Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Lupa Patrimoine France a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des majorations y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2006.
Par un jugement n° 1105856 du 18 juillet 2012, le Tribunal administratif de Paris a, en ses articles 1 et 2, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des majorations y afférentes auxquelles la société Lupa Immobilière France a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2006 et mis à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une décision n° 377904, 377906 du 6 juillet 2016, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé l’arrêt n° 12PA03962 du 18 février 2014 de la Cour administrative d’appel de Paris en tant qu’il avait rejeté le recours formé par le ministre de l’économie et des finances contre ce jugement du tribunal administratif de Paris du 18 juillet 2012, et a renvoyé l’affaire à la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré sous le n° 12PA03962 le 24 septembre 2012, et après retour de cassation et renvoi, des mémoires enregistrés sous le n° 16PA02401 les 17 janvier et 14 décembre 2018, 25 juin 2019, 17 juin 2020, 11 juin 2021, un mémoire récapitulatif enregistré le 23 septembre 2021 et un nouveau mémoire enregistré le 17 novembre 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la Cour :
1°) d’annuler les articles 1 et 2 du jugement du 18 juillet 2012 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de remettre à la charge de la société Lupa Patrimoine France les cotisations supplémentaires d’impôt et les majorations correspondantes dont le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, et, à défaut de la majoration de 80 % prévue à l’article 1729 du code général des impôts, celle de 40 % prévue au même article ;
3°) de rejeter les conclusions présentées par la société Lupa Patrimoine France sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– il est recevable à fonder de nouveau le redressement sur les dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
– ce retour au fondement initial du redressement, tiré de l’abus de droit, ne prive la société Lupa Patrimoine France d’aucune garantie ;
– l’abus de droit dénoncé relève à la fois de la fraude à la loi – en l’occurrence la fraude au mécanisme de correction Quéméner obtenue au moyen d’un ensemble d’opérations constitutives d’un montage artificiel – et de l’abus aux stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ;
– aucun autre but du montage que son but fiscal ne peut être identifié ; notamment, le remboursement partiel du prêt, consenti par la SA Lupa à la SARL Lupa Patrimoine France pour lui permettre d’acquérir les parts des SA luxembourgeoises, ne saurait constituer un motif valable, d’ autant que la société anonyme Foncière Colbert Orco Patrimoine aurait pu obtenir un prêt supérieur à celui obtenu par le groupe Lupa en accordant à la banque les mêmes hypothèques sur les mêmes immeubles, sans qu’il ait à créer plusieurs niveaux de détention de sociétés ni réaliser toutes ces opérations de cessions, de TUP et de réévaluation de titres ; l’acquisition par le groupe Lupa d’une société immobilière espagnole n’aurait pas pu être réalisée sans le gain fiscal dégagé par la réévaluation effectuée en franchise de tout impôt;
– le jugement est insuffisamment motivé ; le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le montage frauduleux a permis que les immeubles inscrits à l’actif des SCI françaises depuis 2000 soient réévalués sans que le profit correspondant à la réévaluation soit jamais soumis à l’impôt, alors que, de plus, les opérations de ce montage étaient coûteuses et n’ont en rien diminué les frais comptables ou juridiques ou d’administration des immeubles, bien au contraire ;
– l’objet de la jurisprudence Quemener est d’assurer la neutralité de l’application de la loi fiscale ; cette neutralité a été rompue par l’enchaînement des opérations ayant participé au montage, qui a permis à la SARL Lupa Patrimoine France de bénéficier directement d’une base d’amortissement supplémentaire sur les immeubles tout en la mettant en situation d’appliquer le correctif Quemener pour empêcher l’imposition des plus-values constatées en France, parallèlement à la non-imposition de toute plus-value au Luxembourg ; l’administration est ainsi en droit de rétablir cette neutralité, qui sera poursuivie par la déduction de la réévaluation des immeubles par la voie de l’amortissement ;
– la construction jurisprudentielle issue de la décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 16 février 2000 n° 133296 constitue une décision au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; la société a abusé de cette jurisprudence dans un but exclusivement fiscal ;
– la SARL Lupa Patrimoine France a, de plus, recherché au moyen d’un montage artificiel, dans un but exclusivement fiscal, le bénéfice de l’application littérale de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, dans sa version applicable, à l’encontre de l’objectif visé par les auteurs de la convention visant à éviter les doubles impositions, dès lors qu’au regard des jurisprudences respectives du Conseil d’Etat (décision du 18 mars 1994 n° 79971) et de la cour administrative du Luxembourg (décision du 23 avril 2002), le montage lui a permis de bénéficier d’une double non-imposition ; l’interposition des sociétés anonymes luxembourgeoises, qui a accru la complexité de la structure de détention des immeubles, n’a pas modifié la gestion des immeubles et n’a présenté aucun intérêt économique, organisationnel ou financier ; le montage artificiel, constitutif d’un abus de droit, a aussi permis de purger au Luxembourg les immeubles concernés de leur plus-value latente, normalement imposable en France ; dans une situation proche, la jurisprudence issue de la décision du Conseil d’Etat du 25 octobre 2017, n° 396954 qualifie d’abus de droit par fraude à la loi le fait d’interposer une société holding luxembourgeoise pour la réalisation d’une vente immobilière en franchise d’impôt aussi bien en France qu’au Luxembourg, en vue d’une application littérale de la convention franco-luxembourgeoise ;
– l’administration ne s’est pas trompée de contribuable en procédant au redressement des résultats de la SARL Lupa Patrimoine France ; la SARL Lupa Patrimoine est la bénéficiaire de la réévaluation des immeubles, qu’elle a pu inscrire à son bilan à leur valeur vénale et être ainsi en mesure de les amortir sur leur valeur réactualisée tout en ayant bénéficié d’une franchise d’impôt grâce à l’application du correctif Quemener ; l’imposition éludée, dont l’administration demande le rétablissement, n’est pas celle qui aurait été due par la SA luxembourgeoise Lupa en l’absence de cession des titres de la SCI par la SARL, ni celle qui aurait été supportée par les SA Foncière Colbert Orco Patrimoine et Foncière Colbert Orco Management en cas d’acquisition directe des titres des SCI, mais celle qui aurait été normalement due par la SARL au titre de la réévaluation des immeubles ;
– subsidiairement, à supposer que la SARL Lupa Patrimoine France soit regardée comme n’étant pas le principal bénéficiaire des actes constitutifs de l’abus de droit, la procédure de l’abus de droit lui serait encore opposable car elle resterait le bénéficiaire au moins secondaire ou accessoire du montage constitutif de l’abus de droit dont elle a été partie prenante et dans ce cas, au titre de l’abus de droit, la majoration de 40 % prévue à l’article 1729 du code général des impôts serait à substituer à celle de 80 % prévue au même article ;
– la SARL Lupa Patrimoine France présente de façon biaisée les écritures de l’administration caractérisant l’abus de droit; en affirmant l’absence d’enrichissement à son niveau elle élude l’enrichissement, au moins fiscal, lié à la base d’amortissement des immeubles purgés de leurs plus-values imposables; elle tente de s’exonérer d’apporter des explications qui pourraient utilement écarter la qualification d’abus de droit, à savoir la justification, autre que fiscale, d’une interposition qui » ne correspond à aucune justification économique, financière, organisationnelle, patrimoniale ou familiale, est par là même dépourvue de toute substance ou, ce qui revient au même, présente un caractère purement artificiel » ;
– l’administration n’a pas approuvé le jugement attaqué ; la jurisprudence issue de la décision du Conseil d’Etat du 11 juin 1999 n° 173972 à 173974, OPHLM ville de Caen n’est pas transposable dans le cas d’une demande de substitution de base légale, recevable en appel à la condition qu’elle ne prive pas le contribuable d’une garantie ;
– l’administration est recevable à dénoncer de nouveau l’abus de droit après le renvoi de l’affaire devant la Cour, et à demander le rétablissement de la pénalité de 80 % pour abus de droit ; la circonstance que la Cour aurait pris acte, dans son arrêt du 18 février 2004, de ce que l’étendue du litige ne porte plus sur l’abus de droit et ne comporte plus la pénalité de 80 % est sans incidence, car cet arrêt a été cassé par le Conseil d’Etat et une nouvelle instance a été ouverte ; à supposer qu’un désistement lui soit opposable sur la dénonciation de l’abus de droit et de l’application de la majoration de 80 %, il s’agirait d’un désistement dans l’instance n° 12PA03962, qui ne saurait limiter les prétentions dans l’instance n° 16PA02401;
– en vertu de l’article L. 199 C du livre des procédures fiscales l’administration peut présenter tout moyen nouveau jusqu’à la clôture de l’instruction ; l’administration n’a jamais abandonné le redressement en litige, ni ne s’est désistée de son action pour rétablir les impositions et pénalités déchargées par le tribunal, or en vertu de la décision du Conseil d’Etat 22 avril 2014, n° 358888, la recevabilité de conclusions en appel s’apprécie par rapport au quantum de l’imposition contestée devant le tribunal ;
– à supposer qu’un désistement lui soit opposable sur la majoration de 80 % pour abus de droit, l’administration ne serait pas privée de la possibilité de revenir à la base légale de l’abus de droit dès lors que l’article 1729-b du code général des impôts prévoit notamment l’application d’une majoration de 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;
– le bien-fondé des rappels en droit ne peut pas dépendre du quantum des majorations ; la jurisprudence issue de la décision du Conseil d’Etat Bureau d’études techniques Sud-France n’est pas transposable ;
– le retour à la base légale de l’abus de droit n’a pas privé la SARL Lupa Patrimoine France de la garantie attachée à la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit fiscal; ce comité doit être saisi avant la mise en recouvrement des impositions, or dans la proposition de redressement le vérificateur avait évoqué les éléments utiles à la démonstration d’un abus de droit par fraude à la loi ; l’abus de droit a encore été invoqué dans la réponse aux observations du contribuable ; les rectifications notifiées sur lesquelles porte le désaccord au sens de l’article 1653 E du code général des impôts n’ont pas été modifiées en appel ; l’administration a pris en compte, dès le stade de la proposition de rectification, l’implication des SA luxembourgeoises dans le montage, et, en tout état de cause, la circonstance que ces sociétés ont été constituées le 27 décembre 2000 n’est pas déterminante pour justifier du caractère artificiel du montage et de l’abus de droit ; la garantie attachée à la saisine du comité de l’abus de droit fiscal diffère de celle attachée à la saisine de la commission départementale des impôts, ainsi la jurisprudence concernant la saisine de cette commission n’est pas transposable; en vertu de la décision du Conseil d’Etat du 12 février 2020, n° 421444, selon l’article 64 du livre des procédures fiscales, le comité émet un avis non sur les faits susceptibles d’être pris en compte pour l’examen de la question de droit, mais sur la portée véritable des actes réalisés ; cette décision ne fixe aucune limite à l’étendue de la saisine de ce comité ni à la possibilité pour l’administration d’apporter, après la mise en recouvrement, des précisions ou des développements nouveaux, quand bien même ils seraient assimilables à une substitution de base légale pour porter sur une autre branche de l’abus de droit, un ajout et/ou une substitution de motifs, dès lors qu’ils visent à la dénonciation du caractère abusif du même montage que celui qui pouvait être soumis à l’appréciation du comité ;
– les allégations de la société sur une prétendue confusion, par le service, entre les deux branches de l’abus de droit, méconnaissent aussi bien les écritures du service que les termes de la décision du Conseil d’Etat du 18 mai 2005, n° 267087, ministre contre société Sagal ;
– la motivation de la majoration de 80 % pour abus de droit est suffisante, notamment au regard des stipulations de l’article 6, paragraphe 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; en vertu de l’avis du Conseil d’Etat du 31 mars 1995, n° 164008, ces stipulations ne sont applicables qu’aux juridictions statuant sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale, or à supposer qu’elles puissent être invoquées, le retour au fondement de l’abus de droit permet la poursuite de la même procédure ;
– l’application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n’est plus demandée par l’administration ;
– le mémoire récapitulatif de la SARL Lupa Patrimoine France déforme de façon récurrente les écritures de l’administration ;
– contrairement à ce que tente de faire admettre la SARL Lupa Patrimoine France, les conséquences à tirer du défaut de substance du montage artificiel ne sauraient être d’envisager la cession des parts des SCI par les sociétés FCOP et FCOM pour un prix correspondant aux plus-values latentes, mais d’imputer à la SARL les différentes plus-values constatées sur les parts des SCI et sur les immeubles ; les développements de la SARL sur l’absence de fait générateur de l’imposition, ou sur l’imposition des plus-values au nom des cédants, que ce soit FCOP et FCOM les SA luxembourgeoises ou FCF et M. A…, sont erronés, alors que la SARL est l’acquéreur final des immeubles et a pleinement participé au montant lui ayant permis d’appliquer la correction Quemener ;
– selon la décision CJUE du 26 février 2013, aff. 617/10 Alagaren c/ hans akerbeg Fransson, la charte des droits fondamentaux de l’Union ne trouve en principe à s’appliquer dans l’ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont le juge administratif a à connaître est régie par le droit communautaire ; or la situation dont le juge a à connaître n’est pas une transmission universelle du patrimoine à laquelle serait applicable la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 ;
– le service dénonce devant la cour le même redressement que celui poursuivi par le vérificateur dans la proposition de rectification, et le même montage artificiel ;
– la société n’est pas recevable à soumettre directement à l’appréciation du juge de l’impôt la question de la constitutionnalité d’une loi ou d’une jurisprudence peut faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à tout moment d’une procédure contentieuse ; les QPC par lesquelles la société a remis en cause la constitutionnalité du principe de la substitution de base légale ont été rejetées par le Conseil d’Etat dans ses décisions du 12 juillet 2017 n° 411264 et 4112780, et du 28 décembre 2017 n° 415281 ;
– les conclusions et moyens contenus dans le mémoire récapitulatif de la société sont irrecevables car ce mémoire a été enregistré le 1er octobre 2021, après l’expiration du terme du délai fixé au 30 septembre 2021 par la cour.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 février et 23 juillet 2013 sous le n° 12PA03962 et, après retour de cassation et renvoi, des mémoires enregistrés sous le n° 16PA02401 les 22 février 2017, 28 février, 7 mars et 5 octobre 2018, 29 janvier, 29 avril et 25 juillet 2019, 29 octobre 2020 puis un mémoire récapitulatif enregistré le 1er octobre 2021 puis encore un mémoire récapitulatif enregistré le 29 novembre 2021 que la société demande de substituer à celui du 1er octobre 2021, la SARL Lupa Patrimoine France, représentée par Me Dedieu, demande à la Cour :
1°) de rejeter le recours du ministre comme étant irrecevable ;
2°) de rejeter les demandes du ministre comme étant nouvelles et par suite irrecevables ;
3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mis à sa charge, sur le fondement du mécanisme de correction Quémener ;
4°) de prononcer la non-application des pénalités de 80 % pour abus de droit fiscal, et la décharge des pénalités de 40 % pour abus de droit fiscal ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le recours du ministre daté du 24 septembre 2012 est irrecevable, en l’absence de critique du jugement ; une demande de substitution de base légale peut être présentée au cours de la première instance ou en cours d’appel, mais pas à la place d’un appel ; en vertu de la décision du Conseil d’Etat du 11 juin 1999 n° 173972 OPHLM Ville de Caen, le recours par lequel le ministre a précisé qu’il abandonnait la procédure de l’abus de droit et présentait une demande de substitution de base légale, s’abstenant de critiquer le jugement, est entaché d’un défaut de motivation au regard de l’article R. 411-1 du code de justice administrative ;
– le ministre, en soulevant encore un nouveau motif dans son mémoire enregistré le 17 janvier 2018, tiré de ce que la condition de double imposition de la plus-value au nom de la SARL, à laquelle la décision du Conseil d’Etat du 6 juillet 2016, n°s 377904 377906, conditionnait le bénéfice du correctif « Quemener » n’est pas satisfaite, a entendu imposer la plus-value d’annulation des parts de sociétés civiles immobilières, ayant résulté de la transmission universelle du patrimoine des SCI françaises intervenue le 31 mars 2006, constatée non plus dans les résultats des SCI mais dans ceux de la SARL Lupa Immobilière France et corrigée à hauteur du correctif Quemener ; le ministre a, ce faisant présenté non pas une demande de substitution de base légale mais une demande de compensation, qui ne pouvait pas être admise car elle ne satisfaisait pas aux dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales ; à supposer qu’elle puisse s’analyser en demande de substitution de base légale, elle était irrecevable car la société n’a pas pu saisir l’interlocuteur pour faire valoir ses observations sur un désaccord de quantum d’une rectification fondée sur le refus d’appliquer le correctif Quémener, ni demander la saisine de la commission départementale des impôts directs ;
– le ministre n’est pas recevable à soulever de nouveau, dans son mémoire enregistré le 25 juin 2019, après l’intervention de la décision du Conseil d’Etat du 24 avril 2019 n° 412503, le motif, qu’il avait expressément abandonné dans son mémoire enregistré le 17 janvier 2018, tiré de l’abus de droit ; contrairement à ce que soutient le ministre, la même instance se poursuit sous le n° 12PA03962 et sous le n° 16PA02401 de sorte que la nouvelle demande de substitution de base légale constitue non un moyen nouveau au sens de l’article L. 199 C du livre des procédures fiscales mais des demandes nouvelles tardives ;
– dans son recours initial le ministre a limité sa demande concernant les pénalités à l’application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, aussi après ce désistement partiel de ses conclusions, dont la société a pris acte, il ne peut plus étendre ses conclusions et n’est plus recevable à demander le rétablissement de pénalités de 80 %, l’intervention de la décision du Conseil d’Etat Fra SCI n’étant pas susceptible de rendre ce désistement caduc ;
– le ministre poursuit un nouveau redressement ; dans la proposition de redressement et dans ses écritures de première instance, il avait qualifié de montage quatre opérations, soit, le 28 mars 2006, l’acquisition par la SARL Lupa Patrimoine France des titres des SA luxembourgeoises, le 29 mars 2006, la réévaluation des titres des SCI détenus par les SA luxembourgeoises et la transmission universelle des patrimoine des SA au profit de la SARL Lupa Patrimoine France, le 30 mars 2006, la réévaluation libre par les SCI de leur actif avec constatation d’un produit exceptionnel taxable, et le 31 mars 2006 la transmission universelle du patrimoine des SCI au profit de la SARL Lupa Patrimoine France qui a alors appliqué le correctif Quémener ; le ministre n’avait alors pas soutenu que les SA luxembourgeoises seraient dénuées de substance, ce qui aurait conduit à qualifier comme fictifs les actes de leur création intervenue en 2000, et les écarter sur le fondement de la première branche de l’abus de droit, or la création des SA n’était pas mentionnée dans la proposition de rectification ; le ministre, qui entend imposer la plus-value réalisée par la SARL Lupa Patrimoine France, expose qu’il entend localiser en France, chez la SARL, l’imposition d’une plus-value, abstraction faite de sa localisation artificielle au Luxembourg, ce qui revient à écarter certains actes comme fictifs ; il procède ainsi à un redressement différent de celui exposé dans la proposition de rectification ;
– l’abus de droit désormais invoqué par le ministre est non pas un retour au fondement initial des redressements, mais un troisième fondement, distinct ; en vertu de la décision du Conseil d’Etat du 30 décembre 2011, n° 330940, les deux branches de l’abus de droit ne sauraient être mélangées ; la décision Conseil d’Etat du 27 septembre 2006, ultérieurement codifiée à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, a précisé que la qualification de la fraude à la loi suppose de rechercher, pour chaque disposition dont le contribuable voit se reprocher d’abuser, la volonté du législateur ; le ministre, dans la proposition de redressement et en première instance, s’est fondé sur la seconde branche du moyen, relative à la fraude à la loi, or il entend désormais appuyer le redressement sur la première branche du moyen, concernant les actes fictifs ; ainsi il modifie les motifs du redressement et ne soulève pas un moyen nouveau au sens de l’article L. 199 C du livre des procédures fiscales ;
– le ministre ne peut pas valablement invoquer simultanément tous les fondements de l’abus de droit, en arguant à la fois du défaut de substance des sociétés luxembourgeoises, de l’absence de substance économique des opérations composant le montage, de la fraude à la loi s’agissant de l’application de la correction Quémener, et de l’abus à la convention franco-luxembourgeoise ;
– les substitutions de base légale et les substitutions de motifs auxquelles procède l’administration privent le contribuable d’une garantie de procédure ; d’après la décision du Conseil d’Etat du 1er décembre 2004, la garantie attachée à la saisine de l’organisme compétent nécessite non seulement que cet organisme ait pu être saisi, mais que le véritable enjeu du litige ait pu être soumis à son avis ; le débat contradictoire visé à l’article 1653 E du code général des impôts porte, ainsi que le prévoit l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, sur le désaccord sur les rectifications notifiées et donc sur leur bien-fondé, ainsi que le relève la doctrine administrative au BOI-CF-IOR-30, 24 novembre 2014, § 420 ; si le contribuable s’était vu notifier au cours de la procédure les fondements et motifs qu’invoque désormais le ministre, il aurait pu les soumettre à l’avis du comité et cet avis aurait pu avoir une influence sur la décision de redressement ;
– l’administration, en visant tour à tour et confusément plusieurs qualifications juridiques, n’a pas permis au contribuable d’identifier la branche de l’abus de droit sur laquelle elle entendait se fonder, de sorte que la motivation des pénalités pour abus de droit méconnaît les dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
– pour les mêmes raisons, l’application de ces pénalités méconnaît l’article 6, paragraphe 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– les redressements méconnaissent le principe communautaire des droits de la défense, et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’action est applicable à l’opération de confusion par laquelle la SARL Lupa Patrimoine France a décidé la dissolution sans liquidation des SA luxembourgeoises ; il ressort de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d’Etat du 21 septembre 2020, n° 429487, et de la décision de la CJUE Glencore, que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantit le respect des droits de la défense au cours de la procédure ; le droit d’être entendu avant d’être imposé serait vidé de son contenu si l’on admettait une substitution de base légale, car le contribuable n’aurait pas pu discuter le fondement et la motivations réels du redressement avant la mise en recouvrement ;
– une substitution de base légale en appel méconnaît le principe constitutionnel d’égalité devant la procédure juridictionnelle, rappelé par la décision du Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, et qui implique de bénéficier d’un double degré de juridiction ;
– la substitution demandée de la base légale des pénalités, soit désormais le b de l’article 1729, est irrecevable car la nouvelle pénalité se fonde sur des faits différents ; le ministre se fonde désormais sur le caractère fictif des SA luxembourgeoises créées le 27 décembre 2000, et sur l’hypothèse selon laquelle la SARL ne serait pas regardée comme ayant eu l’initiative principale des actes constitutifs de l’abus de droit dénoncé, ou comme en ayant été la principale bénéficiaire ;
– le dégrèvement des pénalités de 80 %, prononcé le 5 octobre 2012 par le ministre, est irrévocable ; en renonçant aux pénalités pour abus de droit, le ministre a renoncé à la base légale de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales de sorte que la remise en cause des opérations sur le fondement de l’article L. 64 B |sic] n’est plus possible, l’application des pénalités pour abus de droit relevant d’une compétence liée, ainsi que cela ressort de la décision du Conseil Constitutionnel du 29 décembre 2013, n° 2013-685 DC, et de la doctrine ;
– sur le fond, le ministre juxtapose plusieurs éléments partiellement qualifiants au titre de différents abus, ce qui ne permet pas de justifier de l’existence d’un abus de droit ;
– dans sa proposition de rectification, le service a considéré qu’il était en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les opérations de cessions et les opérations de transmission universelle de patrimoine réalisées entre le 28 et le 31 mars 2006, sur le fondement de la fraude à la loi, aux motifs que la société a fait une application littérale de la jurisprudence Quemener et que les actes écartés n’ont pu être inspirés que par aucun autre motif que celui d’éluder les charges que la société, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés aurait normalement supportés eu égard à sa situation ou ses activités ; le ministre reprend cette analyse en soutenant que l’enchainement de ces opérations a eu un but exclusivement fiscal ; cette analyse est erronée car la réévaluation libre des immeubles, qui est l’accessoire des transmissions universelles de patrimoine, lui a uniquement permis de neutraliser l’écart entre les valeurs comptable et fiscale de ses actifs, sans modifier le traitement fiscal des opérations ; les opérations n’étaient ni artificielles ni réalisées dans un but exclusivement fiscal, puisque le prix de cession des titres a été financé à hauteur de plus de 9 millions d’euros par un prêt accordé par une banque ce qui démontre que leur cession n’était pas artificielle ; si l’objectif avait été de réévaluer en franchise d’impôts les immeubles il aurait été plus simple d’opérer par la voie d’un simple apport de titres, et les conséquences fiscales auraient été les mêmes ; l’objectif principal de l’opération était de générer des liquidités au niveau du groupe Lupa, en vue de leur mise à disposition à d’autres entités du groupe pour la réalisation d’un investissement en Espagne; ce prêt étant hypothécaire, il aurait été contraire à l’intérêt des SCI de donner leurs actifs en garantie pour un prêt souscrit pour financer leur propre acquisition ; la SARL n’a tiré aucun avantage de leur acquisition car elle a acquis ces sociétés à leur valeur réelle de marché et dans les mêmes conditions que si elle avait acquis directement les parts des SCI ; la restructuration en cause, consistant à allouer les deux biens susceptibles d’être cédés à court terme à une société ayant pour objet l’activité de marchand de biens, et les sept biens ayant vocation à être conservés durablement par une société ayant un objet foncier était envisagée depuis 2004, dès avant la création de la SARL Lupa Patrimoine France ; si à l’occasion de cette restructuration le groupe a bénéficié du cadre avantageux offert alors par la convention franco-luxembourgeoise, qui a permis à la société d’acquérir les parts des SCI sans que la plus-value réalisée lors du transfert de ces parts n’ait été imposé en France, ce cadre fiscal a facilité la réorganisation mais ne l’a pas motivée ;
– l’administration ne tire pas les bonnes conséquences du caractère prétendument artificiel des cessions qui faites, par la SA Lupa, des SA luxembourgeoises, et se trompe de contribuable ; d’après la jurisprudence issue des décisions du CE du 19 mars 1980, n° 05513, lorsque l’administration considère qu’une situation juridique ne lui est pas opposable elle est tenue de tirer toutes les conséquences fiscales de cette inopposabilité ; l’imposition de la société à raison de l’écart de réévaluation des SCI ne peut s’entendre que si la société est bien devenue directement associée des SCI, ce qui suppose qu’elle en ait effectivement acquis les parts, et à défaut le profit de réévaluation des immeubles ne pourrait être imposé qu’au nom du cédant c’est-à-dire la SA Lupa ou des entités que l’administration aurait pu lui substituer dans le cadre d’un éventuel abus de convention ; et si l’administration remet en cause la réévaluation des immeubles comme étant abusive, le fait générateur de l’imposition disparait ;
– le nouveau moyen du ministre, fondé sur l’existence d’un abus de convention fiscale et motivé par le défaut de substance des SA luxembourgeoises, interposées ou substituées artificiellement aux associés initiaux des SCI, ne tient pas ; le grief tiré de la substitution opérée en 2000 des sociétés françaises initialement associées des SCI, à savoir FCOP et FCOM, par des sociétés luxembourgeoises dénuées de substance, devrait aboutir à imposer non la plus-value de réévaluation mais la plus-value indirecte de cession des titres des SCI intervenue en 2006, qui ne peut être imposée au nom de l’acheteur, de sorte que le service se trompe de contribuable ; si la SARL avait acheté directement les parts des SCI elle aurait pu procéder à la transmission universelle de leur patrimoine dans les mêmes conditions, avec la neutralisation de la plus-value de réévaluation des immeubles par le correctif Quemener de sorte qu’il n’existerait pas d’ava