CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 23/03/2017, 16VE00945, Inédit au recueil Lebon

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CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 23/03/2017, 16VE00945, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) AIRBUS et la SAS AIRBUS OPERATIONS ont demandé au Tribunal Administratif de Montreuil d’annuler le rehaussement du résultat fiscal 2004 de la SAS Airbus Opérations, à hauteur de 157 291 674 euros et de rétablir ce dernier à son niveau initial.

Par un jugement n° 1407164 du 4 février 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 mars et le 7 décembre 2016 la SAS AIRBUS et la SAS AIRBUS OPERATIONS, représentées par Me Philibert, avocat, demandent à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° d’annuler le rehaussement du résultat fiscal 2004 de la SAS AIRBUS OPERATIONS et de rétablir ce dernier à son niveau initial ;

3° de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

– le jugement attaqué n’est pas suffisamment motivé ; le tribunal n’a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que la convention d’intégration fiscale de 2002, qui n’abordait pas le cas du  » carry­back interne « , permettait une telle opération dès lors d’une part qu’elle était basée sur le principe de neutralité et d’autre part qu’elle ne comportait aucune règle dérogatoire à ce principe ;

– le jugement est irrégulier en ce que la minute du jugement n’est pas signée ;

– l’opération de carry back interne à l’intégration n’est ni interdite, ni exclue par la convention d’intégration fiscale de 2002 ; cette opération, telle qu’elle a été mise en oeuvre et comptabilisée par la SAS Airbus France et la SAS Airbus, s’analyse, en toute hypothèse, comme une modification de la convention d’intégration fiscale conclue le 1er juin 2002 entre les sociétés Airbus et Airbus France ;

– la créance litigieuse n’est pas juridiquement constitutive d’une subvention taxable dès lors qu’elle est assortie d’une contrepartie consistant en une majoration des résultats des exercices de la SAS Airbus France clos à compter de 2005 par une minoration des déficits reportables en avant sans que puisse utilement lui être opposée la circonstance que cette contrepartie est intervenue au cours d’exercices ultérieurs ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Campoy,

– les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,

– et les observations de Me A…pour la SAS AIRBUS et la SAS AIRBUS OPERATIONS.

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Airbus France qui a été ultérieurement absorbée par la SAS AIRBUS OPERATIONS et qui était membre du groupe d’intégration fiscale Airbus, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité ; qu’à la suite de ce contrôle, l’administration fiscale a constaté que cette société avait déduit de son résultat imposable de son exercice clos le 31 décembre 2004 une créance de 157 291 674 euros sur sa société mère, la SAS AIRBUS, correspondant à la réallocation par cette dernière de l’économie d’impôt qu’aurait retiré la SAS Airbus France de l’imputation du déficit de cet exercice sur les bénéfices de ses exercices antérieurs à 2004 si elle n’avait pas été intégrée ; qu’estimant que cette créance constituait en réalité une subvention taxable, interne au groupe, le service a majoré à due concurrence le résultat imposable de la SAS Airbus France au titre de cet exercice ; que la SAS AIRBUS étant déficitaire au titre de son exercice clos en 2004, cette rectification n’a entraîné pour le résultat d’ensemble du groupe, que la diminution de ce déficit et n’a donné lieu à aucune mise en recouvrement ; que la SAS AIRBUS, en sa qualité de société mère du groupe d’intégration fiscale, et la SAS AIRBUS OPERATIONS, contestent le jugement du 4 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l’annulation du rehaussement du résultat fiscal pour l’année 2004 de la société Airbus Opérations et au rétablissement de ce résultat à son niveau initial ;

Sur la régularité du jugement attaqué:

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 9 du code de justice administrative :  » Les jugements sont motivés.  » ;

3. Considérant qu’il résulte des termes du jugement attaqué que pour rejeter les conclusions de la SAS AIRBUS et de la SAS AIRBUS OPERATIONS, les premiers juges ont relevé que l’article 1.1 de la convention d’intégration fiscale conclue le 1er juin 2002 entre les sociétés AIRBUS et Airbus France stipulait que  » à la sortie d’un exercice déficitaire, la filiale ne sera titulaire à raison de cette situation d’aucune créance sur la société mère  » et en ont déduit qu’une telle rédaction faisait obstacle à ce que la SAS Airbus France constate une créance sur sa société mère au titre de l’imputation du déficit de son exercice clos en 2004 sur le bénéfice de ses exercices antérieurs déjà pris en compte par cette dernière dans le cadre de l’intégration fiscale du groupe Airbus ; qu’ils ont, de la sorte, répondu de manière suffisamment circonstanciée au moyen soulevé par la société requérante ; qu’ainsi, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative :  » Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience  » ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué porte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d’audience ; qu’ainsi, ce jugement n’est pas intervenu en méconnaissance des dispositions précitées, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que l’ampliation du jugement notifiée à

la SAS AIRBUS ne comporte pas ces signatures ;

Sur le bien-fondé de la rectification :

6. Considérant qu’aux termes du paragraphe I de l’article 220 quinquies du code général des impôts :  » I. (…) le déficit constaté au titre d’un exercice (…) par une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l’antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l’avant-dernier exercice puis de celui de l’exercice précédent (…). Le déficit imputé dans les conditions prévues au premier alinéa cesse d’être reportable sur les résultats des exercices suivant celui au titre duquel il a été constaté.  » ; qu’aux termes de l’article 223 A de ce code dans sa rédaction alors applicable :  » Une société peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés du groupe. (…) Les sociétés du groupe restent soumises à l’obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. (…) Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l’impôt sur les sociétés, de l’imposition forfaitaire annuelle et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l’impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n’était pas membre du groupe.  » ; que l’article 223 B du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que :  » Le résultat d’ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l’article 217 bis (…) L’abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe n’est pas pris en compte pour la détermination du résultat d’ensemble.  » ; que selon l’article 223 E dudit code :  » Les déficits retenus pour la détermination du résultat d’ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis. (…)  » ; qu’aux termes de l’article 223 G du même code dans sa version applicable à l’année en litige :  » 1. Lorsque la société mère opte pour le régime prévu au paragraphe I de l’article 220 quinquies : a) Le déficit d’ensemble déclaré au titre d’un exercice est imputé sur le bénéfice d’ensemble ou, le cas échéant, sur le bénéfice que la société mère a déclaré au titre des exercices précédant l’application du régime défini à la présente section, dans les conditions prévues à l’article 220 quinquies ; (…) 2. Une société filiale du groupe ne peut pas exercer l’option prévue au paragraphe I de l’article 220 quinquies. (…)  » ;

7. Considérant que ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition ne déterminent les conditions de répartition de la charge de l’impôt entre les sociétés d’un groupe intégré ; que, par suite, les sociétés membres d’un groupe intégré sont libres de prévoir par une convention d’intégration les modalités de répartition entre elles de la charge de l’impôt ; que, dès lors que les stipulations de cette convention procèdent à une répartition tenant compte des résultats propres de chaque société du groupe dans des conditions telles que cette répartition ne porte atteinte ni à l’intérêt social propre de chaque société, ni aux droits des associés ou des actionnaires minoritaires et ne constitue pas, par suite, un acte anormal de gestion, elles ne peuvent être regardées comme conduisant au versement d’une somme ayant le caractère d’une subvention indirecte consentie entre des sociétés du groupe au sens de l’article 223 B du code général des impôts ;

8. Considérant qu’il résulte des écritures réciproques que la SAS Airbus France et la SAS AIRBUS ont passé dans leur compte courant d’intégration, que l’opération de

 » carry-back  » interne litigieuse ne résulte pas d’une décision unilatérale de l’une ou l’autre de ces deux sociétés, mais traduit l’existence d’un accord entre ces dernières en vue de déroger ponctuellement aux stipulations de l’article 1 de la convention d’intégration fiscale conclue le 1er juin 2002 interdisant une telle opération ;

9. Considérant toutefois que l’administration invoque l’absence de contrepartie à cette opération, constitutive d’un acte anormal de gestion ; que la SAS AIRBUS et la SAS AIRBUS OPERATIONS n’apportent aucun élément permettant d’établir l’existence d’une telle contrepartie pour la SAS AIRBUS au titre de son exercice clos en 2004 ; que la circonstance que l’opération litigieuse ait pour conséquence de majorer le résultat fiscal de cette société au titre de l’exercice clos en 2005 et de minorer les déficits reportables en avant de la SAS Airbus France ne présente, en tout état de cause, aucun intérêt pour la SAS AIRBUS au titre de l’exercice à la clôture duquel la subvention concernée a été accordée ; que l’administration doit ainsi être regardée comme établissant l’existence de l’acte anormal de gestion qu’elle invoque ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête en tant qu’elle émane de la SAS AIRBUS OPERATIONS, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS AIRBUS et de la SAS AIRBUS OPERATIONS est rejetée.

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N° 16VE00945


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