Ce point juridique est utile ?
Le délai dont l’appelant dispose pour conclure fixé par l’article 908 du code de procédure civile n’est pas interrompu par la demande d’aide juridictionnelle, seul le délai pour faire appel l’étant.
République française
Au nom du peuple français
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
du 12 Janvier 2023
N° RG 22/01253 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HBCB
Appelant
M. [N] [Z], demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Gaussem SELMANE, avocat au barreau d’ANNECY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 73065-2022-001932 du 05/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 4])
contre
Intimé
M. [Y] [S], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Bérangère HOUMANI, avocat au barreau de CHAMBERY
*********
Nous, Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la mise en état de la 2ème Chambre de la Cour d’appel de Chambéry, assistée de Sylvie DURAND, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante le 12 Janvier 2023 après examen de l’affaire à notre audience du 8 décembre 2022 et mise en délibéré :
Par jugement réputé contradictoire rendu le 24 mai 2022, le tribunal judiciaire d’Annecy, saisi par M. [Y] [S] aux fins de condamnation M. [N] [Z] au paiement de diverses sommes en remboursement d’un prêt et de dommages et intérêts, a :
condamné M. [Z] à payer à M. [S] la somme de 49.680,00 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021,
débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts,
condamné M. [Z] à payer à M. [S] 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
rejeté toutes les autres demandes et demandes plus amples et contraires,
condamné M. [Z] aux dépens avec distraction au profit de Me Houmani en application de l’article 699 du code de procédure civile,
rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.
Ce jugement a été signifié à M. [Z] par acte délivré à sa personne le 16 juin 2022.
Par déclaration du 1er juillet 2022 (R.G. 22/01227), M. [Z] a fait appel à l’encontre d’un «jugement rendu le 24 mai 2022 (RG n° 21/01999) par le président du TGI de [Localité 3]», appel dirigé contre M. [S]. La déclaration d’appel ne contient aucun rappel des chefs de jugement critiqués.
Parallèlement, M. [Z] a déposé le 1er juillet 2022 une demande d’aide juridictionnelle. Celle-ci lui a été accordée partiellement par décision du 5 septembre 2022.
Par une deuxième déclaration en date du 5 juillet 2022 (R.G. 22/01253, la présente affaire), M. [Z] a formé un deuxième appel à l’encontre d’un «jugement rendu le 24 mai 2022 (RG n° 21/01999) par le président du TJ de [Localité 3]», accompagné d’une annexe précisant les chefs de jugement critiqués.
Enfin, par une troisième déclaration en date du 14 octobre 2022, M. [Z] a formé un troisième appel contre la même décision (R.G. 22/01775).
M. [Z] a notifié ses conclusions d’appelant le 16 octobre 2022 dans chacun des deux premiers appels et le 17 octobre 2022 dans le troisième, et a sollicité leur jonction.
La caducité des deux premiers appels a été soulevée d’office par le conseiller de la mise en état en raison du dépôt tardif des conclusions de l’appelant. Les trois dossiers ont été appelés en audience d’incident pour qu’il soit également statué sur la jonction demandée et la recevabilité du troisième appel.
Dans l’affaire enrôlée sous le n° R.G. 22/01253 (la présente procédure), par conclusions récapitulatives d’incident notifiées le 6 décembre 2022, M. [S] demande au conseiller de la mise en état de :
Vu l’article 908 du code de procédure civile,
déclarer caduque la déclaration d’appel n° 22/01266 régularisée par M. [Z] le 1er juillet 2022 à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Annecy le 24 mai 2022,
rejeter l’ensemble des demandes formées par M. [Z],
condamner M. [Z] à payer à M. [S] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [Z] aux entiers dépens de l’appel.
A cet effet, M. [S] soutient que M. [Z] avait un délai jusqu’au 5 octobre 2022 pour conclure ensuite de son appel formé le 5 juillet 2022, étant précisé que la demande d’aide juridictionnelle n’a pas pour effet de suspendre le délai pour conclure de l’article 908 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident notifiées le 5 décembre 2022, M. [Z] demande au conseiller de la mise en état de :
Vu l’article 908 du code de procédure civile,
Vu l’article 115 du code de procédure civile,
Vu l’article 43 du décret du 28 décembre 2020,
Vu l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
déclarer irrecevable la caducité soulevée d’office du dépôt de conclusions d’appelant tardif,
joindre les procédures d’appel n° RG 22/01227 et 22/01253,
En conséquence,
à titre principal, recevoir les conclusions de l’appelant remises au greffe le 16 octobre 2022,
à titre subsidiaire, si la caducité des appels RG 22/01227 et 22/01253 devait être prononcée pour des conclusions d’appelant tardif, recevoir la déclaration d’appel n° RG 22/01775 remise au greffe le 16 octobre 2022,
en tout état de cause, condamner M. [S] à payer à M. [Z] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A cet effet, M. [Z] fait valoir que le deuxième appel est une régularisation du premier, d’où la demande de jonction, et soutient que l’appel ayant été formé après le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle, le délai pour conclure de l’article 908 du code de procédure civile a été suspendu jusqu’au 20 octobre 2022, de sorte que ses conclusions sont recevables conformément aux dispositions de l’article 43 du décret du 28 décembre 2020. Il invoque enfin les dispositions de l’article 6§1 de la CEDH en soutenant que déclarer l’appel caduc constituerait une violation du principe fondamental du droit d’accès au juge.
MOTIFS ET DÉCISION
En application de l’article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.
L’article 43 du décret n° 202-1717 du 28 décembre 2020 dispose que:
«Sans préjudice de l’application de l’article 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et du II de l’article 44 du présent décret, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter:
1° De la notification de la décision d’admission provisoire;
2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande;
3° De la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée;
4° Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
Lorsque la demande d’aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la
propriété
> <
intellectuelle
, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article.
Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d’aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente.»
Ainsi, il résulte de ce texte que le délai dont l’appelant dispose pour conclure fixé par l’article 908 du code de procédure civile n’est pas interrompu par la demande d’aide juridictionnelle, seul le délai pour faire appel l’étant.
En l’espèce, M. [Z] a interjeté appel le 5 juillet 2022 et n’a conclu que le 16 octobre 2022, alors que le délai pour conclure expirait le 5 octobre 2022. Il est indifférent que la demande d’aide juridictionnelle ait été déposée avant la déclaration d’appel, dès lors que l’appelant a fait le choix d’interjeter appel sans attendre la décision du bureau d’aide juridictionnelle.
Par ailleurs, l’application des dispositions précitées n’a pas pour effet de priver M. [Z] de l’accès au juge puisque, ayant fait appel dans le délai d’appel, il lui appartenait de respecter les délais de la procédure qui n’affectent pas le droit effectif d’accès au juge.
En conséquence, l’appel formé le 5 juillet 2022 est caduc.
Aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties.
M. [Z] supportera les entiers dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS
Nous, Conseillère de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,
Constatons la caducité de l’appel interjeté par M. [N] [Z] le 5 juillet 2022,
Disons en conséquence que la cour est dessaisie de l’affaire enrôlée sous le n° R.G. 22/01253,
Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M. [N] [Z] aux entiers dépens de l’appel.
Ainsi prononcé le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signée par Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la Mise en Etat et Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Conseillère de la Mise en Etat