CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 28/05/2020, 14VE02213, Inédit au recueil Lebon

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CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 28/05/2020, 14VE02213, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Schneider Electric a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution des sommes payées au titre du précompte mobilier dont elle s’est acquittée en 2003 et 2004 à hauteur, respectivement, des sommes de 85 812 857 euros et

de 87 965 679 euros, assortie des intérêts moratoires.

Par une ordonnance n° 0808843 du 15 septembre 2009, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, a transmis la demande au Tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 0808843 du 23 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la restitution à la SA Schneider Electric, à hauteur de la somme de

18 643 294 euros, des montants dont elle s’est acquittée au titre du précompte mobilier dont elle était redevable pour l’année 2003, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2014 et des mémoires, enregistrés les

7 décembre 2017, 20 décembre 2018, 24 avril et 28 juin 2019, la SA Schneider Electric, devenue en cours d’instance la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, représentée par Mes Espasa-Mattei et Dardour-Attali, avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d’annuler ce jugement, en ce qu’il rejette le surplus de sa demande ;

2° à titre principal, de prononcer la restitution des montants de précompte mobilier dont elle s’est acquittée au titre des années 2003 et 2004 restant en litige ;

3° à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles ;

4° à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la restitution complémentaire des sommes dont elle s’est acquittée au titre du précompte mobilier pour les deux années en litige à hauteur des sommes de 15 772 828 euros au titre de l’année 2003 et de 4 343 468 euros au titre de l’année 2004 ;

5° de mettre à la charge de l’Etat la somme de 15 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

– le jugement attaqué est entaché d’irrégularité, en ce qu’il a omis de se prononcer sur le moyen, qui n’était pas inopérant, tiré de la non-conformité du dispositif de paiement du précompte mobilier par une société mère de filiales établies dans d’autres Etats membres de l’Union européenne à raison de la distribution de ses dividendes avec les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents ;

– le jugement attaqué est également entaché d’insuffisance de motivation, le tribunal n’ayant pas répondu à sa critique portant sur la méthode de calcul du crédit d’impôt dont elle demande la restitution, en ce qu’elle limite le droit au remboursement de ce crédit au tiers des dividendes de ses filiales européennes distribués à ses actionnaires ;

– elle est fondée à obtenir la restitution de l’intégralité des montants de crédit d’impôt restant en litige, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne rendue en ce qui concerne le dispositif fiscal, identique dans ses fondements, de la  » fairness tax  » belge, le dispositif du précompte mobilier n’est pas conforme aux dispositions de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil du

23 juillet 1990, reprises sans changement, pour ce qui concerne le présent litige, par la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 sur le fondement de laquelle s’est prononcée la Cour, dès lors qu’il institue une double imposition de ces dividendes supérieure à celle admise par la directive ;

– au surplus, les premiers juges, en restreignant le droit à restitution du précompte mobilier acquitté à hauteur de l’imputation montant des impositions effectivement payées par ses filiales dans les autres Etats de l’Union européenne dans lesquelles elle sont établies, ont laissé perdurer une inégalité de traitement incompatible avec les principes du droit de l’Union en ce qui concerne le traitement fiscal des dividendes versés par ces filiales étrangères et celui des dividendes qui auraient été servis par des filiales françaises, lesquels sont intégralement exonérés d’impôt, dans la mesure où le taux d’imposition effectif des bénéfices des sociétés appliqué dans les autres Etats de l’Union peut être inférieur au taux de l’impôt sur les sociétés français ;

– les déclarations de précompte qu’elles a souscrites ne lui sont pas opposables, en ce que ces formulaires, dont l’objet est purement fiscal, conduisent à déclarer des imputations de dividendes servis par les filiales d’une société mère incompatibles avec les principes d’effectivité et d’équivalence prévus par le droit de l’Union, les conditions d’imputation dans le précompte mobiliers des revenus provenant de ses filiales établis dans d’autres Etats de l’Union européennes qui découlent de l’utilisation de ces déclarations de précompte étant moins favorables que celles applicables aux revenus provenant de ses filiales françaises ; pour la détermination de ses droits à crédit d’impôt, il convient de prendre en compte uniquement les documents sociaux émanant des organes compétents pour décider d’une distribution ; en tout état de cause, elle est fondée à demander, nonobstant les mentions portées sur ces déclarations de précompte, que les distributions de dividendes ayant donné lieu au prélèvement de ce précompte soient réputées avoir été effectuées par reversement aux actionnaires des revenus de ses filiales situées dans l’autres Etats de l’Union européenne dont elle disposait au titre de chacune des années de distribution en litige et à obtenir, par suite, la restitution des montants de précompte en cause, dans la mesure où, pour les motifs exposés ci-dessus, ces revenus auraient dû être distribués en franchise de précompte ;

– c’est à tort, ainsi que l’a dit pour droit la Cour de justice de l’Union européenne par sa décision C 416/17, Commission européenne c/ République française du 4 octobre 2018, que le tribunal a refusé de prendre en compte, pour le calcul de son droit à restitution du précompte mobilier versé à tort, les impositions dont se sont acquittées ses sous-filiales ;

– les stipulations de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989, qui permet à une société mère de demander au fisc italien le bénéfice de l’avoir fiscal qui aurait été attaché, en vertu de la législation de cet Etat, aux dividendes versés par ses filiales italiennes, ne peuvent avoir pour effet de réduire le droit à restitution du précompte mobilier qu’elle tire de l’incompatibilité de ce dispositif avec le droit de l’Union ; en tout état de cause, la prise en compte de ces avoir fiscaux devrait elle-même être minorée à raison de la prise en compte de la retenue à la source opérée sur ces mêmes dividendes en application du paragraphe 4 b de l’article 10 de cette même convention ;

– la limitation du crédit d’impôt dont elle peut demander la restitution au tiers du montant des dividendes perçus de ses filiales et pris en compte pour le calcul du précompte mobilier, par référence au taux nominal de l’impôt sur les sociétés appliqué en France, dont le tribunal a fait application, ne permet pas d’assurer l’égalité de traitement des dividendes versés par les filiales d’une société-mère, que ces filiales soient françaises ou établies dans d’autres Etats de l’Union européenne, et elle est en outre entachée d’une erreur de droit ;

– le tribunal, en estimant que l’expiration des délais légaux de conservation prévue par les législations des différentes Etats membres d’implantation de ses filiales, ne constituait pas un obstacle à l’administration de la preuve, a méconnu le principe d’effectivité, en mettant à sa charge l’administration d’une preuve impossible ou, à tout le moins, excessivement difficile ;

– la méthode de calcul du crédit d’impôt demandé, en ce qu’elle limite le montant de l’impôt acquitté par les filiales européennes et pris en compte pour l’établissement de ce crédit à celui correspondant au résultat comptable distribué à la société mère, est impossible ou excessivement difficile à mettre en oeuvre et laisse subsister une inégalité de traitement selon l’origine des dividendes redistribués ; il y a donc lieu, comme l’a d’ailleurs admis l’administration fiscale devant la Cour de justice de l’Union européenne, d’inclure dans l’assiette crédit d’impôt le montant global des impositions supportées par les filiales au titre des dividendes qu’elles lui ont distribués au titre des cinq exercices précédant les distributions ayant donné lieu au versement du précompte mobilier pour les années 2003 et 2004 ;

– en ce qui concerne l’année 2004, la circonstance, qui n’est d’ailleurs pas avérée du point de vue comptable et ne repose que sur les mentions de la déclaration de précompte, que les bénéfices distribués proviennent de la réserve spéciale des plus-values de long terme ne doit pas faire obstacle à l’inclusion de ces derniers dans l’assiette du crédit d’impôt qu’elle revendique, cette réserve spéciale ayant été constituée notamment, sans qu’il soit possible de les retracer précisément, par l’imputation de dividendes versés par ses filiales d’autres Etats de l’Union ;

– à titre subsidiaire, il y aurait lieu pour la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles tendant à ce que cette juridiction indique si, d’une part, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime national prélevant un impôt sur la distribution de dividende tel que le précompte mobilier, si ce régime a pour conséquence que lorsqu’un dividende reçu d’une filiale résidente d’un autre État membre de l’Union européenne est distribué par une société résidente, elle doit acquitter au titre de ce dividende le précompte mobilier, qui constitue une imposition qui excède le seuil prévu à l’article 4, paragraphe 2, précité, de cette directive et si, d’autre part, en cas de réponse positive à cette question, l’Etat est en droit de demander la justification des impositions acquittées par les filiales ou sous-filiales établies dans d’autres Etats membres pour exclure les dividendes services par ces dernières à leur mère de l’assiette du précompte, alors que l’Etat de résidence de la société mère a opté pour un régime d’exonération et si ce même Etat est en droit d’opposer au contribuable les imputations contenues dans un formulaire purement fiscal pour exclure les dividendes mère-fille de source communautaire de l’assiette du précompte alors que l’effet direct de la Directive prescrit une application inconditionnelle de ce régime ;

– à titre infiniment subsidiaire et si la Cour estimait qu’il fallait tirer toutes les conséquences de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 octobre 2018 précitée, le montant du crédit d’impôt dont elle pourrait obtenir dans ce cas la restitution à titre complémentaire des sommes remboursées en vertu de l’article 1er du jugement attaqué devrait être arrêté aux sommes de 15 772 828 euros au titre de l’année 2003 et de 4 343 468 euros au titre de l’année 2004.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

– la convention signée le 5 octobre 1989 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales ;

– la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents ;

– les arrêts C-310/09 du 15 septembre 2011, C-35/11 du 13 novembre 2012, C-68/15 du 17 mai 2017 et C-416/17 du 4 octobre 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. B…,

– les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

– et les observations de Mes Boutemy et Espasa-Mattei, avocats, représentant la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, et de M. A…, représentant le ministre de l’action et des comptes publics.

Une note en délibéré, présenté par le ministre de l’action et des comptes publics, a été enregistrée le 29 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société SCHNEIDER ELECTRIC SE, anciennement dénommée SA Schneider Electric est la société de tête d’un groupe fiscalement intégré. Elle a sollicité auprès de l’administration fiscale, qui a opposé une décision de rejet à cette demande, la restitution des sommes acquittées au titre du précompte mobilier en 2003 et 2004, à hauteur des sommes versées par elle au titre de la redistribution à ses actionnaires de sommes correspondant, selon elle, à des revenus versés par ses filiales établies dans d’autres Etats de l’Union européenne. Elle fait appel du jugement du 23 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil lui a accordé la restitution partielle, à hauteur de la somme de 18 643 294 euros, des montants de précompte mobilier qu’elle a versé pour l’année 2003, en ce qu’il rejette le surplus de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article R. 741-2 du code de justice administrative :  » La décision (…) contient (…) l’analyse des conclusions et mémoires (…) « .

3. Il ressort de l’examen du jugement attaqué que le tribunal administratif n’a pas répondu au moyen, qui n’était pas inopérant, soulevé par la société SCHNEIDER ELECTRIC SE et selon lequel l’article 223 sexies du code général des impôts est incompatible avec l’article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 visée ci-dessus. Ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité et, pour ce motif, à en demander l’annulation partielle, en tant qu’il est fait appel, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen d’irrégularité également invoqué.

4. Il y a lieu, dans ces conditions, pour la Cour de statuer, par la voie de l’évocation, sur l’ensemble des conclusions et moyens présentés par la société SCHNEIDER ELECTRIC SE tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur le bien-fondé de la demande de restitution :

5. Aux termes du I de l’article 158 bis du code général des impôts, en vigueur pendant les années d’imposition en litige :  » Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d’un revenu constitué /: a) par les sommes qu’elles reçoivent de la société ;/ b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le

Trésor (…) Ce crédit d’impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. « . Aux termes du I de l’article 216 du même code :  » Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères (…), touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de

celle-ci (…) La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à

5 % du produit total des participations, crédit d’impôt compris (…) « . Le 1 de l’article 223 sexies de ce même code, dans sa rédaction en vigueur pendant ces années d’imposition :  » (…) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n’a pas été soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal (…), cette société est tenue d’acquitter un précompte égal au montant du crédit d’impôt calculé dans les conditions prévues au I de l’article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d’impôt prévu à l’article 158 bis quels qu’en soient les bénéficiaires « . Enfin, aux termes du 2 de l’article 146 du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant ces années d’imposition :  » Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l’application du précompte prévu à l’article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d’impôts qui sont attachés aux produits des participations (…) encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus (…) « .

6. Il résulte des dispositions précitées de l’article 216 du code général des impôts que, sous réserve d’une quote-part de frais et charges, une société mère française n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu’elle reçoit de ses filiales, quelle qu’en soit la provenance. En application des dispositions de l’article 223 sexies du même code, lorsqu’elle redistribue ces dividendes à ses propres actionnaires, elle est tenue d’acquitter à ce titre un précompte, quelle que soit la provenance des dividendes qui lui ont été distribués et qu’elle a ainsi redistribués. Le montant de l’avoir fiscal dont la société mère bénéficie au titre de dividendes distribués par une filiale établie en France en vertu des dispositions du I de l’article 158 bis du même code s’impute sur le montant de ce précompte en application du 2 de l’article 146 du même code alors que les dispositions du I de l’article 158 bis font obstacle à l’attribution à cette société mère d’un avoir fiscal au titre de dividendes en provenance de filiales implantées dans un autre État membre de l’Union européenne et, par suite, à toute imputation sur le montant du précompte exigible lorsque cette société mère redistribue ces dividendes.

En ce qui concerne la compatibilité du dispositif du précompte mobilier avec le droit de l’Union européenne :

7. Aux termes du 1 de l’article 1er de la directive 90/435/CEE du Conseil du

23 juillet 1990 susvisée :  » Chaque Etat membre applique la présente directive : – aux distributions de bénéfices reçues par des sociétés de cet Etat et provenant de leurs filiales d’autres Etats membres, – aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet Etat à des sociétés d’autres Etats membres dont elles sont les filiales. (…) « . L’article 4 de cette directive, dans sa rédaction applicable pendant les années correspondant aux impositions en litige, dispose :  » 1. Lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de celle-ci, l’Etat de la société mère : – soit s’abstient d’imposer ces bénéfices, – soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices (…) / 2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale « . Aux termes de l’article 5 de la même directive :  » 1. Les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source. (…) « . Enfin, l’article 7 de cette même directive précise :

 » 1. L’expression  » retenue à la source  » utilisée dans la présente directive ne comprend pas le paiement anticipé ou préalable (précompte) de l’impôt sur les sociétés à l’État membre où est située la filiale, effectué en liaison avec la distribution des bénéfices à la société mère. / 2. La présente directive n’affecte pas l’application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d’impôt aux bénéficiaires de dividendes « .

8. La société SCHNEIDER ELECTRIC SE soutient dans le dernier état de ses écritures devant la Cour, à titre principal, que l’application du précompte mobilier aux redistributions aux actionnaires d’une société mère française des dividendes versés par les filiales de cette dernière situées dans d’autres États de l’Union européenne est incompatible avec les dispositions de l’article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, en ce qu’elle entraîne une imposition de ces dividendes supérieure à l’application de la quote-part de 5 % appliquée, par l’administration fiscale française en vertu de l’article 216 du code général des impôts, dès lors que la France a opté pour le régime d’exonération d’impôt des bénéfices provenant de filiales établies dans d’autres États de l’Union européenne, en vertu du paragraphe 2 de l’article 4 de la directive précitée.

9. D’une part, le ministre de l’action et des comptes publics fait valoir que, dans la mesure où le dispositif du précompte mobilier a déjà été déclaré, par l’arrêt C-310/09 du

15 septembre 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne, incompatible avec les principes du droit de l’Union relatifs à la liberté d’établissement et à la liberté de circulation des capitaux, découlant respectivement des articles 43 et 56 du traité instituant la Communauté européenne et repris aux articles 49 et 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE ne saurait utilement se prévaloir de ce que ce même dispositif serait, en outre, incompatible avec les objectifs de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990. Toutefois, contrairement à la méconnaissance des principes précités du droit de l’Union qui n’a pour effet que de conduire à la restitution des montants de précompte de nature à garantir l’application d’un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de la société mère établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d’autres États membres, l’incompatibilité du précompte mobilier avec les objectifs de la directive en cause, si elle est constituée, a pour conséquence de prohiber toute imposition des bénéfices distribués provenant de filiales de l’Union européenne au-delà de l’application de la quote-part de 5 % prévue par l’article 216 du code général des impôts dès lors qu’il est établi que ces dividendes ont bien été versés par des filiales situées dans d’autres États membres de l’Union européenne, et qu’ils ont été effectivement redistribués aux actionnaires de la société-mère. Par suite, les effets de l’incompatibilité du précompte mobilier avec les objectifs de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 étant de nature à ouvrir à la société mère un droit à la restitution des montants de précompte litigieux plus étendu que celui qui résulte de la

non-conformité de ce même dispositif avec les principes du droit de l’Union précités, la SA SCHNEIDER ELECTRIC peut utilement invoquer cette incompatibilité à l’appui de ses conclusions en restitution.

10. D’autre part, la Cour de justice de l’Union européenne, par ses arrêts C-68/15

 » X. c. Ministerraad  » et C-365/16  » Association française des entreprises privées (AFEP) et autres  » du 17 mai 2017, a dit pour droit que les dispositions de l’article 4, respectivement, de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents et de cette même directive, telle que modifiée par la directive 2014/86/UE du Conseil du 8 juillet 2014, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent, d’une part, à une législation fiscale nationale qui, dans une situation où des bénéfices perçus par une société mère de sa filiale sont distribués par cette société mère postérieurement à l’année au cours de laquelle ils ont été perçus, a pour conséquence de soumettre ces bénéfices à une imposition dépassant le plafond de 5 % prévu par ces mêmes dispositions et qu’elles s’opposent également, d’autre part, à une législation nationale prévoyant la perception d’un impôt à l’occasion de la distribution des dividendes par la société mère et dont l’assiette est constituée par les montants des bénéfices distribués, y compris ceux provenant des filiales non-résidentes de cette société.

11. En premier lieu, les termes de l’article 4 de la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011 et de la directive 2014/86/UE du Conseil du 8 juillet 2014, successivement interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne par les deux arrêts précités, sont identiques à ceux de l’article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, applicable au présent litige. Il s’ensuit que l’interprétation ainsi faite de la portée du droit de l’Union au regard des législations nationales par la Cour de justice de l’Union européenne s’étend, contrairement à ce que fait valoir le ministre de l’action et des comptes publics, à cette dernière directive. Par voie de conséquence, le ministre n’est pas fondé à soutenir que la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ne trouverait pas à s’appliquer au seul motif que le précompte s’applique aux redistributions par une société mère à ses actionnaires de revenus reçus de ses filiales situées dans d’autres États membres.

12. En deuxième lieu, le précompte mobilier institué par l’article 223 sexies du code général des impôts a le caractère d’un prélèvement de nature fiscale, dont est exclusivement redevable la société-mère distribuant les dividendes entrant dans l’assiette du précompte, quand bien même la charge économique de cet impôt est susceptible d’être répercutée sur l’actionnaire bénéficiant des distributions ainsi que le fait valoir le ministre. Il constitue donc, pour cette société-mère, un impôt direct. La circonstance que le précompte mobilier soit, par ailleurs, distinct de l’impôt sur les sociétés est sans incidence sur sa nature d’imposition et sur sa compatibilité avec la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990. De même, est également sans incidence sur cette compatibilité le fait que le précompte mobilier serait, par ailleurs, la contrepartie ou le gage de l’avoir fiscal dont bénéficient les actionnaires de la

société-mère du fait de la redistribution de ces dividendes ainsi qu’il est également soutenu en défense.

13. En outre, et en troisième lieu, le précompte mobilier ne saurait être regardé, comme le fait valoir le ministre de l’action et des comptes publics, comme une retenue à la source opérée sur le bénéficiaire final des distributions en cause au sens de l’article 5 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, dès lors que, ainsi que l’a également dit pour droit la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt C-68/15  » X. c. Ministerraad  » du

17 mai 2017 précité, un impôt ne peut être qualifié de retenue à la source, au sens de l’article 5 de la directive mères-filiales, que sous réserve que soient satisfaits trois critères cumulatifs qui tiennent, premièrement, à ce que l’impôt soit prélevé dans l’État dans lequel les dividendes sont distribués et son fait générateur doit être le versement de dividendes ou de tout autre rendement des titres, deuxièmement, à ce que l’assiette de cet impôt soit le rendement des titres et, troisièmement, à ce que l’assujetti soit le détenteur des mêmes titres. Cette dernière condition manquant en l’espèce, le détenteur des titres des filiales versant les dividendes en cause étant, non pas l’actionnaire de la société-mère, mais la société-mère elle-même, il s’ensuit que le ministre de l’action et des comptes publics n’est pas davantage fondé à soutenir que le précompte mobilier entrerait dans le champ d’application des dispositions du paragraphe 1 de l’article 7 de la directive mentionnée ci-dessus, qui ne s’appliquent qu’aux retenues à la source au sens de cette directive.

14. En quatrième lieu, dès lors que l’imposition en France des dividendes versés par les filiales situées dans d’autres États membres de l’Union européenne d’une société mère résulte par nature de l’application du précompte mobilier à ces bénéfices lorsqu’ils sont reversés par la société-mère qui en est le bénéficiaire direct, le ministre de l’action et des comptes publics ne peut sérieusement faire valoir que ce précompte, en ce qu’il est, par ailleurs, la contrepartie de l’avoir fiscal consenti aux actionnaires de la société-mère, viserait à atténuer ou supprimer les doubles impositions économiques des dividendes au sens du paragraphe 2 de l’article 7 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 et, par suite, qu’il serait compatible avec les objectifs de cette directive.

15. En cinquième et dernier lieu, la circonstance que l’article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, en faisant obstacle à l’application du précompte mobilier aux redistributions de bénéfices provenant de filiales établies dans l’autres États de l’Union européenne, conduirait à laisser à la charge exclusive du Trésor public le montant de l’avoir fiscal consenti en contrepartie aux actionnaires de la société-mère ayant procédé à ces redistributions est sans incidence sur la non-conformité du précompte à cette directive.

16. Il résulte que ce qui précède que la société SCHNEIDER ELECTRIC SE est fondée à soutenir, sans qu’il soit besoin de saisir, sur ce point, la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, que le précompte mobilier institué par l’article 223 sexies du code général des impôts, en ce qu’il concerne les redistributions des bénéfices versés par ses filiales établies dans d’autres États de l’Union européenne, est incompatible avec les dispositions de l’article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 dès lors qu’il met à sa charge un montant d’imposition excédant la quote-part de 5 % dont elle s’est, par ailleurs, acquittée en qualité de société-mère en application de l’article 216 du même code alors que la France a opté, pour la mise en oeuvre de cette directive, pour un régime d’exonération des dividendes.

En ce qui concerne l’étendue du droit à restitution des montants en litige :

17. Il résulte de ce qui vient d’être dit que le précompte mobilier ne peut être prélevé à l’occasion de la redistribution aux actionnaires d’une société-mère des revenus que celle-ci avait perçus de la part de ses filiales installées dans d’autres Etats de l’Union européenne. Toutefois, la restitution du précompte ainsi indûment prélevé ne saurait être accordée qu’à la condition que son versement soit intervenu de manière effective, au titre de l’année en cause, à raison de la distribution de tels revenus, l’incompatibilité du dispositif prévu par l’article 223 sexies avec les dispositions de l’article 4 de la directive du 23 juillet 1990 précité n’ayant pas pour conséquence d’autoriser les sociétés-mères concernées à affecter rétroactivement les bénéfices tirés de leurs filiales situées dans d’autres Etats de l’Union européenne aux distributions de dividendes auxquelles elles ont procédé au cours des années au titre desquelles elles demandent la restitution du précompte mobilier, au motif que ces redistributions auraient ainsi pu être effectuées en franchise de précompte, dès lors qu’il résulte de l’instruction et notamment des déclarations de précompte effectivement déposées que ces dividendes versés aux actionnaires ont été en réalité prélevées sur d’autres catégories de revenus ou de réserves dont disposait la société-mère.

18. La société SCHNEIDER ELECTRIC SE n’est ainsi fondée à obtenir la restitution des montants de précompte mobilier en litige que dans la mesure o


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