Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. B… A… a demandé, d’une part, au Tribunal administratif de Paris, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2009 et des pénalités correspondantes, d’autre part, au Tribunal administratif de Montreuil, qui a renvoyé l’affaire au Tribunal administratif de Paris par une ordonnance n° 1702250 du 17 mars 2017, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant aux années 2008 et 2009, en droits et pénalités.
Par des jugements nos 1712387/1-2 et 1705475/1-2 du 16 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 15 juin 2019 sous le n° 19PA01943, M. A…, représenté par Me C…, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement no 1712387/1-2 du 16 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;
3°) de mettre en oeuvre la procédure du serment judiciaire prévue aux articles 1386 et 1386-1 du code civil ;
4°) d’enjoindre à l’administration de produire sa demande d’assistance administrative adressée aux autorités chypriotes, leur éventuelle réponse, et de formuler une nouvelle demande auprès des mêmes autorités en désignant l’établissement financier et les numéros de comptes sur lesquels les rétro-commissions ont été versées par la société Cultural Exhibitions Industry Ltd ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– les premiers juges ont omis de statuer sur sa proposition de mettre en oeuvre la procédure de serment supplétoire et son moyen tiré de la doctrine administrative selon laquelle seules les sommes encaissées peuvent être taxées sur le fondement de l’article 155 A du code général des impôts ;
– les avis d’imposition litigieux sont irréguliers ;
– la rectification est insuffisamment motivée ;
– les sommes imposées sur le fondement de l’article 92 du code général des impôts constituaient des remboursements de frais professionnels ;
– les dispositions de l’article 155 A du code général des impôts sont contraires au principe de liberté d’établissement protégé par le droit de l’Union européenne ;
– les sommes imposées sur le fondement de l’article 155 A du code général des impôts avaient une contrepartie ;
– elles ne pouvaient en tout état de cause être imposées entre ses mains qu’à concurrence de ses droits dans le capital de la société Cultural Exhibitions Industry Ltd ;
– elles devaient en tout état de cause être réduites des frais correspondants et se restreindre aux seules sommes engagées par le prestataire réel ;
– la documentation administrative référencée » D. adm. 5 B-642 n° 4, 1-8-2001 » est opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
– les premiers juges n’ont pas répondu aux moyens tirés de l’irrégularité de la procédure d’application des pénalités et de ce que leur fondement est incertain ;
– la procédure d’application des pénalités méconnaît les articles L. 80 D et L. 80 E du livre des procédures fiscales ;
– le fondement des pénalités est incertain.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
– si les pénalités pour manoeuvres frauduleuses au titre de 2008 et 2009 n’étaient pas jugées fondées, des pénalités pour activité occulte peuvent être infligées à titre subsidiaire sur le fondement du c) de l’article 1728 du code général des impôts.
II. Par une requête, enregistrée le 15 juin 2019 sous le n° 19PA01944, et un mémoire, enregistré le 19 octobre 2020, M. A…, représenté par Me C…, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement no 1705475/1-2 du 16 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la rectification est insuffisamment motivée ;
– l’avis de mise en recouvrement ne mentionne pas les textes fondant les impositions, en méconnaissance de la doctrine référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 invocable sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
– l’administration ne justifie pas qu’un ordre a été régulièrement donné au comptable public de mettre en recouvrement les sommes réclamées ;
– la taxe sur la valeur ajoutée française n’était pas applicable dès lors qu’elle frappe des prestations de conseil et de bureau d’études au sens du 4° de l’article 259 B du code général des impôts ;
– à titre subsidiaire, la base imposable doit être réduite par exclusion des sommes rémunérant l’activité de son associé et des sommes reversées à des tiers.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2019 et le 4 novembre 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code civil ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. D…,
– et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19PA01943 et 19PA01944 pour M. A… présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. A… a fait l’objet d’un contrôle sur pièces au titre des années 2006 et 2007, et d’un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2008 et 2009. A la suite de ces contrôles, d’une part, M. A… a été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 2006 à 2009, et des pénalités correspondantes lui ont été infligées sur le fondement des articles 1728 et 1729 du code général des impôts, d’autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été assignés, notamment au titre de la période correspondant aux années 2008 et 2009. Par ses requêtes, M. A… fait appel des jugements du 16 avril 2019 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la requête n° 19PA01943 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Il ressort du jugement attaqué no 1712387/1-2 du 16 avril 2019 que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen, qu’ils n’ont pas visé, tiré de ce que la documentation administrative impose que seules les sommes encaissées peuvent être taxées sur le fondement de l’article 155 A du code général des impôts, qui n’est pas inopérant. Par suite, M. A… est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité et doit être annulé. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’évoquer et statuer immédiatement sur les conclusions de M. A… présentées sous le no 1712387/1-2 devant le Tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne la demande présentée sous le no 1712387/1-2 devant le Tribunal administratif de Paris :
S’agissant de la régularité de la procédure :
4. En premier lieu, si le requérant soutient que les avis d’imposition en cause méconnaissent les dispositions des articles L. 212-1, L. 212-2 et L. 212-3 du code des relations entre le public et l’administration, celles-ci ne sont pas applicables aux avis d’imposition, sur lesquels aucune disposition légale ne prévoit que figurent les prénom, nom et signature de leur auteur. En tout état de cause, les irrégularités qui entachent les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions. Le moyen doit donc être écarté comme inopérant.
5. En deuxième lieu, les dispositions de l’article 1658 du code général des impôts offrent à l’administration la faculté de procéder au recouvrement des impôts directs, s’agissant notamment de cotisations supplémentaires établies à l’issue d’une procédure de rectification, soit au moyen de rôles rendus exécutoires, soit par voie d’avis de mise en recouvrement. Elles ne font, par suite, pas obstacle à ce que l’information relative aux sommes mises en recouvrement soit donnée au contribuable dans un avis d’imposition. Le moyen tiré de ce que les avis d’imposition sont contraires aux dispositions de l’article 1658 du code général des impôts doit donc être écarté.
6. Enfin, il résulte de l’instruction que les trois propositions de rectification notifiées à M. A… en matière d’impôt sur le revenu comportent la désignation de l’impôt concerné, des années d’imposition et de la base d’imposition, et énoncent les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. Par suite, elles sont suffisamment motivées, conformément aux dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales. Si M. A… soutient toutefois que les rehaussements sont insuffisamment motivés dès lors qu’ils s’appuient exclusivement sur des preuves testimoniales qu’il conteste, une telle circonstance, au demeurant contredite par la teneur des propositions de rectification, s’appuyant sur de nombreux éléments factuels non contestés issus de la procédure judiciaire, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition.
S’agissant du bien-fondé de l’imposition :
7 Dès lors que M. A… a régulièrement fait l’objet d’une évaluation d’office sur le fondement de l’article L. 73 du livre des procédures fiscales, il supporte la charge de prouver l’exagération des cotisations d’impôt sur le revenu litigieuses en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales.
8. En premier lieu, aux termes de l’article 92 du code général des impôts : » Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux (…) toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits qui ne se rattachent pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus « .
9. Il résulte de l’instruction que M. A… a perçu, au cours des années 2006 à 2009, de la société de droit belge Métropole Ingénierie, dont il a été associé entre décembre 2005 et janvier 2007, des sommes créditées sur ses comptes personnels ouverts auprès de la banque HSBC en France, puis ING en Belgique, s’élevant à 30 551,17 euros en 2006, 101 958,78 euros en 2007, 73 138,91 euros en 2008, et 7 653,49 euros en 2009. L’administration fiscale a considéré qu’il s’agissait d’une rémunération de son activité d’apporteur d’affaires auprès de la société, et les a imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Pour apporter la preuve que ces sommes constituaient, comme il le soutient, des remboursements de frais exposés par lui au profit de la société Métropole Ingénierie, M. A… produit des listes de montants qu’il aurait payés et que la société lui aurait remboursés, une synthèse de ses dépenses mensuelles sur son compte HSBC et des relevés correspondants ainsi que pour ses dépenses réalisées avec une carte American Express, et un document intitulé » avertissement – extrait de rôle » reçu de l’administration fiscale belge. Il n’établit toutefois pas ainsi que ces décaissements auraient été réalisés au profit de la société Métropole Ingénierie, ni que les sommes reçues d’elle correspondraient au remboursement de ces frais allégués, et n’avance au demeurant pas d’explication des raisons pour lesquelles il aurait, dans cette hypothèse, exercé sans contrepartie une activité d’apporteur d’affaires au profit de cette entreprise au cours des années en cause. Le moyen doit dès lors être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l’article 155 A du code général des impôts : » I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / – soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / – soit, lorsqu’elles n’établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / – soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l’article 238 A. (…) « . Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d’être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l’essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.
11. M. A… soutient que les dispositions précitées de l’article 155 A du code général des impôts méconnaissent le principe de liberté d’établissement protégé par le droit de l’Union européenne. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 10, ces dispositions visent uniquement l’imposition des services essentiellement rendus par une personne établie ou domiciliée en France et ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d’une personne établie ou domiciliée hors de France. En l’absence d’une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière personne, sa liberté de s’établir hors de France ne saurait être entravée du fait de ces dispositions.
12. Pour imposer les bénéfices réalisés en 2008 et 2009 par la société de droit chypriote Culture Exhibitions Industry Limited (CEI) sur le fondement de l’article 155 A du code général des impôts entre les mains de son cofondateur et actionnaire à 50 %, M. A…, le service a relevé d’une part que celui-ci, qui est domicilié en France, avait rendu les services dont la rémunération, s’élevant à 686 996,55 euros en 2008 et 332 931 euros en 2009, a été perçue par la société CEI. Le service a constaté d’autre part qu’il contrôlait directement cette société dès lors qu’il était le seul à disposer d’une procuration sur ses comptes bancaires, qu’il n’était pas établi, ni même allégué, que la société CEI exerçait de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services, et en tout état de cause que la société CEI était soumise à Chypre à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du code général des impôts dès lors que l’impôt dû par la société dans cet Etat est plus de 50 % inférieur à ce qu’il aurait été en France. D’une part, si M. A…, qui ne conteste pas entrer dans le champ de l’article 155 A précité, soutient néanmoins que les sommes avaient une contrepartie réelle dans une intervention propre à la société CEI, il ne l’établit pas, ainsi qu’il en a la charge, en se bornant à faire valoir que la création de la société CEI à Chypre répondait à une demande de clients russes, à alléguer, sans l’établir aucunement, que les montants qu’elle recevait servaient à financer des rétro-commissions destinées aux intermédiaires russes, sans au demeurant invoquer la moindre contrepartie relative aux sommes perçues d’entreprises autres que russes, et à demander à ce que soit mise en oeuvre la procédure du serment judiciaire prévue aux articles 1386 et 1386-1 du code civil, qui ne peut en tout état de cause suppléer au règles de dévolution de la preuve en contentieux fiscal. D’autre part, les dispositions de l’article 155 A du code général des impôts fondent l’imposition de la rémunération de services perçus par une entreprise établie hors de France entre les mains de la personne domiciliée en France qui les a rendus pour l’essentiel. Par suite, alors qu’il n’est pas établi que les services réalisés par la société CEI auraient été rendus par d’autres personnes que M. A…, la circonstance que la société ait compté un autre associé à 50 %, qui, au demeurant, n’avait pas la disposition des comptes bancaires et ne pouvait dès lors être regardé comme contrôlant directement ou indirectement la société, est sans incidence sur le bien-fondé de l’imposition, entre les mains de M. A…, de la totalité des bénéfices réalisés en 2008 et 2009 par la société de droit chypriote en rémunération des services qu’il a rendus.
13. Il résulte de l’instruction que les bénéfices de la société CEI Ltd imposés entre les mains de M. A… sur le fondement de l’article 155 A du code général des impôts au titre des années 2008 et 2009 s’élèvent, avant application du coefficient de 1,25, respectivement à 656 996,55 euros et 161 386, 08 euros. Si M. A… soutient que les sommes versées par CEI Ltd aux sociétés de droit chypriote Peraton Investments et Calmerano Trading, s’élevant respectivement à 182 100 euros, en 2008, et 106 900 euros, en 2009, devaient entrer en déduction de son revenu imposable, le requérant n’établit aucunement qu’elles constitueraient comme il l’allègue des rétro-commissions qui auraient le caractère de charges déductibles. Dans ces conditions, sur le terrain de la loi, l’administration était fondée à imposer entre ses mains les sommes litigieuses au titre des années 2008 et 2009 en application des dispositions de l’article 155 A du code général des impôts.
14. Si, enfin, le requérant invoque, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la documentation administrative référencée » D. adm. 5 B-642 n° 4, 1-8-2001 « , celle-ci ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application.
S’agissant des pénalités :
15. En premier lieu, aux termes de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales : » Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l’administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l’administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu’elle se propose d’appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l’intéressé de présenter dans ce délai ses observations « .
16. Il résulte de l’instruction que, par les trois propositions de rectification en matière d’impôt sur le revenu relatives aux années 2006 et 2007, 2008, et 2009, le service a fait connaître à M. A… les sanctions qu’il se proposait d’appliquer au titre de chacune de ces années, leurs motifs et la possibilité dont disposait l’intéressé de présenter ses observations dans un délai de trente jours, et que ces sanctions n’ont été prononcées qu’à l’expiration de ce délai, lorsque ces pénalités ont été mises à la charge de M. A…. La circonstance que leur application à venir ait été annoncée dans les propositions de rectification est par suite sans incidence sur le respect des dispositions de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
17. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 80 E du même livre : » La décision d’appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732,1735 ter et 1740 A bis du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. »
18. La circonstance que la proposition de rectification relative aux années 2006 et 2007 ait été visée par » un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret » au sens de l’article L. 80 E du livre des procédures fiscales est sans incidence sur la faculté, pour le service, d’infliger au titre de ces deux années une pénalité qui n’entre pas dans le champ des dispositions précitées de l’article L. 80 E telle que la majoration pour activité occulte fondée sur l’article 1728 du code général des impôts.
19. En troisième lieu, aux termes de de l’article 1729 du code général des impôts : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : (…) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (…) « . L’article 1728 du même code dispose : » 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d’une déclaration ou d’un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt entraîne l’application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement, d’une majoration de : (…) ; c. 80 % en cas de découverte d’une activité occulte « .
20. Il résulte de l’instruction que, dans la proposition de rectification du 21 décembre 2011 relative à l’année 2008, le service a cité les dispositions de l’article 1729 du code général des impôts, a donné la définition des manoeuvres frauduleuses, puis, après avoir rappelé les agissements de M. A…, les a caractérisés comme des manoeuvres frauduleuses et a conclu qu’il assortirait les rehaussements de la majoration de 80 % prévue à l’article 1729 du code général des impôts. Par suite, la pénalité était suffisamment motivée, la circonstance que le service ait indiqué, de manière surabondante, et inopportune, que cette majoration était infligée » dans le cadre de la découverte d’une activité occulte « , sans toutefois retenir ce contexte pour fondement de la pénalité ni se prévaloir des dispositions de l’article 1728 du code général des impôts, n’étant pas de nature à rendre incertaine la nature de la majoration litigieuse, alors au demeurant que les conséquences financières mentionnaient de nouveau qu’était retenue une pénalité pour manoeuvres frauduleuses prévue par l’article 1729 du code général des impôts. Le requérant n’avance en revanche aucun élément au soutien du moyen tiré de ce que le fondement des pénalités infligées au titre des années 2006, 2007 et 2009 serait incertain, qui ne peut qu’être écarté.
21. Enfin, les dispositions des articles 1728 et 1729 du code général des impôts proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci. Le juge de l’impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d’appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s’il estime que l’administration n’établit, s’agissant de la pénalité prévue à l’article 1728, ni que celui-ci aurait exercé une activité occulte, ni qu’il aurait omis de déposer sa déclaration dans les trente jours suivant l’envoi d’une mise en demeure régulièrement notifiée, et s’agissant de la pénalité prévue à l’article 1729, ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu’il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard. Les moyens tirés de ce que les articles 1728 et 1729 du code général des impôts méconnaissent les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés.
22. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’enjoindre à l’administration de produire sa demande d’assistance administrative auprès des autorités chypriotes, leur réponse, et de formuler une nouvelle demande auprès des mêmes autorités, que M. A… n’est pas fondé à demander à la Cour de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2009 et des pénalités correspondantes.
Sur la requête n° 19PA01944 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
23. En premier lieu, M. A…, qui ne conteste pas que les deux propositions de rectification qui lui ont été notifiées en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont régulièrement motivées, soutient toutefois que les rehaussements sont insuffisamment motivés dès lors qu’ils s’appuient exclusivement sur des preuves testimoniales qu’il conteste. Une telle circonstance, au demeurant contredite par la teneur des propositions de rectification, s’appuyant sur de nombreux éléments factuels non contestés issus de la procédure judiciaire, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition.
24. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 256 du livre des procédures fiscales : » L’avis de mise en recouvrement prévu à l’article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l’objet de cet avis. / L’avis de mise en recouvrement mentionne également que d’autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l’avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l’article L. 57 ou à la notification prévue à l’article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l’informant d’une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (…) « .
25. D’une part, si le requérant soutient que l’avis de mise en recouvrement dont il a été destinataire est irrégulier au motif qu’il ne comporte pas la mention des textes du code général des impôts dont il fait application, les dispositions précitées du livre des procédures fiscales ne font pas obligation à l’administration de motiver ainsi les avis de mise en recouvrement qu’elle notifie au contribuable. Ce moyen ne peut, par suite, qu’être écarté au regard de l’application de la loi fiscale.
26. D’autre part, le requérant soutient que l’avis de mise en recouvrement litigieux ne mentionne pas les textes légaux qui fondent les rectifications, en méconnaissance des paragraphes n° 20 à 40 de la doctrine référencée BOI-REC-PREAU-10-10-20-2012912. Toutefois, il ne peut utilement se prévaloir des termes de cette interprétation administrative, dès lors que les dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne s’appliquent pas en matière de procédure d’imposition. En conséquence, le moyen tiré de l’irrégularité en la forme de l’avis de mise en recouvrement au regard de la doctrine invoquée ne peut qu’être écarté.
27. Enfin, il ressort de l’avis de mise en recouvrement en cause que le comptable public qui en est l’auteur a mis en recouvrement les sommes correspondant aux droits et pénalités résultant des rectifications litigieuses indiquées dans les dernières conséquences financières notifiées par le service d’assiette à M. A…. Par suite, l’avis de mise en recouvrement est présumé avoir été notifié en exécution d’une décision du service d’assiette, dont le requérant ne conteste pas utilement l’existence en se bornant à constater que l’administration ne la produit pas à l’instance.
En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition :
28. En vertu des articles 256 et 256 A du code général des impôts, dans leur version applicable au litige, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. Aux termes de l’article 259 du code général des impôts : » Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. »
29. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 11 et 12 du présent arrêt, M. A… doit être regardé comme ayant perçu en 2008 et 2009, à travers la société chypriote CEI Ltd dont il était associé et qu’il contrôlait directement, la rémunération de services qu’il rendait à partir de France, en tant qu’apporteur d’affaires d’après l’administration. Le service a dès lors soumis les sommes en cause à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions des articles 256 et 259 du code général des impôts. M. A… soutient que ces sommes ne pouvaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en France dès lors qu’elles rémunéraient une activité de conseil et de bureau d’études, au sens et en application du 4° de l’article 259 B du même code. En produisant notamment des notes et courriels témoignant de relations d’affaires, au demeurant relatifs à sa seule activité en rapport avec la Russie ne représentant qu’une partie des sommes perçues par l’intermédiaire de sa société CEI, il n’établit toutefois pas que les services pour lesquels il était rémunéré avaient le caractère d’une activité de conseil et de bureau d’études et entraient ainsi dans le champ invoqué du 4° de l’article 259 B du code général des impôts. L’administration était par conséquent fondée à soumettre les prestations de services en cause à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2008 et 2009 sur le fondement des dispositions des articles 256 et 259 du code général des impôts.
30. Dès lors que M. A… a régulièrement fait l’objet d’une taxation d’office sur le fondement de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales, il supporte la charge de prouver l’exagération des rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales.
31. Pour contester le montant soumis à la taxe sur la valeur ajoutée retenu par le service, correspondant au montant des sommes encaissées pour ses prestations de services en application du c) du 2 de l’article 269 du code général des impôts, M. A… soutient que doivent en être exclues les sommes versées par la société CEI à son associé et celles qu’il a transférées sur les comptes bancaires de tiers au Mexique. Toutefois, et alors que l’ensemble de ces sommes encaissées par CEI en 2008 et 2009 ont été regardées comme des rémunérations imposables entre les mains de M. A…, il n’apporte ainsi aucun élément de nature à justifier que les versements en cause de cette société devraient entrer en réduction de la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée collectée. Le moyen doit donc être écarté.
32. Il résulte de ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement 1705475/1-2, le Tribunal administratif de Paris a rejet