CAA de PARIS, 8ème chambre, 04/07/2019, 18PA00994, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 8ème chambre, 04/07/2019, 18PA00994, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars 2018 et 25 octobre 2018, la société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM), représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 décembre 2017 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature en vue d’obtenir l’autorisation d’exploiter un service de A…en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans les zones de  » Strasbourg étendu  » et de  » Strasbourg local  » ;

2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l’audiovisuel le versement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision attaquée a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, le délai de huit mois prescrit tant par l’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 que par l’article 7-4 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 n’ayant pas été respecté par le CSA ; ce vice de procédure revêt un caractère substantiel ;

– en refusant de sanctionner le dépassement de ce délai, le juge national s’est livré à une lecture inconventionnelle des dispositions de la directive du 7 mars 2002 qui prive les opérateurs de leur droit à un recours effectif consacré par l’article 26 de cette directive et l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

S’agissant de l’allotissement de  » Strasbourg étendu  » de la zone de Strasbourg :

– la décision attaquée méconnaît l’impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels ; le CSA a commis une erreur d’appréciation dès lors que la programmation de la A…France Maghreb 2 est différente de celle de Sud A…qui est en catégorie E, qui s’adresse à un public adulte et qui ne produit pas d’émissions de services et de divertissement ; en outre, le CSA a fait le choix de ne retenir aucune candidature de A…de catégorie D à vocation nationale parlée et proposant une programmation articulée autour des thématiques communautaires et de la diversité et de privilégier neuf radios de catégorie D qui proposaient des programmes thématiques musicaux et qui visaient un public cible d’une tranche d’âge limitée et un public d’initiés ;

S’agissant de l’allotissement de  » Strasbourg local  » de la zone de Strasbourg :

– le CSA a commis une erreur d’appréciation en autorisant les radios Beur FM et A…Orient au motif d’obtenir une offre radiophonique complémentaire dans la zone afin de couvrir les besoins de la population alors que A…France Maghreb 2 réunissait les qualités cumulées de ces deux radios et que la délivrance d’une seule autorisation en lieu et place de des deux autorisations aurait permis de respecter les impératifs prioritaires de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels et de la diversification des opérateurs ;

– le CSA a commis une erreur matérielle en se fondant sur le fait que A…Beur FM s’adresse à un public plus jeune que A…France Maghreb 2 alors que ce point n’est pas établi par les seules statistiques démographiques de la zone de Strasbourg émanant de l’INSEE ; en outre, aucun des critères prévus à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 n’impose de tenir compte de l’âge du public ciblé ;

– les autorisations accordées par le CSA aux radios Beur FM et Orient ont été délivrées en méconnaissance du critère du financement et des perspectives d’exploitation du service prévu au 2° de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

– les autorisations accordées par le CSA aux radios Pitchoune et Maria ont été délivrées en méconnaissance du critère de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication prévu au 1° de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

– le CSA a méconnu les impératifs prioritaires de diversification des opérateurs et de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels en accordant des autorisations à Jazz A…et à Virage A…qui appartiennent au même groupe de radios qui possède déjà deux autres autorisations (Générations et M.A…) sur l’allotissement  » Strasbourg étendu « .

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 mai 2018 et 15 novembre 2018, le Conseil supérieur de l’audiovisuel conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

– l’exception d’illégalité tirée de ce que les autorisations accordées aux A…Beur FM et A…Orient ont été délivrées en méconnaissance du critère du financement et des perspectives d’exploitation du service prévu au 2° de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 est tardive et, par suite, irrecevable ;

– la méconnaissance du critère de la diversification des opérateurs est inopérant ;

– les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 17 juin 2019, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d’office le moyen d’ordre public tiré de l’irrecevabilité pour tardiveté de l’exception d’illégalité des autorisations délivrées par le CSA aux éditeurs des services A…Maria et A…Pitchoun qui ont été publiées au Journal officiel du 11 janvier 2018 dès lors que ces autorisations étaient devenues définitives à la date à laquelle l’exception d’illégalité a été soulevée par la société NORSUCOM, soit le 25 octobre 2018, à l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du 20 décembre 2017 du CSA en tant qu’il a rejeté sa candidature en vue d’obtenir l’autorisation d’exploiter un service de A…en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de  » Strasbourg local « .

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 ;

– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Larsonnier,

– et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2016-478 du 1er juin 2016, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l’édition de services de A…multiplexés diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique à temps complet ou partagé en bande III dans plusieurs zones géographiques comprises dans le ressort des comités territoriaux de l’audiovisuel de Lille, Lyon, Dijon et Nancy. La société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM) a présenté sa candidature pour la diffusion d’un service de A…en catégorie D dénommé France Maghreb 2 au sein des allotissements  » Strasbourg étendu  » et  » Strasbourg local  » dans la zone de Strasbourg. Par une décision du 20 décembre 2017, le CSA a rejeté sa candidature. La société NORSUCOM demande à la Cour d’annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du 20 décembre 2017 :

En ce qui concerne l’allotissement de  » Strasbourg étendu  » de la zone de Strasbourg :

2. L’article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que :  » Sous réserve des articles 26 et 30-7, la diffusion de services de A…par voie hertzienne terrestre en mode numérique est soumise aux dispositions qui suivent lorsque ces services utilisent une même ressource radioélectrique. (…) II. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel accorde les autorisations d’usage de la ressource radioélectrique aux éditeurs de services en appréciant l’intérêt de chaque projet au regard des impératifs prioritaires mentionnés à l’article 29 et des critères mentionnés aux 1° à 5° du même article. (…) « . Aux termes de l’article 29 de cette même loi :  » (…) Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S’il s’agit de la délivrance d’une nouvelle autorisation après que l’autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale. (…) « .

3. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidatures pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

4. Il ressort des termes de la décision du 20 décembre 2017 que pour rejeter la candidature présentée par la société NORSUCOM en catégorie D, le CSA a estimé que, d’une part, la A…France Maghreb 2 qui se définit comme une A…thématique communautaire franco-maghrébine et dont la programmation vise essentiellement un public franco-maghrébin est susceptible d’intéresser un moins large public que les programmations des services retenus en catégorie D (…) et que, d’autre part, la A…France Maghreb 2 propose une programmation majoritairement parlée (émissions de service ; information, divertissement) qui est au moins partiellement représentée dans la zone par SudA…, dont la programmation généraliste majoritairement parlée et orientée vers l’information est plus diversifiée et, que dès lors la A…France Maghreb 2 est susceptible d’intéresser dans une moindre mesure le public de la zone que les candidats retenus dans la même catégorie qui proposent des programmations musicales thématiques originales dans la zone.

5. Il résulte des dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 que le CSA, qui doit apprécier l’intérêt de chaque projet pour le public au regard notamment de l’impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels et qui doit veiller sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité ainsi qu’au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part, doit apprécier l’ensemble des demandes des services de A…relevant des cinq catégories de services et peut, pour ce faire, être amené à comparer les programmations de radios relevant de catégories différentes. Ainsi, le CSA pouvait comparer la programmation de la A…France Maghreb 2, de catégorie D, avec celle de SudA…, de catégorie E.

6. Il ressort des pièces du dossier que le CSA a autorisé, en catégorie D, les radios Générations, Latina, MA…, Oüi FM, A…Classique, A…Crooner, A…FG, Nova, Skyrock et TSF Jazz et, en catégorie A, la A…associative Accent 4. Ainsi, le CSA a autorisé deux radios, A…Classique et Accent 4, qui diffusent toutes deux de la musique classique. De même, les offres de TSF Jazz et de A…Crooner se recoupent partiellement tandis que les radios Générations et FG programment toutes deux du hip-hop et du R’N’B. En revanche, aucune offre de musique orientale et en particulier du Maghreb n’est proposée au public dans cette zone. Dans ces conditions, et alors même que la  » programmation parlée  » de A…France Maghreb 2 est partiellement représentée dans la zone en cause par celle de Sud A…qui propose un programme d’information politique et générale composé d’émissions dans lesquelles sont abordés des thèmes d’actualité nationale, internationale et régionale ainsi que des informations sportives, la société requérante est fondée à soutenir qu’en rejetant sa candidature, le CSA a méconnu l’intérêt du public et l’impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés à l’appui de ses conclusions à fin d’annulation, que la société NORSUCOM est fondée à demander l’annulation de la décision du 20 décembre 2017 du CSA en tant qu’il a rejeté sa candidature en vue d’obtenir l’autorisation d’exploiter un service de A…en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de  » Strasbourg étendu « .

En ce qui concerne l’allotissement de  » Strasbourg local  » de la zone de Strasbourg :

S’agissant de la légalité externe :

8. En premier lieu, aux termes du I de l’article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :  » La durée des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30, 30-1 et 30-2 ne peut excéder dix ans. Toutefois, pour les services de A…en mode analogique, elle ne peut excéder cinq ans. Ces autorisations sont délivrées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de réception des déclarations de candidatures des éditeurs ou des distributeurs de services. (…) « .

9. Les dispositions précitées de l’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui prescrivent au CSA de délivrer les autorisations d’émettre dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de l’appel aux candidatures ont été introduites par l’article 42 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 afin de transposer en droit interne l’article 7-4 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui a prévu un tel délai afin de favoriser un usage plus efficace de la ressource radioélectrique en évitant que des fréquences attribuables soient gelées pendant des durées excessives. Il ne résulte ni des dispositions de la directive, ni des dispositions législatives qui les ont transposées, que le dépassement du délai de huit mois entraîne la caducité de la procédure de sélection, laquelle aurait pour conséquence de retarder encore plus l’attribution des fréquences. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le seul dépassement du délai de huit mois prévu par les dispositions précitées, qui n’a pas le caractère d’une garantie et dont le dépassement n’est pas en lui-même susceptible d’exercer une influence sur la décision du CSA, aurait dû entraîner la nullité de la procédure d’appel à candidatures doit être écarté.

10. La société NORSUCOM soutient que le délai de dix-sept mois entre l’appel à candidature et la décision attaquée présente un caractère excessif dès lors que pendant ce délai d’instruction des dossiers, le secteur de l’audiovisuel a connu une importante évolution du fait de la mutation digitale et que, par ailleurs, dans le domaine particulier de la A…numérique terrestre, l’allongement du délai d’instruction a eu des conséquences économiques importantes, eu égard en particulier aux coûts de déploiement. Toutefois, la société requérante se borne à énoncer des considérations d’ordre général sans apporter d’éléments permettant d’étayer ses affirmations alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les dossiers des candidats aient connu des modifications substantielles pendant l’examen des candidatures par le CSA. Ainsi, le dépassement du délai n’a pas, en tout état de cause, été susceptible d’exercer une influence sur la décision du CSA et de fausser son appréciation.

11. En second lieu, la société requérante soutient que la circonstance que le juge national ne sanctionne pas le dépassement du délai de huit mois prescrit par les dispositions de l’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986, transposant comme il a été dit l’article 7-4 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002, a pour effet de la priver de son droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 26 du préambule de la directive du 7 mars 2002. A supposer même que le paragraphe 26 de cette directive ait une portée normative, ce moyen ne peut en tout état de cause qu’être écarté dès lors que les décisions de rejet par le CSA d’une candidature en vue de l’exploitation d’un service radiophonique peuvent être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise à l’issue d’une procédure irrégulière.

En ce qui concerne la légalité interne :

12. Pour rejeter la candidature présentée par la société NORSUCOM en catégorie D pour la zone de  » Strasbourg local  » au motif que le service de A…France Maghreb 2 était susceptible de répondre dans une moindre mesure à l’intérêt du public de la zone, le CSA s’est fondé, d’une part, sur la circonstance que la programmation de la A…France Maghreb 2 était au moins en partie représentée par celles de la A…Beur FM, qui cible un public plus jeune dans une zone où les 15-35 ans représentent 30% de la population de Strasbourg et qui de ce fait est susceptible de mieux contribuer à l’intérêt du public de la zone, que la A…Orient s’adresse à tout public et propose des émissions culturelles et cultuelles susceptibles de compléter utilement l’offre radiophonique dans la zone et, d’autre part, sur la circonstance que les radios Capsao, Swigg, Chante France, JazzA…, Melody et Virage A…proposaient des programmations musicales thématiques originales dans la zone, que la A…Africa 1 qui avait une programmation exclusivement centrée sur les cultures africaines n’était pas représentée dans la zone, que A…Maria dont la programmation à vocation spirituelle consacrée principalement aux émissions de prières et de musique religieuse était plus originale et que A…Pitchoun proposait un programme à destination des enfants de moins de 12 ans, public auquel aucun autre service ne s’adressait spécifiquement dans la zone.

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la population de la zone de  » Strasbourg local  » est composée à 30 % de personnes âgées de 15 à 35 ans. Il ressort du dossier de candidature de la A…Beur FM que celle-ci diffuse des  » programmes de culture générale, d’information de service et de vie pratique, des émissions musicales, des informations originales permettant d’assurer la contradiction, l’échange et le dialogue « , que sa programmation musicale, qui représente 40 à 45 % de son antenne, est constituée de raï et raï R’N’B à hauteur de 60 % et de rap et de R’N’B français et international à hauteur de 40 % et que le public visé est celui des 13-49 ans avec un coeur de cible constitué des 25-45 ans, soit les jeunes adultes, en particulier les jeunes parents, les urbains et les actifs. Il ressort du dossier de candidature de A…France Maghreb 2 que cette dernière se présente comme une  » A…thématique familiale communautaire, franco-maghrébine, trans-générationnelle et sans segmentation entre les générations  » et que sa programmation se compose d’émissions d’actualités culturelles, confessionnelles, de débats, de services, de divertissement et de musique orientale et du Maghreb. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la programmation de A…Orient se compose d’émissions culturelles et cultuelles destinées à un large public. Ces trois radios proposent à la fois des programmations parlées et musicales.

14. Si la société NORSUCOM soutient que la programmation de la A…France Maghreb 2 était de nature à satisfaire l’intérêt du public de la zone en cause, et en particulier le public correspondant à la tranche d’âge 13-49 ans, et se prévaut d’une étude d’audience établie par Médiamétrie pour la période comprise entre septembre 2012 et juin 2013 selon laquelle 83,7 % de ses auditeurs se situaient dans cette tranche d’âge, il ressort de son dossier de candidature que sa programmation ne s’adressait pas particulièrement à un public de jeunes adultes mais visait au contraire, comme il a déjà été dit, à réunir plusieurs générations. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le CSA n’a pas érigé en critère, qui se serait illégalement ajouté à ceux prévus par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, l’âge de la population couverte par la zone en cause, mais a apprécié l’intérêt du public de cette zone en fonction notamment de sa composition démographique. Dans ces conditions, eu égard à l’importance de la tranche des jeunes adultes dans la zone locale de Strasbourg et alors que la programmation de A…France Maghreb 2 s’adressait à un large public, le CSA a pu, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation, estimer que l’offre de la A…Beur FM qui s’adressait plus particulièrement à un public de jeunes adultes urbains, complétée par la programmation généraliste et visant un large public de la A…Orient, était susceptible de mieux contribuer à l’intérêt du public de la zone.

15. Ainsi, la seule programmation de A…France Maghreb 2 étant moins susceptible de contribuer à l’intérêt du public de la zone locale de Strasbourg que les deux offres réunies de A…Beur FM et de A…Orient, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le CSA aurait dû lui accorder une autorisation, en lieu et place des deux autorisations délivrées à ces dernières, afin de respecter les impératifs prioritaires de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels et de la diversification des opérateurs.

16. En deuxième lieu, lorsqu’un refus d’autorisation d’exploiter un service audiovisuel est fondé sur une comparaison entre l’intérêt du projet écarté et celui des projets retenus, et non sur un motif étranger à toute comparaison, tel que l’irrecevabilité de la candidature, le candidat concerné peut, à l’appui de son recours contre ce refus, invoquer utilement l’illégalité d’une autorisation délivrée dans la même zone dans le cadre du même appel aux candidatures. Une telle exception d’illégalité n’est toutefois recevable que si, à la date à laquelle elle est invoquée, l’autorisation concernée n’est pas devenue définitive.

17. D’une part, les autorisations accordées par le CSA aux radios Beur FM et Orient ont été publiées au Journal officiel respectivement des 10 et 11 janvier 2018. Ces décisions étant devenues définitives à la date du 25 octobre 2018 à laquelle la société requérante a invoqué le moyen tiré de ce que ces autorisations auraient été délivrées en méconnaissance du critère du financement et des perspectives d’exploitation du service prévu au 2° de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, cette exception d’illégalité est tardive et, par suite, irrecevable.

18. D’autre part, les autorisations accordées par le CSA aux radios Pitchoune et Maria ont été publiées au Journal officiel du 11 janvier 2018. Il est constant que ces décisions étaient devenues définitives à la date du 25 octobre 2018 à laquelle la société requérante a invoqué le moyen tiré de ce que ces autorisations auraient été délivrées en méconnaissance du critère de l’expérience acquise par les candidats dans les activités de communication prévu au 1° de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986. Cette exception d’illégalité est ainsi tardive et, par suite, irrecevable. Au surplus, en se bornant à énoncer des considérations d’ordre général, la société requérante n’établit pas que les autorisations des radios Pitchoune et Maria auraient été délivrées en méconnaissance de ce critère.

19. Enfin, il résulte des points 13 à 18 que, compte tenu du plus grand intérêt que les services de A…retenus présentaient pour le public, le CSA n’a pas fait une inexacte application des critères d’octroi des autorisations prévus à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en attribuant dans la zone locale de Strasbourg deux autorisations à des services de A…appartenant à un même groupe sur les vingt-quatre autorisations délivrées à des opérateurs privés. En tout état de cause, dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Nancy, sur les soixante-treize autorisations délivrées à des opérateurs privés, quarante-cinq ont été délivrées à des services de A…n’appartenant à aucun groupe, dix ont été délivrées au groupe Tertio, huit au groupe Espace, deux au Groupe 1981 et les huit autres groupes ont obtenu chacun une seule autorisation. Ainsi, 60 % des autorisations ont été délivrées à des radios n’appartenant à aucun groupe et 13 % ont été délivrées au groupe Tertio. Dans ces conditions, la société requérante n’est pas, en tout état de cause, fondée à soutenir que le CSA a méconnu les impératifs prioritaires de diversification des opérateurs et de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels.

20. Il résulte des points 12 à 19 que les conclusions à fin d’annulation de la décision du 20 décembre 2017 du CSA en tant qu’il a rejeté la candidature de la société NORSUCOM en vue d’obtenir l’autorisation d’exploiter un service de A…en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de  » Strasbourg local  » doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CSA, qui a la qualité de partie perdante à l’instance, le versement de la somme de 1 500 euros à la société NORSUCOM au titre des frais liés à l’instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 20 décembre 2017 du Conseil supérieur de l’audiovisuel en tant qu’il a rejeté la candidature de la société Nord Sud Communication Multimédias en vue d’obtenir l’autorisation d’exploiter un service de A…en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de  » Strasbourg étendu  » est annulée.

Article 2 : Le Conseil supérieur de l’audiovisuel versera à la société Nord Sud Communication Multimédias la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Nord Sud Communication Multimédias est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nord Sud Communication Multimédias et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Délibéré après l’audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

– M. Lapouzade, président de chambre,

– Mme Larsonnier, premier conseiller,

– Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

10

N° 18PA00994


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