Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) PM Développement a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées au titre de l’exercice clos en 2008, sur le fondement du a) de l’article 1729 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1608632 du 2 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société PM Développement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1608632 du Tribunal administratif de Paris en date du 2 octobre 2018 ;
2°) de remettre à la charge de la société PM Développement les pénalités qui lui avaient été infligées sur le fondement du a) de l’article 1729 du code général des impôts au titre de l’exercice clos en 2008.
Il soutient que c’est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré infligées à la société PM Développement, dès lors que la société PM Immobilier a volontairement minoré la valeur des biens immobiliers apportés à la société
PM Location.
Une mise en demeure a été adressée le 5 mars 2019 à la société PM Immobilier.
Par ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture de l’instruction a été fixée au 9 octobre 2019.
Les parties ont été informées, par application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt de la Cour était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrégularité du jugement attaqué, qui a été rendu aux conclusions d’un rapporteur public qui avait déjà eu à connaître, en tant que président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, du litige opposant la société PM Développement et l’administration sur la question de la minoration de la valeur des biens immobiliers apportés au cours de l’année 2008 par la société PM Immobilier à la société PM Location.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme C…,
– et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société PM Immobilier, qui exerce une activité de marchand de biens et de location d’immeubles d’habitation, fait partie d’un groupe fiscalement intégré dont la société PM Développement est la société mère. Le 1er juillet 2008, la société PM Immobilier a fait apport à sa filiale, la société PM Location, en contrepartie de 62 700 parts sociales de cette société, d’un ensemble immobilier qu’elle avait acquis le 4 septembre 2007 à Lille. Cet apport en nature a été évalué à 50 000 euros pour chacun des lots. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009 à l’issue de laquelle le service a procédé à la réévaluation des biens immobiliers apportés et a constaté que cet apport avait été effectué à une valeur très inférieure à la valeur réelle de ces biens qu’il a fixée dans la proposition de rectification du 5 juillet 2011 adressée à la société, à 133 000 euros, puis définitivement, dans la décision statuant sur sa seconde réclamation, à 76 000 euros. Le service estimant que la minoration de la valeur d’apport des lots en litige ne procédait pas d’une gestion commerciale normale, a réintégré au résultat de l’exercice clos en 2008 de la société PM Immobilier la somme de 249 000 euros correspondant à l’insuffisance de déclaration. La société a, en conséquence de cette rectification, été assujettie à une cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés, assortie des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré prévues par le a) de l’article 1729 du code général des impôts, qui ont été mises en recouvrement au nom de la société PM Développement en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartient la société PM Immobilier, et seule redevable de l’impôt sur les sociétés. Par un jugement du 2 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la société PM Développement, a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré. Le ministre relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l’article R. 200-1 du livre des procédures fiscales : » (…) Un membre du tribunal ou de la cour ne peut siéger dans le jugement d’un litige portant sur une imposition dont il a eu à apprécier la base comme président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires « .
3. Il est constant que Mme A… B… a présidé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, lors de la séance du 22 mars 2013, au cours de laquelle le litige opposant la société PM Développement et l’administration sur la question de la minoration de la valeur des biens immobiliers apportés au cours de l’année 2008 par la société PM Immobilier à la société PM Location a été examiné. Le principe d’impartialité, tel qu’exprimé au second alinéa de l’article R. 200-1 du livre des procédures fiscales, faisait dès lors obstacle à ce que Mme B… exerçât devant le Tribunal administratif de Paris les fonctions de rapporteur public à l’occasion du jugement statuant sur la demande en décharge de la pénalité pour manquement délibéré majorant les droits procédant de la réintégration au résultat de la société de la minoration dont l’existence et le montant ont été confirmés par la commission, qui a pris connaissance du litige.
Dès lors, le jugement attaqué est intervenu au terme d’une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulé.
4. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société PM Développement devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les conclusions à fin de décharge :
5. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : /
a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) « . Aux termes de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales : » En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (…), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l’administration. « .
6. Il résulte des mentions des différentes pièces de la procédure d’imposition, ainsi que des écritures de l’administration devant les premiers juges, puis en appel, que, pour faire application des pénalités pour manquement délibéré prévues au a) de l’article 1729 du code général des impôts, le service s’est fondé sur l’écart manifeste existant entre la valeur d’apport et la valeur réelle des biens immobiliers apportés à la société PM Immobilier et donc sur l’importance de la minoration en résultant de la valeur de ces biens, sur la qualité de marchand de biens de la société PM Immobilier, professionnelle expérimentée de l’immobilier depuis de très nombreuses années, ayant une parfaite connaissance du marché de la métropole lilloise, sur la circonstance que la société PM Développement avait elle-même cédé à une autre société un bien à un prix dont l’administration, confirmée par le juge de l’impôt, a estimé qu’il était inférieur à sa valeur, et enfin sur la chaine de détention des sociétés au sein du groupe fiscalement intégré et l’intention de la société PM Immobilier d’avantager sa filiale.
7. Toutefois, il résulte de l’instruction que la valeur unitaire d’apport des lots estimée à 55 000 euros par la société PM Immobilier, que le service a portée à 133 000 euros après analyse de différentes cessions portant sur des appartements situés dans le même immeuble, a finalement été fixée à 76 000 euros par l’administration, conformément à l’estimation proposée par un expert immobilier saisi par la société PM Location. Ainsi, la valeur réelle des biens en litige est très inférieure à la première évaluation effectuée par le service et la minoration constatée, qui s’élevait dans la proposition de rectification adressée à la société PM Immobilier à 249 000 euros, a été ramenée, compte tenu de la dernière évaluation, à 78 000 euros. Par ailleurs, les variations entre les différentes estimations réalisées par l’administration et la société attestent de la difficulté d’évaluer, même pour un professionnel de l’immobilier, la valeur réelle des lots apportés, qui, à la différence de ceux pris comme termes de comparaison par le service, étaient occupés et nécessitaient d’importants travaux de mise aux normes et de rénovation. La circonstance que la société PM Développement ait cédé à une société tierce un bien immobilier à un prix regardé comme minoré par l’administration, puis par le juge de l’impôt, n’est pas de nature à établir que la minoration reprochée à la société PM Immobilier procède de la part de celle-ci d’une intention délibérée d’éluder l’impôt. Le ministre n’établit pas la réalité de cette intention en faisant valoir que la société PM Immobilier a cherché à avantager sa filiale et qu’en cas de plus-value ultérieure réalisée sur la cession des biens en litige, la société PM Développement ne serait pas redevable de l’impôt sur les sociétés, celle-ci devant être totalement absorbée par les résultats déficitaires d’une autre société du groupe. Dans ces conditions, l’administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, en application de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales, du caractère délibéré des manquements reprochés à la société PM Immobilier et, par suite, du bien-fondé des pénalités qu’elle a infligées, pour ce motif, à la société PM Développement à raison des agissements de sa filiale.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société PM Développement est fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement du a) de l’article 1729 du code général des impôts au titre de l’exercice clos en 2008.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1608632 du Tribunal administratif de Paris en date du 2 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : La société PM Développement est déchargée des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement du a) de l’article 1729 du code général des impôts au titre de l’exercice clos en 2008.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’action et des comptes publics et à la société à responsabilité limitée PM Développement.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France et de Paris (Service du contentieux d’appel déconcentré – SCAD).
Délibéré après l’audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :
– M. Formery, président de chambre,
– Mme C…, président assesseur,
– M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2020.
Le rapporteur,
V. C…Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
2
N° 18PA03607