CAA de PARIS, 9ème Chambre, 26/05/2016, 14PA01429, 15PA02319, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 9ème Chambre, 26/05/2016, 14PA01429, 15PA02319, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

I°) Sous le n° 14PA01429 :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Piffre et Cie a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge, à hauteur d’une somme de 190 000 euros, des pénalités et intérêts de retard auxquels elle a été assujettie en matière de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes prévues à l’article 1759 du code général des impôts mises à sa charge au titre des armées 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1304370/1-2 du 11 février 2014 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2014, la société Piffre et Cie, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1304370/1-2 du 11 février 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des pénalités et amendes litigieuses pour un montant total de 191 158 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la procédure d’imposition est irrégulière en l’absence de débat oral et contradictoire lors de la vérification de comptabilité ; le maintien intégral par le vérificateur à l’issue des débats de redressements ultérieurement abandonnés établit par lui-même l’absence de débat oral et contradictoire ;

– la mise en recouvrement des intérêts de retard est entachée d’un vice de procédure en ce qui concerne leur assiette dès lors que la somme de 268 370 euros déjà payée a été rajoutée de manière extracomptable par un agent non habilité ; en tout état de cause, l’arrêté du 26 avril 2011 portant délégation de signature ne lui a pas été communiqué ;

– les intérêts de retard courant sur la somme de 268 307 euros de taxe sur la valeur ajoutée doivent être réduits d’un montant de 4 293 euros correspondant aux intérêts notifiés au titre de la période allant du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2011 dès lors que cette somme a été payée en août 2011 avant la notification de la proposition de rectifications en décembre 2011 ; en outre l’administration n’a pas tenu compte des situations mensuelles créditrices intermédiaires ;

– en ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré, l’administration n’établit pas la volonté d’éluder l’impôt ; les manquements reprochés ne résultent pas d’une telle volonté mais seulement des difficultés économiques et bancaires de la zone euro, aux difficultés financières et administratives propres au lancement d’un projet immobilier de grande envergure au Bachkorstotan et aux insuffisances professionnelles de son précédent expert-comptable ; la motivation des pénalités pour manquement délibéré a été vidée de sa substance par l’abandon en cours de procédure de nombreux redressements ;

– en ce qui concerne les amendes fiscales pour distributions occultes, elles ne peuvent être fondées ni sur l’article 111 c du code général des impôts dès lors qu’elles n’ont pas de caractère occulte, ni sur l’article 111 a du même code dès lors que les opérations de retrait du compte courant par la société Lubat+ sont établies ; elles ne peuvent pas être fondées sur l’article 109-1-1° du même code dès lors que la société Piffre et Cie n’a pas été appauvrie du fait des retraits opérés par débit du compte courant d’associé n° 45509000, que les prétendues distributions n’ont affecté aucun compte d’actif, qu’elles n’ont pas été désinvesties dès lors qu’elles ont été prélevées sur un compte courant d’associé, que les prélèvements n’ont pas été effectués à partir de la carte bleue du gérant mais de celle de la société Piffre et Cie et qu’elles ne peuvent en tout état de cause excéder les bénéfices soit 580 euros en 2009 et 36 058 euros en 2010 ; elles ne peuvent pas être fondées sur l’article 109-1-2° du même code dès lors que l’administration n’établit pas l’appréhension effective des sommes en cause par les associés ; enfin, les sommes n’ont pas été  » distribuées  » à son associée Lubat+ mais remboursée à celle-ci en tant que titulaire d’un compte courant crédité d’une somme de 400 000 euros par des virements provenant de Russie antérieurs au 1er janvier 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

– la société requérante a limité dans sa demande de première instance le quantum des impositions en litige à la somme de 190 000 euros ;

– la somme de 268 307 euros a été prise en compte par l’ordonnancement en tant qu’acompte versé venant en déduction des sommes dont la société est redevable ;

– les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

II°) Sous le n° 15PA02319 :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Piffre et Cie a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2008, 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes et des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1402457 du 14 avril 2015 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2015, la société Piffre et Cie, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1402457 du 14 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités litigieuses pour un montant total de 326 783 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la procédure d’imposition est irrégulière en l’absence de débat oral et contradictoire lors de la vérification de comptabilité ; à cet égard, il est contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif sans incidence que le contrôle fiscal ait eu lieu au cabinet de l’expert-comptable de la requérante à la demande de celle-ci dès lors que ce choix était imposé par les circonstances de l’espèce et que la comptabilité a été mise dans ce lieu à la disposition du vérificateur ; l’absence de débat oral et contradictoire est établie par le maintien dans la proposition de rectification, sans prise en compte de l’argumentation du contribuable, de l’ensemble des nombreux rehaussements annoncés lors des opérations de contrôle dont certains abandonnés après recours hiérarchique ;

– la société était fondée à déduire l’intégralité des charges de loyers du domicile de son gérant dès lors que ses bureaux occupent plus de 50 % de son domicile et qu’en contrepartie de cet usage elle prend en charge l’intégralité du loyer ; à cet égard, ses bureaux occupent 54,43 % de la superficie et non 25 % comme l’a retenu le service ; le tribunal administratif a omis de statuer sur ce moyen ;

– la charge de 280 000 euros comptabilisée au titre de 2009 à raison de prestations de services facturées par la société russe Lubat+ est justifiée par la production de six factures de cette société ; la réalité des prestations facturées est établie ; les sommes facturées ont été engagées dans l’intérêt économique de la requérante ; ces factures ont été engagées dans le cadre de la gestion normale de la société dans laquelle le service n’a pas à s’immiscer ;

– la charge de 200 000 euros comptabilisée est justifiée par la production de la facture de la société Piffre+ ; la réalité des prestations facturées est établie ; les sommes facturées ont été engagées dans l’intérêt économique de la requérante ;

– l’abandon de créance de 19 226 euros comptabilisé au titre de l’année 2008 correspond au solde d’un prêt irrécouvrable consenti à un ancien salarié ;

– la retenue à la source prévue à l’article 119 bis du code général des impôts assise sur la somme de 280 000 euros regardée comme distribuée au sens des dispositions des articles 109,1,1° et 111 c du code général des impôts à des sociétés russes a la nature d’une double imposition contraire aux stipulations des articles 7-1 et 2 de la convention fiscale franco-russe du 26 novembre 1996 en vertu desquelles les bénéfices des entreprises d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat dès lors que les sociétés Lubat+ et Piffre+ sont des sociétés russes ; l’application de la retenue à la source à cette somme est également contraire aux stipulations de l’article 10.3 de la même convention fiscale dès lors que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal administratif les sommes concernées ont la nature de créances commerciales et non de dividendes ; que les premiers juges se sont fondés à tort sur une convention fiscale franco-russe du 4 octobre 1985 ;

– les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées dès lors qu’il n’est pas établi qu’elle a volontairement éludé l’impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par la société Piffre et Cie n’est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

– la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune, signée le 26 novembre 1996 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Notarianni,

– et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Piffre et Cie, qui exploite une activité d’entreprise générale du bâtiment, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ; qu’à l’issue, elle a été assujettie, d’une part, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant les années 2008 à 2010, majorés, pour certains, d’intérêts de retard, d’une pénalité de 40 % pour manquement délibéré, et d’une pénalité de 10 % pour déclaration tardive, d’autre part, à des compléments d’impôt sur les sociétés au titre des années 2008, 2009 et 2010, de troisième part, à des amendes pour distributions occultes sur le fondement des dispositions de l’article 1759 du code général des impôts au titre des années 2009 et 2010 et enfin à des rappels de retenue à la source au titre des années 2009 et 2010 ; que la société Piffre et Cie a saisi le Tribunal administratif de Paris, d’une part, d’une demande de décharge des pénalités et intérêts de retard appliqués aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des amendes pour distributions occultes appliquées au titre des années 20009 et 2010, d’autre part, d’une demande distincte tendant à la décharge des compléments d’impôts sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 et des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ; que, par deux requêtes enregistrées au greffe de la Cour sous les numéros 14PA01429 et 15PA02319, elle demande l’annulation des jugements des 11 janvier 2014 et 14 avril 2015 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes ; que ces requêtes étant introduites par le même contribuable et présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la régularité du jugement du 14 avril 2015 :

2. Considérant que, à supposer qu’en soutenant par sa requête n° 15PA02319 que les premiers juges n’ont pas répondu à son moyen pris de ce qu’elle était en droit de déduire l’intégralité des charges de loyers du domicile de son gérant dès lors que ses bureaux occupaient plus de 50 % de son domicile et qu’en contrepartie de cet usage elle prenait en charge l’intégralité du loyer, la société requérante n’ait pas commis une erreur de plume mais entendu critiquer la régularité du jugement, son moyen ne peut qu’être écarté comme manquant en fait dès lors qu’il résulte des termes du point 3 dudit jugement du 14 avril 2015 attaqué que ce moyen manque en tout état de cause en fait ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

S’agissant de l’ensemble des impositions, pénalités et amendes en litige :

3. Considérant que dans le cas où la vérification de comptabilité d’une société a été effectuée, soit, comme le prévoit l’article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans ses propres locaux, soit, avec l’accord de son dirigeant ou de son représentant, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu’il ait eu la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit et de fait ;

4. Considérant, en l’espèce, qu’il est constant que c’est avec l’accord de son dirigeant que la vérification de comptabilité de la société Piffre et Cie s’est déroulée au cabinet de son expert-comptable, mandaté par elle pour la représenter au cours du contrôle ; qu’il est à cet égard sans incidence que le choix de la société Piffre et Cie ait été contraint par le fait que l’adresse du siège social à Paris ne correspondait qu’aux bureaux d’une société de domiciliation et par l’éloignement géographique du lieu effectif de son activité situé dans le département de l’Oise ; que, par suite, il lui incombe d’établir que le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire ; qu’il n’est pas contesté que le vérificateur s’est rendu à plusieurs reprises dans les locaux de l’expert-comptable où se trouvait la comptabilité de la société Piffre et Cie pour y effectuer le contrôle, qu’il y a rencontré son dirigeant à trois reprises, le 12 septembre 2011, le 4 octobre 2011 et le 30 novembre 2011 ; qu’il est au surplus constant qu’un document de huit pages détaillant l’ensemble des rectifications envisagées a été remis à la société avant le dernier entretien, qui s’est déroulé en présence du dirigeant, de l’expert-comptable et du conseil de la société ; qu’il est en revanche sans incidence, en ce qui concerne l’existence même d’un débat oral et contradictoire au cours des opérations de contrôle, que le vérificateur n’ait pas accueilli les explications et les justificatifs produits par le contribuable en abandonnant tout ou partie des rehaussements envisagés ; que, dans ces conditions, en se bornant à avancer que le vérificateur a maintenu à l’issue de l’entretien de synthèse l’intégralité des rectifications qu’il envisageait sans tenir compte des observations et justificatifs du contribuable, la SARL Piffre et Cie ne conteste pas utilement la régularité de la procédure de vérification ;

S’agissant des intérêts de retard :

5. Considérant que la société Piffre et Cie soutient que la mise en recouvrement des intérêts de retard en litige serait entachée d’une irrégularité du fait qu’une somme de 268 307 euros aurait été rajoutée de manière manuscrite et extracomptable par un agent non habilité sur l’avis de mise en recouvrement du 29 juin 2012 ; que, toutefois, il ressort dudit avis de mise en recouvrement du 29 juin 2012 que la somme de 268 307 euros en cause n’a été prise en compte qu’en tant qu’acompte versé par la société requérante que l’administration a imputé sur la somme mise en recouvrement au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la base de la proposition de rectification du 9 décembre 2011, lesquels rappels constituaient l’assiette des intérêts de retard en litige ; que, dans ces conditions, la requérante ne peut utilement contester la régularité de la prise en compte de cet acompte pour contester les intérêts de retard dont elle demande la décharge ; qu’en tout état de cause, comme l’ont relevé les premiers juges, la prise en compte de l’acompte de 268 307 euros pour le calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mise en recouvrement a été effectuée par un agent régulièrement habilité pour ce faire ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code :  » Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…)  » ; que, si, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; que dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

S’agissant des charges de location non déductibles :

7. Considérant que la SARL Piffre et Cie a déduit en charge l’intégralité du loyer de la résidence personnelle de son dirigeant M. A…; que l’administration a admis la déduction de ces sommes à hauteur de 25 % ; que la société soutient que ses locaux professionnels occupent en réalité 54,43 % de la superficie du domicile de son gérant et qu’eu égard à l’importance de la surface qu’elle occupe elle était fondée à prendre en charge l’intégralité des loyers de cette maison ; que, cependant, la société Piffre et Cie n’établit pas, par les photos qu’elle produit et un schéma manuscrit de l’habitation de M. A…, détaillant les espaces qui seraient exclusivement occupés à titre professionnel par elle, que la part de la superficie du logement de son dirigeant qu’elle occupe serait supérieure à celle retenue par l’administration ; qu’au surplus l’administration fait valoir sans être contredite qu’il résulte du contrat de bail que le logement en cause est à usage exclusif d’habitation ;

S’agissant des charges d’achat de prestations de services regardées comme non justifiées auprès des sociétés russes Lubat+ et Piffre+ :

8. Considérant que l’administration a rejeté la déduction de charges facturées à la société Piffre et Cie par les sociétés russes Lubat+ et Piffre+, au motif que la réalité des prestations facturées par ces deux sociétés n’était pas établie ;

9. Considérant, d’une part, que s’agissant des sommes facturées en 2009 pour un montant total de 280 000 euros par la société Lubat+, la société requérante a produit six factures de prestations d’assistance administrative, technique et financière et fait valoir qu’elle avait exposé ces dépenses dans son propre intérêt dans le cadre de l’avancement d’un projet de chantier de grande envergure d’acquisition et de modernisation d’une briqueterie à Touïmazy au Bachkortostan (Fédération de Russie) auquel elle participait avec les autres sociétés du groupe piloté par la société russe Lubat et dont elle espérait un chiffre d’affaires total de 6 à 7 millions d’euros ; que, toutefois, le service fait valoir qu’aux termes de la convention de gestion et de développement conclue entre les sociétés Piffre et Cie et Lubat+ le 7 décembre 2007, c’est la société Piffre et Cie qui devait assurer le rôle de prestataire de services dans le cadre de la même opération, que ces deux sociétés appartiennent au même groupe de sociétés et que les factures litigieuses ont été payées immédiatement par la société requérante, sans même opérer de compensation, alors qu’il ressortait des montants inscrits au compte client de la société Lubat+ dans la comptabilité de la société Piffre et Cie que la société Lubat+ était sa débitrice à hauteur de 1 008 960 euros au 31 décembre 2009 et au 31 décembre 2010 ; qu’en réponse aux éléments ainsi relevés par le service, la société requérante n’apporte aucun élément tangible de nature à établir la réalité des prestations d’assistance technique et administrative que lui aurait rendues la société Lubat+ ; qu’elle se borne à produire une nouvelle convention de services passée avec la société Lubat+ le 1er mars 2009 aux termes de laquelle la requérante apparaît comme le prestataire de services, ainsi qu’un rapport d’activité établi par la société Lubat+ le 1er mars 2013, donc postérieurement aux opérations de contrôle, décrivant les travaux qu’elle aurait effectués pour le compte de la société Piffre et Cie et les effectifs qu’elle aurait employés ; que ces éléments sont insuffisants pour contrebattre les éléments relevés par le service, qui était fondé, dès lors, à remettre en cause la réalité des prestations mentionnées sur les factures produites par la société Piffre et Cie ; qu’en outre, en raison des liens capitalistiques unissant les sociétés Piffre et Cie et Lubat+ – cette dernière détenant 25 % du capital de la société Piffre et Cie, laquelle détient 23 % du sien – aucune présomption d’exactitude ne s’attache aux factures litigieuses ;

10. Considérant, d’autre part, que, s’agissant de la facture de prestations de services émise le 30 novembre 2010 pour un montant de 200 000 euros par la société de droit russe Piffre+, l’administration fait valoir que ces prestations étaient dépourvues de contreparties dès lors qu’elles ont été intégralement facturées le jour même de la signature du contrat, en date du 30 novembre 2010, sur la base duquel elles ont été effectuées, alors que la société Piffre+ n’était pas même immatriculée à cette date ; que l’administration a également relevé que la société Piffre et Cie détenait 23 % du capital de la société Piffre+ ; qu’en réponse, la société requérante se borne à indiquer que la société Piffre+ avait repris la société préexistante Lubat+ et qu’elle avait commencé ses activités avant d’être formellement immatriculée ; que, cependant, elle n’apporte aucun élément tangible, à l’exception d’un rapport établi par la société Piffre+ le 28 mars 2013, postérieurement aux opérations de contrôle, de nature à établir la réalité des prestations d’assistance administrative et technique mentionnées sur la facture du 30 novembre 2010 ; que l’administration était en conséquence fondée à réintégrer cette charge dans le résultat de l’exercice 2010 de la société Piffre et Cie ;

S’agissant de l’abandon de créance :

11. Considérant que la société Piffre et Cie conteste la réintégration dans ses résultats de l’exercice 2008 de la charge de 19 226 euros qu’elle avait comptabilisée au titre d’un abandon de créance ; que, si elle soutient que cette perte correspondrait au solde d’un prêt de vingt-quatre mois accordé le 1er avril 2004 à un salarié qui serait parti sans laisser d’adresse, elle n’en justifie en tout état de cause pas dès lors qu’il résulte de l’échéancier qu’elle produit que le montant de la charge litigieuse est supérieur au montant total en capital et intérêts, qui s’élevait à 15 713 euros, du prêt dont elle se prévaut ;

En ce qui concerne la retenue à la source prévue à l’article 119 bis du code général des impôts :

12. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 119 bis du code général des impôts :  » (…) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par l’article 187-1 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d’application de cette disposition. Toutefois, la retenue à la source ne s’applique pas aux sommes visées au premier alinéa du a de l’article 111 (…)  » ;

13. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 10 de la convention susvisée signée le 26 novembre 1996 entre la France et la Fédération de Russie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune, qui s’est substituée à compter de l’année d’imposition 2000 en vertu de son article 28.3 à la convention fiscale franco-russe signée 4 octobre 1985 :  » 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d’un Etat contractant à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l’Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si leur bénéficiaire effectif est un résident de l’autre Etat contractant, l’impôt ainsi établi ne peut excéder (…) c) 15 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas. Les dispositions du présent paragraphe n’affectent pas l’imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. 3. Le terme  » dividendes  » employé dans le présent article désigne les revenus provenant d’actions ou autres parts bénéficiaires à l’exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l’Etat contractant dont la société distributrice est un résident. (…)  » ;

14. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le service a appliqué la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, au taux réduit de 15 % prévu à l’article 10.2.c de la convention du 26 novembre 1996 conclue entre la France et la Fédération de Russie, à des sommes de 195 000 euros et 85 000 euros, versées respectivement en 2009 et 2010 par la société Piffre et Cie à la société russe Lubat+, correspondant aux factures d’un montant total de 280 000 euros mentionnées au point 9 ci-dessus ; que les sommes en cause, réintégrées dans le résultat imposable de l’exercice 2009 de la société Piffre et Cie, correspondent, ainsi qu’il a été dit, à des règlements effectués par cette société à la société Lubat+ en contrepartie de prestations dont la réalité n’est pas établie ; qu’elles ont par suite le caractère de revenus distribués, au sens, notamment, des dispositions du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts ; qu’elles pouvaient en conséquence être assujetties à la retenue à la source, au nom de la société Piffre et Cie ; que contrairement à ce que soutient la société requérante l’application de ladite retenue à la source n’a pas le caractère d’une double imposition contraire aux stipulations des articles 7-1 et 2 de la convention fiscale franco-russe susmentionnée du 26 novembre 1996 ;

Sur le bien-fondé des pénalités et majorations :

En ce qui concerne les intérêts de retard en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

15. Considérant qu’aux termes du IV de l’article 1727 du code général des impôts :  » 1. L’intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’impôt devait être acquitté jusqu’au dernier jour du mois du paiement (…) 3. Lorsqu’il est fait application de l’article 1728, le décompte de l’intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou du mois au cours duquel la déclaration ou l’acte a été déposé  » ; et qu’aux termes de l’article 1728 du même code :  » 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d’une déclaration ou d’un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt entraîne l’application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement, d’une majoration de : a. 10 % en l’absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l’acte dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d’avoir à le produire dans ce délai (…)  » ;

16. Considérant, en l’espèce, qu’il est constant qu’en exécution de mises en demeure du 20 juillet 2011 de déposer ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée la société Piffre et Cie a déposé ses déclarations CA3 pour la période du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2010 le 11 août 2011, soit antérieurement à la proposition de rectification du 9 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, elle est fondée à soutenir qu’en application des dispositions de l’article 1728 du code général des impôts le décompte de l’intérêt de retard applicable aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la somme de 268 307 euros devait être arrêté au dernier jour du mois du dépôt de ses déclarations et non au dernier jour du mois de la proposition de rectification, et, par suite, à demander la décharge des intérêts de retard appliqués à cette somme sur le fondement des dispositions de l’article 1728 du code général des impôts pour la période du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2011 ;

17. Considérant, en revanche, que si elle soutient que, pour le calcul des intérêts de retard, le service n’aurait pas tenu compte des situations mensuelles créditrices intermédiaires, elle n’assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour mettre en mesure le juge de statuer sur son bien-fondé ;

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

18. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (…)  » ;

S’agissant des majorations appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 ;

19. Considérant que l’administration établit comme elle en la charge le caractère délibéré des minorations de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre desquelles elle a appliqué les majorations en litige en faisant valoir que les déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée déposées au cours de l’année 2008 par la SARL Piffre et Cie, pourtant établies sur la base de ses encaissements, étaient systématiquement minorées sur les deux exercices et que les montants rappelés se sont élevés au double des montants de taxe collectée effectivement déclarés ; qu’il est à cet égard sans incidence que la société requérante connaissait des difficultés économiques, une telle situation n’étant pas de nature à l’exempter de son obligation de déclarer l’intégralité de son chiffre d’affaires, pas plus que le fait allégué que les manquements résulteraient de fautes de son expert-comptable, ou qu’elle n’aurait fait l’objet d’aucune rectification de même nature depuis sa création ; que, par ailleurs, elle ne conteste pas utilement l’application des pénalités de 40 % pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de la période allant du 1er janvier au


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