Captation de l’image du salarié sans information préalable

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Captation de l’image du salarié sans information préalable
Ce point juridique est utile ?

Il est illicite pour un employeur de présenter au juge une clé USB contenant des images de vidéosurveillance sans justifier que son salarié avait reçu l’information selon les modalités fixées par la section 2 du chapitre 3 du RGPD et d’une autorisation délivrée par la préfecture concernait l’enregistrement d’images (commerce de type Bar / PMU).

En application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéosurveillance spécialement installé pour contrôler leur activité sans qu’ils en aient été préalablement informés de l’existence. De plus, la vidéosurveillance ne peut avoir pour finalité de contrôler constamment l’activité des salariés, la mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie privée, aux droits des personnes et aux libertés individuelles.

En application du règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), l’employeur doit l’informer sur les données personnelles qu’il collecte et les traitements automatisés qu’il met en ‘uvre dans l’entreprise d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible par écrit ou, lorsque cela est approprié, par voie électronique. Concrètement, les informations suivantes doivent être communiquées s’agissant de chaque traitement automatisé de données personnelles :

‘ les finalités poursuivies par le traitement auquel les données sont destinées ;

‘ le droit d’introduire une réclamation auprès de la Cnil et les coordonnées de la commission ;

‘ le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données de l’entreprise;

‘ l’existence du droit de demander au responsable de traitement (c’est-à-dire l’employeur) l’accès aux données à caractère personnel, leur rectification ou leur effacement, et l’existence du droit de demander une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à une personne concernée.

Lorsque le droit à la preuve tel que garanti par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entre en conflit avec d’autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence.

Il en résulte que, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale, porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. (Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648, publié).

Résumé de l’affaire

M. [F] [U] a été engagé par la société Mechtras en tant que barman, mais a été licencié pour faute grave suite à des agissements délictueux, notamment des vols, des prêts non autorisés aux clients, et des manquements aux consignes de sécurité. Il a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes d’Argenteuil, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Mechtras a interjeté appel de ce jugement, demandant la confirmation de certaines décisions et l’infirmation d’autres. Les parties ont formulé des prétentions et des moyens différents, et l’affaire est en attente de jugement en appel.

Les points essentiels

Rejet des débats de la pièce n°24 de la société Mechtras

Sur la demande de rejet des débats de la pièce n°24 de la société Mechtras, la cour relève que la société n’a pas répondu à la demande du salarié concernant l’information donnée aux salariés sur la vidéosurveillance au travail. La société n’a pas non plus invoqué le caractère nouveau de cette demande, ce qui conduit à l’irrecevabilité de la pièce n°24 comme preuve illicite.

Respect de la vie privée et droit à la preuve

En application du code du travail et du RGPD, l’employeur doit informer les salariés sur la vidéosurveillance et le traitement des données personnelles. Le droit à la preuve doit être mis en balance avec le respect de la vie privée, et en l’espèce, la preuve obtenue de manière illicite est écartée des débats.

Existence d’un contrat de travail

Pour établir l’existence d’un contrat de travail, il faut prouver un lien de subordination entre l’employeur et le salarié. En l’absence de réplique du salarié, la société Mechtras doit prouver le caractère fictif du contrat de travail. L’immixtion de M. [U] dans la gestion de la société exclut l’existence d’un lien de subordination.

Dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge du salarié, partie succombante. L’article 700 du code de procédure civile n’est pas applicable en l’espèce.

Les montants alloués dans cette affaire: – La cour a écarté la pièce n°24 de la société Mechtras comme preuve illicite
– La cour a infirmé le jugement en toutes ses dispositions
– La cour a déclaré que le contrat de travail entre M. [F] [U] et la société Mechtras est fictif
– La cour a débouté M. [F] [U] de l’ensemble de ses demandes contre la société Mechtras
– La cour a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
– La cour a décidé de ne pas appliquer l’article 700 du code de procédure civile
– La cour a condamné M. [F] [U] aux dépens de première instance et d’appel

Réglementation applicable

– Article L.1222-4 du code du travail:

“Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéosurveillance spécialement installé pour contrôler leur activité sans qu’ils en aient été préalablement informés de l’existence. De plus, la vidéosurveillance ne peut avoir pour finalité de contrôler constamment l’activité des salariés, la mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie privée, aux droits des personnes et aux libertés individuelles.”

– Règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD):

“L’employeur doit informer sur les données personnelles qu’il collecte et les traitements automatisés qu’il met en œuvre dans l’entreprise d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible par écrit ou, lorsque cela est approprié, par voie électronique. Concrètement, les informations suivantes doivent être communiquées s’agissant de chaque traitement automatisé de données personnelles : les finalités poursuivies par le traitement auquel les données sont destinées ; le droit d’introduire une réclamation auprès de la Cnil et les coordonnées de la commission ; le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données de l’entreprise; l’existence du droit de demander au responsable de traitement (c’est-à-dire l’employeur) l’accès aux données à caractère personnel, leur rectification ou leur effacement, et l’existence du droit de demander une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à une personne concernée.”

– Article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:
“Lorsque le droit à la preuve entre en conflit avec d’autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence. Le juge doit apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.”

– Article 954 du code de procédure civile:
“En l’absence de réplique au moyen de la société tiré de l’inexistence d’un contrat de travail, il est réputé s’approprier les motifs des premiers juges, qui ont jugé qu’un contrat de travail était en cours d’exécution et que l’employeur n’a pas démontré l’absence de lien de subordination.”

– Article L. 223-18 du code de commerce:
“La société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques. Le gérant ne peut déléguer la totalité de ses pouvoirs à un tiers, sauf pour partie par une délégation spécifique.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Tanguy DECAUP
– Me Shérazade TRABELSI CHOULI

Mots clefs associés & définitions

– vidéosurveillance
– données personnelles
– RGPD
– preuve illicite
– lien de subordination
– contrat de travail
– mandataire social
– gérant
– associé
– immixtion dans la gestion
– Vidéosurveillance : système de surveillance visuelle permettant de capturer des images ou des vidéos dans un espace donné.
– Données personnelles : informations permettant d’identifier une personne physique, telles que nom, prénom, adresse, numéro de téléphone, etc.
– RGPD : Règlement Général sur la Protection des Données, réglementation européenne visant à protéger les données personnelles des individus.
– Preuve illicite : élément de preuve obtenu de manière illégale ou contraire aux règles de procédure.
– Lien de subordination : lien hiérarchique entre un employeur et un salarié, caractérisé par des directives et des contrôles de la part de l’employeur.
– Contrat de travail : accord entre un employeur et un salarié définissant les conditions de travail, la rémunération, les responsabilités, etc.
– Mandataire social : personne physique ou morale chargée de représenter une société et d’agir en son nom.
– Gérant : personne chargée de la gestion quotidienne d’une entreprise ou d’une société.
– Associé : personne détenant des parts sociales ou des actions dans une société.
– Immixtion dans la gestion : intervention d’une personne extérieure dans la gestion d’une entreprise sans y être autorisée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 mai 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/01454
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MAI 2024

N° RG 22/01454

N° Portalis DBV3-V-B7G-VFSZ

AFFAIRE :

Société MECHTRAS

C/

[F] [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire d’ARGENTEUIL

Section : C

N° RG : F20/00203

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Tanguy DECAUP

Me Shérazade TRABELSI CHOULI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société MECHTRAS

N° SIRET : 817 509 177

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Tanguy DECAUP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0170

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [U]

né le 9 septembre 1970 à [Localité 7]

de nationalité algérienne

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Shérazade TRABELSI CHOULI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 53

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 février 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 15 décembre 2015, M. [F] [U] et M. [N] ont signé les statuts constitutifs de la société Mechtras, chacun des deux associés détenant la moitié du capital social, constitué de 200 parts.

Le 12 février 2016, la société Mechtras a acquis de la société Les Trois frères un fonds de commerce de café, bar et PMU situé au [Adresse 3] à [Localité 5]. Son effectif était, au jour de la rupture, de moins de 11 salariés. Elle applique la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

M. [F] [U] a été engagé par la société Mechtras, en qualité de barman, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juin 2016.

En dernier lieu, il percevait une rémunération brute mensuelle de base de 2 562, 16 euros, outre une rémunération variable.

Selon annonce publiée au Bodacc le 8 mai 2018, le 30 avril 2018, la société Mechtras a cédé à la société KIKS le fonds de commerce de café, bar et PMU situé au [Adresse 3] à [Localité 5] moyennant le prix stipulé de 230 000 euros. Le 30 avril 2018, M. [F] [U] indique avoir été licencié oralement, la société Mechtras indiquant qu’il a démissionné.

Selon annonce publiée au Bodacc le 10 octobre 2018, la société Mechtras a acquis de M. [B] [W] un fonds de commerce de café, bar et PMU situé au [Adresse 3] à [Localité 5], au prix stipulé de 300 000 euros.

M. [F] [U] a de nouveau été engagé par la société Mechtras, en qualité de barman, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 19 septembre 2018, pour l’établissement situé [Adresse 1], à [Localité 4].

Convoqué par lettre du 3 juin 2020 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 12 juin 2020, avec mise à pied conservatoire, M. [F] [U] a été licencié par lettre du 30 juin 2020 pour faute grave dans les termes suivants :

« (‘) Je suis contraint de devoir apporter une suite à votre convocation à un entretien préalable fixé le 12 juin 2020 auquel vous n’avez pas assisté, en vous notifiant par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs ci-après.

Pour rappel, nous avons créé ensemble le 31 décembre 2015 la SARL Mechtras (RCS 817509177), chacun de nous deux détenant la moitié du capital social.

Le 12 février 2016, la SARL Mechtras a acquis un fonds de commerce de café, bar, PMU, Jeux de la Française des Jeux, exploité [Adresse 3] & [Localité 5] (78).

En mai 2016, vous avez souhaité qu’on cède chacun au neveu de votre cousin, Monsieur [R] [A], des parts sociales afin que chacun détienne un tiers du capital social.

En décembre 2016, vous avez acquis de votre cousin toutes ses parts sociales si bien qu’à cette date vous êtes devenu l’associé majoritaire en détenant les deux tiers du capital social et moi un tiers,

Notre collaboration au sein de cette affaire a été émaillée de nombreuses difficultés, notamment en raison des répercussions de votre relation personnelle avec une employée et d’une baisse inexpliquée des recettes, si bien que j’ai alors décidé de reprendre à plein temps mon activité professionnelle dans l’étanchéité et de vous laisser seul l’exploitation du fonds.

Les résultats de l’exercice 2017 ont ensuite confirmé mes craintes avec une baisse inexpliquée du chiffre d’affaires déclaré de 54.019 € et du bénéfice de 58% par rapport à ceux de l’exercice 2016 qui n’avait pourtant porté que sur 10,5 mois.

J’ai alors souhaité que la SARL Mechtras cesse son activité et cède son fonds de commerce, ce qu’elle a fait le 30 avril 2018 au profit de la société K.J.K.S.

Suivant attestation signée du 11 juin 2018, vous avez expressément reconnu avoir utilisé à des fins personnelles les sommes manquantes en caisse au cours de l’exercice 2017, à l’exception d’une somme de 17.000 € conservée illicitement par votre cousin Monsieur [V] [U], qui a été un temps salarié et avait une procuration.

Deux mois après, vous avez souhaité que l’on reprenne ensemble une nouvelle affaire, et à force de discussions, vous avez réussi à me convaincre que la SARL Mechtras rachète un fonds de café, brasserie, bar, PMU, jeux de la Française des Jeux, exploité [Adresse 1] à [Localité 4] (95).

Vous m’avez toutefois indiqué ne plus pouvoir apparaître officiellement et directement en qualité d’associé mais que vous vouliez avoir le statut de salarié. Vous avez donc exigé que je vous rachète vos parts sociales et que je m’engage dans le même temps à céder la moitié du capital social à votre épouse, Madame [L] [U], afin de conserver une égalité de blocage et de vote sur toutes les décisions prises, ce qui a été acté le 28 août 2018.

Le 13 septembre 2018, la SARL Mechtras a acquis le fonds de café, brasserie, bar, PMU, jeux de la Française des Jeux, exploité [Adresse 1] à [Localité 4] (95).

Puis le 19 septembre 2018, vous avez signé un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de barman moyennant une rémunération mensuelle de 1.498,50 €. Après seulement trois mois, vous l’avez jugée insuffisante et avez réclamé une augmentation de 71%.

Ainsi, par avenant du 1 janvier 2019, votre rémunération a été augmentée à la somme de 2.562,16 €.

Malheureusement, l’histoire s’est répétée et vous avez rapidement réitéré les manquements précédents.

Par courrier recommandé du 1 mars 2019, vous avez été mis en demeure « de cesser de prendre dans la caisse les espèces correspondantes aux recettes des clients ». Vous n’avez pas contesté les faits.

Par courrier recommandé du 25 novembre 2019, j’ai de nouveau été contraint de vous mettre en demeure « de cesser de prendre dans la caisse les espèces correspondantes aux recettes des clients », et aussi « de prêter également de l’argent de la caisse de ces mêmes recettes ans clients de notre café, restaurant », en vous rappelant qu’en en aucun cas, vous n’avez le droit d’avancer de l’argent aux clients, que ce soit pour le PMU, les jeux ou tout autre chose. »

Je vous ai précisé que je vous avais déjà prévenu verbalement plusieurs fois sans aucun résultat ni amélioration de votre part, ce qui constituait des agissements illégaux et créait aussi des problèmes avec certains clients qui ne comprennient (sic) pas pourquoi je refusais de leur prêter de l’argent pour jouer alors que vous le faisiez, et que j’avais même failli me faire agresser. Là encore, vous n’avez pas contesté les faits.

Pour autant, vous avez persisté à ne pas prendre en compte mes mises en demeure et à poursuivre vos agissements illicites jusqu’à la fermeture administrative de notre établissement en raison du Covid-19.

Ainsi, les griefs qui justifient la présente procédure sont nombreux :

Absence de respect d’un quelconque lien de subordination et des instructions :

Comme lors de l’exploitation du bar PMU à [Localité 5] en 2016-2018, vous vous êtes toujours « pris pour le patron », rejetant en bloc les devoirs et obligations liés au statut de salarié et considérant que via votre femme vous êtes l’associé égalitaire de la société et n’êtes soumis à aucun lien hiérarchique. Ainsi par exemple, vous avez systématiquement refusé de manière grossière et insultante de nettoyer le bar ou le local ou d’appliquer mes consignes de sécurité concernant l’emplacement du sac de la caisse des jeux de la Française des Jeux que vous placiez sous le comptoir de droite à portée de main des clients et comme par hasard dans l’angle mort des caméras :

Vol de chèques de gains de PMU et de jeux:

Vol de pièces de monnaie dans la caisse et lors du vidage des pots des machines à jeux

Prêts non autorisés aux clients de sommes d’argent pour qu’ils jouent ;

Envoi de clients à mon domicile pour qu’ils viennent réclamer le gain de leurs paris:

Présence non autorisée de votre épouse derrière le bar avec vous à côté des caisses des jeux, ce qui pose des problèmes de sécurité:

Refus de restituer toutes les clés extérieures et intérieures du local en votre possession.

La société n’est pas une banque personnelle et vous ne pouvez de la sorte vous constituer un complément de revenus que vous faites certainement échapper aux cotisations et à l’imposition.

Vos agissements délictueux sont d’une particulière gravité et ont eu des conséquences préjudiciables sur les recettes et la trésorerie de la société.

Compte tenu de votre absence à l’entretien préalable, nous n’avons pas pu recueillir vos explications mais, manifestement, compte tenu de l’ancienneté et de la récurrence des faits et de nos précédentes mises en demeure, vous n’avez jamais semblé vouloir modifier votre comportement.

Par conséquent, votre maintien dans l’établissement n’est plus possible eu égard à la nature de vos fonctions et des motifs précités, et nous avons décidé de vous licencier pour faute grave sans indemnité ni préavis. Votre licenciement prendra effet à la date d’envoi du présent courrier. (‘) »

Le 3 juin 2020, M. [F] [U] a été placé en arrêt maladie jusqu’au 19 juin 2020, renouvelé ensuite.

Par lettre du 4 juin 2020, la société Mechtras lui a indiqué révoquer la mesure de mise à pied conservatoire compte tenu de la suspension de son contrat de travail.

Le 20 octobre 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil aux fins de de contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 31 mars 2022, le conseil de prud’hommes d’Argenteuil (section commerce) a :

. jugé le licenciement de M. [U] sans cause réelle et sérieuse et en l’absence de faute grave.

. condamné la Sarl Mechtras prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [U] les sommes suivantes :

. 2 938,25 euros brut au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 293,82 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1 334,79 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

. 2 938,25 euros au titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. débouté Monsieur [F] [U] du surplus de ses demandes,

. débouté la Sarl Mechtras de ses demandes,

. mis les éventuels dépens à la charge de la Sarl Mechtras, en la personne de son représentant légal.

Par déclaration adressée au greffe le 30 avril 2022, la société a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 30 janvier 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Mechtras demande à la cour de :

. confirmer le jugement rendu le 31 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes de Argenteuil seulement en ce qu’il a débouté M. [U] de ses demandes au titre d’un prétendu licenciement verbal, d’une prétendue exécution déloyale du contrat par la société Mechtras et en paiement de son premier solde de tout compte, et du surplus de ses demandes ;

. l’infirmer en ce qu’il a :

. jugé le licenciement de M. [U] sans cause réelle et sérieuse et en l’absence de faute grave;

. condamné la société Mechtras à lui verser les sommes suivantes :

. 2 938,25 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 293,82 euros au des congés payés y afférents,

. 1 334,79 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

. 2 938,25 euros au titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. débouté la société Mechtras de ses autres demandes tendant notamment :

. en l’absence de preuve d’un lien de subordination effectif et d’un contrat de travail valable, à déclarer M. [U] irrecevable et infondé en toutes ses demandes, à le voir condamner à payer les sommes suivantes :

. 21 974 euros au titre du solde des sommes qu’il a indûment prélevées,

. 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

.mis les éventuels dépens à la charge de la société Mechtras.

Statuant à nouveau,

. juger l’absence de lien de subordination effectif et de contrat de travail valable ;

En conséquence,

. déclarer M. [U] irrecevable et infondé en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’inviter à mieux se pourvoir ;

A défaut,

. juger que M. [U] a commis une faute grave ayant justifié son licenciement ;

Subsidiairement,

. juger que le licenciement de M. [U] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et statuer ce que de droit sur les conséquences financières en résultant ;

En tout état de cause,

. débouter M. [U] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

. le condamner à payer à la société Mechtras les sommes suivantes :

. 21.974 euros au titre du solde des sommes qu’il a indûment prélevées,

. 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail,

. le condamner à payer à la société Mechtras la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [F] [U] demande à la cour de :

. déclarer la société Mechtras recevable mais mal fondée en son appel principal ;

. la débouter de ses fins, demandes et conclusions.

. déclarer M. [U] recevable et bien fondé en son appel incident

Y faisant droit,

. In limine litis : rejeter la pièce n°24 de la société Mechtras des débats ;

. confirmer le jugement rendu le 31 mars 2022 par le Conseil de prud’hommes d’Argenteuil en ce qu’il a :

. jugé que le licenciement de M. [U] est sans cause réelle et sérieuse et en l’absence de faute grave ;

En conséquence :

. condamné la Société Mechtras au paiement de la somme de 2 938,25 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

. condamné la Société Mechtras au paiement de la somme de 293,82 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

. condamné la Société Mechtras au paiement de la somme de 1.334,79 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement ;

. réformer le jugement en ce qu’il a :

. débouté M. [U] de ses demandes au titre du licenciement verbal ;

. réduit l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 2 938,25 euros;

. débouté M. [U] de sa demande au titre du solde de tout compte ;

. débouté M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par la société Mechtras ;

En conséquence,

. constater que le licenciement de M. [U] est un licenciement verbal ;

. condamner la société Mechtras au paiement de la somme de 5 988,60 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. condamner la société Mechtras au paiement de la somme de 3 940,25 euros nets à titre de solde de tout compte ;

. condamner la société Mechtras au paiement de la somme de 5 988,60 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

. condamner la société Mechtras au paiement en cause d’appel d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. condamner la société Mechtras aux entiers dépens d’appel.

MOTIFS

Sur la demande de rejet des débats de la pièce n°24 de la société Mechtras

Le salarié expose que la société ne rapporte pas la preuve de l’information donnée aux salariés sur la présence de caméras de vidéosurveillance au travail, ni de l’avoir informé de la finalité de la vidéosurveillance, laquelle doit être destinée à protéger les biens et les personnes et non pas à les sanctionner, que l’employeur ne peut pas conserver lesdites vidéos au-delà d’un mois maximum, la procédure pénale ayant fait l’objet d’un classement sans suite en août 2020, que la société ne rapporte pas la preuve de ce que le gérant, en possession desdites vidéos, ait été formé au traitement des données personnelles.

La cour relève ici, en premier lieu, que la société ne réplique pas à cette demande, ni dans la partie Discussion, dans laquelle il se borne à soutenir, à l’appui de sa demande d’infirmation du jugement ayant dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement (p. 15) que « le Conseil de Prud’hommes ne fait aussi aucunement référence dans sa décision aux enregistrements vidéo pourtant visionnés à l’audience et qui démontrent de manière incontestable les agissements fautifs de Monsieur [U]. (pièce 24) », ni dans le dispositif de ses conclusions qui ne sollicitent pas le débouté de M. [U] de sa demande de rejet de la pièce n°24.

La cour relève également, en second lieu, que la société n’invoque pas le caractère nouveau de cette demande concernant l’irrecevabilité d’une pièce dont il n’est pas contesté qu’elle a été produite devant les premiers juges, qui ne l’ont pas écartée mais ne l’ont pas davantage évoquée dans les motifs de leur décision retenant l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

**

En application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéosurveillance spécialement installé pour contrôler leur activité sans qu’ils en aient été préalablement informés de l’existence. De plus, la vidéosurveillance ne peut avoir pour finalité de contrôler constamment l’activité des salariés, la mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie privée, aux droits des personnes et aux libertés individuelles.

En application du règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), l’employeur doit l’informer sur les données personnelles qu’il collecte et les traitements automatisés qu’il met en ‘uvre dans l’entreprise d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible par écrit ou, lorsque cela est approprié, par voie électronique. Concrètement, les informations suivantes doivent être communiquées s’agissant de chaque traitement automatisé de données personnelles :

‘ les finalités poursuivies par le traitement auquel les données sont destinées ;

‘ le droit d’introduire une réclamation auprès de la Cnil et les coordonnées de la commission ;

‘ le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données de l’entreprise;

‘ l’existence du droit de demander au responsable de traitement (c’est-à-dire l’employeur) l’accès aux données à caractère personnel, leur rectification ou leur effacement, et l’existence du droit de demander une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à une personne concernée.

Lorsque le droit à la preuve tel que garanti par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entre en conflit avec d’autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence.

Il en résulte que, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale, porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. (Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648, publié).

En l’espèce, la société verse aux débats une clé USB (pièce 24 de la société) contenant des images de vidéosurveillance du café-restaurant. Elle ne justifie pas ni même ne soutient que M. [U] avait reçu l’information selon les modalités fixées par la section 2 du chapitre 3 du RGPD et que l’autorisation délivrée par la préfecture concernait l’enregistrement d’images.

Ce mode de preuve n’est donc pas licite, la cour rappelant que la société ne présente aucun moyen de défense à l’irrecevabilité de ce mode de preuve soulevée par l’intimé, et ne demande pas à la cour d’apprécier si la production de cette pièce est indispensable à son exercice et que l’atteinte aux droits de l’intimé est strictement proportionnée au but poursuivi.

Il y a donc lieu en conséquence d’écarter des débats la pièce n°24 de l’appelante comme étant une preuve illicite.

Sur l’existence d’un contrat de travail

Pour solliciter l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de ses demandes tendant, en l’absence de preuve d’un lien de subordination effectif et d’un contrat de travail valable, à déclarer M. [U] irrecevable et infondé en toutes ses demandes, l’appelante expose qu’il n’existe aucune preuve d’un lien de subordination et d’un contrat de travail valable, que M. [U] était le seul interlocuteur des fournisseurs, s’est toujours comporté comme le supérieur hiérarchique de tous les salariés, même en présence de M. [N], l’autre associé, dépourvu de tout pouvoir de directives à son égard, et qui n’était pas présent car il travaillait sur des chantiers et non dans le bar.

M. [U] ne réplique pas au moyen de la société tiré de l’inexistence d’un contrat de travail. En application de l’article 954 du code de procédure civile, il est donc réputé s’approprier les motifs des premiers juges, qui sont les suivants :

« Un contrat de travail suppose un lien de subordination effectif entre l’employeur et le salarié. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. Cette analyse se fait au cas par cas.

Le Conseil juge qu’au moment de la rupture un contrat de travail était en cours d’exécution, que l’employeur ne démontre pas l’absence de ce lien, en ne s’appuyant que sur d’éventuels manquements du salarié dont le comportement révèle certes des initiatives laissant à penser qu’il avait une certaine liberté dans sa fonction, mais que cette liberté que le Conseil ne peut qualifier d’autonomie, ne procédait que d’un accord tacite renouvelé de la part de l’employeur, qui ne peut sur ce point, se prévaloir de sa propre acceptation ou inertie par manque de lucidité, qu’il convient donc de juger de l’existence d’un contrat de travail avec toutes conséquences de droit. »,

**

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d’un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. Ces trois conditions sont cumulatives.

S’il appartient, en principe, à celui qui prétend à la qualité de salarié d’en rapporter la preuve, en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve (Soc. 25 octobre 1990, n° 88-12.868, Bull. n°500 ; Soc., 21 octobre 2020, n° 19-16.855).

La qualité de mandataire social n’est pas incompatible avec celle de salarié, les dirigeants des sociétés peuvent cumuler leur fonction avec un contrat de travail, à la condition qu’il existe un lien de subordination de l’intéressé avec la société, que les fonctions occupées soient dissociables de celles du mandat et que le contrat de travail corresponde à un emploi réel. (Soc., 11 mars 2003, pourvoi n 01-40.813, Bull. 2003, V, n 88).

Pour les sociétés à responsabilité limitée, le mandataire social est le ou les gérants ; l’associé non gérant, quelque soit sa participation au capital, n’a pas la qualité de mandataire social. En principe, seul le gérant peut agir au nom et pour le compte de celle-ci et par exception, une ou plusieurs personnes à condition qu’elles y soient dûment habilitées ou qu’il y ait un mandat apparent.

Seul le gérant dans les SARL peut valablement contracter, selon l’article L. 223-18 du commerce qui dispose que «la société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques». Le gérant ne peut déléguer la totalité de ses pouvoirs à un tiers, salarié ou associé, sauf pour partie par une délégation spécifique (Soc., 15 décembre 2010, pourvoi n 09-42.642).

L’associé égalitaire ou majoritaire non gérant d’une société à responsabilité limitée peut donc cumuler cette qualité avec celle de salarié dès lors qu’il existe un lien de subordination à l’égard de la société. La qualité d’associé majoritaire n’exclut pas celle de salarié (Soc., 4 décembre 1990, pourvoi n 87-43.913, Bulletin 1990 V N 606).

Cependant, si le fait d’être porteur de parts sociales n’exclut pas en lui-même le lien de subordination, l’immixtion dans la gestion s’assimilant à une co-gérance ou la direction de fait de la société sont exclusives d’un tel lien. (Soc., 11 juillet 1989, pourvoi n° 86-15988 ; Soc., 10 février 1993, pourvoi n° 89-43.3538 ; Soc., 8 juin 2017 pourvoi n° 16-12574).

En l’espèce, il n’est pas contesté que deux contrats de travail ont été signés entre les parties, le premier en date du 31 mai 2016, en qualité de barman dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein, le second en date du 19 septembre 2018, en qualité de barman à nouveau, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet, et que, par l’envoi des différentes mises en demeure adressées à M. [U] de ne pas prendre les espèces de la caisse, la société a exercé un pouvoir de sanction et de directives à son égard.

Dès lors, en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à l’employeur, la société Mechtras, de rapporter la preuve de son caractère fictif.

Pour établir le caractère fictif du contrat de travail, la société Mechtras produit les éléments suivants :

– un mandat global donné par M. [N] à M. [V] [U] (cousin de M. [F] [U]) le 18 mars 2016 pour faire toutes opérations sur les comptes de la société ouverts à la BNP, procuration valable jusqu’à résiliation expresse notifiée à la banque par LRAR, aucune résiliation n’étant produite aux débats par les parties,

– une attestation datée du 11 juin 2018 de M. [N] indiquant avoir déposé plainte contre M. [V] [U] pour le vol en 2017 d’une somme totale de 17 000 euros qu’il était chargé de déposer à la banque,

– une attestation de M. [N] et M. [F] [U] du 11 juin 2018 indiquant que la somme de 17 000 euros déclarée volée a été utilisée par M. [F] [U],

– la copie d’un talon de chèque du 30 avril 2018 mentionnant le paiement d’un solde de tout compte à M. [U] d’un montant de 3 940,28 euros, et une attestation Pôle emploi établie par la société le 30 avril 2018, qui concernent donc le premier contrat de travail,

– une lettre de la société Mechtras à M. [F] [U] le 1er mars 2019 de mise en demeure lui demandant de cesser de prendre dans la caisse les espèces correspondantes aux recettes des clients et lui reprochant une exécution déloyale du contrat de travail,

– une lettre du 25 novembre 2019 de l’employeur au salarié le mettant en demeure pour les mêmes faits, et pour le fait de prêter de l’argent de la caisse de ces recettes aux clients du café-restaurant, lui rappelant la précédente mise en demeure et à nouveau l’existence d’une exécution déloyale du contrat de travail

– un avis de sommes à payer pour l’embauche d’un travailleur étranger en France adressé à la société Mechtras en date du 24 juillet 2019 concernant M. [F] [U], qui était donc encore à cette date de nationalité algérienne, et portant sur la somme de 1 409 euros, réglée par la société Mechtras le 10 septembre 2019,

– un contrat de crédit du 16 juillet 2018 souscrit par la société Mechtras auprès de la Banque populaire, indiquant comme emprunteur « la société Mechtras représentée par M. [F] [U] agissant en qualité de responsable entreprise ; M. [G] [N] agissant en qualité de Responsable entreprise »,

– une promesse signée M. [N] de vente de 100 parts de la société Mechtras à Mme [L] [U], dans le délai d’un an à compter du 28 août 2018,

– une attestation de M. [Y], gérant de la brasserie [6], indiquant être le distributeur de boissons de la société Mechtras et n’avoir eu pour seul interlocuteur jusqu’au 13 mars 2020 que M. [U],

Par ailleurs, il ressort des statuts de la société Mechtras du 15 décembre 2015 que les associés, à parts égales (100 parts chacun) sont M. [N] et M. [U] – dont il est indiqué que l’épouse est Mme [L] [N], cousine de M. [N]- , et ayant pour objet l’achat, vente, exploitation de fonds de commerce de café, restaurant, brasserie, PMU, jeux de la française des jeux.

Ces statuts prévoient que M. [N] a la qualité de gérant et que « le gérant est révocable par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales ».

Le 20 mai 2016, M. [F] [U] et M. [N] ont cédé chacun 33 parts sociales à M. [A], lequel a cédé ses 66 parts sociales le 12 décembre 2016 à M [F] [U], qui est alors devenu détenteur de 133 des 200 parts de la société, et en conséquence l’associé majoritaire de cette société, ce que confirme le PV d’assemblée générale extraordinaire du 22 janvier 2018 (pièce 9 de M. [U]).

Puis, M. [F] [U] a cédé 33 parts sociales de la société Mechtras à M. [N] le 6 juillet 2018, soit un retour à la situation initiale et une association à parts égales (100 parts chacun) dans cette société constituée de 200 parts sociales, ce que confirment les nouveaux statuts de la société Mechtras, mis à jour le 31 juillet 2018 (pièce 11 de M [U]). Ces statuts maintiennent que M.[N] a la qualité de gérant et que « le gérant est révocable par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales ».

Le 26 novembre 2019, M. [N] a cédé à Mme [U] 100 parts sociales de la société Mechtras, l’un et l’autre devenant alors, selon cet acte, associé à parts égales de ladite société, la cour relevant toutefois qu’il n’est pas produit ni même invoqué d’acte de cession par M. [U] de ses 100 parts sociales à M. [N].

Il résulte de l’ensemble de ces constatations, et plus précisément :

– d’une part, des circonstances dans lesquelles le contrat de travail a été signé, alors que M. [F] [U], de nationalité algérienne, était associé à parts égales avec M. [N], gérant, de nationalité française, révocable par M. [U] en application des statuts, en présence d’une promesse du 28 août 2018 de M. [N] de vente de ses 100 parts à Mme [L] [U], dans le délai d’un an à compter de cette date, cette cession étant effective au 26 novembre 2019,

– et, d’autre part, des circonstances dans lequel le contrat s’est exécuté, M. [U], dont il n’est pas contesté qu’il avait alors la qualité de « travailleur étranger en France », étant le seul interlocuteur des fournisseurs du bar, et son cousin, M. [V] [U], ayant délégation du gérant pour déposer à la banque les recettes de la société, M. [N] étant ainsi tenu à l’écart et lui ayant d’ailleurs réclamé le 14 mai 2020 de lui restituer notamment la clé du coffre fort et de la boîte aux lettres, ces éléments caractérisant l’immixtion de M. [F] [U] dans la gestion de la société.

Que l’appelante établit ainsi l’immixtion de M. [U] dans la gestion de la société Mechtras s’assimilant à une co-gérance ou direction de fait de cette société, exclusives de l’existence d’un lien de subordination, ce dont il résulte le caractère fictif du contrat de travail conclu entre les parties.

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de M. [U], partie succombante.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

ECARTE des débats la pièce n°24 de la société Mechtras comme étant une preuve illicite,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le contrat de travail conclu entre M. [F] [U] et la société Mechtras est fictif,

DÉBOUTE en conséquence M. [F] [U] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Mechtras,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMME M. [F] [U] aux dépens de première instance et d’appel.

. Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. Signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


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