CAA de PARIS, 8ème chambre, 13/03/2017, 16PA01128, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 8ème chambre, 13/03/2017, 16PA01128, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mars, 19 mai et 28 octobre 2016, la société SAM Radio Monte-Carlo, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, demande à la Cour :

1°) d’annuler les décisions du 20 janvier 2016 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, d’une part, autorisé la SARL Média Bonheur à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Radio Bonheur et, d’autre part, rejeté sa candidature en vue de l’exploitation de services de radio par voie hertzienne dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Rennes pour la zone de Saint-Malo ;

2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l’audiovisuel la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision autorisant la SARL Média Bonheur est entachée d’un vice de procédure en ce que les règles de quorum n’ont pas été respectées ;

– la décision rejetant sa candidature est insuffisamment motivée ;

– les décisions sont entachées d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation au regard de l’application des critères de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

– la décision autorisant la SARL Média Bonheur étant entachée d’illégalité, la décision rejetant sa candidature est, également, entachée d’illégalité et doit être annulée.

Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2016, la SARL Média Bonheur, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société SAM Radio Monte-Carlo au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2016, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, conclut au rejet de la requête et soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

– les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

– et les observations de MeB…, substituant la SCP Piwnica et Molinié, pour la société SAM Radio Monte-Carlo.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision n° 2015-124 du 18 mars 2015, modifiée par la décision n° 2015-170, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé un appel aux candidatures pour l’exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Rennes. La SARL Média Bonheur et la société SAM Radio Monte-Carlo ont chacune déposé une offre de services relevant respectivement des catégories B et E dans la zone de Saint-Malo. Lors de la séance du collège plénier du 20 janvier 2016, le CSA a, lors de l’examen des candidatures, écarté celle de la société SAM Radio Monte-Carlo et retenu l’offre de service proposé par la SARL Média Bonheur. La société SAM Radio Monte-Carlo demande l’annulation de la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le CSA a retenu la candidature de la SARL Média Bonheur et celle, du même jour, par laquelle il a rejeté sa candidature.

I – Sur la régularité des décisions contestées :

2. D’une part, la société SAM Radio Monte-Carlo soutient que la décision par laquelle le CSA a autorisé la SARL Média Bonheur à exploiter un service de radio de catégorie B pour la zone de Saint-Malo a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article 4 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 relatives au quorum. Toutefois, ce moyen n’étant pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, il ne pourra qu’être écarté.

3. D’autre part, aux termes de l’article 32 de la loi précitée du 30 septembre 1986 :  » […]. / Les refus d’autorisation sont motivés […] « .

4. La société SAM Radio Monte-Carlo soutient que la décision par laquelle le CSA a rejeté sa candidature est insuffisamment motivée. Toutefois, la lettre du 16 mars 2016 par laquelle le CSA a notifié à la société SAM Radio Monte-Carlo le rejet de sa candidature se réfère à l’extrait du procès-verbal de la séance plénière du 20 janvier 2016, qui vise les dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 et mentionne les éléments de fait sur lesquels le CSA s’est fondé, n’avait pas à contenir une motivation spécifique sur chacun des critères énumérés à l’article 29 et pouvait se borner à comparer l’intérêt du projet de la société intéressée à celui du candidat qui avait été retenu. Par suite, le moyen invoqué ne peut qu’être écarté comme manquant en fait.

II – Sur le bien-fondé des décisions contestées :

5. Aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986,  » Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient compte également : […] 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation. […]. / Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. / Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale « .

6. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidatures pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

7. Dans la zone de Saint-Malo où émettaient un service en catégorie A et B, deux services en catégorie C, cinq services en catégorie D et deux services en catégorie E et où une seule fréquence était disponible, le CSA a autorisé Radio Bonheur, radio locale proposée par la SARL Média Bonheur, aux motifs qu’elle s’adressait plus particulièrement à un public adulte et sénior, s’inscrivait, dans la zone concernée, dans la continuité territoriale directe de sa desserte actuelle et proposait une programmation musicale et d’intérêt local. Le CSA a rejeté la candidature de la société SAM Radio Monte-Carlo au motif qu’elle était susceptible, dans une zone où le public bénéficiait déjà avec Europe 1, RTL, France Inter et France Info, de quatre services dont les programmes contribuaient à l’information politique et générale, de répondre de façon moins satisfaisante à l’intérêt du public que le candidat retenu en catégorie B, Radio Bonheur, compte tenu du programme d’intérêt local que ce dernier proposait, et notamment trente-quatre minutes de programmes spécifiques à la zone comprenant dix minutes d’informations locales.

8. En premier lieu, la société SAM Radio Monte-Carlo soutient que la structure de la population dans la zone considérée ne justifiait pas d’accorder à la SARL Média Bonheur un service spécifiquement dédié aux séniors compte tenu de la variation de la démographie locale sur l’année et, notamment, en période estivale et de l’offre musicale et d’intérêt local existante.

9. D’une part, il appartenait au CSA d’examiner le service proposé en catégorie B par la SARL Média Bonheur au regard des dispositions précitées de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en tenant compte de la démographie locale en temps normal sans tenir compte des variations saisonnières alléguées et, au demeurant, non établies par la société SAM Radio Monte-Carlo. Il ressort, ainsi, des pièces du dossier, selon les chiffres fournis par l’INSEE, que dans la zone considérée, les plus de 60 ans représentent 35,6% de la population, soit une proportion supérieure à la moyenne nationale qui se situe à 23,6 %. Il existait, avant l’appel à candidature, de nombreux services musicaux s’adressant à un public jeune (A…, Fun Radio, NRJ ou Skyrock), à un public adulte (RFM) et à tous types de publics (Radio Classique) avec une offre musicale très diversifiée (pop-rock, dance-électro, variétés française et internationale récentes ou à partir des années 80 jusqu’à maintenant, groove-rap, musique classique, musiques de films). Outre ces services, les radios généralistes, diffusant des programmes de divertissement, et Radio Paroles de vie, radio confessionnelle, promouvant le jazz celtique, s’adressent à un public très diversifié en termes de tranches d’âge. Quant à Radio Caroline, elle ne vise pas le public concerné des plus de 60 ans. Seule Radio Nostalgie est plus spécifiquement destinée à un public adulte sénior avec une programmation musicale de variété (années 60, 70 et 80). Il ressort des pièces du dossier que Radio Bonheur, radio musicale populaire, diffuse des titres 100% français des années 1950 à 1989 avec une  » playlist  » de plus de 10 000 titres ainsi que des morceaux d’accordéon et des artistes non connus et diffusés par les autres radios déjà autorisées. Dès lors, la circonstance que la programmation musicale offerte par ce service ait été partiellement présente sur la zone concernée n’était pas, contrairement à ce que soutient la société SAM Radio Monte-Carlo, suffisante pour refuser d’accorder à la SARL Média Bonheur l’autorisation contestée, dès lors que la programmation existante sur la zone s’adresse à des publics variés et que l’offre du service de Radio Bonheur porte sur une programmation musicale au contenu très différent et original visant un public peu représenté.

10. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que la circonstance que seules quatre radios aient été précédemment autorisées sur les seize radios privées et publiques préexistantes, dans la zone considérée, au titre des catégories A, B et C, et diffusent des programmes d’intérêt local, n’était pas suffisante pour rejeter la candidature de la SARL Média Bonheur alors que la programmation qu’elle propose présente un fort ancrage local comportant quatre rendez-vous quotidiens dédiés à l’information locale avec des décrochages spécifiques selon les départements, quinze rendez-vous quotidiens d’informations loisirs, la retransmission des matchs de football et de grands concerts avec une part spécifique importante à la zone représentant trente-quatre minutes dont dix d’informations locales.

11. En deuxième lieu, la société SAM Radio Monte-Carlo soutient que le CSA ne pouvait écarter sa candidature au motif que le format proposé était déjà représenté sur la zone concernée et retenir la candidature de la SARL Média Bonheur alors que la programmation qu’elle offre, notamment, en matière sportive est susceptible d’intéresser un public plus large.

12. D’une part, la circonstance que la société SAM Radio Monte-Carlo ait déposé une offre relevant de la catégorie E n’interdisait pas au CSA de procéder à une comparaison du service offert avec ceux proposés sur l’ensemble de la zone afin de répondre à l’un des objectifs prioritaires de l’article 29 de la loi soit celui du pluralisme par les radios généralistes. Si la société SAM Radio Monte-Carlo propose une programmation sportive, elle ne justifie nullement de sa réelle spécificité ni n’établit que cette programmation serait significativement différente ou originale au regard de celle des radios autorisées. Elle ne démontre pas davantage la situation déficitaire de la programmation sportive sur la zone concernée ou à l’échelle nationale. Dans ces conditions, le CSA pouvait estimer, compte tenu de la seule fréquence à attribuer, que les besoins du public étaient suffisamment satisfaits en matière d’information générale et politique, que le service de Radio Monte-Carlo couvre également, par l’offre existante de RTL et Europe 1.

13. D’autre part, et contrairement à ce que soutient la société SAM Radio Monte-Carlo, le CSA pouvait privilégier le service de Radio Bonheur comportant un programme d’intérêt local avec de nombreuses rubriques et informations locales et présentant pour le public un intérêt supérieur au programme national sans décrochage local qu’elle proposait. Par ailleurs, sur les onze radios autorisées dans la zone de Saint-Malo avant l’appel aux candidatures figuraient un service en catégorie A et B, deux services en catégorie C, cinq services en catégorie D et deux services en catégorie E, en plus des offres du service public, le CSA pouvait, sans méconnaître le critère du juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, accorder une autorisation à la SARL Média Bonheur en catégorie C et non à la société SAM Radio Monte-Carlo qui présentait sa candidature au titre de la catégorie E.

14. Il résulte de ce qui vient d’être dit aux points 8 à 13 ci-dessus que les motifs retenus par le CSA ne sont entachés ni d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation au regard des critères énoncés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 et font, en particulier, une exacte application de l’impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme.

15. En dernier lieu, lorsqu’un refus d’autorisation d’exploiter un service audiovisuel est fondé sur une comparaison entre l’intérêt du projet écarté et celui du projet retenu, le candidat concerné peut, à l’appui de son recours contre ce refus, invoquer utilement l’illégalité d’une autorisation délivrée dans la même zone dans le cadre du même appel aux candidatures. Toutefois, la décision par laquelle le CSA a autorisé la SARL Média Bonheur à exploiter un service de radio de catégorie B n’étant entachée d’aucune illégalité, la société SAM Radio Monte-Carlo n’est pas fondée à en invoquer, par la voie de l’exception, l’illégalité à l’appui des conclusions qu’elle a présentées à l’appui de la décision rejetant sa candidature.

16. Il résulte de ce qui précède que la SAM Radio Monte-Carlo n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions du 20 janvier 2016 par lesquelles le CSA a, d’une part, autorisé la SARL Média Bonheur à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Radio Bonheur et, d’autre part, rejeté sa candidature en vue de l’exploitation de services de radio par voie hertzienne dans le même ressort pour la même zone.

III – Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions précitées font obstacle à ce que la somme demandée par la société SAM Radio Monte-Carlo au titre des frais liés à l’instance soit mise à la charge du CSA, qui n’est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société SAM Radio Monte-Carlo le versement de la somme de 1 500 euros à la SARL Média Bonheur sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SAM Radio Monte-Carlo est rejetée.

Article 2 : La société SAM Radio Monte-Carlo versera à la SARL Média Bonheur la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAM Radio Monte-Carlo, à la SARL Média Bonheur et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Délibéré après l’audience du 27 février 2017, à laquelle siégeaient :

– M. Lapouzade, président de chambre,

– M. Luben, président assesseur,

– Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2017.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 16PA01128


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