Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Jing a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1311159/1-2 du 24 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet 2014 et 5 novembre 2014, la société Jing, représentée par Me Belouis, avocat, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1311159/1-2 du 24 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 500 euros hors taxes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– son président n’avait pas d’attribution dans le secteur financier ;
– les dividendes qu’elle a perçus en 2009 et 2010 ont été compensés avec des dettes qu’elle avait à l’égard de sa filiale ; elle n’a par suite disposé d’aucune trésorerie et son président n’a donc pu exercer aucune activité au titre d’un secteur financier par définition inexistant ;
– selon la doctrine administrative (BOI-TPS-TS-20-30 n° 140), les produits financiers n’ont pas à être ajoutés au numérateur et au dénominateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires, si leur montant total n’excède pas 5 % des recettes et produits de l’établissement ;
– les rémunérations versées à un mandataire social, qui n’a pas la qualité de salarié, au sens du droit du travail, ne peuvent être soumises à la taxe sur les salaires.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 octobre 2014 et 17 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
– Il soutient qu’aucun des moyens de la requérante n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de commerce ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Dalle,
– et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
1. Considérant, d’une part, qu’aux termes du 1 de l’article 231 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : » Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (…) et à la charge des personnes ou organismes (…) qui paient ces rémunérations lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L’assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l’ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d’affaires total. Le chiffre d’affaires qui n’a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d’affaires total mentionné au dénominateur du rapport s’entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s’entend du total des recettes et autres produits qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (…) » ; que lorsque les activités d’une entreprise sont, pour l’exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l’article 209 de l’annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d’assujettissement propre à ce secteur ; que, toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l’entreprise dans son ensemble entre le chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d’affaires total ;
2. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale : » Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 311-2 du même code : » Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général (…) toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat » ; qu’aux termes de l’article L. 311-3 dudit code : » Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation prévue à l’article L. 311-2 (…) 23°) les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées (…) » ;
3. Considérant que la SAS Jing est une société holding qui exerce une activité, située hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, de gestion de la participation qu’elle détient dans sa filiale TS3 et effectue, au profit de cette dernière, des prestations d’assistance, imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu’à l’issue d’une vérification de sa comptabilité, l’administration a estimé qu’elle devait être soumise à la taxe sur les salaires au titre des années 2010 et 2011, dès lors qu’au cours des années 2009 et 2010, elle avait été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur moins de 90 % de son chiffre d’affaires ; que l’administration a en conséquence imposé la société Jing à la taxe sur les salaires en appliquant aux rémunérations versées à M. Suc, président et unique salarié de la société, le rapport d’assujettissement général de l’entreprise à la taxe sur les salaires, prévu par les dispositions précitées de l’article 231 du code général des impôts ;
4. Considérant, en premier lieu, que le président d’une société par actions simplifiée étant obligatoirement affilié au régime général de la sécurité sociale par application de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, les sommes qui lui sont versées par la société à raison de ses fonctions sont réputées l’être au titre de rémunérations et sont soumises à cotisations sociales ; qu’ainsi, elles doivent être regardées comme entrant dans l’assiette des cotisations sociales telles que définies par l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, elles sont au nombre des rémunérations qui, en application des dispositions précitées de l’article 231 du code général des impôts, doivent être prises en compte pour le calcul de la taxe sur les salaires, sans qu’y fasse obstacle, la circonstance qu’en tant qu’actionnaire majoritaire et mandataire social, leur bénéficiaire n’est pas un salarié en situation de subordination ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les fonctions de président d’une société par actions simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l’article L. 227-6 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société et que le président est investi, aux termes de l’article L. 225-51-1 du même code, auquel renvoie l’article L. 227-8, d’une responsabilité générale ; que, s’agissant d’une société holding, ces pouvoirs s’étendent en principe au secteur financier, même si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible ; que, toutefois, s’il résulte des éléments produits par l’entreprise que certains de ses dirigeants n’ont pas d’attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l’organisation adoptée, l’un d’entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur les salaires et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires ;
6. Considérant qu’en se bornant à citer un extrait du mémoire en défense de l’administration devant le tribunal, précisant que » Aucune disposition [des statuts de la société] n’énonce expressément que le président n’a pas de pouvoir sur l’activité financière. Au demeurant, quand bien même de tels éléments restrictifs y figureraient, ceci serait en contradiction avec la responsabilité générale attachée à la fonction de président résultant de l’article L. 225-51 du code de commerce et ne pourrait donc avoir d’effet « , à invoquer les dispositions de l’article 12 des statuts de la société Jing, relatives aux délégations de pouvoirs susceptibles d’être données par le président et à l’accord écrit préalable du comité de surveillance pour certaines décisions prises en matière financière par le président, enfin, à mentionner trois décisions juridictionnelles, rendues dans des circonstances très différentes, la société requérante n’établit pas que son président ne pouvait exercer juridiquement aucun contrôle sur son secteur financier et qu’il n’avait aucune responsabilité dans ce domaine ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la société Jing ne conteste pas avoir perçu en 2009 et 2010 des dividendes, représentant respectivement 60,40 % et 27,70 % du total de ses recettes ; que l’administration était par suite en droit de l’imposer à la taxe sur les salaires au titre des années 2010 et 2011 et, dès lors que la société, ainsi qu’il a été dit, ne démontre pas que son président ne pouvait exercer juridiquement aucun contrôle sur son activité » gestion de participation » et n’avait aucune responsabilité dans ce domaine, d’appliquer aux rémunérations de ce président le rapport d’assujettissement général de l’entreprise à la taxe sur les salaires, même si celui-ci n’exerçait pas d’activité réelle dans le secteur financier et ne disposait d’aucune trésorerie à gérer ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que la société Jing n’entre pas dans les prévisions de la doctrine BOI-TPS-TS-20-30 n° 140, selon laquelle les produits financiers n’ont pas à être ajoutés au numérateur et au dénominateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires, si leur montant total n’excède pas 5 % des recettes et produits de l’établissement, dès lors qu’ainsi qu’il a été dit au point précédent, les dividendes qu’elle a perçus en 2009 et 2010 représentaient respectivement 60,40 % et 27,70 % de ses chiffres d’affaires ;
9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Jing n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Jing est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jing et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).
Délibéré après l’audience du 5 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 novembre 2015.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 14PA03082