour défaut de diligence de l’appelant.

Le 19 septembre 2019, Mme [V] [X] a sollicité le rétablissement au rôle de l’affaire.

Vu les dernières conclusions visées et soutenues à l’audience, aux termes desquelles Mme [V] [X] demande à la cour d’appel de :

– recevoir l’appel de Mme [V] [X] et le déclarer bien fondé

– joindre la présente instance avec l’assignation en intervention forcée délivrée à l’encontre de Mme [D] [S], veuve [R], en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve

– juger recevable en son intervention forcée de Mme [D] [S] veuve [R] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve

Statuant à nouveau

I- Sur la requalification des contrats

– requalifier l’intégralité de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet depuis le 31 décembre 2004

– subsidiairement, requalifier l’ensemble des contrats à durée déterminée depuis novembre 2008 en un contrat à durée indéterminée à temps complet

– à titre infiniment subsidiaire, requalifier les contrats à durée déterminée depuis novembre 2011 en un contrat à durée indéterminée à temps complet

II- Sur les demandes indemnitaires

– fixer l’ancienneté de Mme [V] [X] à 7 ans et 10 mois

– fixer le salaire moyen à 3 129 euros bruts

– condamner solidairement Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de M. [C] [R] et Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve à verser à Mme [V] [X] les sommes suivantes :

* 48 172,38 euros à titre de rappel de salaire (requalification à temps complet)

* 13 153,13 euros au titre des heures complémentaires et supplémentaires

* 1 315,53 euros à titre d’indemnité pour congés payés afférents

* 5 450 euros à titre de rappel de salaire

* 545 euros au titre des congés payés afférents

* 4 902,10 euros à titre d’indemnité de licenciement

* 9 387 euros à titre d’indemnité de préavis

* 938,70 euros au titre des congés payés afférents

* 37 548 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 18 774 euros à titre d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminéee

* 18 774 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé

– condamner Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de

M. [C] [R] et Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve à transmettre à Mme [V] [X] l’ensemble des feuilles de paie correspondant aux salaires versés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision

– ordonner que les intérêts légaux seront dus avec anatocisme à compter du 13 novembre 2012, date de la saisine du conseil de prud’hommes

– condamner solidairement Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de M. [C] [R] et Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve à verser à Me Thomas Montpellier de la SELARL Accanto Avocats la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700-2° du code de procédure civile

– condamner solidairement Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de M. [C] [R] et Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve à verser à Mme [V] [X] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700-1° du code de procédure civile

– condamner solidairement Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de M. [C] [R] et Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions visées et soutenues à l’audience, aux termes desquelles Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de M. [C] [R] et Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve demandent à la cour d’appel de :

– dire, à titre principal, irrecevable l’appel en intervention forcée sollicité par l’appelante à l’encontre de Mme [D] [S], mandataire ad hoc de la SARL Christeve, en application des articles 554 et 555 du code de procédure civile

– dire, à titre subsidiaire, les demandes de Mme [V] [X] prescrites au visa des dispositions de l’article 1474-1 du code du travail

– débouter Mme [V] [X] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre des ayants-droit de M. [C] [R], entrepreneur individuel de crêperie

– condamner reconventionnellement Mme [V] [X] à rembourser à Mme [D] [S], veuve [R] et M. [W] [R], ayants-droit de M. [C] [R] la somme de 20 530 euros, à titre de remboursement du prêt obtenu par l’intéressée auprès de M. [C] [R], en abusant de son état de faiblesse

– condamner reconventionnellement Mme [V] [X] à payer à Mme [D] [S], veuve [R], et M. [W] [R], ayants-droit de M. [C] [R], ainsi que Mme [D] [S], mandataire ad hoc de la SARL Christeve, à chacun, la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

En l’absence de contestation des parties sur les points suivants, le jugement est définitif en ce qu’il a débouté Mme [V] [X] :

– de sa demande d’indemnité pour repos compensateur

– de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure

– de sa demande d’indemnité pour violation des règles relatives à l’assistance du salarié par un conseiller.

1/ Sur l’irrecevabilité des demandes formées par Mme [V] [X] à l’encontre de Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve

Les intimées demandent à ce que les prétentions de la salariée formées à l’encontre de Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve soient dites irrecevables, dès lors que si Mme [D] [S] était bien partie en première instance, c’était sous une autre qualité et qu’elle ne pouvait, dès lors, être attraite en intervention forcée qu’au seul motif d’une évolution du litige impliquant sa mise en cause, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Mme [V] [X] répond que l’évolution du litige réside dans le fait que Mme [D] [S] a reconnu dans ses écritures en date du 24 janvier 2020 que

Mme [V] [X] avait travaillé pour le compte de la SARL Christeve.

Cependant, cet aveu judiciaire ne peut en aucune manière être considéré comme une évolution du litige au sens de l’article 555 du code de procédure civile, puisque avant même cette reconnaissance, Mme [V] [X] avait demandé aux premiers juges de considérer qu’elle avait travaillé pour le compte de la SARL Christeve, comme en fait foi le jugement.

Aussi, en l’absence d’évolution du litige, Mme [V] [X] sera dite irrecevable en son intervention forcée à l’encontre de Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Christeve.

En l’absence de mise en cause régulière de la SARL Christeve, Mme [V] [X] sera, également, déboutée des demandes qu’elle formule au titre de la solidarité avec les ayants-droit de M. [C] [R] sur le fondement du « co-emploi », dont il n’est pas démontré l’existence et qui ne peut être retenu lorsqu’une seule entité concernée a été mise en cause.

2/ Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminéee

Selon l’article L. 1242-1 du code du travail « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

L’article L. 1242-12 du même code ajoute « Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminéee.

Il comporte notamment :

1° Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l’article L. 1242-2 ;

2° La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ;

3° La durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis ;

4° La désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l’article L. 4154-2, la désignation de l’emploi occupé ou, lorsque le contrat est conclu pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié au titre du 2° de l’article L. 1242-3, la désignation de la nature des activités auxquelles participe le salarié dans l’entreprise… »

Mme [V] [X] affirme qu’elle a commencé à travailler pour les consorts [R] à compter du 31 décembre 2004, sur la base d’un contrat de travail verbal, et elle en déduit qu’en l’absence d’écrit, toute la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée. En outre, elle observe que les contrats de travail à durée déterminée établis à compter de novembre 2008 mentionnent comme motifs  » un surcroît de travail » (pièce 1-1, pièce 3-1, pièce 4-1), une aide à la société « en prévision de la période touristique et des congés payés » (pièce 1-2, pièce 2-2, pièce 4-2), une aide à la société « suite à un surcroît de travail, dû à la prise de congés payés et en prévision des fêtes de fin d’année » , ce qui ne constituent pas des motifs réguliers de recours à des contrats de travail à durée déterminée.

La salariée demande l’allocation d’une indemnité de requalification de 18 774 euros, équivalente à 6 mois de salaire.

Les ayants-droit de M. [C] [R] contestent avoir employé Mme [V] [X] avant novembre 2008 et relèvent que la salariée ne produit aucun document justifiant de son emploi avant cette date.

La cour retient qu’il n’est pas démontré que Mme [V] [X] a commencé à travailler pour le compte de la crêperie dirigée par M. [C] [R] à compter de janvier 2005 puisque les attestations qu’elle produit aux débats concernent son emploi par la SARL Christève (pièces 13 et 14 salariée à vérifier) et qu’elles sont contredites par un courrier de sa main de juin 2012 où elle prétend avoir travaillé pour le compte de la crêperie depuis 2006 (pièce 6 salariée).

L’appelante sera donc déboutée de sa demande de requalification pour la période antérieure à novembre 2008 à défaut de justifier de l’existence d’une relation de travail avec M. [C] [R] avant cette date.

Faute pour les ayants-droit de M. [C] [R] de justifier de l’accroissement d’activité auquel l’entreprise se serait trouvée confrontée à compter de cette date et/ou du besoin de remplacer des salariés en congés payés dont le nom n’est pas communiqué, il sera fait droit à la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminéee à compter du 3 novembre 2008 et le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de ce chef.

3/ Sur la requalification du temps partiel en contrats à temps complet

Selon l’article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail des salariés à temps partiel mentionne la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d’aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

La salariée explique que les contrats de travail écrits que l’employeur lui a soumis à la signature, entre novembre 2008 et juillet 2012, ne précisaient nullement la répartition de ses heures de travail sur les jours de la semaine puisqu’il était seulement indiqué qu’elle effectuerait 4 heures par semaine, soit 17,33 heures par mois, selon des horaires à répartir. Sur un plan formel, l’employeur n’a donc jamais satisfait aux exigences de l’article L. 3123-14 du code du travail.

Dans les faits, Mme [V] [X] affirme avoir travaillé à temps complet pour le compte de M. [C] [R] et elle en donne pour preuve le fait que celui-ci a reconnu lui avoir versé l’équivalent de 26 850 euros en espèces, entre novembre 2011 et juillet 2012, soit en moyenne 2 983,33 euros par mois en sus de son salaire tel que mentionné sur ses bulletins de paie.

Mme [V] [X] sollicite, en conséquence, une somme totale de 48 172,38 euros à titre de rappel de salaire sur temps complet pour la période comprise entre novembre 2008 et fin juillet 2012.

Les intimées contestent que la salariée ait pu accomplir plus que les 4 heures hebdomadaires mentionnées dans les contrats de travail puisqu’elle revendique, elle-même, avoir travaillé pour d’autres employeurs comme la SARL Christeve ou les enfants de M. [C] [R] qui ne sont pas dans la cause à titre personnel.

S’agissant des contrats de travail établis à compter du 3 novembre 2008, il est de principe que l’absence de clause prévoyant la répartition des heures de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois fait présumer que l’emploi est à temps complet, sauf à l’employeur à prouver qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel et que la salariée n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et n’était pas dans l’obligation de se tenir à la disposition de son employeur.

En l’absence d’une telle démonstration de la part des ayants-droit de M. [C] [R] et de la production d’un quelconque élément relatif aux horaires de travail accomplis par la salariée, les intimés ne remplissent pas la charge de la preuve qui leur revient et il sera, donc, fait droit à la demande de requalification en temps complet de la relation contractuelle qui a débuté à compter du 3 novembre 2008.

Concernant le rappel de salaire revendiqué par Mme [V] [X], il convient de déduire de la somme réclamée par la salariée, 26 850 euros qu’elle reconnaît avoir perçus, en espèces, pour les heures accomplies au-delà du forfait de 4 heures, pour la période de novembre 2011 à juillet 2012. Il lui sera donc alloué une somme de 21 322,38 euros à titre de rappel de salaire sur temps complet et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de ces chefs.

Il sera, également, alloué à Mme [V] [X] une somme de 1 398,40 euros, équivalente à un mois de salaire sur la base d’un temps complet (9,22 taux horaire x 151,67 heures), à titre d’indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

Il sera ordonné aux ayants-droit de M. [C] [R] de délivrer à Mme [V] [X], dans les deux mois suivants la notification de la présente décision, un bulletin de salaire récapitulatif reprenant les rappels de salaire ordonnés, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

4/ Sur les heures complémentaires et supplémentaires

Selon l’article L. 3174- 1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci.

Mme [V] [X] indique que si l’on se réfère au montant total des sommes qui lui ont été versées en espèces par l’employeur, à savoir 26 850 euros pour la période de novembre 2011 à juillet 2012, on doit en déduire qu’elle a été rémunérée à hauteur de 2 983,33 euros par mois, ce qui correspondait à plus du double du salaire dû pour 35 heures hebdomadaire. La salariée appelante en conclut que cette rémunération occulte suffit à rapporter la preuve de l’accomplissement d’heures supplémentaires pour lesquelles elle affirme ne pas avoir perçu les majorations auxquelles elle pouvait prétendre à hauteur de 13 153,13 euros.

Mais, la cour retient que s’il peut-être déduit du versement d’une rémunération occulte l’accomplissement d’heures de travail au-delà du temps partiel mentionné sur les contrats de travail à durée déterminée, en revanche, le montant des sommes versées en espèces, ne permet pas à lui seul, de calculer par extrapolation, les éventuelles heures supplémentaires accomplies par la salariée. En l’absence d’explication de Mme [V] [X] sur les horaires quotidiens, hebdomadaires ou mensuels qu’elle aurait été amenée à accomplir, il sera considéré qu’elle ne fournit pas d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de ce chef.

5/ Sur le travail dissimulé

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail est caractérisée lorsqu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; il appartient au juge d’apprécier l’existence d’une telle intention ;

Par ailleurs il résulte des dispositions de L. 8223-1 du même code qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il a été retenu aux points précédents que M. [C] [R] avait rémunéré

Mme [V] [X] en espèces pour les heures accomplies au-delà du forfait de 4 heures mentionné sur ses bulletins de salaire, cette rémunération occulte, dont il n’est pas contesté l’existence, suffit à attester de la volonté de l’employeur de dissimuler le temps de travail accompli par la salariée pour se soustraire à ses obligations sociales. En conséquence, il sera alloué à Mme [V] [X] la somme de 8 390,40 euros, correspondant à six mois de salaire sur la base d’un temps plein (6 x 1 398,40 euros).

6/ Sur les autres rappels de salaire

Mme [V] [X] revendique un rappel de salaire pour un montant total de 5 450 euros (outre les congés payés afférents) décomposés comme suit :

– 3 370 euros représentant les salaires du 7 décembre 2008 jusqu’au 14 février 2009 du fait de son affectation au service de la fille de Mme [S], à la demande des époux [R]

– 2 080 euros représentant le salaire du 8 mai au 31 mai 2012 [1/5 x (3 +9/12) x 1 398,40]

Cependant, à défaut de justifier de son emploi par la fille de Mme [S] et surtout du lien qui existerait entre ce travail et les contrats de travail conclus avec M. [C] [R], l’appelante sera déboutée de sa demande de rappel de salaire pour un montant de 3 370 euros. Elle sera, également, déboutée de sa demande de rappel d’une somme de 2 080 euros à titre de salaire pour le mois de mai 2012, sur laquelle elle ne s’explique pas et qui rentre dans le périmètre de ses prétentions au titre du point 3.

7/ Sur la rupture de la relation contractuelle

Le contrat de travail ayant été requalifié en contrat à durée indéterminéee, il ne pouvait être rompu par l’employeur autrement qu’après le respect d’une procédure de licenciement, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le licenciement sera donc dit dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [V] [X] qui, à la date du licenciement, comptait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 57 ans, de son ancienneté de plus de 3 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, il sera alloué à Mme [V] [X] une somme de 8 390,40 euros en réparation de son entier préjudice.

Mme [V] [X] peut, également, légitimement prétendre aux sommes suivantes :

– 4 195,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, correspondant à trois mois de salaire, la salariée ayant été reconnue travailleuse handicapée le 12 mars 2014

– 419,52 euros au titre des congés payés afférents

– 1 048,80 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

8/ Sur la demande reconventionnelle

Les ayants-droit de M. [C] [R] sollicite le remboursement de la somme de 20 530 euros qui a été versée à la salariée entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2012, en faisant valoir que cette somme aurait été obtenue au moyen d’un « prêt extorqué » à M. [C] [R], en profitant de son état de faiblesse (pièces 62 à 73).

Mais, à défaut pour les intimées de démontrer que les sommes remises à la salariée l’ont été dans le cadre d’un prêt et non à titre de rémunération occulte, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande.

9/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013, date de l’audience du bureau de conciliation et d’orientation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l’employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Condamne Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de M. [C] [R] aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme [V] [X] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rappelle que le jugement n’a pas été entrepris et se trouve définitif en ce qu’il a débouté

Mme [V] [X] :

– de sa demande d’indemnité pour repos compensateur

– de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure

– de sa demande d’indemnité pour violation des règles relatives à l’assistance du salarié par un conseiller,

Dit irrecevables les demandes formées par Mme [V] [X] à l’encontre de Mme [D] [S] en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL Christeve,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– débouté Mme [V] [X] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures complémentaires et supplémentaires, outre les congés payés afférents

– débouté Mme [D] [S], veuve [R], liquidatrice de l’entreprise individuelle [C] [R] de sa demande reconventionnelle,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée conclus avec M. [C] [R] à compter du 3 novembre 2008 en un contrat à durée indéterminéee à temps complet,

Condamne Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de

M. [C] [R] à payer à Mme [V] [X] les sommes suivantes :

– 21 322,38 euros à titre de rappel de salaire sur temps complet

– 1 398,40 euros à titre d’indemnité de requalification

– 8 390,40 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé

– 8 390,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 4 195,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 419,52 euros au titre des congés payés afférents

– 1 048,80 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

– 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvus qu’ils soient dus pour une année entière,

Ordonne à Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de

M. [C] [R] de délivrer à Mme [V] [X], dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, un bulletin de salaire récapitulalif reprenant les rappels de salaire ordonnés,

Déboute Mme [V] [X] de sa demande de qualification en contrat de travail de la période comprise entre le 31 décembre 2004 et le 3 novembre 2008, de sa demande d’autres rappels de salaire ainsi que de ses demandes plus amples et contraires,

Déboute Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de

M. [C] [R] de leur demande de condamnation de Mme [V] [X] à rembourser une somme de 20 530 euros, ainsi que de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [D] [S] et M. [W] [R], en leur qualité d’ayant droit de

M. [C] [R] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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