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AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/01089 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M3MU
S.A.S.U. SOCIETE LYONNAISE DE PIECES ET SERVICES AUTOMOBILE – SLPSA
C/
[D]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 16 Janvier 2020
RG : 18/02017
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 15 MARS 2023
APPELANTE :
SOCIETE LYONNAISE DE PIECES ET SERVICES AUTOMOBILE – SLPSA
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Joël VALETTE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[F] [D]
né le 01 Juin 1981 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]/FRANCE
représenté par Me Jacqueline PADEY-GOURJUX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Janvier 2023
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société SLPSA est une société du groupe PSA, filiale de PSA Retail France SAS, spécialisée dans la vente et la fourniture de pièces détachées automobile, au service des différentes filiales, sociétés et marques du groupe PSA, ainsi qu’auprès de distributeurs indépendants.
M. [F] [D] a été engagé en qualité d’opérateur confirmé (Z9) à effet du 1er janvier 2005 par la société industrielle automobile du nord, suivant contrat à durée indéterminée, sur le site de [Localité 7].
Ultérieurement son contrat de travail a été transféré au profit de la Société Commerciale de Distribution de Pièces de Rechange(S.C.D.P.R.), pour un poste de Chef de groupe comptabilité (N20), basé à [Localité 5] (59).
Au sein de cette structure, il a ensuite évolué à effet du 3 janvier 2011 vers un poste de gestionnaire de comptabilité (N23) puis au 1er juillet 2012, il a été promu cadre dans des fonctions d’adjoint chef de service niveau II échelon A.
Suivant avenant à son contrat de travail, M. [F] [D] a été muté dans la région lyonnaise au 1er mars 2013.
Par la suite, son contrat de travail a été transféré au profit de la société SLPSA, contrat écrit, signé le 1er novembre 2013 et qui mentionne un poste de Chef de Groupe Comptabilité, le salarié occupant des fonctions de chef de service.
M. [F] [D] a, selon avenant signé à effet du 1er novembre 2017, été promu directeur du site de [Localité 6], à des fonctions de cadre dirigeant de niveau Z.C.IV.1 position 4 A.
La Société Lyonnaise de Pièces et Services Automobile applique la Convention Collective des Services de l’Automobile.
Par courrier remis en main propre le 23 avril 2018, la SLPSA a convoqué M. [D] à un entretien préalable, en vue de son licenciement, fixé au 09 mai 2018.
Par lettre recommandée du 16 mai 2018, la SLPSA a notifié à M. [D] son licenciement pour faute grave.
Par requête du 6 juillet 2018, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon de diverses demandes salariales et de contestation de son licenciement.
Par jugement du 16 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :
dit que le licenciement pour faute grave de M. [F] [D] doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamné la SASU SOCIETE LYONNAISE DE PIECES ET SERVICES AUTOMOBILE à payer à M. [F] [D]
au titre du licenciement 4 467,51 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre 446,75 € de congés payés afférents,
* 19 745,25 € au titre de l’indemnité de préavis, outre 1.974,53 € de congés payés afférents,
* 24 315,91 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 60 000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
au titre de la contestation du solde de tout compte :
* 1.211,55 € de rappel de congés payés,
* 2 180,79 € de rappel de congés d’ancienneté,
* 250 € de régularisation de prime annuelle 2017,
*2.382 € de prime du premier trimestre 2018,
*101,61 € de rappel de remboursement de frais de véhicule,
condamné la SASU SOCIETE LYONNAISE DE PIECES ET SERVICES AUTOMOBILE à payer à M. [F] [D] la somme de 1.700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Le 11 février 2020, la SLPSA a fait appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 9 décembre 2020, la SLPSA demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement et statuant, à nouveau, de débouter M. [D] de ses demandes, d’ordonner le remboursement par le salarié de la somme de 51 176,66 € versée le 28 février 2020 outre intérêts de droit et subsidiairement, de réduire les demandes indemnitaires de dommages-intérêts, de rejeter les demandes d’exécution provisoire, de condamnations aux frais irrépétibles et aux dépens, de condamner M. [D] à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 26 septembre 2022, M. [D] demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la SLPSA de ses demandes, de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
SUR CE,
Sur le licenciement :
La SLPSA fait valoir :
qu’au sein du groupe PSA, il existe une procédure d’embauche précise, impliquant un minimum d’information et de loyauté de la part de celui qui recrute
que le dispositif implique d’obtenir la validation des personnes habilitées, les présidents ou directeurs des ressources humaines
que le comportement de M. [D] a consisté à cacher à sa direction le recrutement de son ex beau-frère, au profil déjà écarté par la direction en 2017 ;
qu’il a établi une promesse d’embauche et l’a signée le 12 février 2018
qu’à la suite des pressions qu’il a exercées sur Mme [A] et M. [B], cela n’a été porté à la connaissance de la DRH que tardivement ;
que M. [C], DRH s’est positionné le 4 avril 2018 en refusant de valider l’embauche faite par M. [D]
que les clients acheteurs de pneus bénéficient d’un programme de fidélisation dit points UP , qui leur permet d’accéder à une vitrine de cadeaux pour les récompenser de leur fidélité
qu’elle a découvert que, depuis sa nomination au poste de directeur, aucun point UP n’a été utilisé à destination des clients
que M. [F] [D] a préféré se servir lui-même dans la vitrine pour acquérir, avec les chèques cadeau, divers objets, pour son usage personnel
que pour compenser ces agissements, elle a dû racheter les chèques cadeaux, pour un montant de 5157 €
que la faute grave consiste à se servir en point fidélité appartenant à l’entreprise, pour acquérir des biens pour son confort et son usage exclusif
que les fautes commises par M. [D] constituent des violations de ses obligations contractuelles.
M. [D] répond qu’il a embauché M. [J], son ex-beau-frère en raison de ses compétences et de l’urgence de la situation, alors que la société était confrontée à une baisse du chiffre d’affaire. Il ajoute
qu’il a effectué toute sa carrière dans le contrôle de gestion et la comptabilité et venait d’intégrer son poste de cadre dirigeant, sans formation ni information spécifique en matière de ressources humaines et de gestion du personnel
que les procédures internes concernant le recrutement n’ont pas été portées à sa connaissance
que sa délégation de pouvoir lui permettait d’embaucher ou licencier les salariés, de fixer leur rémunération
que la dissimulation à l’égard de la direction n’est pas établie ni la pression à l’encontre de Mme [A]
qu’aucune pièce ne corrobore des pressions sur M. [B].
Sur les points UP, il soutient :
que l’employeur n’a retenu, dans la lettre de licenciement qu’un seul compte, centralisant les points UP, alors qu’un second compte existait ;
qu’il a passé commande d’un réfrigérateur et deux micro-ondes permettant de changer les appareils mis à disposition des salariés, ainsi qu’une imprimante couleur et un rétroprojecteur
que c’est par manque de temps que le matériel n’a pas été installé
qu’il a aussi utilisé les points UP pour décorer son bureau, commander un stylo et un porte carte de marque, une valise cabine et une trousse de toilette pour ses déplacements outre des accessoires informatique
l’intégralité des points consommés l’a été à usage professionnel.
Il conteste la valeur probante et le contenu des attestations de MM. [K], [B] et [E] et de Mme [U].
***
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, pendant la durée du préavis. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
Le licenciement repose sur deux griefs :
« Le 20 avril 2018, les 4 chefs de services de l’établissement de [Localité 6], Mme [U] [G] économique, M. [K] Responsable Call Center, M. [E] Responsable Exploitation, et M. [B] Responsable Commerce ont demandé à être reçus collégialement par M. [C] [S]. Ils souhaitaient exercer leur devoir d’alerte quant vos méthodes de management et à certains de vos agissements non conformes à la probité attendue et aux règles en application dans notre entreprise.
Aux regards de la gravité des éléments recueillis lors de cet échange, nous avons décidé de vous mettre à pied à titre conservatoire afin de mener de plus amples investigations. Ces dernières ont permis de révéler deux points majeurs :
Vous avez abusé de votre position de Directeur pour embaucher un membre de votre entourage, sans la validation préalable de votre hiérarchie, et pire, en lui cachant la réalité des faits et en faisant pression sur vos collaborateurs pour qu’ils contournent les règles, ce qui montre que vous étiez conscient de ne pas les respecter.
En effet, fin 2017, vous avez présenté M. [J] à M. [B], votre Responsable Commerce, comme votre ex-beau-frère mais surtout comme un nouveau Vendeur itinérant que vous veniez de recruter.
M. [B] s’en est étonné auprès de vous car en juin 2017 cette même personne avait été écartée d’un précédent processus de recrutement par votre prédécesseur et lui-même faute d’avoir les compétences requises.
De plus, il était surpris de cette embauche qui n’avait été validée ni par M. [C] ni par moi-même comme le veut la procédure. Agacé par ses remarques vous avez déclaré que vous étiez seul décisionnaire dans l’entreprise et ordonné à M. [B] d ‘établir une promesse d’embauche. Après plusieurs relances de votre part M. [B] a fini par formaliser cette promesse d’embauche que vous avez signée le 12 février 2018.
Mise devant le fait accompli, Mme [A], votre assistante, a refusé d’établir une demande d’embauche a postériori pour tenter de « régulariser » la situation. C’est donc en faisant pression à nouveau sur M. [B] que ce dernier a formalisé une demande qui m’a été adressée pour la première fois le 14 mars 2018. Soit plus d’un mois après que vous ayez signé la promesse d’embauche de M. [J].
Depuis cette date vous n’avez eu de cesse d’essayer de me faire valider cette embauche dont je ne comprenais pas l’urgence au vu de notre activité. Le 4 avril 2018, M. [C] a pris contact avec votre assistante pour lui signifier qu’il refusait de valider cette embauche au motif que la procédure n’avait pas été respectée. C’est à ce moment-là que nous avons découvert l’existence de cette promesse d’embauche et de votre lien avec M. [J]. Mais pire encore, devant notre refus de validation, vous avez tout de même tenté de faire embaucher l’intéressé via une entreprise de travail temporaire. De plus vous lui avez mis à disposition un véhicule de l’entreprise, sans aucun document de prêt, alors même que M. [J] n’en avait aucune nécessité professionnelle car en formation à l’exploitation.
S’agissant de ce recrutement, votre implication personnelle, votre précipitation et votre insistance à vouloir contourner la règle montrent bien le traitement particulier que vous avez eu pour ce dossier. Lors de votre entretien vous avez reconnu ne pas avoir rencontré d’autre candidat pour le poste, arguant que c’était plus simple et plus rapide de procéder ainsi. Outre le contournement des règles internes sur le recrutement, il n’était objectivement pas plus rapide et plus simple d’attendre près de 3 mois que M. [J] soit disponible vu tous les stratagèmes mis en place pour aboutir à vos fins
Ce que je retiens de votre attitude dans ce dossier c’est votre déloyauté vis-à-vis de votre hiérarchie en lui cachant délibérément les réalités de ce recrutement, et qui plus est, et a plusieurs reprises, en ignorant volontairement toutes nos procédures en vigueur. »
Pour établir ce grief, la société SLPSA verse aux débats :
1/ une attestation de M. [B], business developper qui déclare
que la candidature de M. [J], présentée en juin 2017 parmi 4 autres candidats, avait été écartée, celui-ci n’ayant pas le niveau ;
qu’au mois de décembre 2017, [F] [D] lui a présenté M. [J], en lui indiquant qu’il était son ex beau-frère et qu’il était embauché ;
que cette embauche n’avait pas été validée par le service RH ;
que lorsqu’il lui fait remarquer que l’embauche n’était pas validée, M. [D] lui a répondu que « c’est lui le patron » ;
que [F] [D] a fait pression sur lui pendant plusieurs jours pour qu’il établisse une promesse d’embauche et une demande de validation d’embauche ;
qu’il lui a demandé par Sms de prendre contact avec M. [J] « qui ne sait pas à quelle heure il doit se présenter Mardi, son contrat est-il prêt ‘» alors qu’il n’avait pas l’accord de sa hiérarchie pour cette embauche ;
2/une attestation de Mme [I] [A], assistante gestion/RH, qui déclare :
qu’au retour de ses congés le 19 février 2018, sa responsable hiérarchique, Mme [U], lui a remis en mains propres une promesse d’embauche M. [J], vendeur itinérant à partir du 2 avril 2018 ;
que cette promesse d’embauche avait été remise à Mme [U] par M. [D]
que [F] [D] lui a demandé de faire la demande d’embauche, ce qu’elle a fait par mail à [S] [C] ;
que suite à la relance de V. [D], elle a renvoyé, par mail du 3 avril 2018, la demande à S.GIRE, qui a répondu que la question avait été abordée au CODIR du 22 mars mais qu’aucune décision n’était prise ;
que V [D] lui a demandé, le même jour, de scanner la promesse d’embauche à [S] [C] ;
que ni [S] [C] ni [V] [W] n’avaient donné leur accord avant que la promesse ne soit remise à M. [J] ;
que M. [D] lui a dit de faire la demande d’embauche « le directeur c’est moi, et [W] et [C] n’ont qu’à me téléphoner si cela ne leur va pas »
qu’elle n’a pas fait la demande d’embauche car il était hors de question qu’elle le fasse sans l’accord de la direction de M. [D] et celui de M. [C] ;
que M. [D] lui a demandé de passer par une agence intérim en attendant d’avoir l’embauche
qu’ADECCO a refusé et qu’elle a contacté RANDSTADT puis que M. [W] a validé l’embauche le 13 avril
que du 2 au 13 avril 2018, M. [J] était dans l’entreprise, sans contrat et que M. [D] a demandé que soit mis à sa disposition un véhicule
3/ le processus d’embauche qui comporte 5 étapes et précise qui est l’acteur de chaque étape : besoin de recruter une personne ; formulaire de demande d’embauche ; demande d’autorisation d’embauche ; autorisation d’embauche (formulaire de demande d’embauche validé) ; formalisation et envoi du contrat de travail à l’établissement : l’acteur de l’autorisation d’embauche est le président de PSA RETAIL France PR France + DRH de PAS RETAIL PR
4/ le mail de Mme [A], daté du 7 février 2018, adressé à Mme [O] [U], MM [B], [E] et [K], et en copie à M. [D], « je vous prie de trouver ci-joint les nouveaux formulaires’formulaire d’embauche, formulaire promo/transfert et formulaire intérimaire » et les documents correspondants qui portent tous la mention « mise à jour au 1er février 2018 » ;
5 / le formulaire « embauche » en vue de l’embauche de S. [J]», qui porte la mention « mise à jour du 1er février 2018 », sur lequel dans la cellule « demande » apparaissent les noms de M. [D] comme étant « directeur de la succursale ou filiale-signataire du contrat » et celui de S. [C] comme « ZMRH », et au-dessous une cellule de « validation (date et signature) » non encore remplies ni signées par le Directeur de Zone/Directeur Commerce et le RHEC/RHRF ; la rubrique « nature, enjeux et urgence du poste » a été renseignée ainsi « vendeur GA/GF ADMINSTRATION/SOCIETE » ;
6/ la promesse d’embauche, datée du 12 février 2018, signée de M. [D] et de M. [J], sans autre condition suspensive que tenant à l’accord et la disponibilité du salarié.
7/ les échanges de mail entre [I] [A] et [S] [C] entre le 14 mars 2018 et le 12 avril 2018 :
le 14 mars 2018, Mme [A] adresse « une copie d’une demande d’embauche dûment remplie par [S] [B]. Merci de bien vouloir nous valider en retour celle-ci pour envoi final auprès du CSP », le mail ayant pour objet demande de validation d’embauche, un rappel le 3 avril et réponse de M. [C] « je n’ai pas validé car ce poste devait être discuté en CODIR à [Localité 4] et approuvé par WD et SM. A cette date je n’ai pas de retour de WD ou SM »
par mail du 4 avril 2018, Mme [A] transmet la promesse d’embauche et M. [C] répond « dois-je comprendre que cette demande d’embauche a été faite et donc transmise sans validation de W [W] et moi-même ‘ »
M. [D] verse aux débats pour sa part ses échanges de mail avec W. [W] entre le 5 et 9 avril 2018, par lesquels M. [D] vante le profil de M. [J] pour un poste en conquête RI et explique, le 5 avril 2018 « ce que je voulais faire : S. [J] remplace F. [L] qui prend le poste de vendeuse Société Administration. Recrutement au 02.04, formation et recouvrement avec F. [L] sur le poste afin d’être opérationnels pour le 02.05. Malheureusement le dossier d’embauche ne s’est pas bien préparé [‘] Maintenant c’est une stratégie que j’avais fin 2017, aujourd’hui nous sommes en crise sur le canal RI. Je préfère changer et placer S. [J] en conquête RI afin d’améliorer notre CA et coller au budget, il a le bon profil conquête » .
Le 6 avril 2018, W. [W] demande si M. [J] a le profil pour prendre le portefeuille RI ; le 9 avril, M. [D] répond « M. [J] a bien le profil : il est jeune et dynamique, a précédemment fait du prospect chez des clients en B2B ».
Le 10 avril 2018, Mme [A] adresse un nouveau mail à M. [C] « demande d’accord formulaire d’embauche » notamment pour M. [J] « [F] attend la validation finale de M. [W]. Si toutefois vous souhaitez avoir plus de renseignements sur ce dossier, vous pouvez joindre directement [F] [D] ». A ce mail, est joint un nouveau formulaire d’embauche concernant M. [J], pour le poste « chef de secteur Vendeur itinérant » mais la rubrique « nature enjeux et urgence du poste » mentionne « renforcement de l’équipe VI par un vendeur conquête »
Finalement, M. [W] a validé le recrutement de M. [J], sans faire d’observation sur le non-respect de la procédure (mail du 13 avril 2018) tandis que M. [C] n’a pas validé l’embauche mais ne s’est pas opposé à son intégration. (mail du 12 avril).
La signature de la promesse d’embauche avant l’autorisation d’embauche est établie.
La circonstance que M. [D] dispose d’une délégation de pouvoir pour embaucher ne lui permettait pas de s’affranchir des processus de recrutement qu’il ne pouvait ignorer en sa qualité de cadre dirigeant.
Le grief est établi.
« Ce manque de déontologie et de probité est également ce que nous vous reprochons quand vous détournez les moyens commerciaux de l’entreprise a votre profit.
Le programme « UP » fait qu’en fonction du volume de pneus que nous lui achetons, la société Michelin crédite le compte « UP » de notre entreprise d’un certain nombre de points. Ces points servent à animer commercialement nos clients qui les utilisent ensuite pour acquérir des cadeaux dans une vitrine. Pour nos clients affiliés UP c’est directement Michelin qui prélèvent les points sur le compte de l’entreprise et les redistribue (+ abondement) aux clients ayant acheté des pneus chez nous. Si nous vendons des pneus à des clients non affiliés alors les points acquis restent sur notre compte. La pratique est alors de se servir de ces points pour acquérir des chèques cadeaux pour les animer. En 2017 votre prédécesseur avait logiquement utilisé 99,5% des points acquis dans ce sens. Depuis votre arrivée il y a 6 mois, aucun point UP n’a été utilisé dans cette optique. En effet, vous avez préféré acquérir des appareils électroménagers, a priori pour les locaux sociaux, des objets de décoration d pour votre bureau ainsi que de la bagagerie, de la maroquinerie et un stylo de luxe pour vous. Le tout pour près de 2800€.
Ainsi, le réfrigérateur et les 2 micro-oncles attendent depuis 4 mois dans le local des archives. Aucune demande particulière ni du CE, ni des DP ou de CHSCT n’avait été faite à ce sujet…
Pour décorer votre bureau, ainsi que pour votre confort, vous avez acquis pour environ 600€ un minibar et 2 tableaux…
Egalement pour votre usage personnel vous avez acquis pour près de 800€ une valise, une trousse de toilette, un porte carte Mont-blanc ainsi qu’un stylo de la même marque.
Ces dépenses ayant été détournées de leur but premier, vous avez donc été obligé de racheter des chèques Cadeaux pour l’animation de nos clients, mais cette fois ci non pas avec les points acquis avec le programme UP mais bel et bien avec les euros de l’entreprise. Au cumul, environs 2800€ de chèques cadeaux ont été dépensés alors que nous aurions dû les économiser si vous n’aviez pas détourné ces moyens commerciaux.
L’ensemble de ces faits n’a été porté à notre connaissance que suite à l’alerte de vos chefs de service en avril dernier et aux investigations complémentaires menées avant votre entretien préalable.
Lors de l’entretien vous avez déclaré que vu votre implication dans l’entreprise il était normal que vous utilisiez ces points pour la décoration de votre bureau, que vous ne compreniez pas pourquoi nous vous reprochions ce stylo Mont-blanc d’une valeur de 350€’
Il apparait que votre nomination au poste de Directeur vous a fait perdre toute clairvoyance. Vous estimez que votre nouvelle position vous donne tous les droits. Or cette position nécessite surtout un devoir d’exemplarité, de probité, d’éthique et de loyauté vis-à-vis de vos collaborateurs comme de l’entreprise. C’est ce que nous sommes en droit d’attendre d’un cadre dirigeant au sein de notre société. Vous avez bafoué la fonction que vous occupez et ceci est strictement intolérable.
Vos explications n’ont pas permis de modifier notre appréciation quant à vos agissements. Ils sont constitutifs d’une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise. »
La société SLPSA verse aux débats :
une facture d’achat, en date du 14 décembre 2017, de 216 chèques cadeaux par la société SLPSA : la facture est à l’attention de M. [D] ;
les attestations de remise de ces chèques cadeaux (reçu pour distribution de récompense, formulaire établi par SLPSA et daté du 19 décembre 2017 ) à 39 garagistes au titre de l’opération « implantations hiver pneus Michelin » et qui sont signées par les garagistes entre le 22 décembre 2017 et le 18 janvier 2018 ;
l’attestation de M. [B] qui relate
* que lorsqu’ils ont voulu, avec [X] [N] (ex-adj commerce) redistribuer les points MICHELIN aux agents, ils ont constaté que le compte avait été complétement vidé ;
* qu’il s’est rapproché de M. [D] qui lui a dit avoir acheté de l’électroménager pour le CE et pris quelques articles pour lui ;
* que le relevé Michelin recensait : une imprimante couleur (dans les locaux) un rétro-projecteur ( dans la salle de réunion) un porte-cartes Mont Blanc (pour environ 125 euros), un mini bar (prévu pour son bureau) , un stylo Mont Blanc (pour environ 330 euros) un réfrigérateur (pour le CE ‘ pour environ 320 €) une trousse de toilette DELSEY (pour lui environ 30 euros) , 2 tableaux (pour son bureau, environ 410 euros), un port et un chargeur USB (pour lui) un porte crayon (pour son bureau environ 20 euros) une valise SAMSONITE (pour lui environ 180 euros) deux micro-ondes (CE ‘)
*qu’afin de pouvoir rétribuer les agents qui demandaient leurs points, [F] [D] a fait acheter pour environ 5 400 € de chèques cadeaux ;
M. [F] [D] verse aux débats, pour sa part :
la commande qu’il a passée, le 11 décembre 2017. La valeur de la commande est de 87 893 points et le détail : deux micro-ondes gril simultané, une valise spinner S’Cure, un organisateur de bureau, un chargeur rapide haute puissance, 3 ports USB, un tableau Dune, un tableau Topaze, une trousse de toilette, un réfrigérateur 2 portes, un stylobille Starwalker Spirit of Racing, un réfrigérateur mini bar, un porte-cartes, un vidéo projecteur et une imprimante i-sensys ;
la commande qu’il a passée le 28 février 2018, de 2155 chèques cadeaux à 10 euros et 2 places de cinémas GAUMONT PATHE ( valeur de la commande : 673 572 points) ;
le procès-verbal de la réunion ordinaire du CHSCT du 3 avril 2018 : en face du constat « nettoyage du réfectoire » il est indiqué au titre des actions réalisées ou en cours de réalisation « contrat renforcé nettoyage du réfectoire du frigo et des micro-ondes tous les vendredis » et « deux nouveaux micro-ondes et un réfrigérateur vont être changés dans quelques jours » ;
un mail de sa part, en date du 8 avril 2018, à Mme [U], MM [K], [E] et [B] les informant de l’intervention d’une société pour le nettoyage de l’entrepôt le samedi 28 avril « ‘ j’aimerais en profiter pour ranger nos bureaux et l’entrepôt – Installation Frigo, micro-ondes »
A la date à laquelle il a passé commande, aucun besoin d’un réfrigérateur et deux fours à micro-ondes n’était identifié et il est exact que ces appareils sont restés pendant plusieurs mois, dans le local des archives.
M. [D] ne conteste pas avoir passé ses commandes et admet qu’une partie des objets commandés étaient destinés à son usage. Il s’agit d’objet de luxe et sa qualité de cadre dirigeant ne lui imposait nullement de disposer d’un stylo de luxe ou d’un minibar.
Il est exact que des chèques cadeaux ont été achetés quelques jours après la commande passée par M. [D] et que ces chèques cadeaux ont été distribués aux adhérents.
Ainsi, le grief est établi.
M. [D] verse aux débats, pour illustrer le contexte :
les échanges de mail à propos d’un challenge national à destination des « forces de vente » de la société, les lauréats et leurs conjoints remportant un week-end dans une capitale ;
ces échanges portent essentiellement sur le risque de redressement URSSAF, étant précisé que c’est le « pilote économique », M. [Z] [M] qui alerte « lorsqu’une entreprise invite ses collaborateurs et leurs épouses à un WE de trois jours, cela oblige à certaines déclarations sociales sur la fiche de paie’ »
les échanges de mail à propos du départ à la retraite d’un salarié et de la soirée BCBG : il est question du cadeau de départ : M. [R] [T], directeur écrit, le 11 septembre 2017 « Nous avons décidé de lui offrir un beau voyage (valeur 4500/5000 euros pour deux personnes) une enveloppe lui avait été remise à la soirée. Ce cadeau a été financé par 142 commandes d’un montant moyen 500 euros (environ 70K€). et avec la participation de nos fournisseurs et de nous-même SLPSA. Nous avons trouvé un accord avec PROMOSTIM qui était des sponsors de la soirée. Et qui s’engage à nous facturer ce voyage sans aucune commission [‘] » et un mail de M. [D] ( qui était alors pilote économique) du 20 septembre 2017 « [R], SLPSA monte un challenge avec 1 seul vainqueur. Nous verserons les points PROMOSTIM à ce vainqueur (personne morale) qui financera le voyage avec ses points ‘ » et réponse de M. [T] « [F]’la solution la plus transparente est une facturation directe de Promostim vers nous’merci de ton accord et validation » ;
M. [D] fait ainsi le parallèle entre, d’une part, les cadeaux faits par l’employeur aux salariés de l’entreprise, à l’occasion d’un challenge ou d’un départ à la retraite, les échanges qu’il produit portant essentiellement sur la qualification d’avantage en nature que pourraient revêtir ces cadeaux et les conséquences quant aux cotisations sociales, et, d’autre part, ce qui lui est reproché et qui est bien différent (s’attribuer des cadeaux).
Les témoignages de ses collaborateurs, qui relatent que lorsqu’ils lui ont rappelé les règles de recrutement, il a répondu « c’est moi le patron » ou « c’est moi le directeur », illustrent le reproche de perte de clairvoyance.
Les griefs mettent en cause la probité et l’exemplarité d’un cadre dirigeant et rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pour la durée du préavis.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué des sommes au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes salariales
Le salarié détaille ses demandes de rappel de congés payés, congés d’ancienneté, frais de véhicule, régularisation de prime annuelle 2017 et 2018 et souligne que ces demandes ne sont pas contestées par l’appelant.
La société SLPSA, qui sollicite l’infirmation du jugement sur ce point, ne développe aucun argument.
Le jugement sera confirmé s’agissant des prétentions salariales.
Sur les autres demandes
S’agissant de la demande de restitution des sommes que l’employeur a réglées en exécution de la condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes, il y a lieu de rappeler que le présent arrêt, pour partie infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées par l’appelant en exécution du jugement de première instance.
La société SLPSA qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens d’appel, le jugement étant confirmé en ce qu’il a condamné celle-ci aux dépens.
Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives à l’indemnité de procédure, mais l’équité ne commande pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou l’autre des parties en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement ;
Infirme le jugement en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société à payer au salarié diverses sommes à ce titre ;
Statuant à nouveau sur ces chefs,
Déboute M. [D] de ses demandes au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme le jugement pour le sur plus de ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société SLPSA aux dépens d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La greffière, La présidente,