ARRET
N°
[K]
[J]
S.A.R.L. LD ‘HOTEL DE LA BANNIERE’
C/
[X]
UNEDIC DÉLÉGATION AGS – CGEA D'[Localité 8]
le 01 décembre 2022
à
Me Dejas
Me Lorente
Me Delvallez
CPW/MR/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 01 DECEMBRE 2022
*************************************************************
N° RG 21/04936 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IHXD
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 13 SEPTEMBRE 2021 (référence dossier N° RG F 20/00117)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Maître [R] [K] ès qualités de commissaire à l’éxécution du plan de la SARL LD HOTEL DE LA BANNIERE
[Adresse 7]
[Localité 2]
Concluant par Me Jean-François DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON
Maître [I] [J] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL LD HOTEL DE LA BANNIERE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Concluant par Me Jean-François DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON
S.A.R.L. LD ‘HOTEL DE LA BANNIERE’ prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [P] [E] [N], en qualité de gérant
[Adresse 3]
[Localité 1]
Concluant par Me Jean-François DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON
ET :
INTIMEES
Madame [O] [X]
née le 19 Avril 1997 à KOSOVO
de nationalité Kosovar
[Adresse 4]
[Localité 1]
Concluant par Me Carine LORENTE de l’ASSOCIATION AA DUFOUR LORENTE, avocat au barreau de LAON
UNEDIC DÉLÉGATION AGS – CGEA D'[Localité 8] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée et concluant par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAON substituée par Me Marc ANTONINI de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DEBATS :
A l’audience publique du 13 octobre 2022, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l’arrêt sera prononcé le 01 décembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 01 décembre 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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* *
DECISION :
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [H] [O] a été embauchée par la société LD exploitée sous le nom commercial Hôtel de la bannière de France (ci-après la société) le 28 avril 2017 par un contrat à durée déterminée pour la période du 2 mai au 1er novembre 2017 suivi d’un second contrat à durée déterminée du 1er novembre 2017 pour la période du 2 novembre au 1er mai 2018 en qualité de réceptionniste niveau I échelon 1 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants.
Par jugement du 9 juillet 2018, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a placé la société LD en redressement judiciaire. Par jugement du 25 octobre 2019, le même tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement, désignant Me [J] en qualité de mandataire judiciaire, et Me [K] commissaire à l’exécution du plan.
Entre temps, le 28 décembre 2018, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Laon pour solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, obtenir diverses sommes en exécution du contrat de travail, et obtenir des indemnités de rupture outre des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 13 septembre 2021, la juridiction prud’homale a :
mis hors de cause le CGEA d'[Localité 8] ;
requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
condamné la société LD hôtel de la Bannière à verser à Mme [H] les sommes suivantes :
– 1 323, 40 euros à titre d’indemnité de requalification ;
– 2 646, 80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
– 1 323, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
– 330, 85 euros au titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 323, 40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 132, 34 euros au titre des congés payés afférents ;
– 483, 60 euros à titre de rappel de salaire sur taux horaire outre 48, 36 euros au titre des congés payés afférents ;
– 1 582, 70 euros à titre d’indemnité de fin de contrat ;
– 559, 34 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;
enjoint la société à remettre à Mme [H] l’ensemble des documents de fin de contrat et notamment l’attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte rectifiés, sous astreinte de 20 euros par jour et pour l’ensemble des documents à partir de 15 jours suivant la notification du jugement, se réservant la liquidation de l’astreinte ;
débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
ordonné l’exécution provisoire sur l’ensemble des sommes ;
laissé les entiers dépens de l’instance à la charge de la partie défenderesse ;
dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et qu’en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, doivent être supportées par la société défenderesse en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration électronique du 7 octobre 2021, la société LD, Maître [J] en qualité de mandataire judiciaire et Maître [K] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, ont interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 février 2022, dans lesquelles les appelants demandent à la cour d’infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, statuant à nouveau de débouter Mme [H] de ses demandes, et de la condamner au paiement de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 mars 2022, dans lesquelles Mme [H] demande à la cour de confirmer la décision déférée, sauf en ce qu’elle a rejeté sa demande de fixation de sa créance au passif du redressement de la société, en ce qu’il a mis hors de cause l’AGS CGEA d'[Localité 8], et statuant à nouveau de :
fixer au passif du redressement judiciaire de la société les sommes suivantes :
– 1 323, 40 euros à titre d’indemnité de requalification ;
– 2 646, 80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
– 1 323, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
– 330, 85 euros au titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 323, 40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 132, 34 euros au titre des congés payés afférents ;
– 981,71 euros net à titre de rappel de salaire sur décembre 2017 ;
– 483, 60 euros à titre de rappel de salaire sur taux horaire outre 48, 36 euros au titre des congés payés afférents ;
– 1 582, 70 euros à titre d’indemnité de fin de contrat non versé ;
– 559, 34 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;
condamner la société au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
juger que la décision à intervenir sera commune et opposable à l’AGS CGEA d'[Localité 8].
Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 31 mars 2022, dans lesquelles l’UNEDIC délégation CGEA d'[Localité 8], demande à la cour de :
débouter Mme [H] de ses demandes relatives à l’indemnité pour procédure irrégulière, aux rappels de salaire, complément d’indemnité de fin de contrat et complément d’indemnité de congés payés par réévaluation du taux horaire ;
ramener les prétentions indemnitaires de la salariée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder 0,5 mois de salaire ;
fixer l’éventuelle créance de Mme [H] au passif de la société LD placée en redressement judiciaire par jugement du 13 septembre 2021 et bénéficiaire d’un plan de redressement selon jugement du 25 octobre 2019 ;
la mettre hors de cause à défaut de justifier de l’insuffisance de fonds disponibles ;
rappeler qu’elle intervient pour couvrir le paiement des sommes dues aux salariés dans les conditions posées à l’article L3253-8 du code du travail ;
rappeler que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à l’un des trois plafonds définis à l’article D3253-5 du code du travail, lesquels s’entendent de la totalité de la créance salariale en ce compris le précompte effectué en vertu de l’article L242-3 du code de la sécurité sociale au profit des organismes sociaux ;
rappeler que sa garantie ne s’étend pas aux sommes allouées par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ni à la remise des documents sociaux ni à l’astreinte dont celle-ci est éventuellement assortie.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS :
A titre liminaire, il convient de relever que si la salariée se prévaut à plusieurs reprises dans ses conclusions de la réalisation d’heures supplémentaires impayées, elle ne forme pas la moindre demande à ce titre en précisant elle-même qu’elle ne peut en justifier.
Sur le rappel de salaire de décembre 2017
Mme [H], qui reconnaît pourtant dans ses conclusions que le salaire du mois de décembre 2017 lui a été payé en cours de procédure, maintient néanmoins sans la moindre explication une demande à ce titre, alors même qu’elle avait déjà pris acte du paiement devant le premier juge qui l’avait donc à juste titre déboutée. Cette décision ne pourra bien évidemment qu’être confirmée de ce chef.
Sur la demande de reclassification
Le conseil de prud’hommes a considéré que la salariée étant titulaire du brevet d’études professionnelles concernant les métiers de la relation aux clients et aux usagers comme précisé dans son curriculum vitae, et ayant été amenée à effectuer des missions à responsabilité puisqu’elle a remplacé à plusieurs reprises son employeur lors de ses absences, aurait dû être embauchée au niveau II échelon 2 de la convention collective applicable.
A hauteur de cour, Mme [H] fait valoir qu’elle a été embauchée au niveau I échelon 1 de la convention collective alors qu’elle est titulaire du diplôme lui permettant de revendiquer la classification au niveau II échelon 2 de la grille de classification et qu’elle était amenée à effectuer des missions à responsabilité notamment lorsqu’elle remplaçait son employeur. Elle soutient que ce dernier conteste avoir eu connaissance du diplôme sans contester le reste, alors que son curriculum vitae porte mention de l’obtention du diplôme.
La société LD Hôtel de la bannière, le mandataire et le commissaire à l’exécution du plan s’opposent à la demande en répliquant en substance que l’employeur ignorait que la salariée était titulaire du brevet lors de la signature du contrat de travail alors qu’elle ne justifie pas avoir porté à sa connaissance son niveau de qualification. Ils soulignent également que Mme [H] ne justifie pas non plus du contenu de l’activité, de son autonomie ou des responsabilités exercées lui permettant de revendiquer une classification autre que celle correspondant à l’emploi qu’elle occupait.
L’UNEDIC soutient en substance que la convention collective applicable prévoit un système de classification par critères classants parmi lesquels figurent les compétences, à savoir l’expérience et/ou les formations requises, mais aucunement que le titulaire d’un BEP doit obligatoirement être classé au niveau II, alors que Mme [H] ne justifie pas du diplôme ni des autres critères lui permettant de revendiquer une classification autre que celle correspondant à l’emploi qu’elle occupait.
Or, la qualification professionnelle d’un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées, qu’il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique, qu’en cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu’il requiert au regard de la convention collective applicable et que le fait que le salarié n’ait pas contesté sa classification préalablement à la saisine du conseil de prud’hommes ne le prive pas de la possibilité de former cette demande devant les juridictions compétentes.
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
En l’espèce, le contrat de travail et les bulletins de paie indiquent que Mme [H] occupait un emploi de réceptionniste, niveau 1, échelon 1 de la convention collective applicable, mais la salariée réclame une classification au niveau 2, échelon 2.
Il est prévu à l’article 34 de la convention collective que la grille de classification des emplois dans les HRC faisant l’objet de l’annexe I d’application est basée sur 4 critères et comprend 5 niveaux de qualification, avec 3 échelons par niveau, 2 pour le niveau 4. Chaque critère est développé en fonction des niveaux et des échelons. Lue horizontalement, la grille donne pour un même échelon les critères minima exigés par le poste, critères qui se complètent sans priorité ni hiérarchie entre eux, le salarié devant répondre aux 4 définitions. Lue verticalement, la grille révèle la graduation de valeur des critères entre les différents échelons et niveaux.
En vertu de l’annexe I d’application de la grille de classification, les emplois de niveaux I et II exigent les critères suivants :
– Compétences (expérience et/ou formation requise) :au contraire des emplois du niveau I qui n’exigent pas une formation au-delà de la scolarité obligatoire, les emplois du niveau II exigent un niveau de formation équivalant au CAP ou BEP. Ce niveau de connaissance peut être acquis soit par voie scolaire, soit par une formation professionnelle interne équivalente, soit par une expérience professionnelle confirmée.
– Contenu de l’activité : les tâches sont plus variées qu’au niveau I qui prévoit que les tâches confiées au salarié sont caractérisées par leur simplicité ou leur analogie, ou leur répétitivité, en application de modes opératoires fixés, et plus complexes. L’exécution des tâches, mode opératoire, application des produits et matériels se fait par référence à des instructions précises et déjà connues.
– Autonomie : contrairement à l’emploi du niveau I qui exige que le salarié dispose d’une autonomie limitée aux consignes simples et détaillées fixant la nature du travail et les modes opératoires à appliquer, les emplois du niveau II nécessitent que le salarié puisse faire face aux situations courantes sans assistance hiérarchique permanente ou immédiate. Initiatives ou choix limités en ce qui concerne les modes opératoires. Le salarié rend compte de ces initiatives ou de ces choix.
– Responsabilités : le salarié du niveau I doit se conformer aux consignes et instructions reçues concernant les modes opératoires et l’utilisation des matériels et produits qui s’y rapportent, alors que le salarié du niveau II doit se conformer à des modes opératoires variés concernant entre autres l’usage des produits et des matériels. Responsabilité élargie par le champ d’autonomie attribué au titulaire.
Selon la déclinaison du niveau II de la grille de classification, l’échelon 2 exige les critères suivants :
– CAP avec 1re expérience en entreprise, BEP ou équivalent ;
– l’accomplissement de tâches caractérisées par leur variété et leur complexité, en application de modes opératoires indiqués ou connus ;
– le fait pour le salarié de décider, le plus souvent de certaines adaptations dans le cadre d’instructions de travail précises indiquant : les actions à accomplir, les méthodes à utiliser, les moyens disponibles ;
– le salarié a la responsabilité de prendre des initiatives attendues et les réaliser.
Cependant, il résulte de l’article 3 de l’avenant n°6 du 15 décembre 2009 portant modification des avenants n°2 et 5 à la convention collective applicable, que soucieux de valoriser les qualifications des salariés, les partenaires sociaux ont décidé de modifier l’article 34.III de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 complété par l’article 14 de l’avenant n°2 à la convention collective nationale des HCR du 5 février 2007, en prévoyant notamment qu’un réceptionniste relève du niveau II, échelon 2, ce qui correspond à de tâches plus variées et plus complexes que celles du niveau I, avec un niveau CAP ou BEP et une expérience contrôlée et confirmée d’environ 2 ans au niveau IV/1.
Par application des dispositions sus visées, Mme [H] qui dispose du diplôme du brevet d’études professionnelles depuis le 15 septembre 2015, ce dont elle a indiscutablement fait état à l’employeur lors de son embauche en 2017, et qui s’est vu confier, selon l’intitulé de son poste, des tâches variées et de différents niveaux de complexité, est fondée à demander la requalification de son poste conformément à la convention collective des hôtels, cafés, restaurants. Malgré cette présomption résultant de l’intitulé même du poste, et alors que la salariée produit la copie de son diplôme, l’employeur ne produit quant à lui pas le moindre élément démontrant qu’elle lui aurait indiqué lors de l’entretien d’embauche qu’elle disposait d’un autre niveau d’études. Il s’ajoute qu’en défense, la société LD Hôtel de la bannière ne produit pas non plus la moindre fiche de poste ni aucun élément sur l’activité de la salariée et ne conteste pas spécifiquement que celle-ci était amenée à remplacer le directeur de l’hôtel lors de ses déplacements au Maroc, ce dont il se déduit qu’elle exécutait des tâches variées et faisait face aux situations courantes sans assistance hiérarchique permanente.
Il sera en conséquence fait droit à sa demande de rappel de salaire, l’employeur et l’UNEDIC ne remettant pas en cause, même à titre subsidiaire, les bases de calcul de cette demande, de sorte que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée :
Le conseil de prud’hommes a fait droit à la demande de requalification et à l’ensemble des demandes subséquentes.
A hauteur de cour, Mme [H] demande la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif qu’aucun des contrats signés ne comporte les mentions obligatoires et en particulier le motif de recours ; que l’employeur ne prouve pas le caractère temporaire et saisonnier de l’emploi alors qu’au contraire le poste occupé pendant un an était un emploi permanent de l’entreprise ; que par ailleurs l’employeur n’a pas respecté le délai de prévenance impératif de 2 mois entre les deux contrats ; que son contrat de travail a été rompu sans respect de la procédure de licenciement, sans préavis et sans motif ; qu’elle était laissée seule pour s’occuper de l’hôtel en l’absence de son employeur et a effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées pour faire fonctionner l’établissement, qui sont demeurées impayées.
La société LD Hôtel de la bannière, Maître [J] ès qualités et Maître [K] ès qualités, s’opposent à la demande en répliquant que compte tenu du secteur du tourisme dans lequel la relation de travail s’est effectuée, il est d’usage de recourir au contrat de travail à durée déterminée, en particulier de l’hôtellerie et de la restauration. Ils soulignent que la saison touristique haute s’établie de mai à octobre et la basse saison de novembre à avril et que l’employeur pouvait donc parfaitement recourir à un contrat à durée déterminée de mai 2017 à mai 2018, Mme [H] étant tout à fait consciente que son emploi était saisonnier, étant précisé qu’elle a bénéficié de deux formations validées le 13 février 2018 dans le cadre de son contrat de travail. Ils soulignent qu’en tout état de cause, l’indemnité pour licenciement irrégulier ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que la salariée ne prouve pas la réalité du préjudice allégué, étant précisé qu’elle a été inscrite comme demandeur d’emploi le 28 février et a été indemnisée par Pôle emploi depuis le 19 mai 2018.
L’UNEDIC répond qu’il est indiscutable que les contrats litigieux ne comportent pas de motif de recours de sorte qu’ils encourent la requalification sollicitée avec toutes les conséquences de droit s’agissant de la rupture, mais que pour autant l’indemnité pour licenciement irrégulier ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu’en outre la salariée, qui a été indemnisée par Pôle emploi dès mai 2018, ne prouve pas la réalité d’un préjudice justifiant sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Or, s’il résulte de la combinaison des articles L.1242-1, L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose cependant de vérifier que le recours à l’utilisation de tels contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
En vertu de l’article 14 de la convention collective applicable, ‘les contrats à durée déterminée sont établis conformément à la législation en vigueur. Les conditions d’emploi des extra et des saisonniers sont précisées comme suit : (…)
2. Saisonniers
Le travailleur saisonnier est un salarié employé conformément aux dispositions légales en vigueur, notamment aux articles L. 122-1-1 (3°), L. 122-3-4, D 121-2, dans les établissements permanents ou saisonniers pour des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
L’emploi saisonnier peut ne pas coïncider avec la durée totale de la saison. Le contrat saisonnier ne pourra être ni inférieur à un mois, ni excéder 9 mois, sous réserve de la définition qui sera donnée par les commissions décentralisées lorsque celles-ci seront mises en place.
Les contrats de travail à caractère saisonnier peuvent être conclus :
a) Pour toute la durée de la saison correspondant aux dates d’ouverture et de fermeture de l’entreprise ;
b) Pour une période comprise dans le cadre d’une saison avec une durée minimum de 1 mois ;
c) Pour une période correspondant à un complément d’activité saisonnière en précisant les dates de début et de fin de la période.
Les contrats à caractère saisonnier peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante. (…)’
Pour pouvoir être qualifiées de saisonnières, les variations d’activité doivent être régulières, prévisibles, cycliques, ce qui les distingue du simple accroissement d’activité, et indépendantes de la volonté des employeurs ou des salariés. Une entreprise ouverte toute l’année mais dont l’activité touristique connaît un accroissement significatif chaque année à la même période peut conclure un contrat à durée déterminée saisonnier s’il couvre uniquement cette période.
En l’espèce, pour l’emploi considéré de réceptionniste occupé par Mme [H], rien au dossier ne prouve qu’il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, et plus particulièrement, il n’est pas établi que son contrat n’avait pas pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société. Le caractère temporaire de l’emploi n’est pas établi.
Alors que le contrat ne mentionne pas le motif du recours, motif qui n’est par ailleurs aucunement justifié par les documents produits, l’employeur, qui ne prouve pas l’existence de variations d’activité régulières, prévisibles, cycliques indépendantes de sa volonté, ne justifie pas de l’existence d’une activité à caractère saisonnier justifiant l’embauche de Mme [H] sur une période totale d’une année entière sans aucune interruption, et ne justifie pas non plus d’un surcroît d’activité concret en mai 2017 et novembre 2017 ni même de la variation saisonnière qu’il se contente d’alléguer sans aucun document à l’appui.
C’est donc à juste titre que le jugement déféré a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et a accordé à Mme [H], en application de l’article L.1245-2 du code du travail, une indemnité de requalification de 1 323,40 euros dont le montant n’est pas contesté à titre subsidiaire par l’employeur. La décision déférée sera de ces chefs confirmée.
Par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.
La requalification en contrat à durée indéterminée entraîne en outre, en cas de rupture des relations contractuelles, l’application de la procédure de licenciement, l’employeur ne pouvant alors pas justifier la rupture par la seule survenance du terme du prétendu contrat à durée déterminée. En l’absence de procédure de licenciement, le licenciement du salarié est nécessairement sans cause réelle et sérieuse, et l’indemnité de requalification est cumulable avec les indemnités de préavis, de licenciement et de licenciement sans cause réelle et sérieuse dues en cas de rupture du contrat à durée indéterminée.
En l’espèce, Mme [H], dont la relation de travail a cessé à l’issue du dernier contrat à durée déterminée litigieux, n’a pas fait l’objet d’une procédure de licenciement. Elle peut ainsi prétendre au paiement de l’indemnité légale de licenciement de 330,85 euros, et de l’indemnité compensatrice de préavis (1 mois en application de l’article 30 de la convention collective applicable), soit une somme de 1 323,40 euros exactement calculée par les premiers juges, majorée des congés payés afférents. La décision déférée sera de ce chef confirmée.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du salaire de référence du fait de la classification au niveau II échelon 2, de l’ancienneté très faible d’un an, de son âge au moment de la rupture (pour être née le 19 avril 1977) mais aussi de l’absence d’éléments justifiant d’une recherche d’emploi les mois qui ont suivi la rupture comme de tout élément justifiant de sa situation actuelle, le préjudice résultant de la perte injustifiée de l’emploi sera indemnisé par le versement d’une somme qui sera plus justement ramenée à un mois de salaire soit 1 323,40 euros. Le jugement sera de ce chef infirmé.
En application de l’article L.1235-2, al. 5 du code du travail en sa rédaction applicable au présent litige, l’employeur sera également condamné à payer à Mme [H] 1 323,40 euros (1 mois de salaire) du fait de l’irrégularité de la procédure.
En cas de requalification du contrat à durée déterminée après son terme, le salarié n’a pas à restituer l’indemnité de fin de contrat déjà perçue, et Mme [H] est dès lors fondée en sa demande à ce titre à hauteur du montant de 1 582,70 euros qui n’est pas contesté à titre subsidiaire par l’employeur.
Enfin, la salariée est fondée à solliciter 559,34 euros au titre du rappel de l’indemnité compensatrice de congés payés.
La décision déférée sera confirmée de ces derniers chefs.
Sur la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat :
Il convient de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a ordonné à la société de remettre à Mme [H] les documents de fin de contrat dûment rectifiés. En revanche, l’astreinte n’apparaissant en l’état aucunement justifiée, elle sera rejetée par voie d’infirmation.
Sur la fixation de la créance de la salariée au passif de la procédure collective et la demande de mise hors de cause
Le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de fixation de créance de Mme [H] et a mis le CGEA hors de cause.
Or, il résulte des dispositions de l’article L.3253-8 du code du travail que l’assurance de garantie des salaires couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, de même que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d’observation.
Dès lors qu’en l’espèce les sommes dues par l’employeur, liées à l’exécution et à la rupture du contrat de travail intervenue avant l’ouverture du redressement judiciaire, et nonobstant l’adoption ultérieure d’un plan de redressement par voie de continuation, elles restent donc soumises au régime de la procédure collective. Il convient d’en fixer le montant au passif et l’AGS pourra être tenue d’en effectuer l’avance dans la mesure où l’employeur justifierait de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de procéder lui même au règlement des dites créances et ce en vertu du principe de subsidiarité de la garantie de l’AGS. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de mettre l’AGS – CGEA hors de cause, et la créance de la salariée sera fixée au montant du passif, et le jugement de ces chefs infirmé.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’AGS CGEA d'[Localité 8] dans les limites prévues aux articles L 3253-1 et suivants du code du travail et des plafonds prévus aux articles L 3253-8 et suivants et D 3253-5 du même code.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens, et la société, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
L’équité et la situation économique des parties commandent de débouter Mme [H] de sa demande au titre des frais irrépétibles en première instance et en cause d’appel, le jugement étant sur ce point également confirmé.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ses dispositions sur l’astreinte, en ce qu’il a mis hors de cause le CGEA d'[Localité 8] et en ses dispositions sur la fixation des créances, en ses dispositions sur les frais irrépétibles ;
L’infirme de ces seuls chefs ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe la créance de Mme [H] au passif de la procédure collective concernant la société LD exerçant sous l’enseigne ‘Hôtel de la bannière de France’ aux sommes suivantes :
– 1 323, 40 euros à titre d’indemnité de requalification ;
– 2 646, 80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
– 1 323, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
– 1 323, 40 euros au titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 323, 40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 132, 34 euros au titre des congés payés afférents ;
– 483, 60 euros à titre de rappel de salaire sur taux horaire outre 48, 36 euros au titre des congés payés afférents ;
– 1 582, 70 euros à titre d’indemnité de fin de contrat ;
– 559, 34 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;
Déboute Mme [H] de sa demande au titre d’un rappel d’un salaire impayé en décembre 2017 ;
Déboute l’UNEDIC CGEA d'[Localité 8] de sa demande de mise hors de cause ;
Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC CGEA d'[Localité 8] dans les conditions et limites de sa garantie ;
Rejette la demande d’astreinte associée à la remise ordonnée à l’employeur des documents de fin de contrat rectifiés ;
Déboute Mme [H] de sa demande au titre des frais irrépétibles en première instance et en cause d’appel ;
Condamne la société LD exerçant sous l’enseigne Hôtel de la bannière de France aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.