CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 17/03/2022, 20TL04479, Inédit au recueil Lebon

·

·

CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 17/03/2022, 20TL04479, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Calini Conseil Immobilier a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802462 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020 sous le n° 20MA04479 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04479 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 25 février 2022, l’entreprise Calini Conseil Immobilier, représentée par Me Bocognano, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de surseoir à statuer, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle dont elle est saisie ;

3°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’opération de cession du terrain à bâtir remplit la condition d’application du régime dérogatoire de taxe sur la valeur ajoutée dit  » sur la marge  » prévue par l’article 268 du code général des impôts ;

– l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur le prix de cession méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques ;

– il résulte des énonciations des paragraphes 10, 20 et 30 de la doctrine portant la référence BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 29 septembre 2020 que le terrain vendu était également, dès de son acquisition, un terrain à bâtir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l’entreprise Calini Conseil Immobilier ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de l’entreprise Calini Conseil Immobilier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Barthez,

– les conclusions de Mme Torelli, rapporteure publique,

– et les observations de Me Bocognano, représentant l’entreprise Calini Conseil Immobilier.

Une note en délibéré, présentée pour l’entreprise Calini Conseil Immobilier, a été enregistrée le 9 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. L’entreprise Calini Conseil Immobilier, qui exerce l’activité de marchand de biens, a acquis le 7 juin 2012 un ensemble immobilier dans la commune de Langlade (Gard) comprenant une maison d’habitation et un terrain attenant et a cédé, le 20 février 2013, en tant que terrain à bâtir, la partie de ce bien ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment. Cette société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015, à l’issue de laquelle lui ont été réclamés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge dont elle avait fait application pour cette opération de cession. L’entreprise fait appel du jugement du 6 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 susvisée, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . Aux termes de l’article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain (…) ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués (…) « .

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.

5. Il résulte de l’instruction que l’entreprise Calini Conseil Immobilier, après l’achat du 7 juin 2012, a procédé une division parcellaire du bien immobilier comprenant une maison d’habitation qu’elle avait acquis, et a ensuite cédé en tant que le terrain à bâtir la partie de ce bien ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment. Ce terrain avait donc, au moment de son acquisition, la qualité d’immeuble bâti et non de terrain à bâtir. Par suite, l’entreprise ne pouvait se placer, pour le vendre, sous le régime de la taxation sur la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts.

6. En deuxième lieu, la circonstance alléguée par l’entreprise Calini Conseil Immobilier selon laquelle les dispositions du code général des impôts, notamment celles de l’article 268, auraient été mal rédigées et l’auraient ainsi induite en erreur et lui auraient causé un préjudice, est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées. Il en est de même du fait que d’autres sociétés aient pu bénéficier précédemment, en l’absence de contrôle de l’administration fiscale ou en raison de décisions juridictionnelles de première instance ou d’appel, du régime de taxe appliquée sur la marge lors d’opérations de même nature. Cette circonstance est également sans incidence sur le principe d’égalité devant les charges publiques.

7. En dernier lieu, les énonciations des paragraphes 10, 20 et 30 de la doctrine portant la référence BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 29 septembre 2014 sont relatives à l’interprétation des dispositions du 1° du 2 du I de l’article 257 du code général des impôts relatives au  » terrain à bâtir « . Elles ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale relative à l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l’article 268 du même code. L’entreprise Calini Conseil Immobilier ne peut donc s’en prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle dont elle est encore saisie sur l’application de ce régime de taxe sur la valeur ajoutée, que l’entreprise Calini Conseil Immobilier n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à verser à l’entreprise Calini Conseil Immobilier au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’entreprise Calini Conseil Immobilier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Calini Conseil Immobilier et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l’audience du 7 mars 2022, où siégeaient :

– M. Barthez, président,

– Mme Fabien, présidente assesseure,

– Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

Le président-rapporteur,

A. BARTHEZL’assesseure la plus ancienne,

M. FABIEN

Le greffier,

F. KINACH

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°20TL04479 2


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x