CAA de PARIS, 5ème chambre, 29/05/2019, 18PA02249, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 5ème chambre, 29/05/2019, 18PA02249, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Mya a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012.

Par un jugement n° 1712186 du 2 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2018, la société Mya représentée par MeA…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1712186 du 2 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la procédure d’imposition est irrégulière compte tenu d’un emport irrégulier de documents par le vérificateur ;

– la renonciation à percevoir sa rémunération en 2011 en tant que présidente de la société Addy Participations était justifiée par les difficultés de trésorerie et de rentabilité de cette société compte tenu d’un développement trop rapide de sa politique d’ouverture de points de vente et de nouveaux magasins ; elle se justifiait également par son intérêt en tant qu’actionnaire minoritaire d’éviter toute confrontation avec l’actionnaire de référence de cette entité, ce qui lui a permis d’obtenir la signature d’un accord avec les autres associés, formalisé le 20 décembre 2011 ; cet accord provisoire était de nature à lui garantir l’assurance de maintenir l’ensemble de sa rémunération au titre de l’exercice 2012 et ce, jusqu’au 7 juin 2015, et à la prémunir contre un risque de poursuite dans le cadre d’une procédure collective, en lui assurant l’opportunité de se maintenir à la présidence de cette structure ;

– la rémunération versée à son gérant est justifiée par une augmentation importante du chiffre d’affaires consolidé au niveau de la société holding Addy Participations due à la restructuration importante menée par celui-ci.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Mya ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Lescaut,

– et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Mya a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration lui a notifié par une proposition de rectification du 28 juillet 2014 des cotisations d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Elle relève appel du jugement en date du 2 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces impositions et des intérêts de retard correspondants.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. La prise ou la conservation par le vérificateur de photocopies de documents comptables ne peut en principe être considérée comme un emport irrégulier. Si la société Mya soutient que le vérificateur aurait procédé à un emport irrégulier des originaux de certaines pièces produites lors des opérations de contrôles et visées en annexe I et II de la proposition de rectification du 28 juillet 2014, l’administration fait valoir sans être utilement contredite que seules des copies de ces pièces lui ont été remises, dès lors que la seule circonstance que l’avoir du 30 novembre 2011 et l’avenant n° 1 du 28 septembre 2010 seraient dépourvus du tampon  » copie destinée à l’administration « , est insuffisante pour établir que ces documents seraient des originaux irrégulièrement emportés.

Sur le bien fondé des impositions en litige :

3. En premier lieu, aux termes de l’article 38 du code général des impôts, applicable à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code :  » 1. (…) Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en cours, soit en fin d’exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. « .

4. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les abandons de recettes accordés par une entreprise au profit d’un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt. S’il appartient à l’administration d’apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu’un abandon de recettes consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’elle a bénéficié en retour de contreparties.

5. Dans le cadre d’un premier avenant du 28 septembre 2010 annexé à la convention passée avec la société Addy Participations, la société Mya, associée minoritaire et présidente de cette société, lui a facturé au cours de l’exercice clos en 2010 et des onze premiers mois de l’exercice clos en 2011 des frais de gestion à titre de rémunération pour un montant de 523 426,60 euros qu’elle a annulés par un avoir de même montant le 30 novembre 2011. En l’absence de justification apportée par la société Mya de l’existence d’une contrepartie pour elle à cette renonciation à recettes, le service a estimé que celle-ci était constitutive d’un acte anormal de gestion. Il a en conséquence réintégré au bénéfice imposable de l’exercice clos en 2011 de la société Mya le montant de cet avoir de 523 426,60 euros.

6. La société Mya soutient qu’elle a renoncé à percevoir la rémunération versée par la société Addy Participations, par l’émission de l’avoir en litige, en raison des problèmes de trésorerie et de rentabilité auxquels était confrontée cette entreprise, compte tenu d’un développement trop rapide de sa politique d’ouverture de points de vente et magasins. L’annulation de sa rémunération trouverait ainsi sa justification dans sa décision d’éviter toute confrontation avec l’actionnaire de référence de la société Addy Participations et de préserver son intérêt d’actionnaire minoritaire et de dirigeant de cette entreprise qui l’a conduit à signer un accord avec ses associés, formalisé le 20 décembre 2011 par un deuxième avenant à la convention conclue le 15 juin 2010. Pour établir le lien entre les difficultés financières de la société Addy Participations et la préservation de son intérêt d’actionnaire dirigeant cette structure, la société requérante fait valoir que cet accord était destiné à mettre fin à la situation de déséquilibre constatée en 2011, créée par le versement d’une rémunération fixe de 350 000 euros par an assortie d’une part variable assise sur le chiffre d’affaires de la société Addy Participations, alors que les comptes de cette entreprise affichaient des pertes importantes dues à l’absence de rentabilité de ces nouvelles enseignes. Cet accord, provisoire selon ses allégations, lui permettait ainsi d’avoir l’assurance de maintenir l’ensemble de sa rémunération pour l’exercice 2012 et ce, jusqu’au 7 juin 2015, en lui offrant également la possibilité de se prémunir contre un risque de poursuite dans le cadre d’une procédure collective, et celle de se maintenir à la présidence de cette structure.

7. Cependant, et ainsi que le fait valoir l’administration, il résulte des termes mêmes de cet avenant du 20 décembre 2011 que ce n’est pas uniquement pour améliorer les problèmes structurels de rentabilité de la société Addy Participations, mais également pour accompagner son développement que la société Mya a renoncé à la somme de 523 425,85 euros hors taxes qui lui avait été versée au titre de ses frais de gestion de l’exercice 2010 et des onze premiers mois de l’année 2011. Or, en acceptant que le montant correspondant à cet avoir s’impute sur la fraction mensuelle de la rémunération à facturer en 2012, la société requérante a procédé à une renonciation à des recettes dont elle ne justifie pas l’intérêt pour elle. A cet égard et bien que l’avenant du 20 décembre 2011 n’exigeait aucune restitution de cette somme au titre de l’exercice 2011 à la société Addy Participations, mais uniquement l’enregistrement de ce montant au crédit du compte courant d’associé que la société Mya détenait dans les livres de cette société, la comptabilisation d’un avoir de 523 425,85 euros dans ses comptes s’est traduite pour la société requérante par un chiffre d’affaires négatif de 97 425 euros à la clôture de l’exercice 2011, et par un déficit élevé de 716 695 euros au titre de ce même exercice.

8. Il résulte également des pièces versées au dossier que la créance détenue par la société Mya dans le compte courant d’associé ouvert dans les livres de la société Addy Participations en contrepartie de l’avoir de 523 425,85 euros a été soldée par la convention d’abandon de créance du 10 juin 2013, puis par le protocole transactionnel du 10 juin 2013, sans aucune contrepartie pour la société requérante. Par ailleurs et contrairement à ce qu’elle soutient, l’abandon de recettes auquel elle a consenti était insuffisant pour redresser la situation financière de la société Addy Participations, obérée par des frais de structure importants et un seuil de rentabilité insuffisant des points de vente et enseignes acquis qui ont conduit son actionnaire principal à imposer un changement de stratégie reposant sur l’arrêt de la politique de développement mise en place par la société Mya, et à la remplacer à la présidence de la société Addy Participations. Dans ces conditions, en l’absence de justification par la contribuable de l’existence d’une contrepartie à l’abandon de recettes en cause, c’est à bon droit que le service a considéré qu’il revêtait le caractère d’un acte anormal de gestion.

9. En second lieu, aux termes de l’article 39-1-1° du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d’imposition en litige :  » 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1 Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d’oeuvre, le loyer des immeubles dont l’entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (…) « .

10. Il résulte de ces dispositions que le caractère excessif des rémunérations doit être établi en fonction de plusieurs critères objectifs, dont les taux de rémunération attribués aux personnels occupant des emplois analogues dans les entreprises similaires de la région, l’importance de la rémunération totale et éventuellement de la part de capital détenue par le contribuable, le volume des affaires sociales, la nature des fonctions exercées par le bénéficiaire et l’importance de ses responsabilités.

11. Il résulte de l’instruction, en particulier de la proposition de rectification du 28 juillet 2014, qu’alors que la société Mya avait fixé, par voie d’avenant signé le 15 juin 2010, la rémunération annuelle de son gérant à 350 000 euros, une rémunération de 550 000 euros lui a été versée en 2011. L’administration, estimant que ni le résultat de la société, ni l’évolution de son chiffre d’affaires n’expliquaient le versement d’une rémunération à hauteur de ce montant de 550 000 euros, a considéré cette rémunération comme excessive en application des dispositions du code général des impôts visées au point 9, et a procédé à une rectification, à hauteur de la fraction de cette somme considérée comme non déductible au titre de l’exercice 2011, soit 200 000 euros hors taxes.

12. La société requérante soutient que son gérant et seul salarié a mené une restructuration du groupe qui a permis de consolider le chiffre d’affaires annuel au niveau de la société holding Addy Participations de l’exercice clos en 2011 à hauteur de 25 000 000 euros, contre 5 000 000 euros l’année précédente, et que la rémunération de son gérant s’explique par cette augmentation importante de ce chiffre d’affaires consolidé. En relevant, toutefois, que cette rémunération représentait, en 2011, 157 % de la rémunération de la société Mya de 350 000 euros, et que l’augmentation de 69,26 %, entre 2010 et 2011, de la rémunération versée à son gérant était hors de proportion avec l’évolution négative du chiffre d’affaires de la société Mya qui a diminué de 169,56 % entre ces deux exercices, entraînant une aggravation de 285,23 % de la perte déclarée en 2011, l’administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du caractère excessif de la fraction de la rémunération versée à son gérant, alors d’ailleurs que la société requérante ne démontre pas que cette rémunération correspondait à un travail effectif correspondant au rôle d’animation des filiales de la société Addy Participations qui aurait été confié à son gérant.

13. Enfin, eu égard à ce qui vient d’être dit au point précédent, la société Mya n’est pas fondée à faire valoir que les termes de comparaison retenus par l’administration ne sont pas pertinents.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Mya n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Mya est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Mya et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Île-de-France, division juridique Ouest.

Délibéré après l’audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

– M. Formery, président de chambre,

– Mme Poupineau, président assesseur,

– Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

C. LESCAUTLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 18PA02249


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