Carrefour Hypermarchés c/ LIDL

·

·

,

Carrefour Hypermarchés c/ LIDL

Dans le cadre du litige de promotion publicitaire télévisée illicite opposant Carrefour Hypermarchés à LIDL, l’ordonnance de saisie sur requête a été validée par les juges.

Opérations promotionnelles illicites

Les sociétés Carrefour Hypermarchés avaient bien un motif légitime pour agir. La société Lidl diffuse très régulièrement des spots publicitaires télévisés portant sur des produits, le plus souvent non alimentaires, proposés à des prix très attractifs ; selon Carrefour, ces produits dont le stock serait extrêmement restreint, ne seraient en vente que pendant un temps très limité de sorte que cette pratique serait constitutive d’opérations promotionnelles ne pouvant donner lieu, en application du décret n°92-280 du 27 mars 1992 et du code de conduite défini par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), à une publicité télévisée.

A noter que cette pratique a déjà été sanctionnée par la même juridiction (CA Paris, 6 février 2019) qui avait  condamné la société Lidl à payer à Carrefour Hypermarchés la somme de 6.000.000 euros en considérant que ce comportement était constitutif d’un acte de concurrence déloyale.

Ordonnance sur requête non contradictoire justifiée

La juridiction a considéré que l’effet de surprise recherché par les sociétés Carrefour Hypermarchés était justifié tant pour la mesure de constat sollicitée sur la disponibilité des produits listés dans la requête que pour la saisie des données, notamment, informatiques relatives à l’état des stocks et des ventes de ces produits, données par essence furtives et pouvant ainsi être aisément altérées.

La juridiction a pris soin de noter « qu’au regard de la mise en scène à laquelle a pu se livrer dans le passé la société Lidl pour tromper les huissiers de justice sur la disponibilité de produits en stock », il apparaissait justifié, dans un souci de plus grande efficacité de la mesure d’instruction, de procéder de manière non contradictoire.

Seule la mesure d’investigation sollicitée était de nature à permettre aux requérantes, dans le cadre d’une procédure au fond, de justifier de la violation alléguée des dispositions réglementaires susvisées et, par suite, des pratiques commerciales déloyales suspectées.  

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L’article 493 prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel la contradiction est rétablie.

Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Il doit ainsi apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Il doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.

Enfin, cette mesure doit être proportionnée et ne doit pas porter une atteinte illégitime aux droits de la partie adverse et, notamment, au droit au secret des affaires.

L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès en germe possible et non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond.

L’éviction du principe de la contradiction, principe directeur du procès, nécessite que les requérantes justifient de manière concrète, les motifs pour lesquels, dans le cas d’espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise.

Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992

Pour rappel, l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 prohibe la publicité portant, notamment, dans le secteur de la distribution, sur des opérations commerciales de promotion, se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national, sauf dans les départements d’outre-mer et les territoires de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna, dans la collectivité départementale de Mayotte et en Nouvelle-Calédonie.

Ce texte définit une opération commerciale de promotion comme toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d’événement qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l’offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l’importance du stock mis en vente, de la nature, de l’origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts.

Selon le code de conduite de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, le caractère occasionnel de l’offre doit être déterminé au regard, notamment, de la disponibilité du produit dans la durée, cette autorité estimant qu’une durée de quinze semaines de maintien du prix annoncé et des stocks disponibles pourra constituer une période de référence.


Chat Icon