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Le Cameraman en CDD d’usage ne peut obtenir la requalification de sa collaboration en CDI si ses missions sont irrégulières (quelques jours par mois pour des prestations de service au sein du Parlement européen à Strasbourg), ce qui établit le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par ce salarié, ce d’autant que ce dernier travaillait dans le même temps pour d’autres employeurs.
L’article L.1242-1 du code du travail pose en principe qu”un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Selon l”article L.1242-2 de ce code, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3 (non vérifiées ici), un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans un certain nombre de cas dont ceux prévus au 3°, soit les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L”article D. 1242-1 du même code énumère les secteurs d”activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée dits d”usage, parmi lesquels les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique et l’édition phonographique.
Le contrat à durée déterminée d”usage est, à l”instar des autres contrats à durée déterminée, soumis à un formalisme précis, prévu à l”article L.1242-12 du code du travail, et à ce titre doit notamment mentionner la date du terme et la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis, faute de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 29 Mars 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00706
N° Portalis DBVW-V-B7F-HPYL
Décision déférée à la Cour : 11 Décembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM
APPELANT :
Monsieur Y Z
[…]
[…]
Représenté par Me Pierre DULMET, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
S.A. VIA STORIA
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 377 817 333
[…]
[…]
Représentée par Me François WURTH, avocat au barreau de STRASBOURG COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Pésident et Mme PAÜS, Conseiller, chargés d’instruire l’affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président
Mme PAÜS, Conseiller
Mme ARNOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme DONATH, faisant fonction de Greffier
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président
– signé par M. EL IDRISSI, Conseiller faisant fonction de Président et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Schiltigheim du 11 décembre 2020, régulièrement frappé d’appel, le 25 janvier 2021, par voie électronique, par M. Y Z ;
Vu les conclusions de M. Y Z, transmises par voie électronique le 22 octobre 2021;
Vu les conclusions de la Sa Via Storia, transmises par voie électronique le 25 juin 2021 ;
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 16 novembre 2021 ;
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions ;
MOTIFS
Il résulte des pièces et des conclusions des parties que M. Y Z, né le […], a d’abord travaillé pour le Parlement européen dans les années 90, par le biais de contrats à durée déterminée d’usage.
La Sa Via Storia est une société de production audiovisuelle qui réalise, à 80%, des reportages et retransmissions d’événements pour les chaînes nationales et locales mais aussi pour le Parlement européen, et, à 20%, des films et spots pour les entreprises et les institutions.
Souhaitant assurer des prestations pour le site strasbourgeois du Parlement européen, la Sa Via Storia s’est associée à deux sociétés de droit belge, la société DB Productions et la société Video House, pour constituer la société European Broadcast Partners (EBP), de droit belge, et répondre à un appel d’offre.
Cette dernière société a remporté, en 2011, le marché de la production audio-vidéo au Parlement européen, et un contrat-cadre a été conclu pour une durée d’un an, renouvelable tacitement d’année en année, sans toutefois pouvoir excéder une durée de quatre ans.
En 2015, un nouvel appel d’offre a été émis par le Parlement européen, et la société European Broadcast Partners a décroché à nouveau le marché, et un contrat-cadre a été conclu pour une durée d’un an, renouvelable tacitement d’année en année, sans toutefois pouvoir excéder une durée de cinq ans.
La société European Broadcast Partners a alors sous-traité à la Sa Via Storia les prestations de services vidéo, radio et multimédia au sein du Parlement européen à Strasbourg, représentant le lot n°2 du cahier des charges.
C’est dans ces conditions que M. Y Z a été embauché par la Sa Via Storia de janvier 2012 à juillet 2016 suivant 70 contrats à durée déterminée d’usage, intitulés ‘contrat d’engagement technicien’, pour occuper le poste de chef opérateur prise de vues – cameraman, étant observé qu’il travaillait en équipe avec M. B C qui occupait le poste de chef opérateur prise de son.
La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006.
Par acte introductif d’instance du 28 juillet 2017, M. Y Z a saisi le conseil de prud’hommes de Schltigheim d’une demande dirigée contre la Sa Via Storia et le Parlement européen aux fins de voir dire que ce dernier était son coemployeur, requalifier ses contrats de travail d’usage en contrat à durée indéterminée à temps plein, et dire que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement nul, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, puis d’obtenir diverses sommes nées de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement avant dire droit du 10 mai 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé les demandes formulées à l’encontre du Parlement européen irrecevables,
– débouté le Parlement européen de ses demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– débouté M. Y Z de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la Sa Via Storia,
– condamné M. Y Z aux frais et dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la Sa Via Storia de ses autres demandes.
L’appel interjeté ne porte que sur les chefs du dispositif de ce dernier jugement.
Sur la demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée
À l’appui de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, M. Y Z fait valoir pour l’essentiel :
– qu’il a travaillé en équipe avec M. B C, opérateur prise de son, depuis 2007, et ils ont ensemble été affectés au Parlement européen à Strasbourg quels qu’aient été leurs employeurs, avec pour missions de couvrir les sessions plénières de ce Parlement, et notamment les arrivées protocolaires ;
– que malgré la nature de l’activité exercée par la Sa Via Storia, qui est spécialisée dans l’audiovisuel, et les conditions d’exécution des tâches demandées qui mettent en évidence le caractère permanent de leurs missions, il leur a été imposé des contrats à durée déterminée d’usage ;
– que le contrat entre la Sa Via Storia et le Parlement européen n’était pas précaire, et que les exigences fixées par celui-ci attestent de l’ampleur et de la régularité des prestations audiovisuelles, de sorte que les missions visées par les appels d’offres ont un caractère pérenne ;
– qu’outre ses missions pérennes et reconduites, il avait avec son coéquipier d’autres missions pour la Sa Via Storia ;
– que ses contrats de travail comportent une imprécision sur le terme, en ce qu’ils ne mentionnent ni la durée précise du contrat ni la durée minimale d’emploi ;
– que la Sa Via Storia s’est clairement engagée à la reprise de son contrat de travail dans le cadre des appels d’offres du Parlement européen.
L”article L.1242-1 du code du travail pose en principe qu”un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Selon l”article L.1242-2 de ce code, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3 (non vérifiées ici), un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans un certain nombre de cas dont ceux prévus au 3°, soit les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L”article D. 1242-1 du même code énumère les secteurs d”activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée dits d”usage, parmi lesquels les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique et l’édition phonographique.
Le contrat à durée déterminée d”usage est, à l”instar des autres contrats à durée déterminée, soumis à un formalisme précis, prévu à l”article L.1242-12 du code du travail, et à ce titre doit notamment mentionner la date du terme et la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis, faute de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
En premier lieu, en application de ces dispositions, la Sa Via Storia, dont l’activité principale est la production audiovisuelle, avait la possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée d’usage, sous réserve que l’emploi concerné revête un caractère temporaire.
En deuxième lieu, l’accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif au contrat à durée déterminée d’usage, et la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006 régissant les relations entre les parties, prévoient expressément la possibilité d’engager un opérateur prise de vue suivant un contrat à durée déterminée d’usage, ce qui est le cas de M. Y Z.
En troisième lieu, tant les écritures des parties que les pièces versées aux débats montrent que la Sa Via Storia est une société de 19 salariés permanents dont l’activité consiste essentiellement en la fourniture de prestations d’assistance technique aux chaînes de télévision pour la retransmission d’événements ponctuels, notamment politiques, culturels et sportifs.
Le marché relatif aux prestations de service au sein du Parlement européen à Strasbourg, qui lui est confié par la société European Broadcast Partners dans le cadre de la sous-traitance et auquel était affecté M. Y Z et son coéquipier opérateur prise de son, reste très particulier, en ce que les sessions du Parlement se tiennent à Starsbourg en l’équivalent de seulement trois jours regroupés sur une même semaine par mois, à savoir le lundi après-midi, le mardi, le mercredi et le jeudi matin de cette semaine, et en ce qu’il ne peut donc être considéré comme participant de l’activité normale et permanente de la Sa Via Storia.
En quatrième lieu, il n’est pas contesté que la Sa Via Storia attribuait à M. Y Z et à son coéquipier des missions autres que celles au parlement européen, et ce auprès d’autres sociétés clientes.
Toutefois, il s’agit ici aussi de missions irrégulières de seulement quelques jours par mois, ce qui établit le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par le salarié, ce d’autant que ce dernier travaillait dans le même temps pour d’autres employeurs.
Il importe de relever à cet endroit que l’expérience solide acquise par M. Y Z et son coéquipier sur une durée de plus de vingt ans fait d’eux des professionnels très compétents, reconnus dans le milieu audiovisuel, très appréciés et très recherchés, et que la Sa Via Storia souhaitait continuer à les engager s’ils avaient accepté de porter un gilet portant le logo de la société European Broadcast Partners, afin d’être identifiés selon les exigences de sécurité imposées par le Parlement européen à tous les prestataires de service.
D’ailleurs, au regard de leurs qualités professionnelles indéniables, l’on ne comprendrait pas pourquoi la Sa Via Storia ne les aurait pas engagés suivant un contrat à durée indéterminée si elle pouvait leur assurer un emploi pérenne.
Enfin, c’est à tort que M. Y Z déduit du courriel envoyé le 1er août 2015 par M. X, gérant de la Sa Via Storia, aux techniciens, la preuve irréfutable et irréfragable de la nature permanente de l’emploi des salariés affectés au Parlement européen.
En effet, après que la société European Broadcast Partners a remporté à nouveau le marché du Parlement européen, le gérant de la Sa Via Storia, entreprise sous-traitante, proposait juste aux ‘Freelances’, qui étaient des travailleurs indépendants, de continuer à travailler au Parlement dans les mêmes conditions qu’auparavant.
En dernier lieu, c’est aussi à tort que M. Y Z soutient que ses contrats de travail ne comportaient pas de terme précis.
D’une part, chaque contrat précise expressément les dates de début et de fin, ainsi que le nombre d’heures à effectuer selon un planning affiché par la cellule de coordination de la société European Broadcast Partners dans les locaux situés au niveau -1 du Parlement européen à Strasbourg.
D’autre part, il est inséré dans chaque contrat une clause rédigée dans les termes suivants : ‘La durée du présent engagement peut subir des modifications jusqu’à 12h précédant la journée de travail concernée. Celle-ci peut également être purement et simplement supprimée dans les mêmes délais, du fait d’impératifs de production ou d’annulation de commande du parlement européen, ce qui rendrait le présent contrat caduc’.
Comme le rappelle à juste titre l’employeur, cette clause ne vise qu’à informer le salarié de la flexibilité inhérente à l’activité dans le secteur audiovisuel.
En tout cas, elle signifie simplement que les parties sont convenues d’un commun accord que les termes du contrat pouvaient être modifiés 12 heures avant son exécution.
Au surplus, force est de constater qu’il n’est pas fait état d’un seul cas où cette clause aurait posé difficulté au cours de toute la durée de la relation de travail.
Ainsi, l’ensemble de ces éléments, concrets et objectifs, permet d’établir le caractère par nature temporaire des emplois occupés par M. Y Z, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté celui-ci de sa demande en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée.
Sur la demande en requalification de la relation de travail en contratde travail à temps plein
La demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ayant été rejetée, celle tendant à la requalification de cette relation en temps plein devient sans objet et doit également être rejetée.
Il en est de même de la demande de rappel de salaire à ce titre qui doit être rejetée.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ces points.
Sur la rupture de la relation de travail.
La demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ayant été rejetée, et chacun des contrats à durée déterminée d’usage ayant été exécuté jusqu’à son terme, sans aucune rupture anticipée, il y a lieu de rejeter les demandes de M. Y Z aux fins de dire que la rupture de son contrat en juillet 2016 s’analyse en un licenciement nul, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, et d’obtenir des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ces points.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu”il a condamné M. Y Z aux dépens de la première instance, et en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il sera infirmé en ce qu’il a condamné M. Y Z au paiement d’une indemnité de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau sur ce point, il y a lieu de rejeter la demande de la Sa Via Storia au titre de cet article.
À hauteur d”appel, M. Y Z, partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel.
Les demandes respectives des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition de l’arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement rendu le 11 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Schiltigheim, sauf en ce qu’il a condamné M. Y Z au paiement d’une indemnité de 1.000 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,
REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Y Z aux dépens d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022, signé par Monsieur Ziad El Idrissi, Conseiller faisant fonction de Président de chambre, et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,