Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
I°/ Par une requête enregistrée sous le n° 19PA01775, le 29 mai 2019, l’association Comité d’animation Bretagne, représentée par la SCP F. Rocheteau et C. Uzan-Sarano, demande à la Cour :
1°) d’annuler la décision du 12 décembre 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a arrêté la liste des candidats présélectionnés pour la zone de Lorient dans le cadre de l’appel à candidatures ouvert par une décision du 23 septembre 2015 pour l’exploitation de services de A… par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Rennes, ensemble la décision du 27 mars 2019 rejetant son recours gracieux ;
2°) d’enjoindre au CSA de reprendre la procédure d’attribution des fréquences pour la zone de Lorient au stade de la présélection afin de permettre la présélection de sa candidature, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa candidature en vue de l’attribution d’une fréquence dans cette zone ;
3°) de mettre à la charge du CSA le versement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la décision attaquée implique nécessairement le rejet de sa candidature qui n’a pas été présélectionnée ;
– le CSA a commis une erreur d’appréciation dès lors que le refus de présélectionner sa candidature aggrave le déséquilibre entre, d’une part, les services de radios de catégorie D et, d’autre part, les autres services de radios de manière générale et ceux de catégorie B en particulier dans la zone de Lorient ; la multiplication des services de radios de catégorie D peut gravement nuire aux radios locales vulnérables économiquement ;
– il a également commis une erreur d’appréciation dès lors que la programmation de A… Bonheur est déjà fortement représentée dans la zone en cause et qu’elle n’est destinée qu’aux personnes âgées de plus de 60 ans ; par ailleurs, le choix de A… Bonheur a accentué la position dominante du groupe SIPA-Ouest France alors qu’elle dispose de sa propre régie publicitaire ;
– elle a réalisé d’importants investissements afin d’étoffer son offre musicale et ses programmes d’intérêt local (PIL) qui sont plus importants que ceux initialement convenus avec le CSA.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le CSA conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la présélection des candidats pour une zone donnée dans le cadre d’un appel aux candidatures est une mesure préparatoire ne présentant pas le caractère d’une décision faisant grief et qui n’est donc pas susceptible de recours ;
– à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2019, la société Média Bonheur, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’association Comité d’animation Bretagne le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la présélection des candidats pour une zone donnée dans le cadre d’un appel aux candidatures est une mesure préparatoire aux décisions d’attribution de fréquence dont l’objet est d’informer l’ensemble des candidats de l’état d’avancement de la procédure ; elle ne présente pas le caractère d’une décision faisant grief et qui n’est donc pas susceptible de recours ;
– à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
II°/ Par une requête enregistrée sous le n° 19PA01959, le 17 juin 2019, complétée par un mémoire ampliatif le 27 août 2019, l’association Comité d’animation Bretagne, représentée par la SCP F. Rocheteau et C. Uzan-Sarano, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler la décision n° 2019-121 du 17 avril 2019 par laquelle le CSA a autorisé la SA SERC à exploiter un service A… de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé » Fun A… » dans la zone de Lorient ;
2°) d’enjoindre au CSA, à titre principal, de lui attribuer une fréquence dans la zone de Lorient dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;
3°) de mettre à la charge du CSA et de la SA SERC le versement d’une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
à titre principal :
– le CSA a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation en rejetant sa candidature au profit de celle de la SA SERC dès lors que ce choix accentue le déséquilibre entre, d’une part, les services de radios de catégorie D et, d’autre part, les autres services de radios de manière générale et ceux de catégorie B en particulier dans la zone de Lorient en méconnaissance de l’impératif de diversification des opérateurs ;
– il a également commis une erreur d’appréciation dès lors que la programmation de » Fun A… » axée sur la dance-électro était déjà représentée dans la zone en cause et qu’elle est très segmentée en ce qu’elle visait en majeure partie le jeune public ; au surplus, c’est à tort que le CSA a justifié sa décision par le fait que le public visé par » Fun A… » bénéficiait de peu de services dans la zone de Lorient alors que la catégorie des » jeunes-adultes » bénéficiait des services de Virgin A… Lorient, NRJ, Ouï FM et Skyrock présents dans la zone ;
– la décision attaquée porte atteinte au principe de libre concurrence dès lors qu’elle tend à renforcer la position du groupe RTL dans la zone de Lorient et que 9 fréquences sur 21 sont détenues par trois groupes seulement, à savoir les groupes RTL, Lagardère et NRJ Group ;
– en toute hypothèse, la décision attaquée sera annulée par voie de conséquence de l’illégalité entachant la décision de présélection des candidatures du 12 décembre 2018 dont l’annulation est sollicitée dans l’instance n° 19PA01775 ;
à titre subsidiaire :
– aucun élément ne permet d’établir que le CSA a respecté la règle de quorum posée par l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le CSA conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2020, la société SERC, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’association Comité d’animation Bretagne au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
III°/ Par une requête enregistrée sous le n° 19PA01960, le 17 juin 2019, complétée par un mémoire ampliatif le 27 août 2019, l’association Comité d’animation Bretagne, représentée par la SCP F. Rocheteau et C. Uzan-Sarano, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler la décision du 17 avril 2019 par laquelle le CSA a rejeté sa candidature pour la diffusion du service A… de catégorie B dénommé » RMN FM » dans la zone de Lorient ;
2°) d’enjoindre au CSA, à titre principal, de lui attribuer une fréquence dans la zone de Lorient dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;
3°) de mettre à la charge du CSA le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
à titre principal :
– le CSA a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation en rejetant sa candidature au profit de celle de la société Média Bonheur dès lors que ce choix accentue le déséquilibre entre, d’une part, les services de radios de catégorie D et, d’autre part, les autres services de radios de manière générale et ceux de catégorie B en particulier dans la zone de Lorient en méconnaissance de l’impératif de diversification des opérateurs ;
– il a également commis une erreur d’appréciation dès lors que la programmation de A… Bonheur était déjà fortement représentée dans la zone en cause, en particulier par les radios M A… (anciennement MFM A…), RFM, France Bleu Breizh Izel et Chérie FM et qu’elle ne visait que les personnes âgées de plus de 60 ans qui représentent moins de 30 % de la population de la zone de diffusion ; au contraire, sa programmation intergénérationnelle prônant la diversité des styles musicaux avec de nombreux PIL et rubriques locales, auxquelles les seniors sont au demeurant très sensibles, visait un large public ; par ailleurs, » RMN » est classée devant » A… Bonheur » en termes d’audience en Bretagne ;
– le CSA doit veiller, dans la mesure du possible, à autoriser les radios précédemment implantées dans la zone, l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 définissant expressément comme critère de sélection celui tenant à » l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication » ;
– la faiblesse de l’écart constaté entre la durée du PIL de » A… Bonheur » et celle du PIL de » RMN FM » ne pouvait justifier en soi d’accorder une autorisation à la société Média Bonheur ;
– la décision attaquée est également entachée d’illégalité dès lors qu’elle tend à renforcer la position du groupe SIPA-Ouest France sur le marché publicitaire dans la zone de Lorient en méconnaissance des exigences découlant des articles 3-1 et 29 de la loi du
30 septembre 1986 ; en revanche, elle dispose de sa propre régie publicitaire ;
– en toute hypothèse, la décision attaquée sera annulée par voie de conséquence de l’illégalité entachant la décision de présélection des candidatures du 12 décembre 2018 et dont l’annulation est sollicitée dans l’instance n° 19PA01775 ;
à titre subsidiaire :
– aucun élément ne permet d’établir que le CSA a respecté la règle de quorum posée par l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le CSA conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
IV°/ Par une requête enregistrée sous le n° 19PA01961, le 17 juin 2019, complétée par des mémoires le 27 août 2019 et le 24 décembre 2019, l’association Comité d’animation Bretagne, représentée par la SCP F. Rocheteau et C. Uzan-Sarano, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler la décision n° 2019-122 du 17 avril 2019 par laquelle le CSA a autorisé la société Média Bonheur à exploiter un service A… de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé » A… Bonheur » dans la zone de Lorient ;
2°) d’enjoindre au CSA, à titre principal, de lui attribuer une fréquence dans la zone de Lorient dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;
3°) de mettre à la charge du CSA et de la société Média Bonheur le versement d’une somme globale de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
à titre principal :
– le CSA a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation en rejetant sa candidature au profit de celle de la société Média Bonheur dès lors que ce choix accentue le déséquilibre entre, d’une part, les services de radios de catégorie D et, d’autre part, les autres services de radios de manière générale et ceux de catégorie B en particulier dans la zone de Lorient en méconnaissance de l’impératif de diversification des opérateurs ;
– il a également commis une erreur d’appréciation dès lors que la programmation de A… Bonheur était déjà fortement représentée dans la zone en cause, en particulier par les radios M A… (anciennement MFM A…), RFM, France Bleu Breizh Izel et Chérie FM et qu’elle ne visait que les personnes âgées de plus de 60 ans qui représentent moins de 30 % de la population de la zone de diffusion ; au contraire, sa programmation intergénérationnelle prônant la diversité des styles musicaux avec de nombreux PIL et rubriques locales, auxquelles les seniors sont au demeurant très sensibles, visait un large public ; le CSA doit procéder à une comparaison des programmes en compétition afin de retenir ceux couvrant le plus largement la population ; par ailleurs, » RMN » est classée devant » A… Bonheur » en termes d’audience en Bretagne ;
– le CSA doit veiller, dans la mesure du possible, à autoriser les radios précédemment implantées dans la zone, l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 définissant expressément comme critère de sélection celui tenant à » l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication » ;
– la faiblesse de l’écart constaté entre la durée du PIL de » A… Bonheur » et de » RMN FM » ne pouvait justifier en soi d’accorder une autorisation à la société Média Bonheur ;
– la décision attaquée est également entachée d’illégalité dès lors qu’elle tend à renforcer la position du groupe SIPA-Ouest France sur le marché publicitaire dans la zone de Lorient en méconnaissance des exigences découlant des articles 3-1 et 29 de la loi du
30 septembre 1986 ; en revanche, elle dispose de sa propre régie publicitaire ;
– en toute hypothèse, la décision attaquée sera annulée par voie de conséquence de l’illégalité entachant la décision de présélection des candidatures du 12 décembre 2018 et dont l’annulation est sollicitée dans l’instance n° 19PA01775 ;
à titre subsidiaire :
– aucun élément ne permet d’établir que le CSA a respecté la règle de quorum posée par l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le CSA conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 octobre 2019 et 31 décembre 2019, la société Média Bonheur, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’association Comité d’animation Bretagne le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme D…,
– les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
– les observations de Me C… de la SCP F. Rocheteau et C. Uzan-Sarano pour l’association Comité d’animation Bretagne, et les observations de Me B… de la SCP Lyon-Caen et Thiriez pour la SA SERC.
Considérant ce qui suit :
1. Les quatre requêtes susvisées sont présentées par la même requérante, sont relatives à un même litige et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt.
2. Le 23 novembre 2015, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l’exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel (CTA) de Rennes. Par quatre décisions n° 2017-227, n° 2017-229, n° 2017-231 et n° 2017-233 du 29 mars 2017, il a autorisé respectivement la SA SERC à exploiter un service de A… de catégorie D dénommé » Fun A… « , la SAS Ouï FM à exploiter un service A… de catégorie D dénommé » Ouï FM « , la SAS FG Concept à exploiter un service A… de catégorie D dénommé » A… FG » et l’association Comité d’animation de Bretagne à exploiter un service A… de catégorie B dénommé » RMN FM « , dans la zone de Lorient. Par une décision du même jour, notifiée le 17 mai 2017, le CSA a rejeté la candidature de la société Média Bonheur pour la diffusion en catégorie B du service dénommé » A… Bonheur » sur cette même zone. Par un arrêt n°s 17PA02113, 17PA02114, 17PA02115 du 10 juillet 2018, devenu définitif, la Cour a, à la demande de la société Média Bonheur, annulé la décision du 29 mars 2017 rejetant sa candidature pour la diffusion du service » A… Bonheur » ainsi que les décisions n° 2017-227, n° 2017-231, n° 2017-233 du même jour autorisant l’exploitation des services de radios dénommés » Fun A… « , » A… FG » et » RMN FM », a décidé que cette annulation prendra effet à l’expiration d’un délai de huit mois à compter de la notification de l’arrêt au CSA et a enjoint à ce dernier de réexaminer la candidature de la société Média Bonheur dans un délai de huit mois à compter de la notification de l’arrêt.
3. En exécution de l’arrêt de la Cour, le CSA a procédé au réexamen des dossiers de candidatures qui avaient été déclarés recevables lors du premier examen des candidatures et a, le 12 décembre 2018, présélectionné les candidatures des sociétés Média Bonheur, SERC et Jazz France pour l’exploitation des services dénommés respectivement » A… Bonheur « , » Fun A… » et » Jazz A… « . L’association Comité d’animation Bretagne a contesté cette décision de présélection par un recours gracieux du 7 février 2019 qui a été rejeté par une décision du CSA du 27 mars 2019. Par trois décisions n° 2019-121, n° 2019-122 et n° 2019-123 du 17 avril 2019, le CSA a autorisé respectivement la SA SERC à exploiter le service de A… » Fun A… » en catégorie D, la société Média Bonheur à exploiter le service de A… » A… Bonheur » en catégorie B et la SARL Jazz France à exploiter le service de A… » Jazz A… » en catégorie D, dans la zone de Lorient. Par une décision du même jour, notifiée le 17 mai 2019, il a rejeté la candidature de l’association Comité d’animation Bretagne. Par les présentes requêtes, cette dernière demande à la Cour l’annulation des décisions n° 2019-121 et n° 2019-122 du 17 avril 2019 du CSA, de la décision du même jour rejetant sa candidature ainsi que de la décision de présélection des candidatures du 12 décembre 2018.
Sur la requête n° 19PA01775 :
4. La liste des candidats présélectionnés pour la zone de Lorient dans le cadre de l’appel aux candidatures lancé le 23 septembre 2015 dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Rennes constituait une mesure préparatoire aux décisions d’attribution de fréquences, dont l’objet était d’informer l’ensemble des candidats de l’état d’avancement de la procédure et d’identification des candidats avec lesquels le CSA engagerait la négociation de la convention prévue par l’article 28 de la loi susvisée du 30 septembre 1986, préalablement à toute décision d’autorisation. Une telle liste ne peut être regardée comme ayant valeur d’autorisation pour les candidats qui y figurent, ni de rejet pour les candidats qui n’y figurent pas. Ainsi, la décision du 12 décembre 2018 n’a pas le caractère d’une décision faisant grief. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CSA et la société Média Bonheur tirée de l’irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 12 décembre 2018 et des conclusions dirigées contre la décision du 27 mars 2019 rejetant le recours gracieux de l’association Comité d’animation Bretagne formé contre cette décision doit être accueillie.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête, que la requête n° 19PA01775 de l’association Comité d’animation Bretagne doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’association Comité d’animation Bretagne le versement à la société Média Bonheur d’une somme de 500 euros au titre des frais liés à l’instance.
Sur les requêtes n°s 19PA01959, 19PA01960 et 19PA01961 :
En ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation des décisions du CSA du 17 avril 2019 rejetant la candidature de l’association Comité d’animation Bretagne et autorisant la SA SERC et la société Média Bonheur à exploiter respectivement les services de A… » Fun A… » et » A… Bonheur » :
S’agissant de la légalité externe :
6. Si l’association Comité d’animation Bretagne soutient que les décisions attaquées sont entachées d’une irrégularité de procédure en ce qu’aurait été méconnue la règle de quorum prévue à l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée aux termes duquel le CSA ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents, il ressort des pièces du dossier que ces décisions ont été prises après réunion du collège plénier du 17 avril 2019 qui réunissait sept de ses membres dont son président. Le moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.
S’agissant de la légalité interne :
7. Aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA » accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S’il s’agit de la délivrance d’une nouvelle autorisation après que l’autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale. (…) » et aux termes de l’article 3-1 de la même loi : » Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (…) veille à favoriser la libre concurrence et l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique (…) « .
8. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été ainsi conférée, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidature pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).
9. En premier lieu, il résulte du point 4 que le moyen tiré de ce que les décisions attaquées doivent être annulées par voie de conséquence de l’illégalité entachant la décision du 12 décembre 2018 du CSA arrêtant la liste des candidats présélectionnés pour l’exploitation de services de A… dans la zone de Lorient ne peut qu’être écarté.
10. En deuxième lieu, il est constant que la durée du programme d’intérêt local (PIL) et des informations et rubriques locales spécifiques à la zone de Lorient proposés par la requérante était inférieure à celle du PIL et des informations et rubriques locales proposés par » A… Bonheur « . Si la requérante soutient que le faible écart de durée entre ces programmes (respectivement 32 et 24 minutes) était toutefois insuffisant pour fonder le rejet de sa candidature et l’autorisation accordée à » A… Bonheur « , il ressort des décisions contestée que le CSA n’a pas, en tout état de cause, retenu ce seul critère mais qu’il a concilié celui-ci avec les autres critères énoncés par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, et notamment de celui de l’intérêt des programmes pour le public pour estimer que la candidature de » A… Bonheur » était la mieux à même de répondre à l’ensemble de ces critères.
11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la programmation musicale du service de A… » RMN FM » exploité par l’association Comité d’animation de Bretagne était composée de pop-rock, de variété, de musiques celtiques dont 20 à 25% de nouveautés et 48 à 50 % de titre Gold correspondant aux décennies 1970 à 2010 et que le public visé était les » jeunes-adultes et les adultes « . L’association Comité d’animation de Bretagne soutient que le CSA aurait dû privilégier sa candidature dès lors que sa programmation » intergénérationnelle » prônant la diversité des styles musicaux avec de nombreuses rubriques locales répondait davantage à l’intérêt du public de la zone de Lorient que les programmes de » A… Bonheur » et » Fun A… » qui étaient déjà en partie représentés. Toutefois, si la zone de Lorient comprenait, avant les décisions attaquées du CSA, 18 radios soumises à autorisation et 6 radios du service public dont certaines diffusaient un programme intéressant les seniors, aucune offre radiophonique n’était entièrement dédiée à la tranche d’âge des plus de 60 ans qui représentaient 27,9 % de la population de la zone. Ainsi, si M A… diffusait les succès de la chanson française des années 80 à aujourd’hui, Chérie FM et RFM visait un public » jeunes-adultes et adultes » et France Bleu Breizh Izel était une » A… généraliste « , aucun de ces services de radios ne proposait, comme A… Bonheur, un programme composé de chansons francophones des années 1950, de musique d’accordéon à hauteur de 25 à 30 % et des artistes, notamment locaux, peu diffusés, et qui était ainsi dédié spécifiquement aux seniors de plus de 60 ans. Par ailleurs, si le public » jeunes et jeunes-adultes » bénéficiait de plusieurs programmes comme Virgin A… Lorient, Ouï FM et Skyrock et enfin, NRJ qui programmait de la dance-électro à hauteur de 22 %, la programmation de » Fun A… » principalement axée sur ce dernier style de musique (plus de 70 %) et destiné à un jeune public se révélait originale dans la zone de Lorient et bénéficiait, en outre, d’une importante audience entre 2016 et 2018. Enfin, il est constant que la programmation de la A… RMN FM était déjà en partie représentée dans la zone de Lorient et le public ciblé » jeunes-adultes et adultes » bénéficiait de nombreux services parmi lesquels Hit West, Virgin A… Lorient, Chérie, M A…, RTL2 et Rire et Chansons. Par suite, eu égard à l’ensemble de ces éléments ainsi qu’à l’offre relativement large de services de radios autorisés dans la zone de Lorient, et nonobstant la circonstance à la supposer établie que l’audience de » RMN FM » serait supérieure à celle de » A… Bonheur « , le CSA n’a pas commis d’erreur d’appréciation en autorisant les services de » A… Bonheur » et » Fun A… » destinés à un public très ciblé et non une A… proposant une programmation » intergénérationnelle » comme celle dont se prévaut la requérante.
12. En quatrième lieu, l’association Comité d’animation Bretagne soutient qu’en application du critère tenant à » l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication « , le CSA aurait dû privilégier sa candidature à celle de » A… Bonheur » dès lors que son programme de A… » RMN FM » était déjà diffusé dans la zone de Lorient. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’audience de » RMN FM « , dont la diffusion a été autorisée uniquement pendant la période comprise entre le 29 mars 2017 et le 11 mars 2019, aurait bénéficié d’une audience telle que la cessation de ce programme aurait méconnu l’intérêt du public de la zone de Lorient.
13. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’avant l’appel à candidatures en cause, il existait dans la zone de Lorient six services radiophoniques présentant un intérêt local et régional répartis pour trois d’entre eux en catégorie A, deux en catégorie B et un en catégorie C, et douze services radiophoniques à vocation nationale en catégorie D et E. A la suite de l’appel à candidatures, les autorisations accordées par le CSA conduisent à ce qu’il y ait sept services radiophoniques présentant un intérêt local et régional et quatorze services radiophoniques à vocation nationale en catégorie D et E. Ainsi, ces autorisations n’ont modifié que légèrement la répartition des services de A… entre les différentes catégories. Dans ces conditions, le CSA n’a pas méconnu les dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, qui lui prescrivent de veiller à un juste équilibre entre réseaux nationaux et services locaux, régionaux et thématiques indépendants, en autorisant » A… Bonheur » en catégorie B et » Fun A… » en catégorie D à émettre dans la zone de Lorient. Par ailleurs, retenir la candidature du service A… » RMN FM » en catégorie B en lieu et place de celle de » A… Bonheur » relevant de la même catégorie n’aurait pas contribué à un meilleur équilibre entre les services radiophoniques dans cette zone.
14. En sixième lieu, il résulte des points 10 et 11 que, compte tenu du plus grand intérêt que les services de A… retenus présentaient pour le public, le CSA n’a pas fait une inexacte application des critères d’octroi des autorisations prévus à l’article 29 de la loi du