Calcul des heures de travail des intermittents 

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Calcul des heures de travail des intermittents 
Ce point juridique est utile ?

Dès lors qu’il existe une distorsion entre le nombre d’heures de travail pris en compte par Pôle Emploi dans la notification des droits au chômage d’un artiste intermittent (543 heures contre 431 heures de travail effectivement réalisées), le doute ne bénéficie pas au salarié.

En application de l’article 2 §1 de l’annexe VIII au règlement général annexé à la convention collective des intermittents du spectacle du 18 janvier 2006, pour bénéficier de droits au chômage, le salarié est tenu de justifier qu’il a travaillé au moins 507 heures au cours des 304 jours qui précèdent la dernière fin de contrat de travail.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 13 JANVIER 2022

N° RG 20/01749 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HYCL

APPELANTE :

POLE EMPLOI PROVENCE ALPES COTE D’AZUR, Direction Service Traitements centralisés, prise en la personne de son directeur en exercice domicilié ès qualité en son siège sis

[…]

[…]

Représentée par Me Louis-alain LEMAIRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉ :

Monsieur Y X

né le […] à […] […]

Représenté par Me Cathy DELGADO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Stéphanie RODRIGUEZ, Greffier, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

À l’audience publique du 04 Novembre 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Janvier 2022,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, conseillère, en l’absence de la Présidente légitiment empêchée, le 13 Janvier 2022, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 décembre 2013, Y X, intermittent du spectacle, s’est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi et a commencé à percevoir, à compter du 28 septembre 2013, une allocation d’aide au retour à l’emploi.

Par jugement du 8 septembre 2015, le conseil des prud’hommes d’Avignon a débouté Y X de l’ensemble de ses demandes y compris celles tenant au rappel de salaire, considérant qu’il n’y a pas eu de jours travaillés complémentaires à ceux initialement prévus au contrat.

Prenant acte de cette décision, le Pôle Emploi PACA, par courrier du 25 novembre 2015, a informé M. X que la somme de 13 814,55 euros lui avait été versée à tort au titre de l’allocation de retour à l’emploi durant la période du 28 décembre 2013 au 18 mars 2015 puis par lettre recommandée du 5 mai 2017, l’a mis en demeure de lui rembourser la somme due avant le 5 juin 2017.

Le 29 juin 2017, Y X a formé opposition à la contrainte délivrée le 16 juin 2017 par le Pôle Emploi de la région PACA aux fins de remboursement de l’allocation de retour à l’emploi indûment versée.

Par jugement contradictoire du 25 mai 2020, le tribunal judiciaire d’Avignon a :

– déclaré l’opposition de M. Y X à la contrainte signifiée le 16 juin 2017 recevable ;

– déclaré l’action de Pôle Emploi PACA recevable comme non prescrite ;

– débouté Pôle Emploi PACA de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné Pôle Emploi PACA à payer à M. Y X la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a estimé que le nombre d’heures réalisées par Y X pour le compte de la société Animal Connexion n’avait été à aucun moment, remis en cause, ni même évoqué, par Pôle Emploi et que la décision prud’hommale n’avait pas modifié l’évaluation initiale réalisée par l’organisme et aboutissant à l’ouverture de droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi avec pour base 543 heures travaillées et ce pour une durée de 243 jours.

Par déclaration du 20 juillet 2020, le Pôle Emploi PACA a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2020, Pôle Emploi demande à la cour de :

– réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire,

– confirmer la contrainte en date du 13 juin 2018 et notifiée à Y X par acte d’huissier le 16 juin 2018 pour un montant de 13 814,55 euros,

– condamner l’intimé à lui payer, en répétition de l’indu, la somme de 13 814.55 euros augmentée des frais de mise en demeure avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2016,

– débouter l’intimé de l’intégralité de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pole Emploi Paca plaide en premier lieu que sa demande n’est pas prescrite, le délai de prescription de trois ans n’ayant commencé à courir qu’à partir de la suppression de l’attestation employeur de l’ancien employeur de M. X par le jugement du conseil des prud’hommes d’Avignon du 8 septembre 2015 puis ayant été interrompu par la notification de la contrainte du 8 août 2017. L’appelant soutient qu’il est fondé à solliciter le remboursement du trop-perçu, M. X s’étant engagé lors de la signature de son dossier d’inscription à restituer les sommes indûment perçues suite à une décision éventuelle issue d’un litige avec son employeur. Il déplore la mauvaise foi de l’allocataire qui s’est abstenu de lui transmettre la décision du conseil des prud’hommes d’Avignon du 8 septembre 2015 et en faignant d’ignorer le motif des réclamations qui lui ont été adressées.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2021, Y X demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner le Pôle Emploi PACA au paiement d’une somme de 2 000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il conclut à l’irrecevabilité de la demande comme prescrite. A titre très subsidiaire, il sollicite la somme de 13 814,55 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à la suite de la négligence manifestée par Pole Emploi dans l’analyse et le traitement de son dossier et demande à la cour d’ordonner la compensation avec les sommes réclamées par l’appelant.

L’intimé estime infondée la demande aux fins de répétition de l’indu puisqu’il a conservé son activité d’intermittent du 28 décembre 2013 au 18 mars 2015 sans avoir occupé un autre emploi salarié et rappelle que le jugement prud’homal n’a pas modifié le nombre d’heures travaillées pour le compte de son ancien employeur mais seulement considéré que le concluant avait été réglé de toutes ses heures travaillées et ne pouvait prétendre à un rappel de salaire. Y X soutient que le délai de rescription triennale a commencé à courir dès le versement des prestations. Selon lui, l’attitude de l’organisme dans la gestion de son dossier constitue une faute lui ayant causé un préjudice.

Par ordonnance du 22 juin 2021, la procédure a été clôturée 21 octobre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 4 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la prescription :

Ainsi que l’a jugé avec pertinence le tribunal, le point de départ du délai de prescription de l’action en répétition de l’indu engagée par l’appelant est le 8 septembre 2015, date du jugement du Conseil des prud’hommes d’Avignon qui a débouté Y X de sa demande de rappel de salaire formée contre son ancien employeur au titre de la période du 17 avril au 5 juillet 2013.

En effet, après avoir pris connaissance du jugement susvisé, Pole Emploi a considéré qu’il avait indûment versé à son allocataire des allocations de chômage. L’action en répétition de l’indu ne pouvait donc être engagée utilement qu’à compter de la date où le paiement est devenu indu.

Sur le fond :

En application de l’article 2 §1 de l’annexe VIII au règlement général annexé à la convention collective des intermitteents du spectacle du 18 janvier 2006, Y X pour bénéficier de droits au chômage est tenu de justifier qu’il a travaillé au moins 507 heures au cours des 304 jours qui précèdent la dernière fin de contrat de travail.

Inscrit comme demandeur d’emploi le 13 décembre 2013, l’intimé a perçu des allocations de chômage à compter du 28 décembre 2013 selon le régime des intermittents du spectacle. La date de fin de fin du dernier contrat de travail étant le 11 décembre 2013, l’intimé doit justifier avoir travaillé au moins 507 heures au cours de la période de référence comprise entre le 11 février et le 11 décembre 2013.

L’appelant considère qu’à la suite du jugement rendu par le conseil des prud’hommes d’Avignon le 8 septembre 2015, Y X n’a travaillé que 248 heures pour le compte de la société Animal Connexion alors qu’il avait justifié avoir effectué pour le compte de cet employeur 360 heures. Le nombre total d’heures de travail accomplies durant la période de référence n’étant plus que de 431 heures au lieu des 543 heures initialement déclarées, Pôle Emploi PACA estime avoir indûment versé à l’intimé des allocations chômage d’un montant de 13.814,55 euros.

L’intimé soutient pour sa part qu’il justifie avoir travaillé plus de 507 heures au cours de la période de référence et avait donc droit aux allocations versées.

Pour justifier du nombre d’heures de travail effectuées pour le compte de la société Animal Connexion, Y X verse aux débats un certificat de travail et cinq bulletins de salaire.

Dans le certificat de travail, l’employeur atteste que le salarié a travaillé du 17 avril au 6 juillet 2013 sur le tournage du film « Les Francis » de A B en qualité d’intermittent du spectacle dresseur animalier.

Les quatre premiers bulletins de salaire établis en avril, en mai, en juin et en juillet établissent qu’il a accompli au total 31 journées de travail d’une durée de huit heures chacune ce qui représente un total de 248 heures de travail ( 80 en avril, 64 en mai, 88 en juin et 16 en juillet).

Le cinquième bulletin de salaire, établi en novembre 2013, est intitulé « Régularisation sur ordonnance de référé du 18 novembre 2013 » et mentionne 14 jours de travail soit 112 heures.

Par ordonnance du 18 novembre 2013, le conseil des prud’hommes, statuant en référé, a ordonné à la société Animal Connexion de payer la somme de 4.700 euros au titre de rappel de salaires pour paiement de 27 journées de travail non réglées, soit 13 jours de tournage au taux de 200 euros net par jour et 14 jours hors tournage au taux de 150 euros net par jour. La juridiction prud’homale statuant en référé a en effet retenu que l’employeur ne rapportait pas la preuve que son salarié n’avait pas travaillé au cours de ces journées.

Par jugement du 8 septembre 2015, le conseil des prud’hommes a débouté Y X de sa demande de rappel de salaires. Après avoir relevé que le contrat de travail avait prévu 14 jours de préparation du tournage à 150 euros la journée et 17 jours de tournage à 200 euros la journée pour un salaire net total de 5 700 euros et que le salarié, absent le dernier jour du tournage, avait reçu de son employeur la somme de 5.500 euros, le conseil des prud’hommes a estimé que le salarié n’apportait pas d’éléments suffisants à l’appui de sa demande de rémunération de jours complémentaires à ceux initialement prévus par le contrat de travail.

Contrairement à ce qu’ont jugé à tort les premiers juges, le conseil des prud’hommes s’est prononcé sur la même question litigieuse que celle soumise deux ans auparavant à la juridiction des référés et a statué dans un sens opposé. L’objet du litige était le nombre d’heures de travail effectivement accomplies par Y X pour le compte de son employeur pendant la période de son contrat de travail, le salarié prétendant avoir effectué plus d’heures que celles figurant sur les bulletins de salaire délivrés ce que son employeur contestait. A l’inverse de l’ordonnance de référé du 18 novembre 2013, le jugement du 8 septembre 2015 rendu par le conseil des prud’hommes a débouté Y X de sa demande de rappel de salaire au motif qu’il ne prouvait pas avoir effectué des journées de travail autres que les 14 jours de préparation du tournage et les 17 jours de tournage figurant sur les bulletins de salaires, soit 31 Jours, et payés à hauteur de 5.500 euros par l’employeur.

Il existe donc une distorsion entre le nombre d’heures de travail pris en compte par Pôle Emploi dans la notification des droits au chômage du 13 février 2014 ‘ 543 heures ‘ et le nombre d’heures de travail effectivement réalisées ‘ 431 heures – par l’allocataire au cours de la période de référence après déduction des journées de travail non retenues par le jugement du conseil des prud’hommes du 8 septembre 2015 ayant autorité de la chose jugée.

Les 112 heures de travail mentionnées dans le bulletin de salaire établi en novembre 2013 et intitulé « Régularisation sur ordonnance de référé du 18 novembre 2013 » n’ont donc pas à être prises en compte, l’ordonnance de référé n’ayant pas, au principal, l’autorité de la chose jugée en application de l’article 488 du code de procédure civile.

Le relevé des activités professionnelles ouvrant droit à indemnité au titre des congés payés laquelle mentionne un total de 35 jours soit 280 heures de travail pour le compte de la société Animal Connexion, laquelle contredit le jugement du 8 septembre 2015 qui a tranché de manière irrévocable le nombre d’heures de travail effectuées par Y X pour le compte de cet employeur, ne peut davantage être pris en compte.

L’intimé prétend enfin avoir effectué 655 heures au cours de la période de référence mais ne produit ni bulletins de salaires ni certificat de travail ni AEM ( attestation employeur mensuelle) pour justifier des heures de travail que Pôle Emploi PACA n’a retenu ni dans sa notification d’ouverture des droits initiale ni dans son décompte actuel.

Pôle Emploi Paca rapportant la preuve que l’allocataire ne remplissait pas les conditions pour bénéficier des droits au chômage, le jugement sera infirmé : la contrainte délivrée le 13 juin 2018 sera donc confirmée et Y X condamné à payer à lui payer la somme de 13.814,55 euros en répétition de l’indu avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 décembre 2016.

Les frais de mise en demeure seront pris en compte au titre des frais irrépétibles exposés par l’appelant pour recouvrer sa créance.

Sur les dommages-intérêts :

L’intimé ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par Pôle Emploi, lequel lui a notifié le 13 février 2014 l’ouverture de ses droits au chômage sur la base d’un nombre d’heures de travail qui a été ultérieurement diminué par un jugement du 8 septembre 2015 rendu par le conseil des prud’hommes d’Avignon privant de tout effet probatoire un bulletin de salaire établi par l’employeur Animal Connexion en novembre 2013 sur lequel étaient mentionnées 112 heures de travail.

Dès qu’il a eu connaissance dudit jugement, l’appelant a cessé de verser les allocations indues et a réclamé les cotisations précédemment réglées le 25 novembre 2015.

Aucune faute de négligence n’ayant été commise par l’appelant dans l’analyse et le traitement de la situation de Y X, l’intimé sera débouté de sa demande reconventionnelle.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner Y X à payer à Pôle Emploi PACA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de Pôle Emploi Paca

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Confirme la contrainte délivrée le 13 juin 2018

Condamne Y X à payer à Pôle Emploi PACA la somme de 13.814,55 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 décembre 2016,

Le déboute de sa demande de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Condamne Y X à payer à Pôle Emploi PACA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens.

Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère, par suite d’un empêchement de la Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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