CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 01/10/2019, 17VE02586, Inédit au recueil Lebon

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CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 01/10/2019, 17VE02586, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Oberthur Technologies a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d’une part, d’annuler les décisions de refus d’agrément prises à son encontre par courrier en date du 25 novembre 2013, d’autre part, de prononcer la décharge partielle des compléments de cotisation d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle versés au titre de l’exercice clos en 2011, à hauteur de la somme globale de 20 750 951 euros.

Par un jugement n°s 1510089, 1600726 du 8 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à ses demandes en prononçant l’annulation des décisions de refus d’agrément et en la déchargeant des compléments de cotisation d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle versés au titre de l’exercice clos en 2011, à hauteur de la somme globale de 20 750 951 euros.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août 2017 et 12 mars 2018, le MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour d’annuler ce jugement en tant qu’il annule les décisions de refus d’agrément du 25 novembre 2013.

Il soutient que :

– le jugement en litige est entaché d’une erreur de qualification des faits ;

– conformément à l’intention du législateur et au droit communautaire, l’association entre les parties doit être interprétée comme une condition de conservation des titres ;

– l’opération d’apport-attribution en cause ne poursuit aucun motif économique.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre ;

– la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme A…,

– les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

– et les observations de Me B… et Me C…, pour la SA Oberthur Technologies.

Considérant ce qui suit :

1. La société Oberthur Technologies, qui disposait de quatre branches d’activité, dénommées Fiduciaire, Services, Cartes et Identité, a cédé à la société Oberthur Fiduciaire les branches Fiduciaire et Services. En rémunération de cet apport, la société Oberthur Fiduciaire a émis des actions nouvelles qu’elle a attribuées à la société Oberthur Technologies, qui les a, à son tour, attribué à son actionnaire unique, la société François-Charles Oberthur Fiduciaire. Concomitamment à cette opération d’apport partiel d’actif, la société François-Charles Oberthur Fiduciaire a cédé les titres de la société apporteuse Oberthur Technologies, qui ne comportait plus, à l’issue des opérations, que les branches Cartes et Identité, au fonds d’investissement Advent International. Les parties à cette opération d’apport partiel d’actif ayant opté pour le régime de faveur des fusions prévu aux articles 210 A et 210 B du code général des impôts, et la société apporteuse ne pouvant souscrire l’engagement de conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l’apport, la société Oberthur Technologies a présenté le 28 novembre 2011 des demandes sollicitant les agréments prévus au 3 de l’article 210 B et au 2 de l’article 115 du code général des impôts à raison de l’opération d’apport de ses activités Fiduciaire et Services au profit de la société Oberthur Fiduciaire, suivie de l’attribution des titres de cette dernière société par la société Oberthur Technologies à son actionnaire unique, la société François-Charles Oberthur Fiduciaire. Par un courrier du 25 novembre 2013, l’administration a rejeté ces demandes. Le MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 8 juin 2017 en tant qu’il a annulé ces décisions de refus d’agrément.

Sur la régularité du jugement :

2. Le ministre soutient que le jugement attaqué est entaché d’une erreur de qualification des faits. Toutefois, cette circonstance, qui concerne le bien-fondé du litige, est sans influence sur la régularité du jugement.

Sur la légalité des décisions litigieuses :

3. Aux termes de l’article 210 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la décision en litige :  » 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l’ensemble des éléments d’actif apportés du fait d’une fusion ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés.  » ; et aux termes de l’article 210 B, également dans sa rédaction applicable au litige :  » 1. Les dispositions de l’article 210 A s’appliquent à l’apport partiel d’actif d’une branche complète d’activité ou d’éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l’engagement dans l’acte d’apport : / a. De conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l’apport ; / b. De calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures (…) 3. Lorsque les conditions mentionnées au 1 ne sont pas remplies, les dispositions de l’article 210 A s’appliquent aux apports partiels d’actif et aux scissions sur agrément délivré dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies. / L’agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l’objet de l’apport : / a. L’opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l’exercice par la société bénéficiaire de l’apport d’une activité autonome ou l’amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ; / b. L’opération n’a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales (…) « . L’article 115 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose que :  » 1. En cas de fusion ou de scission de sociétés, l’attribution de titres, sommes ou valeurs aux membres de la société apporteuse en contrepartie de l’annulation des titres de cette société n’est pas considérée comme une distribution de revenus mobiliers (…) 2. Les dispositions du 1 s’appliquent également sur agrément délivré à la société apporteuse dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies, en cas d’attribution de titres représentatifs d’un apport partiel d’actif aux membres de la société apporteuse, lorsque cette attribution, proportionnelle aux droits des associés dans le capital, a lieu dans un délai d’un an à compter de la réalisation de l’apport. / L’agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments respectivement transférés et conservés par la société apporteuse : / a. L’apport et l’attribution sont justifiés par un motif économique, se traduisant notamment par l’exercice par chacune des deux sociétés d’au moins une activité autonome ou l’amélioration de leurs structures, ainsi que par une association entre les parties ; / b. L’apport est placé sous le régime de l’article 210 A ; / c. L’apport et l’attribution n’ont pas comme objectif principal ou comme un de leurs objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales. « .

4. En premier lieu, il résulte des termes mêmes du paragraphe 3 de l’article 210 B précité que la condition d’association entre les parties n’est pas subordonnée à l’exigence d’un engagement de conservation des titres. Au contraire, ce paragraphe 3 déroge au paragraphe 1, qui pose le principe d’une conservation des titres pendant trois ans. Il s’ensuit que l’administration ne pouvait fonder sa décision de refus sur l’absence d’engagement de conservation des titres par la société Oberthur Technologies pendant trois ans.

5. En second lieu, l’administration oppose un second motif de refus, tiré de ce que l’opération d’apport-attribution litigieuse ne serait pas fondée sur un motif économique, dès lors qu’elle avait pour objectif principal la cession des activités Cartes et Identités et que l’apport des activités Fiduciaire et Services à la société Oberthur Fiduciaire, qui n’exerçait aucune activité de ce type avant cet apport, n’était motivée ni par le regroupement d’une partie des activités de la société apporteuse Oberthur Technologies avec des activités semblables ou connexes de la société bénéficiaire des apports, ni par les synergies qui pourraient en résulter. Toutefois, ainsi que l’ont rappelé les premiers juges, les agréments sollicités concernent exclusivement l’opération d’apport-attribution concernant les activités Fiduciaire et Services, et non la cession des activités Cartes et Identité. Il résulte de l’instruction que la cession litigieuse poursuivait un objectif de réorganisation et de développement du groupe, dès lors que celui-ci souhaitait se recentrer sur les activités Fiduciaire et Services qui ne pouvaient par suite pas rester au sein de la société Oberthur Technologies, celle-ci devant être cédée, en se séparant des activités Cartes et Identités qui nécessitaient des moyens financiers extérieurs. Si l’administration oppose la circonstance que l’opération litigieuse a permis au groupe de céder les activité Cartes et Identités à moindre coût fiscal, puisque cette opération d’apport ne pouvait bénéficier du régime de sursis d’imposition prévu à l’article 210 A, cette circonstance n’est pas de nature à établir l’absence de motif économique attaché à l’opération. Il suit de là que l’administration ne pouvait fonder régulièrement son refus d’agrément sur l’absence de motif économique.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions du 25 novembre 2013 portant rejet des demandes d’agrément présentés par la société Oberthur Technologies.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :  » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. « .

8. Il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Oberthur Technologies et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société Oberthur Technologies une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 17VE02586


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