CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 30/03/2022, 20TL02899, Inédit au recueil Lebon

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CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 30/03/2022, 20TL02899, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Oreoline a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1900167 du 13 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2020 sous le n° 20MA02899 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL02899 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse, l’entreprise Oreoline, représentée par Me Orbillot et Me Coelho, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la taxe sur la valeur ajoutée concernant les opérations de revente de deux biens immobiliers doit être calculée sur la marge, en application des dispositions de l’article 268 du code général des impôts, alors même que ces biens immobiliers, qui sont des terrains à bâtir, faisaient partie, lors des acquisitions, avant les divisions parcellaires, de terrains comprenant chacun un bâtiment ;

– l’application de la taxe sur le prix de vente total méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu’elle n’a pas pu déduire la taxe lors de l’acquisition des biens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l’entreprise Oreoline ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de l’entreprise Oreoline.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Barthez,

– et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L’entreprise Oreoline, qui exerce l’activité de marchand de biens, a procédé en 2015 et en 2016 à la vente, après division parcellaire, de deux terrains à bâtir à Vendargues et à Saint-Gély-du-Fesc (Hérault) qui faisaient initialement partie de deux ensembles immobiliers, comprenant une maison d’habitation et le terrain environnant, acquis en 2014 et en 2015. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée sur ces opérations de revente devait être calculée sur le prix de vente et non pas sur la marge et a ainsi réclamé à l’entreprise Oreoline des rappels de taxe. Celle-ci fait appel du jugement du 13 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels et des pénalités correspondantes.

2. En premier lieu, le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue initialement de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du b du 2 de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . Aux termes de l’article 268 du code général des impôts , dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain ou de l’immeuble ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués (…) « .

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.

5. Ainsi qu’il a été indiqué au point 1, les deux terrains à bâtir cédés par l’entreprise Oreoline le 4 mai 2015 et le 31 mars 2016 sont issus d’acquisitions portant, chaque fois, sur un immeuble bâti et son terrain d’assiette. Ils avaient donc, lors de ces acquisitions, avant la division parcellaire, la qualité de terrain bâti et non celle de terrain à bâtir. Par suite, l’entreprise Oreoline n’est pas fondée à soutenir qu’elle pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge pour la vente de ces terrains.

6. En second lieu, le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s’oppose, d’une part, à ce que des livraisons de biens semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la taxe et, d’autre part, à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la taxe. En se bornant à indiquer brièvement que l’application de la taxe sur la totalité du prix de vente méconnaît ce principe de neutralité dès lors qu’elle n’a pas déduit la taxe sur la valeur ajoutée lors de l’acquisition, l’entreprise Oreoline n’assortit pas son moyen de précisions suffisantes, relatives par exemple aux activités semblables se trouvant en concurrence qui seraient traitées de façon différente, de manière à permettre au juge d’en apprécier le bien-fondé.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l’entreprise Oreoline n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à l’entreprise Oreoline au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’entreprise Oreoline est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Oreoline et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l’audience du 17 mars 2022, où siégeaient :

– M. Barthez, président,

– Mme Fabien, présidente assesseure,

– Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.

Le président-rapporteur,

A. BarthezL’assesseure la plus ancienne,

M. Fabien

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°20TL02899 2


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