Caducité des contrats de location financière : Interdépendance et conditions de consentement

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Caducité des contrats de location financière : Interdépendance et conditions de consentement

La société Calioppe a souscrit des contrats de financement avec Franfinance pour la location de trois copieurs, avec des paiements trimestriels sur une durée de 21 trimestres. En raison de la fermeture de son magasin liée à la pandémie, Calioppe a résilié les contrats de maintenance et de location, entraînant des demandes d’indemnités de résiliation de la part de Franfinance. Après avoir contesté le montant des indemnités et restitué les copieurs, Calioppe a été assignée en paiement par Franfinance. Le tribunal de commerce a d’abord condamné Calioppe à payer une somme en principal, majorée d’intérêts, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Calioppe a fait appel, demandant l’infirmation du jugement et la caducité des contrats. Franfinance a, de son côté, demandé la confirmation du jugement. La cour d’appel a finalement prononcé la caducité des contrats de location, débouté Franfinance de ses demandes et condamné cette dernière à verser une somme à Calioppe.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/11067
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11067 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6TU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021011257

APPELANTE

S.A.R.L. CALLIOPE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

immatriculée au registre national des entreprises sous le numéro 434 174 744

Représentée par Me Christelle VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1200

Assistée de Me Clara MATHEY, avocate au barreau de LYON

INTIMEE

S.A.S.U. FRANFINANCE LOCATION

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère,

Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

La société Calioppe, qui a pour activité la vente de vêtements de prêt-à-porter, a souscrit avec la société Franfinance location (‘société Franfinance’) le financement de la mise à disposition de deux copieurs selon des contrats du 10 juillet 2017 n°001478123-00 et n°001478107-00 puyis d’un troisième copieur selon un contrat du 28 novembre 2017 n°001514438-00, ceci pour la durée de 21 trimestres et le paiement de trimestrialités hors taxe respectivement de 1.483 euros, 1.009 euros et 870 euros.

Ces copieurs ont été fournis par la société Réseaux boutique, les deux premiers le 24 juillet 2017, et le troisième le 21 décembre 2017, à laquelle la société Calliope a aussi confié leur maintenance selon des contrats concomitant de ceux souscrits pour la location financière.

Au motif de la fermeture de son magasin liée à la pandémie, la société Calliope a dénoncé le 6 mai 2019 la résiliation, d’une part à la société Réseaux boutique, des trois contrats maintenance au titre desquels elle a versé une indemnité de résiliation de 12.802, 26 euros. D’autre part à la société Franfinance.

Le 17 mai 2019, la société Franfinance a pris acte des résiliation et réclamé le paiement des indemnités contractuelles de résiliation anticipées de 22.838,20 euros HT au titre de la résiliation du contrat n°001478107-00, de 14.355,00 euros HT pour le contrat n°001514438-00 et de 15.538,60 euros HT au titre du contrat n°001478123-00.

La société Calliope a d’abord contesté le montant des indemnités, restitué les copieurs le 16 juin 2020 puis vainement proposé le paiement échelonné d’une partie des indemnités avant que la société Franfinance ne l’a assigne en paiement le 4 février 2021 devant le tribunal de commerce de Paris.

Par un jugement du 16 mai 2022, la juridiction commerciale a :

– constaté la résiliation des contrats de location n°001478107-00, n°001478123-00, et n°001514438-00 à compter du 25 juin 2020,

– condamné la société Calliope à payer à la société Franfinance la somme de 43.669, 08 euros en principal, majorée du taux d’intérêt conventionnel de 1,5% par mois à compter de la mise en demeure du 25 juin 2020,

– condamné la société Calliope au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

* *

Vu l’appel du jugement interjeté le 10 juin 2022 par la société Calliope ;

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 février 2023 pour la société Calliope afin d’entendre, en application des articles 1110, 1171, 1186 alinéas 2 et 3, 1190, 1231-5, 1719 à 1721 du code civil :

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Calliope à payer à la société Franfinance la somme de 43.669, 08 euros en principal, majorée du taux d’intérêt de 1,5% par mois à compter de la mise en demeure du 25 juin 2020, condamné la société Calliope à payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

à titre principal,

– constater la caducité des contrats de financements n°001478123-00, n°001478107-00 et n°001514438-00 de la société Franfinance par suite de la résiliation des contrats de location et de maintenance conclus entre la société Calliope et la société Réseaux bureautiques,

– débouter en conséquence la société Franfinance de l’intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire,

– constater que l’article 9.2. des conditions générales de la société Franfinance attachées aux contrats n°001478107.00 et 001478123.00, et que l’article 10 des conditions générales de la société Franfinance attachées au contrat n°001514438.00 stipulant l’indemnité de résiliation réclamée par la demanderesse créent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment de la société Calliope,

– déclarer en conséquence ces clauses non-écrites et donc inapplicables à la société Calliope,

– débouter en conséquence la société Franfinance de l’intégralité de ses demandes,

à titre encore plus subsidiaire,

– constater que la société Franfinance ne justifie pas les modalités de calcul et d’évaluation des indemnités de résiliation à hauteur de 48.462,88 euros,

– débouter en conséquence la société Franfinance de l’intégralité de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

– dire que l’indemnité de résiliation stipulée à l’article 9.2 des contrats n°001478123-00, n°001478107-00 et à l’article 10 du contrat n°°001514438-00 de la société Franfinance constitue une clause pénale, dont le montant total évalué à 48.462,88 euros est manifestement excessif,

– réduire en conséquence le montant de la clause pénale,

en tout état de cause,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Franfinance de sa demande de majoration de 10%,

– débouter la société Franfinance de sa demande au paiement de la somme de 4.793,80 euros au titre de la clause pénale,

– condamner la société Franfinance à verser par application de l’article 700 du code de procédure civile la sommes de 4.000 euros au titre de la première instance, et de 7.000 euros au titre de l’appel,

– condamner la société Franfinance aux entiers dépens de la première instance et de l’instance d’appel.

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 6 décembre 2022 pour la société Franfinance location afin d’entendre, en application des l’article 1103 du code civil

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

y ajoutant,

– condamner la société Calliope au paiement de la somme de 4.793,80 euros correspondant au reliquat des sommes réclamées au titre de la résiliation des contrats de crédit-bail,

– condamner la société Calliope au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

SUR CE, LA COUR,

1. Sur la demande de caducité du contrat de location financière

Pour conclure au bien fondé du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de caducité des contrats de location financière dont la société Calliope revendique le bénéfice sur le fondement de l’interdépendance de ces contrats avec ceux souscrit au titre de la maintenance des copieurs, la société Franfinance se prévaut des dispositions de l’article 1186 du code civil selon lesquelles :

Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.

Au visa en particulier du troisième alinéa de l’article 1186, la société Franfinance relève qu’aucun tiers n’a apporté son concours à la souscription des contrats et qu’aucune pièce ne permet d’établir que la société Franfinance connaissait l’existence de l’opération de maintenance lorsqu’elle a donné son consentement aux contrats de location.

Au demeurant, les contrats de location financière sont souscrits sous la condition de la mise à disposition des copieurs par un fournisseur et dont les propriétés sont acquises au bailleur et tandis qu’aux termes de leurs articles 1 et 4.3, les conditions générales de location mettent à la charge de la locataire ‘l’entretien et la réparation de quelque nature et de quelque importance que ce soit pendant toute la durée de la location en sa qualité de gardien’, il en résulte que les contrats de location financière incluaient une opération comportant la maintenance des copieurs, de sorte que la société Franfinance avait nécessairement connaissance de l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’elle avait donné son consentement.

Alors qu’aux termes des débats, il est constant que les contrats de maintenance ont fait l’objet de résiliation, celles-ci ont eu pour effet d’entraîner la caducité des contrats de location financière.

Le jugement sera en conséquence infirmé et la société Franfinance déboutée de l’ensemble de ses demandes.

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Franfinance succombant à l’action, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a tranché les dépens et les frais irrépétibles, et statuant à nouveau de ces chefs y compris en cause d’appel, il convient de la condamner aux dépens et à payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions .

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la caducité des contrats de location financière n°001478123-00, n°001478107-00 et n°001514438-00 ;

DÉBOUTE la société Franfinance location de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la société Franfinance location aux dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la société Franfinance location à payer à la société Calliope la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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