CAA de PARIS, 8ème chambre, 10/07/2020, 19PA02815, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 8ème chambre, 10/07/2020, 19PA02815, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 août 2019, complétée par un mémoire ampliatif le 7 octobre 2019 et un mémoire le 13 mars 2020, la SARL Cannes Radio Diffusion, représentée par Me C…, demande à la Cour :

1°) d’annuler la décision n° 2019-273 du 12 juin 2019 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a autorisé la SARL TSF Jazz à exploiter un service radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé  » TSF Jazz  » dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon ;

2°) d’annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle le CSA a rejeté sa candidature pour la diffusion du service radio de catégorie B dénommé  » Cannes Radio  » dans la zone de Saint-Raphaël ;

3°) d’annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle le CSA a rejeté sa candidature pour la diffusion du service radio de catégorie B dénommé  » Cannes Radio  » dans la zone de Toulon ;

4°) d’enjoindre au CSA de réexaminer ses candidatures dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du CSA le versement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S’agissant de la décision n° 2019-273 du 12 juin 2019 du CSA autorisant l’exploitation du service  » TSF Jazz  » dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon :

– la décision attaquée a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors que le CSA n’a pas recueilli l’avis du comité territorial de l’audiovisuel (CTA) de Marseille et s’est ainsi privé d’informations locales pertinentes quant à l’intérêt pour le public des différentes candidatures ; cette irrégularité de procédure a exercé une influence sur le sens de la décision attaquée et l’a privée d’une garantie ;

– l’avis de l’agence nationale des fréquences (ANFR) n’a pas non plus été recueilli préalablement par le CSA ; l’image d’une capture d’écran produite par le CSA ne saurait être regardée comme l’avis de l’ANFR alors qu’en outre, cette capture d’écran ne se rapporte pas au service  » TSF Jazz  » ; l’avis a été rendu après la décision attaquée ;

– le procès-verbal de la séance du collège plénier du CSA du 12 juin 2019 ne précise pas le nombre de voix qui ont approuvé la décision attaquée, en méconnaissance de l’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

– le CSA a commis une erreur d’appréciation en estimant que l’offre du service  » TSF Jazz  » était susceptible de contribuer à la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels et à l’intérêt du public alors que s’il cible le même public que le service  » Cannes Radio « , soit les auditeurs de plus de 50 ans, le service de  » TSF Jazz  » s’adresse à un public particulièrement réduit d’auditeurs ;

– c’est à tort que le CSA a estimé que sa programmation était déjà représentée dans les zones en cause ;

– le CSA a également méconnu le  » juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part  » dès lors que la décision attaquée conduit à renforcer considérablement l’offre de services de radio en catégorie D au détriment des services de catégorie B ;

S’agissant des décisions du 12 juin 2019 rejetant sa candidature :

– le procès-verbal de la séance du collège plénier du CSA du 12 juin 2019 ne précise pas le nombre de voix qui ont approuvé les décisions attaquées, en méconnaissance de l’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

– les décisions attaquées sont insuffisamment motivées dès lors que le CSA ne pouvait pas, après avoir admis que la part des auditeurs de plus de 55 ans était importante dans les zones en cause, écarter sa candidature alors que sa programmation vise ce public en particulier ;

– elles sont entachées d’une contradiction de motifs pour ce même motif ;

– le CSA a commis une erreur d’appréciation en estimant que sa programmation était comparable, dans la zone de Saint-Raphaël, à celles de  » RFM « ,  » RTL 2 Côte d’Azur  » et  » Mosaïque FM  » et, dans la zone de Toulon, à celles de  » Virgin Radio Marseille-Toulon « ,  » Radio Contact Azur Programme Radio Star  » et  » Mistral FM  » ;

– le CSA a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation en considérant que la programmation de  » TSF Jazz  » était susceptible de répondre à l’intérêt du public des deux zones alors que ce service de radio reste confidentiel et que le critère de l’originalité retenu par le CSA ne figure pas au nombre de ceux prévus par la loi pour sélectionner les candidats ; eu égard à la rareté de la ressource hertzienne, le CSA doit veiller à ce que le service autorisé puisse rassembler une partie substantielle du public dans la zone considérée ; la diversité des courants d’expression socioculturels ne signifie pas que tous les courants d’expression doivent être représentés ; au demeurant, le public de ces zones bénéficiait déjà d’un programme de jazz grâce au service de France Musique qui lui consacre près d’un quart de sa grille ;

– le CSA s’est fondé sur l’intérêt des auditeurs de plus 55 ans pour retenir la candidature de  » TSF Jazz  » sans examiner sa candidature sur ce point ; s’il avait comparé les deux offres, il aurait été amené à privilégier le service de  » Cannes Radio  » qui est destiné en priorité à un public âgé de plus de 50 ans ; les décisions attaquées sont ainsi entachées d’un défaut d’examen, d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation ;

– il a également méconnu le  » juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part  » dès lors que les décisions attaquées conduisent à renforcer considérablement l’offre de services de radio en catégorie D au détriment des services de catégorie B.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 janvier 2020, 3 et 13 mars 2020, le CSA conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

– le moyen tiré de l’insuffisante motivation des décisions du 12 juin 2019 rejetant la candidature de la SARL Cannes Radio Diffusion soulevé dans la requête sommaire et non repris dans le mémoire ampliatif de la requérante doit être regardé comme irrecevable ; en tout état de cause, ce moyen manque en fait ;

– les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, la société TSF Jazz, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SARL Cannes Radio Diffusion au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code des postes et des communications électroniques ;

– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

– le décret n° 2011-732 du 24 juin 2011 ;

– la décision n° 2015-315 du 28 juillet 2015 fixant le règlement intérieur des comités territoriaux de l’audiovisuel et leurs règles générales d’organisation et de fonctionnement ;

– le code de justice administrative ;

– l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme D…,

– les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

– les observations de Me C… pour la SARL Cannes Radio Diffusion, et les observations de Me B… substituant Me A… pour la SARL TSF Jazz.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2018-148 du 28 mars 2018, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l’exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Marseille. Par une décision n° 2019-273 du 12 juin 2019, le CSA a autorisé la SARL TSF Jazz à exploiter un service radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé  » TSF Jazz  » dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon. Par des décisions du même jour, le CSA a rejeté la candidature de la SARL Cannes Radio Diffusion dans ces deux zones. Par la présente requête, la SARL Cannes Radio Diffusion demande à la Cour d’annuler ces décisions.

Sur la décision n° 2019-273 du 12 juin 2019 autorisant la SARL TSF Jazz à exploiter un service radio dénommé  » TSF Jazz  » dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l’article 2 du décret n° 2011-732 du 24 juin 2011 relatif aux comités techniques prévus à l’article 29-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication :  » Les comités territoriaux de l’audiovisuel assurent l’instruction des demandes d’autorisation pour la diffusion des services de radio par voie hertzienne terrestre mentionnées aux articles 29 et 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée et l’observation de l’exécution des obligations qu’elles contiennent « . Aux termes de l’article 15 de la décision n° 2015-315 du 28 juillet 2015 fixant le règlement intérieur des comités territoriaux de l’audiovisuel et leurs règles générales d’organisation et de fonctionnement :  » Le comité procède à l’instruction des candidatures dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel a arrêté la liste dans les conditions prévues aux articles 29 et 29-1 de la loi du 30 septembre 1986. Le président du comité peut désigner des rapporteurs choisis parmi les membres ou les agents du comité. Le rapporteur rédige, pour chaque dossier, une note de synthèse exposant l’intérêt de la candidature au regard des critères prévus à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 « . Aux termes de l’article 18 de cette même décision :  » A l’issue de ses délibérations, le comité adresse au Conseil supérieur de l’audiovisuel une liste des candidats qui lui paraissent pouvoir bénéficier d’une autorisation. Cette liste est accompagnée, pour chaque candidature, des motifs qui fondent l’avis du comité. « .

3. Il ressort de la mention du procès-verbal de la réunion du comité territorial de l’audiovisuel (CTA) de Marseille du 13 juillet 2018 que le comité a  » procédé à ses propositions de présélection dans le cadre de l’appel à candidatures n° 2018-148 du 28 mars 2018 « . Il a ainsi instruit l’ensemble des candidatures présentées dans le cadre de cet appel à candidatures et a adressé au CSA ses propositions de présélection. La circonstance que le CTA a instruit l’ensemble des candidatures avant que le CSA ne fixe, par une décision n° 2018-757 du 17 octobre 2018, la liste des candidats dont le dossier était recevable en méconnaissance de l’article 15 de la décision n° 2015-315 du 28 juillet 2015 ne saurait être regardée comme ayant privé d’une garantie la SARL Cannes Radio Diffusion, dont le dossier a été instruit par le CTA, et n’a pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision attaquée.

4. En deuxième lieu, l’article 22 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que  » Le Conseil supérieur de l’audiovisuel autorise, dans le respect des traités et accords internationaux signés par la France, l’usage des bandes de fréquences ou des fréquences attribuées ou assignées à des usages de radiodiffusion. Il contrôle leur utilisation. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Agence nationale des fréquences prennent les mesures nécessaires pour assurer une bonne réception des signaux et concluent entre eux à cet effet les conventions nécessaires. « . Aux termes de l’article 25 de la même loi :  » L’usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre est subordonné au respect des conditions techniques définies par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et concernant notamment : 1° Les caractéristiques des signaux émis et des équipements de transmission et de diffusion utilisés ; 1° bis Les conditions techniques du multiplexage et les caractéristiques des équipements utilisés ; 2° Le lieu d’émission ; 3° La limite supérieure et, le cas échéant, inférieure de puissance apparente rayonnée. (…) ; 4° La protection contre les interférences possibles avec l’usage des autres techniques de télécommunications. (…) Le conseil peut soumettre l’utilisateur d’un site d’émission à des obligations particulières, en fonction notamment de la rareté des sites d’émission dans une région. (…) « .

5. Aux termes de l’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques :  » I. – Il est créé, à compter du 1er janvier 1997, une Agence nationale des fréquences, établissement public de l’Etat à caractère administratif. L’agence a pour mission d’assurer la planification, la gestion et le contrôle de l’utilisation, y compris privative, du domaine public des fréquences radioélectriques sous réserve de l’application de l’article L. 41 ainsi que des compétences des administrations et autorités affectataires de fréquences radioélectriques. (…) Elle coordonne l’implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature afin d’assurer la meilleure utilisation des sites disponibles ainsi que la prévention des brouillages préjudiciables entre utilisateurs de fréquences, et assure le respect des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques prévues à l’article L. 34-9-1 ainsi que le recensement et le suivi des points atypiques conformément à l’objectif mentionné au 12° ter du II de l’article L. 32-1. A cet effet, les décisions d’implantation ne peuvent être prises qu’avec son accord ou, lorsqu’elles relèvent de la compétence du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qu’après son avis. Le conseil est tenu par cet avis lorsqu’il est fondé sur un motif tiré du respect des valeurs limites d’exposition. (…) « .

6. Il résulte de ces dispositions que le CSA n’est pas tenu de saisir pour avis l’Agence nationale des fréquences avant d’autoriser, à l’issue d’un appel à candidatures, un service de radio à émettre par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet sur une fréquence déjà disponible à partir d’un émetteur existant pour lequel un avis avait déjà été sollicité lors de son implantation. Il ressort des pièces du dossier que le service de radio  » TSF Jazz  » devait émettre sur les fréquences disponibles dans les zones de Saint-Raphaël (93.8 MHz) et de Toulon (90.8 MHz) depuis des émetteurs existants situés respectivement au lieu-dit Le grand Défends et au mont Faron. Le CSA n’était donc pas tenu de saisir pour avis l’Agence nationale des fréquences avant de prendre sa décision autorisant  » TSF Jazz  » à émettre dans ces zones. Si le CSA a consulté l’Agence nationale des fréquences en raison des caractéristiques techniques d’émission du service  » TSF Jazz  » dans la zone de Toulon qui impliquaient une modification de la hauteur moyenne d’antenne et de la puissance apparente rayonnée du service, il pouvait légalement prendre la décision attaquée sans attendre cet avis qui portait sur l’adaptation des conditions techniques d’utilisation de la fréquence par ce service de radio. En tout état de cause, la circonstance que la demande du CSA transmise à l’Agence nationale des fréquences mentionne le nom de la première radio autorisée à émettre sur la fréquence en cause, et non celui de  » TSF Jazz « , est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986 :  » (…) Le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents. Il délibère à la majorité des membres présents. Le président à voix prépondérante en cas de partage égal des voix. « .

8. Il ressort des mentions contenues dans le procès-verbal de la réunion du collège plénier du CSA du 12 juin 2019 que sept de ses membres étaient présents et que le conseil a, à la majorité, statué sur l’ensemble des candidatures dont il était saisi pour les zones comprises dans le ressort du CTA de Marseille. Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au CSA de mentionner dans le procès-verbal de la réunion du collège plénier à quelle majorité les décisions ont été prises et la répartition des votes. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la règle de majorité applicable aux décisions du CSA a été méconnue. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise à l’issue d’une procédure irrégulière doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

9. L’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 dispose que :  » La communication au public par voie électronique est libre. L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la protection de l’enfance et de l’adolescence, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle. Les services audiovisuels comprennent les services de communication audiovisuelle telle que définie à l’article 2 ainsi que l’ensemble des services mettant à disposition du public ou d’une catégorie de public des oeuvres audiovisuelles, cinématographiques ou sonores, quelles que soient les modalités techniques de cette mise à disposition. « . Aux termes de l’article 29 de cette loi, le CSA  » accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S’il s’agit de la délivrance d’une nouvelle autorisation après que l’autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale. (…) « .

10. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été ainsi conférée, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidature pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

S’agissant de la zone de Saint-Raphaël :

11. En premier lieu, il ressort du dossier de candidature de la SARL Cannes Radio Diffusion que les genres musicaux dominants de sa programmation sont la pop-rock et la variété mais que sont également présents, en moindre proportion, les genres pop, dance, house et latino, les titres diffusés se répartissant en parts quasiment égales entre les titres Gold et les nouveautés. Ainsi, le CSA n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que la programmation de ce service de radio était  » axée sur la pop-rock et la variété « . Il ressort des pièces du dossier que cette programmation musicale était déjà représentée dans la zone de Saint-Raphaël par  » RFM « , dont la programmation musicale est basée sur des hits pop-rock, des nouveautés françaises et internationales et des Golds des années 1980 et 1990 à aujourd’hui, de  » RTL 2 Côte d’Azur  » dont le format musical est orienté pop-rock, et en partie par  » Mosaïque FM  » dont la programmation musicale hétéroclite propose également du rock, de la pop et de la variété française. La requérante soutient que le public ciblé par les services  » Cannes Radio  » et  » TSF Jazz  » appartenait aux mêmes tranches d’âge, soit les plus de 55 ans et que, dans ces conditions, le CSA aurait dû privilégier sa candidature dès lors que  » TSF Jazz  » ne s’adresse qu’à un nombre réduit d’auditeurs. Il ressort toutefois du dossier de candidature de  » Cannes Radio  » que le public visé est celui des 35 ans et plus. La seule circonstance que l’audience de  » TSF Jazz  » serait moins importante que celle de  » Cannes Radio « , à la supposer établie, n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le CSA aurait commis une erreur d’appréciation en autorisant le service de radio  » TSF Jazz  » dont la programmation musicale entièrement consacrée au jazz était plus originale et s’avérait ainsi susceptible de mieux compléter l’offre musicale de la zone de Saint-Raphaël qui ne comprenait que peu de programmes musicaux consacrés à cette thématique et de contribuer davantage à l’objectif de pluralisme des courants d’expression socio-culturels fixé par le législateur que  » Cannes Radio « .

12. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu’avant l’appel à candidatures, il existait dans la zone de Saint-Raphaël six services radiophoniques présentant un intérêt local et régional répartis pour deux d’entre eux en catégorie A, un en catégorie B et trois en catégorie C et sept services radiophoniques à vocation nationale dont quatre en catégorie D et trois en catégorie E. A la suite de l’appel à candidatures, l’autorisation accordée au service  » TSF Jazz  » en catégorie D par le CSA conduit à ce qu’il y ait huit services radiophoniques à vocation nationale. Le CSA, alors même qu’il n’a attribué aucune fréquence dans la catégorie B, représentée par un seul service, n’a pas fait ainsi une inexacte application de l’ensemble des critères énoncés à l’article 29 qu’il lui appartient de concilier, parmi lesquels figure celui du juste équilibre entre les réseaux nationaux d’une part et les services locaux, régionaux, thématiques et indépendants d’autre part.

S’agissant de la zone de Toulon :

13. Il ressort des pièces du dossier que la programmation musicale du service  » Cannes Radio  » était déjà représentée dans la zone de Toulon notamment par  » Radio Contact Azur  » et  » Mistral FM  » dont les programmations musicales sont composées de pop-rock française et internationale ainsi que de variétés, et en partie par  » NRJ  » et  » Virgin Radio Marseille-Toulon « . Comme il a déjà été dit, le public ciblé par le service  » Cannes radio  » est celui des 35 ans et plus. La seule circonstance que l’audience de  » TSF Jazz  » serait moins importante que celle de  » Cannes Radio « , à la supposer établie, n’est pas de nature à elle seule à établir, que le CSA aurait commis une erreur d’appréciation en autorisant le service de radio  » TSF Jazz  » dont la programmation musicale entièrement consacrée au jazz était plus originale et s’avérait ainsi susceptible de mieux compléter l’offre musicale de la zone qui ne comprenait que peu de programmes musicaux consacrés à cette thématique et de contribuer davantage à l’objectif de pluralisme des courants d’expression socio-culturels fixé par le législateur que  » Cannes Radio « .

14. Par ailleurs, avant l’appel à candidatures, il existait dans la zone de Toulon sept services radiophoniques présentant un intérêt local et régional répartis pour deux d’entre eux en catégorie A, deux en catégorie B et trois en catégorie C et quatorze services radiophoniques à vocation nationale dont onze en catégorie D et trois en catégorie E. A la suite de l’appel à candidatures, l’autorisation accordée au service  » TSF Jazz  » en catégorie D par le CSA conduit à ce qu’il y ait quinze services radiophoniques à vocation nationale. Le CSA, alors même qu’il n’a attribué aucune fréquence dans la catégorie B, déjà représentée par deux services, n’a pas fait ainsi une inexacte application de l’ensemble des critères énoncés à l’article 29 qu’il lui appartient de concilier, parmi lesquels figure celui du juste équilibre entre les réseaux nationaux d’une part et les services locaux, régionaux, thématiques et indépendants d’autre part.

Sur les décisions du 12 juin 2019 rejetant ses candidatures :

15. En premier lieu, aux termes de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986 :  » Les autorisations prévues à la présente section sont publiées au Journal officiel de la République française avec les obligations dont elles sont assorties. Les refus d’autorisation sont motivés et sont notifiés aux candidats dans un délai d’un mois après la publication prévue à l’alinéa précédent. Lorsqu’ils s’appliquent à un service de radio diffusé par voie hertzienne terrestre, ils peuvent être motivés par référence à un rapport de synthèse explicitant les choix du conseil au regard des critères mentionnés aux articles 1er et 29. « .

16. La lettre du 16 juillet 2019 par laquelle le CSA a notifié à la SARL Cannes Radio Diffusion le rejet de ses candidatures dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon se réfère à l’extrait du procès-verbal de la séance plénière du 12 juin 2019, qui vise les dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 et mentionne les éléments de fait sur lesquels le CSA s’est fondé, n’avait pas à contenir une motivation spécifique sur chacun des critères énumérés à l’article 29 et pouvait se borner à comparer l’intérêt des projets de la société intéressée à ceux des candidats qui avaient été retenus au regard du seul critère de la durée des  » informations et rubriques locales ». Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation des décisions attaquées invoqué ne peut qu’être écarté comme manquant en fait.

17. En deuxième lieu, si la requérante soutient que les décisions du CSA sont entachées d’une contradiction de motifs dès lors qu’il ne pouvait pas, après avoir admis que la part des plus de 55 ans était importante dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon, écarter sa candidature alors que sa programmation vise ce public en particulier, il ressort toutefois de son dossier de candidature, comme il a déjà été dit, que le public visé est celui des 35 ans et plus. Le CSA, qui a procédé à un examen complet du dossier de candidature de la SARL Cannes Diffusion, n’a pas entaché, en tout état de cause, ses décisions d’une contradiction de motifs.

18. En troisième lieu, en privilégiant la candidature de  » TSF Jazz  » au motif que sa programmation consacrée au jazz s’avère plus originale que celle de  » Cannes Radio  » dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon, le CSA n’a pas commis d’erreur de droit dès lors que l’originalité de la programmation d’un service de radio participe à l’objectif du pluralisme des courants d’expression socio-culturels et de l’intérêt du public dans ces zones. Par ailleurs, ni les dispositions des articles 1er et 29 de la loi du 30 septembre 1986, ni aucune autre disposition n’imposent au CSA de privilégier les services de radios qui recueilleraient les audiences les plus larges. Ainsi, le CSA n’a commis ni erreur de droit, ni erreur d’appréciation en retenant le service  » TSF Jazz  » dont l’audience serait moins importante que celle de  » Cannes Radio « .

19. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés aux points 8, 11 à 14 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986, de l’objectif de pluralisme des courants d’expression socio-culturels et de l’intérêt du public de ces zones ainsi que du critère du juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part, doivent être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Cannes Radio Diffusion n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision n° 2019-273 du 12 juin 2019 autorisant la SARL TSF Jazz à exploiter un service radio dénommé  » TSF Jazz  » dans les zones de Saint-Raphaël et de Toulon et les décisions du même jour rejetant ses candidatures.

Sur les conclusions à fin d’injonction présentées par la SARL Cannes Radio Diffusion :

21. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par la SARL Cannes Radio Diffusion, n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, ses conclusions à fin d’injonction ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CSA qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Cannes Radio Diffusion demande au titre des frais liés à l’instance. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SARL Cannes Radio Diffusion le versement à la société TSF Jazz d’une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Cannes Radio Diffusion est rejetée.

Article 2 : La SARL Cannes Radio Diffusion versera à la société TSF Jazz la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cannes Radio Diffusion, au Conseil supérieur de l’audiovisuel et à la société TSF Jazz.

Délibéré après l’audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

– M. Luben, président,

– Mme Collet, premier conseiller,

– Mme D…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2020.

Le président de la formation de jugement,


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