Caducité de l’appel : Clarification des conditions de recevabilité dans le cadre d’une contestation de créance en redressement judiciaire

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Caducité de l’appel : Clarification des conditions de recevabilité dans le cadre d’une contestation de créance en redressement judiciaire

Contexte de la procédure

La société ANBL MACONNERIE S.A.R.L. a été placée en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de Commerce de Nantes en date du 8 février 2023. Cette décision a conduit à la désignation d’un mandataire judiciaire, la SCP MJURIS, pour gérer la procédure.

Rejet de la créance

Le 5 juin 2024, le juge commissaire a rejeté la créance déclarée par la société S.C.I. DE NAZARE, s’élevant à 43 563,31 € à titre chirographaire. Ce rejet a été contesté par la société de Nazare, qui a interjeté appel le 18 juin 2024, visant spécifiquement le rejet de sa créance.

Demandes de la société de Nazare

Dans ses conclusions déposées le 27 juin 2024, la société de Nazare a demandé la réforme de l’ordonnance du 5 juin 2024, le sursis à statuer sur l’admission de sa créance, ainsi qu’une indemnité de 2 500 € pour frais non-répétibles. Elle a maintenu ces demandes dans des conclusions ultérieures.

Incident de caducité

Le 24 octobre 2024, les sociétés ANBL et MJURIS ont déposé des conclusions d’incident pour demander la caducité de la déclaration d’appel de la société de Nazare. En réponse, la société de Nazare a demandé à être déboutée de toutes les demandes formulées par ANBL et MJURIS.

Arguments des parties

Les intimées ont soutenu que la société de Nazare n’avait pas formulé de prétention déterminant l’objet du litige, arguant que l’appel ne pouvait pas viser un sursis à statuer. De son côté, la société de Nazare a affirmé que le juge commissaire avait rejeté une demande de sursis à statuer, ce qui était prévu par le code de commerce.

Caducité de l’appel

Le conseiller de la mise en état a constaté que les conclusions de la société de Nazare ne comportaient pas de prétentions suffisantes pour rendre l’appel valide, entraînant ainsi sa caducité. En conséquence, la société de Nazare a été condamnée aux dépens de l’appel et à verser 800 € aux intimées au titre des frais non-répétibles.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions de recevabilité d’un appel en matière de redressement judiciaire ?

L’article 954 du Code de procédure civile précise que pour qu’un appel soit recevable, les conclusions de l’appelant doivent être remises dans le délai imparti par l’article 908 et comporter des prétentions claires sur le litige.

En l’absence de telles prétentions, la déclaration d’appel peut être déclarée caduque. Cela signifie que l’appelant doit formuler des demandes précises et déterminées, sans quoi l’appel ne pourra pas être examiné par la cour.

Il est également important de noter que, selon la jurisprudence, si l’appelant ne prend pas de conclusions dans le délai imparti, cela entraîne la caducité de l’appel. Par exemple, dans un arrêt de la 2e chambre civile du 9 septembre 2021, il a été affirmé que la caducité de la déclaration d’appel est encourue si les conditions de l’article 954 ne sont pas respectées.

Quel est le rôle du juge commissaire dans la procédure de redressement judiciaire ?

L’article L.624-2 du Code de commerce stipule que le juge commissaire, sur la base des propositions du mandataire judiciaire, décide de l’admission ou du rejet des créances.

Il peut également constater qu’une instance est en cours ou que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge commissaire a la compétence pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.

Il est important de souligner que le juge commissaire n’est pas tenu de surseoir à statuer dans tous les cas. Il peut soit admettre ou rejeter la créance, soit constater qu’une instance est en cours, ce qui lui ôte le pouvoir de statuer sur l’admission ou le rejet de la créance.

Ainsi, le sursis à statuer n’est pas expressément prévu par le texte, et les conclusions aux fins de sursis à statuer ne déterminent pas l’objet du litige, comme l’a confirmé la jurisprudence.

Quelles sont les conséquences d’une déclaration d’appel caduque ?

Lorsque la déclaration d’appel est déclarée caduque, cela signifie que l’appel ne sera pas examiné par la cour. En conséquence, la décision contestée reste en vigueur et les parties doivent se conformer à cette décision.

De plus, l’article 700 du Code de procédure civile permet à la partie gagnante de demander le remboursement des frais non-répétables. Dans le cas présent, la société de Nazare a été condamnée à payer une somme de 800 € aux intimées au titre de cet article.

Il est également à noter que la partie dont l’appel a été déclaré caduc peut être condamnée aux dépens de l’appel, ce qui implique qu’elle devra supporter les frais de la procédure d’appel, y compris les honoraires d’avocat de la partie adverse.

Ainsi, la caducité de l’appel entraîne des conséquences financières pour la partie qui a interjeté appel, ainsi qu’une confirmation de la décision initiale du juge commissaire.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n° 24/03590
3ème Chambre Commerciale

ORDONNANCE N°210

N° RG 24/03590 – N° Portalis DBVL-V-B7I-U4JI

S.A.R.L. ANBL MACONNERIE S.A.R.L.

S.C.P. MJURIS SCP

C/

S.C.I. DE NAZARE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me LHERMITTE

Me KIERZKOWSKI-CHATAL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

DU 12 DECEMBRE 2024

Le douze Décembre deux mille vingt quatre, date indiquée à l’issue des débats du vingt huit Novembre deux mille vingt quatre, Madame Sophie RAMIN, Magistrat de la mise en état de la 3ème Chambre Commerciale, assisté de Julie ROUET, Greffier,

Statuant dans la procédure opposant :

DEMANDEURS A L’INCIDENT :

ANBL MACONNERIE S.A.R.L. immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n°802 770 768, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

MJURIS SCP prise en la personne de Me [S] es qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL ANBL MACONNERIE, désignée en cette qualité par jugement du Tribunal de Commerce de Nantes du 8 février 2023,

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentées par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentées par Me Véronique BAILLEUX, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMEES

A

DÉFENDEUR A L’INCIDENT :

S.C.I. DE NAZARE immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n°480 484 302, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

APPELANTE

A rendu l’ordonnance suivante :

Par jugement du 8 février 2023, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de la société ANBL.

Par ordonnance du 5 juin 2024, le juge commissaire sur contestation de la créance déclarée par la société de [Adresse 8] pour un montant de 43 563,31 € à titre chirographaire, l’a rejetée.

Par déclaration du 18 juin 2024, la société de Nazare a interjeté appel. L’annexe de la déclaration d’appel précise qu’il s’agit d’un appel portant sur le chef de jugement suivant : « rejetons la créance de la SCI de Nazare pour la somme de 45 563,31 € à titre chirographaire ».

Le 27 juin 2024, la société de Nazare a déposé des conclusions au fond par lesquelles elle demande :

– Vu l’article 15 du code de procédure civile,

– Vu l’article L-624-2 du code de commerce,

– Réformer purement et simplement en toutes ses dispositions l’ordonnance n°RG 2024/002861 rendue le 5 juin 2024 par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Nantes,

– statuant à nouveau :

– ordonner le sursis à statuer sur l’admission de la créance de la société de Nazare dans l’attente de l’issue de la procédure pendante devant la 4 ème chambre civile du tribunal judiciaire de Nantes sous le n°RG 24/03010.

– condamner la SCP Mjuris ès-qualités à payer à la société de Nazare une indemnité de 2 500 euros au titre des frais non-répétibles par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SCP Mjuris ès qualités aux entiers dépens de l’appel.

Par conclusions du 12 septembre 2024, la société de Nazare a maintenu ses demandes.

Le 24 octobre 2024, la société ANBL et la société Mjuris prise en la personne de M. [S] mandataire judiciaire ont déposé des conclusions d’incident afin que soit prononcée la caducité de la déclaration d’appel.

Par conclusions du 25 octobre 2024 auxquelles il est renvoyé pour le complet exposé de ses moyens et prétentions, la société de Nazare demande au conseiller de la mise en état de :

– débouter les sociétés ANBL et Mjuris ès qualités en leur incident,

– débouter les sociétés ANBL et Mjuris ès qualités de toutes les demandes qu’elles formulent dans ce cadre,

– condamner les sociétés ANBL et Mjuris ès qualités in solidum à lui payer la somme de 3 000 € au titre des frais non-répétibles par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés ANBL et Mjuris ès qualités aux entiers dépens de l’incident.

Par conclusions du 18 novembre 2024 auxquelles il est renvoyé pour le complet exposé de ses moyens et prétentions, la société ANBL et la société Mjuris ès qualités demandent au conseiller de la mise en état de :

– constater et prononcer la caducité de la déclaration d’appel,

– débouter la société de Nazare de toutes ses demandes,

– condamner la société de Nazare aux dépens et à payer la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles.

DISCUSSION

Les intimées font valoir, en substance, que la société de Nazare ne forme aucune prétention qui détermine l’objet du litige en ce que l’appel ne peut tendre au sursis à statuer. Elles soutiennent que l’appelante devait soit demander l’admission de la créance et former ensuite une demande de sursis à statuer, exception de procédure, en cas de contestation sérieuse de la créance que le juge commissaire ne pouvait trancher, soit demander l’admission de la créance et subsidiairement, le constat d’une instance en cours au sens de l’article L624-2 du code de commerce. Elles ajoutent que si l’appelante considérait que le juge commissaire avait tranché une contestation sérieuse ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel ou n’avait pas répondu à une demande de sursis à statuer, elle devait interjeter un appel nullité.

La société de Nazare soutient principalement que le juge commissaire a rejeté une demande de sursis à statuer sur une demande d’admission de sa créance, sursis expressément prévu par l’article L624-2 du code de commerce.

Il résulte l’article 954 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente instance que le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908 du même code, doit comporter, en vue de l’infirmation d’une décision frappée d’appel, des prétentions sur le litige.

Dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue. (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-17.263)

L’article L.624-2 du code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2021, dispose :

« au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »

Il s’en déduit que :

– soit le juge commissaire admet ou rejette la créance,

– soit il constate qu’une instance est en cours lui ôtant le pouvoir juridictionnel de statuer sur l’admission ou le rejet de la créance ; il n’a pas à surseoir à statuer,

– soit il constate que la contestation ne relève pas de sa compétence et invite les parties à saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation. Le juge commissaire n’a pas l’obligation de surseoir à statuer dans cette hypothèse dans l’attente de la décision de la juridiction désignée. (Com., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-25.053)

Le sursis à statuer, qui n’est qu’une exception de procédure, n’est donc pas expressément prévu par le texte.

Les conclusions aux fins de sursis à statuer ne déterminent pas l’objet du litige.(2e Civ., 23 mai 2024, pourvoi n° 20-21.532)

Dès lors, il doit être considéré que les conclusions au fond déposées par l’appelante dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile ne comportent aucune prétention rendant l’appel caduc.

Il convient de constater la caducité de l’appel.

Il convient de condamner la société de Nazare aux dépens de l’appel et à payer aux intimées la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le conseiller de la mise en état,

Constate la caducité de l’appel formé par la société de Nazare à l’encontre de l’ordonnance n°RG 2024/002861 rendue le 5 juin 2024 par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Nantes,

Condamne la société de Nazare aux dépens de l’appel,

Condamne la société de Nazare à payer à la société ANBL et à la société Mjuris ès qualités la somme globale de 800 €,

Rejette toute autre demande des parties,

LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT


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