CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 26/01/2016, 15VE00954, Inédit au recueil Lebon

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CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 26/01/2016, 15VE00954, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2010 pour un montant, en droits, intérêts de retard et pénalités, de 69 999 euros.

Par un jugement n° 1303073 du 9 février 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mars 2015, la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED, représentée par Me Naïm, avocat, demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

Elle soutient que :

– elle justifie, par les pièces produites, de l’acquittement de la taxe sur la valeur ajoutée en Angleterre ;

– l’adresse de son siège au Royaume-Uni correspond à celle d’un cabinet d’expert-comptable, et non à celle d’un cabinet d’affaires internationales ;

– les moyens techniques et humains mis en oeuvre tant en France qu’en Angleterre, qui sont identiques et se résument à l’emploi d’une personne et d’un ordinateur, ne permettent donc pas de déduire que l’activité déployée en France serait plus importante que celle exercée au Royaume-Uni.

…………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Locatelli,

– et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a notifié à la société de droit britannique C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED, par voie de taxation d’office sur le fondement du 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2010 à raison de l’activité, non déclarée, d’édition et de commercialisation de logiciels qu’elle exerçait, en France, par l’intermédiaire d’un établissement stable ; que, pour établir l’existence de cet établissement stable et arrêter le montant de la taxe rappelée, l’administration a utilisé les informations recueillies, à l’occasion de la procédure de visite prévue à l’article L. 16 B du même livre, des locaux sis 15, avenue Turgot à Neuilly-sur-Marne, ainsi qu’auprès de tiers dans l’exercice du droit de communication prévu à l’article L. 81 de ce livre, de même, enfin, que celles qui ressortaient des débats intervenus au cours de la procédure précontentieuse ; que la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED relève appel du jugement du 9 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondantes ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée rappelée au titre de la période du 1er janvier 2005 au

31 décembre 2009 :

2. Considérant qu’aux termes du I de l’article 256 du code général des impôts :  » Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel  » ; qu’aux termes de l’article 259 du même code, dans sa rédaction applicable jusqu’au 31 décembre 2009 :  » Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle  » ;

3. Considérant que, pour l’application de ces dispositions, qui résultent de la transposition en droit interne de l’ancien article 9 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l’a jugé, notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d’établir le lieu des prestations de services ; que l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d’un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre ; qu’un établissement stable ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d’un assujetti, que s’il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED, dont le siège est au Royaume-Uni, disposait dans les locaux visités sis 15, avenue Turgot à Neuilly-sur-Marne, et correspondant au domicile de M. et Mme A…C…, ses principaux dirigeants et actionnaires, de personnels, en la personne, notamment, de M.C…, développeur du logiciel  » Sogavitale  » exploité par la société requérante et de M. B…, résidant au Vésinet, ainsi que de moyens techniques, en particulier deux sites internet rédigés en langue française à l’adresse de professionnels de santé, pour l’exercice de son activité d’édition et de commercialisation de logiciels ; que, de plus, des cartes de visites et des timbres humides au nom de la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED ont été saisis dans ces locaux et M. C…y recevait également des informations techniques, relatives au logiciel  » Sogavitale  » de la part de l’Agence pour la protection des programmes, mais aussi d’ordre commercial au nom de cette société, qu’il codirigeait ; qu’il résulte également des éléments recueillis lors de l’instruction que la société requérante était sans activité en Angleterre où elle ne disposait que d’une simple adresse de domiciliation à l’adresse d’une tierce entreprise ; que, dans ces conditions, la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED doit être regardée comme ayant disposé, au cours de la période vérifiée, d’un établissement stable dans les locaux de la commune de Neuilly-sur-Marne, caractérisé par la disposition personnelle et permanente d’une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à l’exercice, en France, de son activité d’édition et de commercialisation de logiciels, alors qu’il n’est pas établi que telle était également sa situation en Angleterre ;

5. Considérant que si la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED soutient qu’elle s’est d’ores et déjà acquittée de cette taxe en Angleterre, où il est constant qu’elle a son siège social, elle n’établit pas disposer des moyens techniques et humains qu’elle allègue – à savoir un ordinateur et une personne – et, plus généralement, avoir été dotée, dans ce pays, des compétences techniques et commerciales nécessaires à l’accomplissement, à partir de la Grande-Bretagne, de tout ou partie des prestations de service rendus à ses clients français, alors que les seuls personnels révélés lors du contrôle travaillaient et résidaient en France ; qu’ainsi, à défaut que, dans les circonstances de l’espèce, l’endroit où la société avait établi son siège social puisse constituer le lieu d’exercice effectif de son activité économique, l’administration était fondée à rattacher les prestations concernées à son établissement stable français qui, par suite, pouvait utilement être regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège social, comme le lieu des prestations de service en vue de la détermination du lieu de leur imposition en France, dès lors qu’elle avait démontré que cet établissement présentait un degré suffisant de permanence et constituait une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, la réalisation de ces prestations ; qu’enfin, il ne résulte pas de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas allégué, que la société requérante entrerait dans les prévisions de l’article 259 B du code général des impôts ; que la circonstance que la contribuable a déclaré la taxe sur la valeur ajoutée, et s’en soit, par suite, acquittée, en Angleterre, alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que cet Etat-membre aurait, de lui-même, rappelé la taxe ainsi payée, est, en l’absence de conflit d’imposition entre la France et la Grande-Bretagne, sans incidence sur le droit de l’administration française d’imposer la société de droit britannique à raison de l’activité qu’elle exerçait exclusivement en France au cours de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009 ;

Sur la taxe rappelée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2010 :  » Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu’il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d’un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; / 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : ) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d’un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) Ou dispose d’un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle » ;

7. Considérant que, pour l’application de ces dispositions, qui résultent de la transposition en droit interne de l’article 44 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008, il convient de considérer, ainsi qu’en a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt Welmory sp.z o.o. du 16 octobre 2014 (C-605/12), qu’un assujetti, dont le siège de l’activité économique est établi dans un Etat membre et bénéficie de services fournis par un second assujetti établi dans un autre Etat membre, dispose, dans cet autre Etat membre, d’un  » établissement stable  » en vue de la détermination du lieu d’imposition de ces services, si cet établissement est caractérisé par un degré suffisant de permanence et une structure apte, en termes de moyens humains et techniques, à lui permettre de recevoir des prestations de services et de les utiliser aux fins de son activité économique ;

8. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que les clients de la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED auraient été établis hors de France ou auraient disposé, en Angleterre, d’un établissement stable leur permettant de recevoir les prestations rendues par la société requérante et, ainsi, de les utiliser aux fins de leur activité économique ; qu’en outre, les informations recueillies dans le cadre du droit de communication exercé auprès du GIE SESAM-VITALE et la CRAMIF font ressortir que le logiciel  » Sogavitale  » exploité par la société requérante était utilisé par des centres ou des établissements de santé, publics ou privés, exclusivement français ; que, dès lors que la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED ne rapporte pas la preuve que ses clients, en leur qualité d’assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, avaient le siège de leur activité économique hors de France ou y disposaient d’un établissement stable auquel les services en cause étaient fournis, le lieu de ces prestations, dont il résulte de l’instruction que, par leur nature, elles ne figurent pas au nombre de celles limitativement énumérées à l’article 259 B ou n’y sont pas assimilables, est réputé se situer en France où elles sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu’en ce qui concerne d’éventuels clients non assujettis à cette taxe, le lieu des prestations se situe également en France dans la mesure où, ainsi qu’il vient d’être dit aux points 4. et 5., la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED y dispose d’un établissement stable à partir duquel ses services sont exclusivement fournis ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société C…SOFTWARE PUBLISHING LIMITED est rejetée.

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N° 15VE00954 3


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