Caducité d’appel : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/04819

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Caducité d’appel : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/04819
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/04819 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NVJG

[M]

C/

S.A.S. POLYTECHNYL

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lyon

du 26 Mai 2021

RG : 21/00128

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

APPELANT :

[J] [M]

né le 17 Juillet 1974 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphanie BARADEL de la SELARL STEPHANIE BARADEL AVOCAT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.S. POLYTECHNYL prise en la personne de ses représentants légaux en exercice

domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON substitué par Me Pierre CIAMPORCERO, avocat plaidant au barreau de LYON, Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Octobre 2022

Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Nathalie PALLE, présidente

– Thierry GAUTHIER, conseiller

– Vincent CASTELLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [M] (le salarié) a été embauché au titre d’un contrat à durée indéterminée le 5 avril 2011 par la société Rhodia Opérations, en qualité d’opérateur logistique empotage dépotage, statut ouvrier, coefficient 190 de la convention collective nationale de la chimie. En 2020, à la suite de la cession de la branche polyamide du groupe Solvay au groupe Basf, la société Polytechnyl (la société) a repris l’exploitation du site industriel « Belle étoile » dans lequel travaille le salarié, devenant alors son employeur.

Le 4 avril 2012, le salarié a été victime d’un accident de travail puis a repris son poste en janvier 2018.

Depuis sa reprise, le salarié a été régulièrement suivi par les services de santé au travail. Le 2 février 2018, le médecin du travail a établi un avis d’aptitude temporaire, accompagné de recommandations de tâches ou postures à proscrire, comme les différents avis rendus depuis cette date, (16 janvier 2018, 13 février 2018, 25 mai 2018, 29 juin 2018, 23 novembre 2018, 28 juin 2019, 6 novembre 2019, 31 août 2020, 4 novembre 2020).

Le 10 mars 2021, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude médicale du salarié au poste d’opérateur de fabrication après examen du salarié, mise à jour de la fiche d’entreprise, étude du poste de travail et étude des conditions de travail. Dans cet avis le médecin formule les conclusions suivantes :

« inapte aux déplacements répétés sur terrain irrégulier, inapte aux déplacements répétés en escaliers et passerelles, inapte aux déplacements en échelle et crinoline. Inapte au déplacement, soulèvement de charges notamment bras de chargement à hausser au dessus du plan des épaules. inapte au branchement ou utilisation de certaines vannes dont le couple de force est au-delà de 25 kgF, ou vannes d’accès difficile. Inapte aux postures accroupies (passage sous tampons de wagon, montage de brides, raccord hansen). Par voie de conséquence inapte au poste ST100, inapte au poste ST 59.

Revoir poste enfûtage, précédente étude en janvier 2018.

Étude des capacités restantes dans le cadre d’autres missions en logistique ou sur autre secteur d’activités. »

Un second avis d’inaptitude a été rendu le 24 mars 2021 donnant lieu à un jugement du conseil de prud’hommes de Lyon le 9 juin 2021 à la suite du recours du salarié. Le salarié a relevé appel de ce jugement, appel déclaré caduc par ordonnance du 12 octobre 2021.

Par requête du 19 mars 2021, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes de Lyon pour contester l’avis médical du 10 mars 2021 afin de voir dire et juger que son état de santé permet de retenir son aptitude au poste d’agent logistique qu’il occupe au sein de la société. A titre subsidiaire, il sollicite la mise en ‘uvre d’une expertise médicale.

Par jugement du 26 mai 2021, la formation paritaire de référé du conseil, statuant en matière de procédure accélérée au fond, a :

– confirmé l’avis délivré le 10 mars 2021 par le médecin du travail, en ce qu’il déclaré le salarié inapte à occuper son poste de travail,

En conséquence,

– débouté le salarié de sa demande contraire

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à ordonner une expertise médicale telle que demandée subsidiairement par le salarié,

En conséquence,

– débouté le salarié de sa demande subsidiaire,

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à prononcer de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chacun la charge de ses propres dépens.

Le salarié a relevé appel de ce jugement, le 2 juin 2021.

Dans ses conclusions notifiées le 29 août 2022, le salarié demande à la cour de :

– reformer le jugement du 26 mai 2021 en ce qu’il a :

confirmé l’avis délivré le 10 mars 2021 par le médecin du travail en ce qu’il déclare le salarié inapte à occuper son poste de travail,

débouté le salarié de sa demande contraire,

dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à ordonner une expertise médicale,

débouté le salarié de toutes ses demandes,

Et, statuant à nouveau,

À titre principal,

– annuler l’avis d’inaptitude du 10 mars 2021,

– juger que l’état de santé du salarié, attesté par plusieurs médecins et spécialistes, permet de retenir son aptitude au poste d’agent logistique (empotage, dépotage) qu’il occupe au sein de la société à l’atelier ST59,

– rappeler que l’arrêt de la cour se substitue aux avis du médecin du travail,

À titre subsidiaire, si la cour d’appel devait estimer qu’une expertise médicale supplémentaire s’impose,

– ordonner la mise en ‘uvre d’une expertise médicale confiée au médecin inspecteur régional du travail, ou à qui mieux le devra, avec les missions suivantes :

se faire remettre le dossier médical du salarié,

solliciter des parties toutes pièces utiles,

examiner le salarié,

effectuer une visite du poste d’empotage ST59 sur site,

prendre contact avec le docteur [C], médecin traitant,

prendre contact avec le docteur [L], psychiatre,

prendre contact avec le docteur [R], rhumatologue,

déterminer si le salarié est apte à reprendre au poste d’agent logistique,

déterminer si les conclusions et préconisations du médecin du travail des 10 et 24 mars 2021 sont conformes avec l’état de santé du salarié,

– laisser à la charge exclusive de la société les frais liés à cette mesure d’instruction,

En tout état de cause,

– condamner la société à lui régler la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le salarié fait valoir que :

– depuis sa consolidation fin 2017, il a toujours été jugé apte au poste d’opérateur logistique, comme en témoignent les différents avis d’aptitude rendus émettant seulement des restrictions et des aménagements ;

– les restrictions d’aptitude visées par le médecin du travail dans l’avis du 10 mars 2021 ne concernent pas les taches nécessitées à l’atelier ST59 mais concernent seulement l’atelier ST100, ces restrictions ont été étendues à tort par le médecin du travail à l’atelier ST 59

– depuis février 2018 jusqu’à février 2021, il a été affecté uniquement à l’atelier ST59 et n’a rencontré aucune difficulté, il est alors apte à travailler à l’atelier ST59 ;

– les éléments médicaux de son dossier valident son aptitude à tenir son poste, les constatations médicales, requises par le médecin du travail, d’un psychiatre, rhumatologue et de son médecin traitant s’étant positionnés en faveur de cette aptitude, l’avis du médecin du travail en contradiction avec ces dernières est erroné.

Dans ses conclusions notifiées le 30 août 2022, l’employeur demande à la cour de :

Au principal, confirmant le jugement entrepris,

– débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire, infirmant le jugement entrepris,

– lui donner acte qu’elle s’en rapporte a justice sur la demande d’expertise, rappel fait des réserves émises sur son intérêt,

En tout état de cause,

– débouter le salarié de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

La société fait valoir que :

– l’avis du 10 mars 2021 du médecin du travail ne peut être contesté, ce dernier étant rendu après étude de poste dans un contexte de suivi renforcé ayant toujours conduit à d’importantes réserves quant à l’aptitude du salarié à son poste et est particulièrement motivé ; que le salarié ne verse au débat aucune pièce d’ordre médical venant contredire les conclusions du médecin du travail, seul ayant compétence à se prononcer sur l’aptitude d’un salarié à son poste, contrairement aux autres avis médicaux,

– concernant la demande subsidiaire d’expertise médicale, l’avis d’inaptitude du 10 mars 2021 n’est pas le dernier en date, le médecin du travail, dans un avis du 24 mars 2021, ayant confirmé son inaptitude, une telle expertise se trouve dès lors superflue.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.

En cours de délibéré, la cour a entendu releverd’office, en application des articles 122 et 125 du code de procédure civile, l’éventualité d’une fin de non-recevoir prise de l’autorité de la chose jugée devant être opposée à la demande de M. [M] visant à remettre en cause le bien-fondé de l’avis établi par la médecine du travail, le 10 mars 2021. Elle invitait les parties, le 27 octobre 2022, à présenter les observations qu’elles estiment utiles dans un délai de huit jours.

Par note du 3 novembre 2022, le conseil du salarié concluait à la recevabilité de son recours.

Par note du 7 novembre 2022, le conseil de l’employeur concluait à l’irrecevabilité de la contestation, pour défaut d’intérêt à agir.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Les articles L. 4624-1, L. 4624-2, L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail donnent compétence au médecin du travail pour vérifier l’aptitude du salarié à son poste de travail et précisent les conditions dans lesquelles cet avis doit être établi. Ils donnent en outre possibilité au médecin d’établir son avis à la suite de deux examens successifs, qui doivent intervenir dans un délai de quinze jours, de même que l’avis médical d’inaptitude.

Il résulte de ces textes que, lorsque le médecin du travail entend procéder à un double examen du salarié, aux fins de déterminer l’aptitude au travail de celui-ci, la portée du premier examen dépend nécessairement de celle du second, et que, dès lors, c’est l’avis prononcé aux termes de celui-ci qui détermine de manière définitive l’aptitude du salarié.

En l’espèce, il est constant que le salarié a fait l’objet d’un avis d’inaptitude du 24 mars 2021 qui mentionne : « date de la 1ère visite : 10 mars 2021 », « date de la 2de visite : 24 mars 2021 ».

En outre, si, à la suite de la 1ère visite du 10 mars 2021, le médecin du travail a établi un document appelé « avis d’inaptitude », qui est contesté par le salarié dans le cadre de la présente instance, le libellé de cet avis, ci-dessus reproduit, indique manifestement que le médecin estimait ne pas avoir totalement exploré les conditions de reclassement possible du salarié, renvoyant à l’analyse d’un poste « d’enfutage » et à une « étude des capacités restantes dans le cadre d’autres missions », de sorte que ce document ne peut être considéré comme l’avis définitif du médecin du travail.

Ainsi, conformément aux dispositions de l’article R. 4626-42 du code du travail susvisé, le médecin du travail ne s’est prononcé définitivement sur l’aptitude au travail du salarié que dans son avis du 24 mars 2021.

Or, cet avis a fait l’objet d’un recours contentieux devant conseil de prud’hommes de Lyon, ayant donné lieu à un jugement du 9 juin 2021 (pièce n° 7 de l’intimée) qui a rejeté le recours du salarié. Cette décision ayant fait l’objet d’un appel, frappé par une ordonnance de caducité du 12 octobre 2021 (pièce n° 9 de l’intimée), contre laquelle il est ni soutenu ni justifié qu’un recours ait été entrepris, la décision de première instance doit être considérée comme irrévocable.

En outre, le document du 10 mars 2021, qui pourrait être qualifié d’avis d’inaptitude provisoire, est indissociable de celui établi le 24 mars 2021, en ce que les conclusions du second dépendent, au moins pour partie, de celles du premier et la remise en cause de l’avis du 10 mars 2021 revient à contester, indirectement mais nécessairement, la valeur juridique de celui du 24 mars 2021.

Ainsi, faire droit à la demande du salarié, en tant que de besoin par le biais d’une mesure d’expertise, reviendrait à écarter purement et simplement l’avis de la médecine du travail du 24 mars 2021 ou encore à créer le risque de décisions judiciaires contradictoires.

Ainsi, la contestation du salarié relative à l’avis du 10 mars 2021 se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 9 juin 2021, ayant confirmé de manière irrévocable le second l’avis d’inaptitude du 24 mars 2021.

Au vu de ce qui précède, par application des dispositions des articles 122, 125 et 480 du code de procédure civile, les demandes du salarié sont irrecevables.

Il n’y a pas lieu de statuer sur l’éventuel défaut d’intérêt à agir du salarié, moyen soulevé par l’employeur.

Le jugement, en ce qu’il a statué au fond, confirmé l’avis d’inaptitude du 10 mars 2021 et rejeté la demande d’expertise présentée par le salarié, devra être ainsi infirmé.

Le salarié, qui perd en cette instance, devra en supporter les dépens.

Au vu de l’équité, la demande du salarié fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement, en ce qu’il a confirmé l’avis délivré le 10 mars 2021 par la médecine du travail et débouté M. [J] [M] de sa demande contraire et de sa demande d’expertise ;

Statuant à nouveau :

Vu le jugement rendu le 9 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Lyon ;

DECLARE les demandes de M. [J] [M] irrecevables ;

Y ajoutant,

MET les dépens de l’instance à la charge de M. [M] ;

REJETTE la demande de M. [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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