Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2014, présentée pour M. A…G…demeurant…, par Me H… ; M. G…demande à la Cour :
1°) d’infirmer le jugement n° 1311861/2-1 du 30 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions par lesquelles l’Autorité des marchés financiers a rejeté la demande d’indemnisation qu’il avait présentée pour avoir réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par son service enquêteur ;
2°) de condamner l’Autorité des marchés financiers à lui verser, en réparation desdits préjudices, une somme de 60 000 euros assortie des intérêts légaux à compter de la réception de sa demande préalable ;
3°) de condamner l’Autorité des marchés financiers à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
– que, contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, il a uniquement recherché la responsabilité de l’Autorité des marchés financiers à raison de fautes commises au stade de la procédure d’enquête et que toute référence à la procédure consécutive à la notification de griefs est dépourvue de pertinence ; que ce point est déterminant s’agissant de l’appréciation des préjudices qu’il expose, ceux-ci, tenant aux frais de défense engagés et à sa mise en cause publique pour des agissements supposés pénalement punissables, tenant aux fautes commises dans la phase d’enquête de la procédure ;
– que s’agissant de la question de savoir s’il avait été informé de l’offre publique d’achat des titres de la société Radiall antérieurement à son annonce au postérieurement à celle-ci, la question de la chronologie de ses contacts avec M. D… présente un caractère crucial ;
– que sur ce point, les enquêteurs ont fait preuve d’un manque de professionnalisme et ont commis treize fautes :
– ne pas avoir identifié l’erreur initiale relative au prétendu relevé téléphonique de M. D…, alors que des vérifications élémentaires auraient rapidement permis d’établir la réalité des faits,
– ne pas avoir pris la mesure de l’extrême importance de l’erreur sur le relevé attribué à M. D…,
– avoir délibérément fait prévaloir cet élément technique fragile sur des témoignages humains, violant la présomption d’innocence,
– avoir volontairement travesti dans le rapport d’enquête les propos tenus en audition dans l’intention d’affaiblir la force des témoignages,
– ne pas avoir diligenté les investigations complémentaires qui s’imposaient,
– ne pas s’être donné les moyens de vérifier l’exactitude de ses déclarations,
– l’avoir privé de la possibilité d’apporter la preuve de son innocence,
– avoir utilisé à charge des témoignages favorables,
– avoir volontairement entretenu le doute quant à la sincérité des témoignages à décharge et de ses propres déclarations,
– avoir privilégié une approche tournée vers la recherche d’éléments à charge,
– avoir artificiellement multiplié les indices en minimisant ce qu’ils pouvaient avoir de favorable pour lui,
– avoir fait preuve d’une superficialité coupable dans l’analyse des principaux indices retenus à charge,
– s’être inutilement lancé dans la collecte d’un faisceau d’indices alors qu’ils ne disposaient pas de la preuve tangible qu’ils devaient rechercher ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2015, présenté pour l’Autorité des marchés financiers et tendant au rejet de la requête et à la condamnation de M. G…à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que les éléments avancés par le requérant ne caractérisent pas les fautes et le manque de loyauté qu’il impute à ses services, que l’enquête a été conduite de manière objective, qu’il n’établit pas qu’un quelconque préjudice ait été causé par les agissements qu’il dénonce, que tous ses moyens manquent en droit et en fait ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2017, présenté pour M. G…et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 mars 2017 :
– le rapport de M. Bouleau président-rapporteur,
– les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
– et les observations de Me Martin Laprade, avocat de M.G…, et de Me Ohl, avocate de l’Autorité des marchés financiers ;
– et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 7 mars 2017, présentée pour M.G… ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-1 du code monétaire et financier : » L’Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers (…) donnant lieu à une offre au public ou à une admission aux négociations sur un marché réglementé et dans tous autres placements offerts au public. Elle veille également à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers (…). » ; qu’aux termes de l’article L. 621-9 du même code : » Afin d’assurer l’exécution de sa mission, l’Autorité des marchés financiers effectue des contrôles et des enquêtes. / Elle veille à la régularité des opérations effectuées sur des instruments financiers lorsqu’ils sont offerts au public et sur des instruments financiers (…) admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 621-10 du même code, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits : » Les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l’enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l’article L. 34-1 du code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, et en obtenir la copie. Ils peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Ils peuvent accéder aux locaux à usage professionnel. » ; qu’aux termes de l’article L. 621-15 du même code : » I. Le collège examine le rapport d’enquête ou de contrôle établi par les services de l’Autorité des marchés financiers (…). / S’il décide l’ouverture d’une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. (…) II. La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction (…). » ;
2. Considérant que M. G…entend engager la responsabilité de l’Autorité des marchés financiers à raison de fautes qui, commises par ses services dans une enquête diligentée à son encontre, auraient eu pour effet de provoquer indûment l’ouverture d’une procédure de sanction ;
3. Considérant qu’eu égard à sa place dans la procédure de sanction organisée par les dispositions précitées, la phase préliminaire que constitue l’enquête menée par les services de l’Autorité des marchés financiers ne peut être constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de ladite autorité que si elle a eu pour effet l’ouverture d’une procédure de sanction qui, procédant d’une appréciation manifestement erroné de l’ensemble des éléments susceptibles de faire naître le soupçon d’un manquement passible de sanction, se révélerait dénuée de toute justification ;
4. Considérant que le 10 août 2011 une notification de griefs a été adressée à M. G… l’informant que pourrait lui être imputé un manquement à l’obligation d’abstention formulée par les articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers pouvant donner lieu à une sanction sur le fondement des articles
L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier ; qu’il ressort des motifs de ladite notification de griefs que pour estimer qu’il pouvait avoir détenu une information privilégiée lorsqu’il a procédé pour sa mère et pour la fondation qu’il dirige à des achats, au prix moyen de 44 euros par action, de titres Radiall peu avant la date à laquelle a été rendue publique l’offre publique de rachat, au prix de 63 euros par action, de ses actions déposée par la Société Radiall, la commission spécialisée du collège de l’Autorité des marchés financiers s’est fondée de manière déterminante sur des éléments objectifs tenant aux conditions dans lesquelles il avait procédé à ces achats ; qu’elle a expressément pris en compte les circonstances que ces achats avaient été réalisés pour des montants inaccoutumés, d’une manière apparemment contraire à la stratégie qu’il avait jusqu’alors suivie s’agissant de ces titres, pour des montants non négligeables au regard du volume des titres échangés, à des dates très proches de celle à laquelle l’opération devait être rendue publique, ce sans qu’apparaisse une stratégie d’investissement qui aurait pu les justifier, et alors qu’existent des liens anciens d’amitié et d’affaires liant sa famille et la familleD…, actionnaire majoritaire de la société Radiall ;
5. Considérant que ces éléments précis et concordants, s’ils ne permettaient pas, par eux-mêmes, d’établir que M. G…avait disposé d’une information privilégiée, rendaient toutefois cette circonstance suffisamment vraisemblable pour justifier, alors que son expérience professionnelle et sa connaissance des marchés financiers permettaient de présumer qu’il n’ignorait pas les règles applicables en l’espèce, que soit ouverte à son encontre une procédure de sanction ;
6. Considérant que, dans ces conditions, cette circonstance n’ayant nullement déterminé le choix de poursuivre la procédure, il n’importe pas de savoir dans quelles circonstances et à quel moment un échange téléphonique entre M. C…D…et le requérant aurait eu lieu au sujet de l’opération en cause ; qu’à supposer même qu’il eût été établi avant même la notification de griefs que cette conversation n’avait eu lieu qu’après l’annonce de l’offre publique de rachat, cela n’eût en tout état de cause pas suffi, compte tenu des éléments susévoqués, à écarter les soupçons que les apparences pouvaient légitimement faire peser sur M.G… ; qu’il suit de là que M. G… ne peut utilement invoquer les erreurs commises par les enquêteurs dans les investigations menées au sujet de cet échange téléphonique ;
7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des conclusions de la requête de M. G…doit être rejeté ;
8. Considérant qu’il y a lieu de mettre à la charge de M.G…, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G…est rejetée.
Article 2 : M. G…versera à l’Autorité des marchés financiers une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A…G…et à l’Autorité des marchés financiers.
Délibéré après l’audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :
– M. Bouleau, premier vice-président,
– MmeF…, première conseillère,
– MmeB…, première conseillère,
Lu en audience publique, le 24 mars 2017.
L’assesseur le plus ancien,
M. F…Le président-rapporteur,
M. BOULEAU
Le greffier,
M. E…
La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 14PA04956