Campagne publicitaire Heineken sanctionnée

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Campagne publicitaire Heineken sanctionnée

 

Concernant les produits de l’alcool, les bâches publicitaires ne figurent pas parmi les supports publicitaires autorisés par le Code de la santé publique. Un slogan publicitaire incitant à la consommation de l’alcool est illicite) notamment lorsqu’il fait référence aux  prétendues vertus désinhibitrices de l’alcool, censées permettre au consommateur de s’ouvrir au monde l’environnant.

Affichage XXL illicite

Lors de la réalisation d’importants travaux de réhabilitation de ses façades, la Monnaie de Paris a autorisé la société Athem (anciennement dénommée Athem et Stertzó), spécialisée dans l’affichage publicitaire de grand format, à occuper temporairement l’espace constitué par les bâches d’échafaudage installées en façade de l’immeuble de l’Hôtel des Monnaies, situé et impasse de Conti à Paris. Cet usage, qui vient déroger à l’interdiction d’affichage sur les monuments historiques de l’article L. 581-2 du code de l’environnement, est soumis à une autorisation administrative en application de l’article L 621-29-8 du code du patrimoine. La société Heineken Entreprise qui avait souhaité communiquer sur cet emplacement a obtenu une autorisation d’affichage de la direction régionale des affaires culturelles.  L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) a obtenu la condamnation de la société Heineken.

 

Alcool : les supports publicitaires autorisés

 

La juridiction a déclaré illicites les visuels et publicités en faveur de la bière Heineken ainsi que le slogan publicitaire « Open your world ».  Aux termes de l’article L. 3323-2 du livre III lutte contre alcoolisme du titre III lutte contre les maladies et dépendances du code de la santé publique :

« La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement (…) :  

3° Sous forme d’affiches et d’enseignes, sous réserve de l’article L. 3323-5-1 ; sous forme d’affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat ;  

4° Sous forme d’envoi par les producteurs, les fabricants, les importateurs, les négociants, les concessionnaires ou les entrepositaires, de messages, de circulaires commerciales, de catalogues et de brochures, dès lors que ces documents ne comportent que les mentions prévues à l’article L. 18 et les conditions de vente des produits qu’ils proposent ; 

5° Par inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations normales de livraison des boissons, dès lors que cette inscription ne comporte que la désignation des produits ainsi que le nom et l’adresse du fabricant, des agents ou dépositaires, à l’exclusion de toute autre indication ;  

(…) 8° Sous forme d’offre, à titre gratuit ou onéreux, d’objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de l’alcool, marqués à leurs noms, par les producteurs et les fabricants de ces boissons, à l’occasion de la vente directe de leurs produits aux consommateurs et aux distributeurs ou à l’occasion de la visite touristique des lieux de fabrication. »

La société Heineken a fait valoir en vain une interprétation téléologique du Code de la santé publique en ce qu’il se réfère, lorsqu’il vise l’affiche, non au support matériel d’affichage mais au mode de diffusion de la publicité au public et donc à ce support en tant que média.

Les dispositions légales, codifiées initialement dans le code des débits de boissons, n’ont subi aucune modification depuis leur adoption ; elles soumettent la publicité pour l’alcool au régime de l’interdiction ; la liste des supports autorisés est autant limitative qu’exhaustive ; l’absence de référence à la réglementation de l’affichage, à ses limites en termes de dimension ou de densité, ne peut pas, dans ce contexte, être interprété comme autorisant le recours à des formes inusitées de publicité lors de l’intervention du législateur.

Régime juridique des bâches publicitaires

La définition extensive de la publicité au sens de l’article L. 581-3 du code de l’environnement, n’a pas été retenue.  Au sens de cet article, la publicité est constituée par toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions. Le code de l’environnement distingue l’affichage des autres modes de diffusion de la publicité, dont les bâches publicitaires ou de chantier qui font l’objet d’une réglementation spécifique (R581-53 du code de l’environnement), qui plus est distincte de celle relative au mobilier urbain.

L’autorisation administrative donnée sur le fondement de l’article L. 621-28-8 du code du patrimoine ne préjuge pas de la conformité de la publicité aux dispositions du code de la santé publique ; en effet, celle-ci est délivrée, en application de l’article R621-90 du même code, au vu de la compatibilité du contenu de l’affichage, de son volume et de son graphisme avec le caractère historique et artistique du monument et de son environnement, sa destination et son utilisation par le public, en tenant compte des contraintes de sécurité.

Illicéité du slogan Open your world

 

Les slogans publicitaires accompagnant les produits de l’alcool sont soumis à l’article L. 3323-4 du code de la santé publique qui dispose que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit.

Cette publicité peut comporter, en outre, des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.  Le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes.

Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l’exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l’objet d’envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d’un message de caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

La publicité, lorsqu’elle est faite en faveur de boissons alcoolisées, est autorisée sous les conditions énoncées ci-dessus. La publicité se définissant comme toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, il ne saurait être retenu que la publicité pour l’alcool est illicite au seul motif qu’elle serait attractive ou qu’elle inciterait à l’achat ou à la consommation de boissons alcoolisées ; seule l’incitation à une consommation excessive contrevient à l’objectif de santé publique de lutte contre l’alcoolisme défini par le législateur.

S’agissant du contenu du message publicitaire qui, par nature, ne saurait être purement informatif, le code de la santé publique n’autorise que l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente, du mode de consommation du produit, des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine ou aux indications géographiques et des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Il s’ensuit que les mentions ne doivent être purement objectives que lorsqu’elles sont relatives à la couleur, aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, ce qui laisse la place à l’imagination des concepteurs des messages publicitaires lorsque la communication porte sur d’autres éléments de communication, tels que l’origine du produit.

 

Force juridique des décisions du Jury de déontologie publicitaire

Nonobstant le fait que la décision du Jury de déontologie publicitaire en date du 26 juin 2014 est dépourvue de caractère juridictionnel et de force contraignante, ce jury observe que la mention Open your world (littéralement ouvrer votre monde) peut être interprétée comme une incitation à la consommation excessive de boissons alcoolisées en vue d’élargir ses perspectives sociales ou professionnelles et non pas seulement comme le soutient Heineken, une référence objective au caractère mondial de la zone d’achalandage ; il n’écarte l’illégalité de son usage qu’en raison du point 3-1-4 de sa recommandation qui autorise, au titre de la dénomination du produit, que la publicité fasse mention de la marque.

Les  marques complexes déposées par la société Heineken comprennent sa dénomination sociale, l’étoile rouge, et le slogan repris sur ses publicités ; cet enregistrement confère certes des droits à son titulaire mais il n’autorise l’usage publicitaire du signe déposé que dans le respect des dispositions restrictives du code de la santé publique.

En l’espèce, le slogan en cause – ouvrer votre monde- fait allusion, outre mesure, aux prétendues vertus désinhibitrices de l’alcool, censées permettre au consommateur de s’ouvrir au monde l’environnant ce qui constitue une incitation directe à la consommation excessive d’alcool prohibée par le texte sur mentionné.

 


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