Campagne publicitaire contre les accidents de chasse
Campagne publicitaire contre les accidents de chasse

Le seul fait de rappeler, par une campagne d’affichage publicitaire, le nombre d’accidents de chasse par année, ne peut être fautif pour une association qui a pour objet social la défense des animaux sauvages. La fédération nationale des chasseurs a tenté d’engager sans succès la responsabilité d’une association ayant mené une campagne publicitaire sur le thème « chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous ».

S’il est exact que l’affiche litigieuse de la fondation reprend les termes «’sauvez des vies, restez chez vous ‘» qui avaient été utilisés dans le cadre de la campagne gouvernementale de lutte contre le coronavirus, elle apparaît clairement comme une affiche publicitaire émanant de la fondation, dont le nom apparaît clairement en bas de l’affiche avec le logo de la fondation, après ces mots «’soutenez-nous’» de sorte qu’il n’y a aucune ambiguïté sur le fait qu’il s’agisse d’une campagne de ladite fondation.

S’il est bien exact que l’objet de l’affiche est d’émettre une opinion qui est défavorable à la chasse en France, elle ne comporte ni injure, ni diffamation envers les chasseurs, la présentation d’un chasseur en train de tirer en haut de l’affiche étant une juste représentation du chasseur. Si le nombre d’accidents de chasse est bien annoncé, il est bien exact et ne peut être considéré en soi comme une volonté de stigmatiser les chasseurs. A noter que l’action de l’association de chasseurs, a été engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Si les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réparés que sur le fondement des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, à l’exclusion du recours à l’article 1240 du code civil, instaurant une responsabilité délictuelle de droit commun, c’est à condition que les abus invoqués étaient prévus et pouvant être réprimés par la loi du 29 juillet 1881. Les  abus de la liberté d’expression allégués par la fédération nationale des chasseurs n’étaient pas de ceux qui étaient prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881.

Ne peut être considéré comme fautif le fait de ne pas avoir repris la totalité des informations sur la baisse des accidents de chasse, alors que l’affiche apposée sur la voie publique contenait des informations qui devaient pouvoir être lues aisément et rapidement pour des raisons d’efficacité de la campagne publicitaire qui défendait clairement l’opinion d’une opposition à la chasse (l’affiche n’avait pas vocation à présenter une analyse des accidents de chasse en France).

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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 21/10/2021

N° de MINUTE : 21/442

N° RG 21/03114 –��N° Portalis DBVT-V-B7F-TVIN

Jugement (N° 21/00598) rendu le 06 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai

JOUR FIXE

APPELANTE

Association Federation Nationale des Chasseurs prise en la personne de son représentant légal, Monsieur X Y, en qualité de président, né le […] à Dunkerque demeurant en sa qualité audit siège.

[…]

92130 Issy-les-Moulineaux

Représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai substitué par Me Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai et Me De Silva et Me Benoît, avocats au barreau de Paris

INTIMÉES

SAS la Societe Clear Channel France

immeuble […]

92100 Boulogne-billancourt

Représentée par Me Jean-Noel Lecompte, avocat au barreau de Cambrai, et Me Aurélie Bregou, avocat au barreau de Paris

Fondation Z A représentée par Mme E F-G, domiciliée audit siège en cette qualité

[…]

75116 Paris-XVI

Représentée par Me Matthieu Delhalle, avocat au barreau de Douai et Me Kelidjian, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l’audience publique du 15 septembre 2021 tenue par B C magistrate chargée d’instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas

opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIERE LORS DES DÉBATS :Audrey Cerisier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

B C, première président de chambre

Claire Bertin, conseillère

Danielle Thébaud, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par B C, présidente et Fabienne Dufossé, greffière, à laquellel la minute a été remise par la magistrate signataire.

Suivant assignation à jour fixe en date du 14 avril 2021, la fédération nationale des chasseurs a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Cambrai la fondation Z A d’une part et la société Clear Channel France d’autre part afin sur le fondement de l’article 1240 du Code civil de :

— dire et juger que la fondation Z A a engagé sa responsabilité délictuelle à raison de son intention de nuire et du caractère fautif et trompeur de la campagne publicitaire « chasseurs, sauvez des vies restez chez vous » ;

— en conséquence :

— ordonner le retrait des affiches de la campagne publicitaire « chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous » sous 24 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 15’000 ‘ par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

— interdire à la fondation Z A la reproduction et la diffusion des visuel figurant sur la fiche intitulée« chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous » sur tout support, sous astreinte de 15’000 ‘ par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,

— ordonner le retrait de toute reproduction et référence à la fiche litigieuse sur le site Internet de la fondation Z A H A.fr sur sa page Facebook fondation Z A et sur son compte twitter et sur tout autre support dont elle aurait le contrôle, sous astreinte de 15’000 ‘ par jour et par constatation à compter de la signification de la décision à intervenir,

— condamner la fondation Z A à lui payer la somme de 100’000 ‘ en réparation de son préjudice moral,

— condamner la fondation Z A a publié la décision à intervenir, dès sa signification et sous astreinte de 2000 ‘ par jour de retard, sur la page d’accueil de son site Internet J Z A. FR sur sa page Facebook fondation Z A et sur son compte tweeter pendant une durée d’un mois à compter de la signification de ladite décision,

— déclarer la décision à intervenir opposable à la société Clear Channel France,

— condamner la fondation Z A à payer la somme de 10’000 ‘ au titre des frais irrépétibles

ainsi qu’aux dépens,

— dire que le jugement sera exécutoire de droit, conformément au nouvel article 514 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 6 mai 2021 le tribunal judiciaire de Cambrai a :

— déclaré la demande irrecevable, faute d’intérêt à agir de la demanderesse,

— débouté en conséquence la fédération nationale des chasseurs de toutes ses demandes,

— déclaré la décision opposable à la société Clear Channel France ,

— condamné la fédération nationale des chasseurs au paiement à la fondation Z A de la somme de 5000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— condamné la fédération nationale des chasseurs au paiement à la société Clear Channel France de la somme de 7000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— condamné la fédération nationale des chasseurs aux dépens,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— dit que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

Par déclaration en date du 4 juin 2021, la fédération nationale des chasseurs a formé appel à l’encontre de cette décision en ce qu’elle :

— a déclaré sa demande irrecevable, faute d’intérêt à agir,

— l’a déboutée de toutes ses demandes,

— a déclaré la décision opposable à la société Clear Channel France ,

— l’a condamnée à payer à la fondation Z A la somme de 5000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— l’a condamnée au paiement à la société Clear Channel France de la somme de 7000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— l’a condamnée aux dépens et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Au terme de ses conclusions signifiées le 21 juin 2021, la fédération nationale des chasseurs demande à la cour infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cambrai du 6 mai 2021 en ce qu’il

— a déclaré sa demande irrecevable, faute d’intérêt à agir,

— l’a déboutée de toutes ses demandes,

— a déclaré la décision opposable à la société Clear Channel France ,

— l’a condamnée à payer à la fondation Z A la somme de 5000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— l’a condamnée au paiement à la société Clear Channel France de la somme de 7000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— l’a condamnée aux dépens et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Statuant de nouveau,

— déclarer recevable son action,

— juger également bien fondés ses moyens et prétentions à l’encontre de la fédération Z A et la société Clear Channel France,

— en conséquence :

— dire et juger que la fondation Z A a engagé sa responsabilité délictuelle à raison de son intention de nuire et du caractère fautif et trompeur de la campagne publicitaire « chasseurs, sauvez des vies restez chez vous »

— ordonner le retrait des affiches de la campagne publicitaire « chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous » sous 24 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 15’000 ‘ par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

— interdire à la fondation Z A la reproduction et la diffusion des visuels figurant sur l’affiche intitulée« chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous » sur tout support, sous astreinte de 15’000 ‘ par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,

— ordonner le retrait de toute reproduction et référence à l’affiche litigieuse sur le site Internet de la fondation Z A J Z A.fr sur sa page Facebook fondation Z A et sur son compte twitter et sur tout autre support dont elle aurait le contrôle, sous astreinte de 15’000 ‘ par jour et par constatation à compter de la signification de la décision à intervenir,

— condamner la fondation Z A à lui payer la somme de 100’000 ‘ en réparation de son préjudice moral,

— condamner la fondation Z A à publier la décision à intervenir, dès sa signification et sous astreinte de 2000 ‘ par jour de retard, sur la page d’accueil de son site Internet J Z A. FR sur sa page Facebook fondation Z A et sur son compte tweeter pendant une durée d’un mois à compter de la signification de ladite décision,

— ordonner la restitution des sommes versées par elle au titre de l’exécution provisoire prononcée en première instance, soit 5000 ‘ versés à la fondation Z A et 7000 versaient à la société Clear Channel France,

— débouter la fondation Z A et la société Clear Channel France de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contre elle,

— condamner la fondation Z A à payer la somme de 10’000 ‘ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction, course d’appel, au profit de la SCP Processuel représentée par Maître Bernard Franchi en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Relativement à l’irrecevabilité de son action, elle précise qu’au terme de l’article 31 du code de procédure civile, elle a intérêt à agir puisqu’en qu’en application de l’article L421-14 du code de l’environnement elle assure la représentation des fédérations départementales et régionales des

chasseurs à l’échelon national et qu’elle est chargée d’assurer la promotion et la défense de la chasse ainsi que la représentation des intérêts cynégétiques, qu’elle a donc bien pour fonction de représenter la défense de la chasse et par là-même les chasseurs français à l’échelon national ; qu’en l’espèce en visant négativement l’image des chasseurs, la campagne publicitaire de la fondation Z A a directement porté atteinte à l’image même de la fédération nationale des chasseurs et qu’elle a ainsi un intérêt manifeste à agir à titre personnel.

Relativement à la validité de son assignation, elle fait valoir qu’elle justifie que le président de la fédération nationale des chasseurs à savoir Monsieur X D a vu son habilitation à agir en justice renouvelée par le conseil d’administration le 4 septembre 2019 en ces termes :

‘- conformément aux dispositions de l’article six des statuts de la fédération, le conseil d’administration donne mandat à son président pour agir en justice tant en demande qu’en défense son intervention. Le président prendra des initiatives requises à cet effet il en fera rapport au conseil d’administration. Le présent mandat est donné jusqu’à la date du 30 juin 2022″.

Relativement à la responsabilité de la fondation Z A, elle précise que la loi du 29 juillet 1881 est inapplicable aux faits de l’espèce dès lors que le contenu litigieux de la campagne publicitaire ne visait pas une personne identifiable, que la collectivité visée n’est pas suffisamment restreinte et que si les articles 48-1 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 permettent aux associations d’agir pour la communauté de leurs membres, elles ne le peuvent que pour des catégories de personnes limitativement énumérées à savoir des personnes visées à raison de leur origine de leur appartenance de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou encore à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.

Elle ajoute que la jurisprudence a alors admis que l’article 1240 du code civil pouvait avoir une fonction complétive aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 qui n’avait pas vocation à s’appliquer dans ce cas d’espèce.

Elle considère que les propos tenus par la fédération Z A dans sa campagne publicitaire litigieuse constituent des attaques réductrices et particulièrement offensantes, qu’ils intiment l’ordre aux chasseurs de rester chez eux ce qui induit une violation de leur liberté d’aller et venir pourtant protégée par les dispositions du paragraphe 2 de l’article 2 du protocole numéro quatre à la Convention européenne des droits de l’homme et constitue ainsi une discrimination envers les catégories de la population.

Elle fait valoir que :

— l’annonce de 30 millions d’animaux abattus selon des données émanant de l’Office français de la bio-diversité est mensongère en ce qu’elle affirme reposer sur une source fiable et reconnue à savoir l’office français de la bio-diversité alors qu’il n’en est rien,

— l’affirmation de l’existence de 141 accidents dont 11 mortels est utilisée de manière particulièrement déloyale par la fondation Z A qui ne précise pas qu’en 20 ans la tendance globale des accidents de chasse est à la baisse, que le nombre d’accidents a diminué de 41 % comparé à son niveau en 1999, que le nombre d’accidents mortels a chuté de 71 % comparé à 1999, que les accidents se sont principalement produits lors de chasse au gros gibier et que 90 % des victimes des accidents étaient des chasseurs.

— en taisant ces faits et en proposant au public une vision simpliste de la situation basée sur des informations ambiguës et erronées, la fondation Z A fait preuve d’une évidente mauvaise foi et donne au public une image trompeuse de la chasse et des chasseurs dans le but de les stigmatiser et d’inciter à leur rejet.

— l’affiche de la fondation Z A présente une apparence d’officialité, reprenant de manière évidente la charte graphique créée dans le cadre de la communication gouvernementale concernant la pandémie de la covid 19 et elle est discriminatoire à l’égard des chasseurs et de l’activité cygénétique, qui sont présentés comme un danger mortel pour l’ensemble des concitoyens,

— l’affiche litigieuse crée dans l’esprit du public un sentiment de rejet, de peur et d’insécurité en présentant les chasseurs comme responsables de la mort d’autrui et elle tente de faire peur au public quant à la préservation de la bio-diversité rappelant qu’elle-même a été agréée comme association de protection de l’environnement par arrêté du 3 mars 2011 au titre de l’article L 141-1 du code de l’environnement,

— la campagne publicitaire de la fondation Z A est génératrice de troubles à l’ordre public, les défenderesses faisant elle-même état des dégradations de leur panneaux publicitaires qui ne sont que la résultante du climat de haine instauré et/ou renforcé par la campagne litigieuse,

— cette campagne publicitaire se caractérise par une véritable intention de nuire et porte un grave préjudice à la communauté des chasseurs représentée par la fédération.

Relativement au préjudice, elle fait valoir que l’importance de la diffusion des affiches sur l’ensemble du territoire national à raison de 1500 panneaux de taille 4 × 4 mètres implantés dans des zones pensées pour leur assurer une importante visibilité et qui a fait l’objet d’un important plan de communication de la part de la fondation, qui a entraîné des retombées médiatiques particulièrement importantes sont des critères à prendre en compte pour évaluer l’importance de son préjudice moral cette campagne annihilant tous les efforts menés par la fédération pour exposer au public les bienfaits de la chasse et le rôle des chasseurs en France.

Au terme de ses conclusions notifiées le 3 septembre 2021, la fondation Z A demande à la cour au vu des articles 31 et 122 du code de procédure civile ainsi que des statuts de la fédération nationale des chasseurs de :

— débouter la fédération nationale des chasseurs de son appel et de le déclarer mal fondé,

— confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cambrai du 6 mai 2021 en ce qu’il a déclaré irrecevable faute d’intérêt à agir la demande de la fédération des chasseurs,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la fédération nationale des chasseurs de toutes ses demandes et en ce qu’il l’a condamnée à lui payer la somme de 5000 ‘ au titre des frais irrépétibles en plus des dépens de première instance,

A titre subsidiaire,

— au vu de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de l’article 1240 du code civil, dire et juger la fédération nationale des chasseurs mal fondée en son appel et la débouter de toutes ses demandes fins et conclusions,

En tout état de cause,

— condamner la fédération nationale des chasseurs à lui payer la somme de 10’000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

— condamner la fédération nationale des chasseurs aux entiers dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Maître Mathieu Delhalle avocat à Douai.

Elle précise à titre d’information que :

— la campagne publicitaire litigieuse a pris fin au 28 avril 2021, conformément au calendrier convenu avec la société Clear Channel France,

— le jury de déontologie publicitaire a considéré dans un avis en date du 2 juillet 2021 que l’affiche litigieuse ne méconnaissait pas les dispositions déontologiques portant sur l’ambiguïté relative à l’identité de l’annonceur, l’imitation d’une campagne étatique, la discrimination, le dénigrement, l’exploitation d’un sentiment de peur ainsi que les principes de loyauté et de véracité de la publicité,

— le juge des référés du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a par ordonnance en date du 15 juillet 2021 débouté la fédération départementale des chasseurs des Landes de sa demande tendant à voir dire et juger que l’affiche est constitutive de diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

S’agissant du défaut d’intérêt à agir de la fédération nationale des chasseurs, elle considère que compte tenu du fait que la fédération nationale des chasseurs n’est pas visée par les propos litigieux et que sa mission sociale n’est pas la protection de ses membres mais bien la promotion et la défense de la chasse et des intérêts cynégétiques, elle ne saurait prétendre avoir un intérêt à agir.

Elle précise que si l’article 1240 du code civil a vocation à compléter le droit spécial de la diffamation, lorsque les propos litigieux ne sont pas incriminés par une infraction prévue et réprimée au titre de la loi du 29 juillet 1881, cela n’est prévu que pour réprimer certains abus d’expression tenant au dénigrement de produits et services ou le dénigrement d’une profession, ce qui n’est pas le cas de l’espèce.

Elle conteste l’analyse faite de cette publicité par la fédération nationale des chasseurs, alors qu’il ne s’agissait que d’une campagne d’opinion de sensibilisation à la cause animale, ce qui entre dans son objet social.

Au terme de ses conclusions notifiées le 7 septembre 2021, la société Clear Channel France demande à la cour, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile de :

— confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cambrai du 6 mai 2021 en ce qu’il a :

— déclaré la demande irrecevable, faute d’intérêt à agir de la demanderesse,

— débouté en conséquence la fédération nationale des chasseurs de toutes ses demandes,

— déclaré la décision opposable à la société Clear Channel France ,

— condamné la fédération nationale des chasseurs au paiement à la fondation Z A de la somme de 5000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— condamné la fédération nationale des chasseurs au paiement à la société Clear Channel France de la somme de 7000 ‘ au titre des frais irrépétibles,

— condamné la fédération nationale des chasseurs aux dépens,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— dit que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

A titre subsidiaire au visa de l’article 10 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de

l’homme et de l’article 1240 du code civil,

— dire et juger la fédération nationale des chasseurs mal fondés en son action,

en conséquence,

— débouter la fédération nationale des chasseurs de toutes ses demandes fins et conclusions,

en tout état de cause,

— condamner la fédération nationale des chasseurs à lui payer la somme de 15’000 ‘ à titre de dommages-intérêts outre 10’000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

— condamner la fédération nationale des chasseurs aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Lecompte-Ledieu avocat au barreau de Cambrai en application de l’article 699 du code de procédure civile.

S’agissant de la recevabilité de l’action, la société Clear Channel considère que le premier juge a justement apprécié que l’intérêt de la fédération Nationale des chasseurs doit s’apprécier par rapport à son activité telle qu’elle résulte de son objet social et qu’il n’est nullement stipulé dans l’objet social que la fédération assure la défense des intérêts des chasseurs.

S’agissant du caractère mal fondé de l’action en responsabilité délictuelle, elle précise qu’une telle action n’est pas ouverte à la fédération nationale des chasseurs sur le fondement de l’article 1240 du code civil, dès lors qu’il ne s’agit ni de dénigrement de produits ou services, ni de dénigrement d’une profession.

Elle ajoute qu’en matière d’abus prétendu de la liberté d’expression, il faut une démonstration de manquements graves ou d’une faute intentionnelle qui n’existent pas en l’espèce.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1° Sur l’irrecevabilité de l’action pour défaut d’intérêt à agir

En application de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Hors habilitation législative une association ne peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs qu’autant que ceux-ci rentrent dans son objet.

Il résulte de l’article premier des statuts de la fédération nationale des chasseurs, qui est bien une association, que :

1° la fédération nationale des chasseurs assure la représentation des fédérations départementales, interdépartementales et régionales de chasseurs à l’échelon national et coordonnent leurs actions et activités,

2° la fédération nationale des chasseurs et chargés d’assurer la promotion et la défense de la chasse

ainsi que la représentation des chasseurs et des intérêts cynégétiques.

3° elle conduit des actions concourant directement à la protection à la reconquête de la bio-diversité ou apporte un soutien financier alors réalisation.

En l’espèce, l’action que la fédération nationale des chasseurs a entendu engager à l’encontre de la fédération Z A à la suite de la campagne publicitaire engagée par cette dernière sur l’ensemble du territoire national sur le thème «’chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous’» se situe dans le cadre de la défense de la chasse et de la représentation des chasseurs, alors que la campagne de la fédération Z A était une campagne d’opinion contre la pratique de la chasse, engagée par cette fondation dont l’objet est la défense de l’animal et notamment de l’animal sauvage.

Dès lors est recevable au sens de l’article 31 du code de procédure civile, l’action engagée par la fédération nationale des chasseurs pour défendre la chasse et par là les intérêts collectifs des chasseurs qu’elle représente, pour voir interdire la campagne publicitaire d’envergure sur 1500 panneaux sur l’ensemble du territoire français engagée par la fédération Z A.

Le jugement de première instance sera en conséquence infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action engagée par la fédération nationale des chasseurs, étant précisé qu’il est justifié que M. X D qui a engagé cette action en sa qualité de représentant légal de la fédération nationale des chasseurs dont il est le président, disposait d’une habilitation à agir en justice renouvelée par le conseil d’administration de cette association en date du 4 septembre 2019, le mandat étant donné jusqu’au 30 juin 2022.

2° Sur le fondement juridique de cette action

Si les parties intimées reconnaissent qu’une action en réparation d’un dénigrement peut être engagée à titre exceptionnel sur le fondement de l’article 1240 du code civil, lorsque les conditions de l’exercice d’une action en diffamation ne sont pas réunies, elles estiment que la fédération nationale des chasseurs ne se trouve pas dans les hypothèses où une telle action est possible, lesquelles se cantonnent aux abus de la liberté d’expression en cas de dénigrement de produits ou services ou de dénigrement d’une profession.

La fédération nationale des chasseurs reconnaît qu’en principe, les abus de la liberté d’expression sont sanctionnés par des lois spéciales et notamment la loi du 29 juillet 1881 et que dès lors que cette loi a vocation à s’appliquer, le fondement de l’article 1240 du code civil est exclu.

Elle fait valoir qu’en l’espèce, les éléments constitutifs du délit de diffamation ne sont pas réunis, dès lors que le contenu ne vise pas une personne identifiable et que ce contenu ne vise pas non plus une des catégories de personnes protégées par l’article 48-1 et suivants de la loi du 29 juillet 1881.

Elle estime qu’il n’est pas concevable de priver l’ensemble des personnes victimes d’un abus de la liberté d’expression d’un droit à un recours effectif alors qu’en application de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera notamment des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil et qu’en conséquence, elle est fondée à exercer son action sur le fondement de l’article 1240 du code civil, dès lors que

Sur ce,

Il est constant que :

— l’action a été engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

— les parties s’accordent à raison sur le fait qu’une action en diffamation ne pouvait être engagée sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 par la fédération nationale des chasseurs, alors même qu’elle n’était pas atteinte elle-même par une accusation diffamatoire et qu’elle ne pouvait agir pour la communauté de ses membres en application des articles 48-1 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 dès lors que des dispositions ne s’appliquent qu’aux personnes visées à raison de leur origine, de leur appartenance de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou encore à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou l’identité de genre ou de leur handicap.

Si les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réparés que sur le fondement des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, à l’exclusion du recours à l’article 1240 du code civil, instaurant une responsabilité délictuelle de droit commun, c’est à condition que les abus invoqués étaient prévus et pouvant être réprimés par la loi du 29 juillet 1881.

Or, dès lors que les parties appelantes et intimées s’accordent à raison, qu’en l’espèce, les abus de la liberté d’expression allégués par la fédération nationale des chasseurs n’ étaient pas de ceux qui étaient prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, la fédération nationale des chasseurs apparaît recevable à invoquer le fondement de la responsabilité de droit de commun de l’article 1240 du code civil.

3° Sur le bien fondé de l’action de la fédération nationale des chasseurs

La fédération nationale des chasseurs allègue que la faute de la fondation Z A est caractérisée par le fait que :

1.son affiche est trompeuse et vise au rejet de la chasse et des chasseurs

a. le chiffre de 30 millions d’animaux abattus au titre de la saison 2019-2020 n’émane pas de l’office français de la bio-diversité

La fondation Z A ne rapporte pas en effet la preuve que ce chiffre émane de l’office français de la bio-diversité, alors même qu’elle indique juste en dessous de cette assertion «’source : office français de la bio-diversité et ne verse pas davantage de documents permettant de parvenir au nombre de 30 millions d’animaux chassés pendant la saison 2019-2020, l’enquête nationale sur les tableaux de chasse à tir durant la saison 2013-2014, publiée en 2016, versée aux débats et émanant de l’office national de la chasse et de la faune sauvage faisant état d’un nombre total de 22 136 883 d’animaux chassés.

La fédération nationale de la chasse a donc raison d’affirmer que l’affiche est trompeuse sur le nombre d’animaux chassés et sur la source nommée.

En revanche, le fait qu’elle vise au rejet de la chasse, aucune injure ou diffamation à l’encontre des chasseurs n’étant exprimée, ne peut être fautif, s’agissant de l’expression d’une opinion, la liberté d’expression étant protégée par l’article 11 de la déclaration de l’homme et du citoyen, l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme.

b. la première affirmation relative aux 141 accidents dont 11 mortels est utilisée de manière déloyale par la fondation Z A

Au vu des pièces versées aux débats, la réalité de cette information est bien établie pour la saison de chasse 2019-2020 au vu d’une étude qui a bien été réalisée par l’office français de la bio-diversité.

La cour note que si la fédération nationale des chasseurs reproche à la fondation Z A d’avoir omis d’indiquer qu’en 20 ans, la tendance globale des accidents de chasse est à la baisse, que le nombre d’accidents a ainsi diminué de 41% comparé à son niveau de 1999, que le nombre d’accidents mortel a chuté de 71% comparé à 1999, que les accidents se sont principalement produits lors de la chasse au gros gibier et que 90% des victimes des accidents de chasse étaient des chasseurs, elle omet elle-même de préciser que cet article précisait que la saison 2019-2020 était plus accidentogène que la précédente, avec 141 victimes contre 131, et 11 accidents mortels au lieu de 7 durant la saison précédente.

Au vu de ces éléments, ne peut être considéré comme fautif le fait de ne pas avoir repris la totalité des informations que donnait cette étude, alors que l’affiche apposée sur la voie publique contenait des informations qui devaient pouvoir être lues aisément et rapidement pour des raisons d’efficacité de la campagne publicitaire qui défendait clairement l’opinion d’une opposition à la chasse et que cette affiche n’avait pas vocation à présenter une analyse des accidents de chasse en France.

2.l’affiche présentant une apparence d’officialité est discriminatoire à l’égard des chasseurs et de l’activité cynégétique

S’il est exact que l’affiche litigieuse de la fondation Z A reprend les termes «’sauvez des vies, restez chez vous ‘» qui avaient été utilisés dans le cadre de la campagne gouvernementale du ministère des solidarités et de la santé de lutte contre le coronavirus à compter d’avril 2020 et qu’elle vise comme source, en petits caractères, l’agence française de bio-diversité, elle apparaît clairement comme une affiche publicitaire émanant de la fondation Z A, dont le nom apparaît clairement en bas de l’affiche avec le logo de la fondation, après ces mots «’soutenez-nous’» de sorte qu’il n’y a aucune ambiguïté sur le fait qu’il s’agisse d’une campagne de ladite fondation.

Une des pièces versées aux débats par la fédération nationale des chasseurs relatives aux affiches taguées fait d’ailleurs bien apparaître que ce message avait été compris dans le sens d’une campagne de la fondation Z A, l’auteur du tag ayant raturé les lignes «’chasseurs, sauvez des vies’» pour laisser la ligne restez chez vous et y ajouter en larges lettres «’Z’».

Telle a été d’ailleurs l’analyse du jury de déontologie publicitaire qui dans son avis du 2 juillet 2021 indique qu’il s’agit à l’évidence, d’un détournement parodique de la communication relative au confinement aux fins de dénoncer la pratique de la chasse et de rallier le public à la cause défendue par la fondation.

La Fédération nationale des chasseurs indique que l’unique objet de l’affiche est de dénigrer l’activité de chasse et de stigmatiser les chasseurs en éveillant dans la population un sentiment d’insécurité et cette stigmatisation est d’autant plus grave que cette affiche présente les chasseurs comme représentant un danger mortel pour l’ensemble des concitoyens

S’il est bien exact que l’objet de l’affiche est d’émettre une opinion qui est défavorable à la chasse en France, elle ne comporte ni injure, ni diffamation envers les chasseurs, la présentation d’un chasseur en train de tirer en haut de l’affiche étant une juste représentation du chasseur.

Si le nombre d’accidents de chasse est bien annoncé, il est bien exact et ne peut être considéré en soi comme une volonté de stigmatiser les chasseurs.

3.l’affiche exploite un sentiment de peur irrationnelle et infondée

a. elle présente les chasseurs comme responsables de la mort d’autrui

Le seul fait de rappeler le nombre d’accidents de chasse qui correspond aux chiffres exacts de la saison de chasse 2019-2020 ne peut être fautif, tout comme le fait de rappeler, pour une fondation dont l’objet social est notamment la défense des animaux sauvages, que les chasseurs sont bien responsables de la mort d’un grand nombre d’animaux.

b. elle tente de faire peur au public quant à la préservation de la bio-diversité, alors même que la fédération nationale des chasseurs est agréée comme association de protection de l’environnement

Il n’appartient pas à la fondation Z A qui ne communiquait pas sur la fédération nationale des chasseurs, mais qui faisait part de son opposition à la chasse, de rappeler que la fédération était agréée comme association de protection de l’environnement.

4.la compagne publicitaire est génératrice de troubles à l’ordre public

Le fait que la fédération justifie de la dégradation de sept affiches (sa pièce n°1) alors même que 1500 affiches ont été collées par toute la France ne permet nullement de conclure que la campagne publicitaire a été génératrice de troubles à l’ordre public, et ce même si elle a pu mécontenter nombre de chasseurs en ce qu’elle s’opposait à l’activité de chasse qu’il pratique.

Pour autant, la gestion des troubles à l’ordre public relève des autorités publiques, de sorte que la fédération ne peut en tirer aucun préjudice personnel de telles circonstances, étant observée que la violence des réactions observées est au surplus imputable aux seuls auteurs de tels débordements, qui ont pu s’affranchir des voies de droit pour contester violemment une telle campagne publicitaire.

5.le caractère de campagne d’opinion n’est pas de nature à justifier la faute commise, alors qu’elle a été réalisée avec l’intention de nuire et de stigmatiser

La seule faute commise relative à la source citée quant aux nombre d’animaux abattus, le verbe abattre pouvant être utilisé comme signifiant tuer un animal en ce compris lors de la chasse, et relative au nombre d’animaux abattus, la fondation Z A justifiant toutefois de plus de 22 millions d’animaux tués au titre de l’étude versée aux débats publiée en 2016, sans que la fédération ne justifie quant à elle des chiffres réels pour la saison 2019-2020, ne peut suffire à engager la responsabilité de la fondation Z A, laquelle a conformément à la liberté d’expression engager une campagne publicitaire pour défendre son opposition à la chasse et participé à un débat auquel la fédération des chasseurs est également partie.

Dans l’exercice de sa critique de la chasse, le ton employé par la fondation Z A ne présente pas une virulence excessive et procède en définitive au détournement satirique d’une formule connue de l’ensemble de la population dans le cadre de la crise sanitaire, sans qu’un tel emploi de la formulé ‘chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous’ n’implique dans l’esprit des concitoyens parcourant cette affiche, une assimilation de la chasse à une maladie potentielle mortelle. Le risque de confusion préjudiciable qu’invoque la fédération des chasseurs n’est ainsi pas établi.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la campagne publicitaire litigieuse commandée par la fondation Z A ne présente pas un caractère fautif permettant de retenir la responsabilité de la fondation sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

4° Sur les demandes accessoires

La société Clear Channel France réclame la condamnation de la fédération nationale des chasseurs à lui payer 15’000 ‘ de dommages intérêts au motif qu’un certain nombre de panneaux publicitaires lui appartenant sur lesquels ont été exposées les affiches de la fondation Z A ont fait l’objet d’actes de vandalisme : affiches taguées, recouvertes de peinture, panneaux dégradés.

Elle soutient que ces dégradations sont intervenues à la suite de déclarations publiques émanant du président de la fédération nationale des chasseurs à l’égard notamment de la société Clear Channel qu’il n’a pas hésité à mettre en cause en sa qualité d’afficheur en ces termes :

« L’utilisation des codes de la communication gouvernementale contre la covid- 19 alors que la France est encore en pleine polémique pandémie, afin de faire le parallèle avec les 100’000 victimes françaises de ce virus est tout simplement abject. La fédération nationale des chasseurs attaque donc cette fondation quant à sa responsabilité pour le préjudice causé à la communauté des chasseurs par ses 1500 affiches dégradantes réparties sur tout le territoire la question de l’implication des diffuseurs de ce type de contenu, à savoir les propriétaires de ces panneaux d’affichage, se pose également. Tout comme celle de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité. Si certains propos se trouvent censurés sur les réseaux sociaux, j’ai du mal à comprendre que cette règle échappe à d’autres supports de communication’ pour peu que l’on sorte son porte-monnaie !’Cette campagne de la fondation Z A est l’aboutissement de ce que sa présidente véhicule depuis des années sur fond d’extrémisme décomplexé et sous couvert d’amour des animaux. Avec cette campagne, la ligne rouge est franchie. Cette haine gratuite et ciblée vis-à-vis des chasseurs est la provocation de trop. Dans ce contexte, une question se pose quant à la reconnaissance d’utilité publique de cette fondation par l’État. J’ai interpellé le ministre de l’intérieur Gérard Darmanin à ce sujet alors qu’il regarde de près certaines associations qui fragilisent le fondement même de notre République en attisant la violence. La provocation haineuse ne peut être légitimée en démocratie, encore moins quand il s’agit d’une activité légale pratiquée par près d’un million de personnes.»

Elle fait observer enfin que ces dégradations portent atteinte à son image et fragilise auprès de ses clients la certification ISO 9001 qui lui avait été attribuée.

Elle fait valoir qu’au surplus la campagne d’affichage en cause est terminée depuis le 28 avril 2021 et qu’en l’intimant devant la cour au motif qu’il y aurait lieu de lui rendre la décision opposable dans un souci d’efficacité des mesures sollicitées à savoir notamment le retrait des affiches de la campagne publicitaire «’chasseurs, sauvez des vies restez chez vous’» alors que cette campagne d’affichage en cause est terminée depuis presque six mois, la fédération nationale des chasseurs manifeste une véritable intention de nuire à son égard constitutive d’un abus de procédure.

Même si la fédération nationale des chasseurs n’a formé aucune observation sur ces demandes, il appartient à la cour de déterminer si ces demandes sont fondées.

Pour faire droit à la demande de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son image compte tenu des dégradations à ses panneaux d’affichage, il faut établir que ces dégradations sont la conséquence d’un comportement fautif de la fédération nationale des chasseurs.

Or, le seul fait que le président de la fédération des chasseurs se soit exprimé dans le journal de la fédération nationale des chasseurs dans les termes ci-dessus-rappelés qui mettaient en cause principalement la fondation Z A et qui n’appelaient nullement à une dégradation des panneaux comportant les affiches litigieuses, ne peut être considéré comme un comportement fautif à l’origine du dommage invoqué.

Alors que l’imputabilité des actes de vandalisme à des membres de la fédération des chasseurs n’est pas établie, la société Clear Channel n’établit pas que le président de cette fédération ait directement incité des chasseurs, qu’ils soient ou non adhérents, à commettre de telles dégradations. Les propos rappelés ci-dessus s’inscrivent, à l’identique de ceux étant mentionnés sur les affiches litigieuses, dans le cadre de la liberté d’expression dont bénéficie le président de la fédération des chasseurs dans l’exercice de ses fonctions, et ne sont pas susceptibles d’engager sa responsabilité civile en l’absence d’un usage abusif d’une telle liberté, dès lors qu’ils ne constituent pas une provocation à commettre des actes délictueux et participent simplement à une réflexion sur la pratique de la chasse et sur ses opposants.

Reste la question de la procédure abusive à l’encontre de la société Clear Channel France en cause d’appel, au motif que la campagne publicitaire d’affichage était finie depuis le 28 avril 2021.

Si la société Clear Channel France allègue que la fédération nationale des chasseurs savait au jour où elle a formé appel à l’encontre de la décision du 6 mai 2021 que la cette campagne d’affichage avait pris fin, elle n’en apporte pas la preuve, de sorte que le fait qu’elle ait été intimée en cause d’appel ne peut être constitutif d’une procédure abusive d’appel.

La société Clear Channel France sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La fédération nationale des chasseurs partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé sur ce point, ainsi qu’aux dépens d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à la fondation Z A d’une part et à la société Clear Channel France d’autre part une indemnité d’article 700 du code de procédure civile de 3500 euros pour les frais de première instance à chacune d’entre elles, le jugement étant infirmé de ce chef, et une indemnité de 3500 euros pour les frais d’appel à chacune d’entre elles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Cambrai du 6 mai 2021 sauf en ce qu’il a condamné la fédération nationale des chasseurs aux dépens et dit que l’exécution provisoire est de plein droit,

Statuant sur les chefs infirmés,

Déclare recevable l’action engagée par la fédération nationale des chasseurs,

Déboute la fédération nationale des chasseurs de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la fédération nationale des chasseurs à payer à la fondation Z A la somme de 3500 euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

Condamne la fédération nationale des chasseurs à payer à la société Clear Channel France la somme de 3500 euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

Y ajoutant,

Déboute la société Clear Channel France de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la fédération nationale des chasseurs à payer à la fondation Z A la somme de 3500 euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la fédération nationale des chasseurs à payer à la fondation Z A la somme de 3500 euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

La Greffière La Présidente

Fabienne Dufossé B C


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