CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 28/09/2021, 19VE00546, Inédit au recueil Lebon

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CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 28/09/2021, 19VE00546, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Financière Lilas IV a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des contributions sociales correspondantes mises à sa charge au titre des années 2012 à 2014, pour un montant total de 2 542 119 euros, et de mettre à la charge de l’État la somme de 25 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1711658 du 7 janvier 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 février et 4 octobre 2019, la SAS Financière Lilas IV, représentée par Me Letranchant, avocat, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 25 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l’État aux entiers dépens.

Elle soutient que les entités du groupe General Electric (GE), GEAM International Private Equity Fund et General Electric Pension Trust, peuvent être qualifiées d’entreprises liées au sens du a. du 12. de l’article 39 du code général des impôts et que les dispositions du I. de l’article 212 de ce code sont en conséquence applicables aux intérêts des obligations convertibles (OC) qu’elles ont souscrites.

……………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de commerce ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Deroc,

– les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

– et les observations de Me Letranchant, avocat de la SAS Financière Lilas IV.

Considérant ce qui suit :

1. Le Groupe OGF, spécialisé dans les services funéraires, a fait l’objet d’une opération de prise de contrôle réalisée conjointement par le fonds d’investissement Astorg et le Groupe General Electric (GE). En ce sens, la SAS Financière Lilas IV a été constituée afin de procéder à l’acquisition de 100% du capital de la société OGF, principale société opérationnelle du Groupe OGF, détenant l’ensemble de ses filiales. Son capital est détenu, directement ou indirectement via la SAS Financière Freesia IV, par quatre groupes actionnaires, à savoir les  » entités Astorg  » (J. B…, FCPR Astorg IV et SAS Church Team IV), les  » entités GE  » (GE Pension Trust et GEAM International Private Equity Fund LP), Vestar via l’entité AKH LuxCo II, et le management du groupe OGF directement ou indirectement via les sociétés TwoFeet et ThreeFeet ainsi que via le FCPE OGF Actionnariat. Cette acquisition a été financée par un emprunt obligataire d’un montant total de 138 347 970 euros, via l’émission, par la société, en 2007 puis 2008, d’obligations convertibles (OC) d’une valeur nominale de 1 euro, rémunérées moyennant un taux d’intérêt annuel fixe de 9% correspondant à un taux de marché, souscrites par les entités Astorg, les entités GE, Vestar via Vestar OGF LLP et FCPE OGF Actionnariat. Au titre des exercices clos les 31 mars 2012, 2013 et 2014, la SAS Financière Lilas IV a déduit l’intégralité des charges d’intérêts supportées au titre des OC en application du I. de l’article 212 du code général des impôts, lequel permet la déduction d’un taux du marché supérieur au taux légal, en estimant que l’ensemble des souscripteurs des OC, par ailleurs associés de la société, constituaient des entreprises liées à la société au sens du 12. de l’article 39 du même code. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a toutefois remis en cause la déductibilité des intérêts versés à certains investisseurs, dont les entités GE, au motif que les intérêts servis ne pouvaient pas bénéficier des dispositions du I. de l’article 212 faute, pour ces sociétés, de pouvoir être regardées comme des entreprises liées. Elle a, en conséquence, réintégré dans le résultat fiscal de la SAS Financière Lilas IV la fraction des intérêts des OC souscrites par les entités GE excédant le taux maximum prévu par le 3° du 1. de l’article 39 du code général des impôts. La SAS Financière Lilas IV fait appel du jugement du 7 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a, en conséquence, été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 2 542 119 euros.

2. Le I. de l’article 212 du code général des impôts, dans ses rédactions successives applicables aux années 2012 et 2013, dispose que :  » Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l’article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d’après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l’article 39 ou, s’ils sont supérieurs, d’après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues « . Dans sa rédaction applicable à l’année 2014, le I. de l’article 212 prévoit que :  » Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l’article 39, sont déductibles : / a) Dans la limite de ceux calculés d’après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 du même article 39 ou, s’ils sont supérieurs, d’après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (…) « .

3. En vertu du 12. de l’article 39 de ce code, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, dans les conditions définies précédemment, sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d’une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d’une durée initiale supérieure à deux ans ou, s’il est plus élevé, au taux que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.

5. Pour revendiquer le bénéfice du I. de l’article 212 du code général des impôts s’agissant des intérêts versés aux entités GE, la SAS Financière Lilas IV soutient, devant le juge d’appel, qu’en l’absence d’associé détenant la majorité de son capital social, le critère de droit prévu au a. du 12. de l’article 39 du code général des impôts ne peut être retenu, en l’espèce, pour apprécier ses liens de dépendance et que, s’agissant du critère de fait, en l’absence d’actionnaire détenant seul sa gestion de droit ou de fait, ces liens doivent être appréciés au regard du contrôle conjoint qu’exercent sur elle les entités GE et Astorg, via la SAS Financière Freesia IV dont elles sont les associées. Elle fait valoir, à cet égard, que ces entités agissent de concert au sens des articles L. 233-3 et 10 du code de commerce aux termes desquels  » (…) / III. – Pour l’application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.  » et  » I.- Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d’acquérir, de céder ou d’exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société. / II.- Un tel accord est présumé exister : / (…) / 4° Entre les associés d’une société par actions simplifiée à l’égard des sociétés que celle-ci contrôle ; (…) « .

6. Toutefois, il résulte de l’instruction que les entités Astorg détiennent plus de 71% du capital de la SAS Financière Freesia IV, les entités GE n’en détenant que 29%, et que la SAS Financière Freesia IV possède 24 996 368 actions ordinaires de la SAS Financière Lilas IV sur un total de 40 872 165, et une majorité de 61,16% de droits de vote, pouvant ainsi prendre seule l’ensemble des décisions ordinaires et extraordinaires. Il résulte également de l’instruction que le point 8. du pacte d’actionnaires organisant l’exercice du pouvoir au sein de la SAS Financière Lilas IV prévoit que la majorité des sièges du comité de direction de la société est attribuée aux représentants des entités Astorg et que les décisions du comité sont prises à la majorité simple des membres présents ou représentés, assorties le cas échéant d’un droit de véto de Vestar, l’accord préalable du comité étant requis pour les  » décisions importantes  » prévues au point 9.1. Le point 10. du pacte prévoit également que le comité d’audit et le comité des rémunérations sont composés pour moitié de représentants d’Astorg. Il résulte enfin de l’instruction que le président de la SAS Financière Lilas IV, M. A… B…, est également président de la SAS Financière Freesia IV et le directeur général de la société de gestion Astorg Partners.

7. Par ailleurs et contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas du pacte d’actionnaires organisant l’exercice du pouvoir au sein de la SAS Financière Freesia IV que, par celui-ci, les entités Astorg et GE aient entendu, au travers de cette société, prévoir une détermination en fait des décisions prises au sein de la SAS Financière Lilas IV, conjointement par les entités Astorg et GE. En effet, il résulte des stipulations du titre II de ce pacte que le président de la société est un représentant d’Astorg, que son comité de direction est composé de son président ainsi que de deux membres désignés respectivement par les  » investisseurs Astorg  » et GEAM, et que les  » décisions importantes  » sont prises à la majorité simple des membres présents ou représentés, à l’exception seulement de celles couvrant des  » opérations exceptionnelles pouvant avoir un impact négatif sur la valeur de l’investissement GE  » pour lesquelles le représentant désigné par GEAM dispose d’un véto. Ainsi et à supposer même que les entités GE et Astorg puissent être regardées comme agissant de concert au sens du I ou du 4° du II de l’article L. 213-10 du code de commerce, seule la seconde dispose effectivement d’un pouvoir de décision, sans contrainte particulière, au sein de la SAS Financière Lilas IV, via la SAS Financière Freesia IV. Par suite, les entités GE ne peuvent être regardées comme exerçant en fait, conjointement avec les entités Astorg, un tel pouvoir de décision au sein de la société requérante, alors d’ailleurs qu’aucun siège au sein du comité de direction de cette dernière ne leur est attribué.

8. C’est, par suite, à bon droit que l’administration a remis en cause, au titre des exercices 2012 à 2014, le bénéfice des dispositions du I. de l’article 212 du code général des impôts en ce qui concerne les intérêts versés aux entités GE, en l’absence de lien de dépendance entre ces dernières et la société requérante au sens du 12. de l’article 39 du même code.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Financière Lilas IV n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées, de même qu’en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l’État aux entiers dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Financière Lilas IV est rejetée.

5

N° 19VE00546


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