L’utilisation de caméras augmentées embarquées dans les véhicules professionnels, particulièrement dans les sociétés de transport, est un sujet délicat, tant en termes de sécurité que de respect de la vie privée.
Ces caméras, qui peuvent détecter la fatigue ou distraction des conducteurs en temps réel, soulèvent des enjeux importants concernant la protection des données personnelles. Pour garantir la conformité avec les lois en vigueur, les employeurs doivent respecter un cadre strict.
Dans l’Union européenne, les dispositifs d’avertisseurs de somnolence et de perte d’attention du conducteur et les systèmes avancés d’avertissement de distraction du conducteur sont nécessaires pour les véhicules de transports et de marchandises et doivent être installés dans les nouveaux véhicules depuis juillet 2024 (règlement UE 2019/2144).
Néanmoins, ce règlement précise que ces systèmes doivent fonctionner en circuit fermé et ne pas permettre l’identification des conducteurs (ni l’employeur, ni le prestataire de la solution ne doivent y accéder, sauf les personnes habilitées pour assurer le support technique).
Sommaire
Objectifs des Caméras Augmentées
Les sociétés de transport, en particulier celles manipulant des matières dangereuses, sont soumises à des obligations strictes de sécurité pour protéger non seulement leurs salariés, mais aussi les tiers. Les caméras augmentées ont pour objectifs légitimes :
- Réduire les risques d’accidents de la route et assurer la sécurité des personnes, biens et environnement lors des opérations de transport.
- Sensibiliser et former les conducteurs aux risques liés à la fatigue et à la distraction.
- Évaluer les conducteurs afin de promouvoir de bonnes pratiques de conduite.
Cependant, ces objectifs doivent être poursuivis tout en équilibrant le respect de la vie privée des conducteurs, en limitant l’intrusion et en s’assurant que le dispositif est proportionné.
Base Légale du Traitement des Données
Le traitement des données personnelles par ces caméras est fondé sur l’intérêt légitime de l’employeur. Cependant, ce fondement doit respecter certaines conditions :
- Absence d’obligation légale imposant de tels dispositifs dans ce cadre précis.
- Le consentement des conducteurs ne peut pas être recueilli, étant donné le lien de subordination entre l’employeur et le salarié.
- Ce type de traitement n’est pas strictement nécessaire à l’exécution du contrat de travail, ce qui limite son application.
En conséquence, l’employeur peut justifier l’utilisation des caméras sur la base de l’intérêt légitime à assurer la sécurité des biens et des personnes.
Garanties à Mettre en Place par l’Employeur
Les caméras, bien qu’installées dans un objectif de sécurité, doivent respecter des garanties pour assurer leur conformité avec les droits des salariés. Voici les bonnes pratiques à suivre :
- Finalité de l’utilisation des caméras :
- Si les caméras sont installées pour prévenir les accidents de la route, elles doivent être utilisées uniquement pour cela, sans surveillance continue.
- Si elles sont installées pour former et sensibiliser les conducteurs, il est essentiel que l’utilisation reste limitée à cet objectif.
- Type de données collectées :
- Seules les données nécessaires pour générer des alertes (comme les images du conducteur) doivent être traitées.
- Après génération de l’alerte, les images et autres données techniques (horodatage, géolocalisation, etc.) ne doivent pas être conservées, sauf si une raison légitime justifie cette conservation.
- Limitations à l’usage des données :
- Le règlement européen UE 2019/2144 impose que les systèmes d’alerte de somnolence et de distraction ne permettent pas l’identification des conducteurs et ne permettent l’accès aux données que pour les personnes habilitées à des fins de support technique.
- Droits des salariés :
- Les salariés doivent pouvoir exercer leurs droits sur leurs données personnelles, notamment le droit d’accès, d’opposition et de rectification. L’employeur doit informatiser ces démarches afin que les conducteurs puissent les faire valoir.
Consultation et Information des Parties Prenantes
L’employeur doit s’assurer que toutes les parties prenantes sont correctement informées et consultées avant la mise en œuvre des caméras :
- Information des salariés :
- Les conducteurs doivent être informés des modalités du contrôle, de la finalité du traitement de leurs données personnelles, ainsi que de la possibilité d’utilisation des images à des fins disciplinaires, si applicable. Cette information doit figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise.
- Consultation du CSE ou du Conseil social d’administration :
- Pour les entreprises de plus de 11 salariés, l’employeur doit consulter le comité social et économique (CSE) avant l’implantation de ces dispositifs.
- Dans le secteur public, cela concerne le conseil social d’administration.
- Orientation de la caméra :
- L’orientation des caméras doit être telle qu’elles ne permettent pas de filmer d’autres personnes, telles que d’autres conducteurs ou des passants visibles à travers la fenêtre.
Analyse d’Impact sur la Protection des Données (AIPD)
Étant donné l’impact potentiellement important sur la vie privée des conducteurs, la réalisation d’une AIPD est recommandée. Cette analyse permettra de démontrer que le dispositif envisagé est nécessaire, proportionné et respecte les exigences de la protection des données. Source : CNIL
Conclusion
Les caméras embarquées dans les véhicules professionnels sont des dispositifs intrusifs qui doivent être utilisés avec la plus grande prudence. L’employeur doit s’assurer que leur mise en place repose sur une base légale solide, qu’elles respectent la proportionnalité et qu’elles garantissent le respect des droits des salariés.
Parallèlement, une information transparente, une consultation des instances représentatives du personnel et la réalisation d’une AIPD sont essentielles pour garantir la conformité de ces dispositifs avec les exigences du règlement européen sur la protection des données (RGPD).