Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 février 2021 et 15 juin 2021, la société Sud A…, représentée par Me Cerf, demande à la cour :
1°) d’annuler la décision du 10 novembre 2020 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature pour l’exploitation d’un service de A… dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Rennes, dans la zone de Vannes.
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la décision attaquée est entachée d’incompétence et de vice de forme dès lors que la décision collégiale de rejet de sa candidature prise lors de la réunion du collège plénier du 10 novembre 2020 ne comporte aucune signature identifiable permettant d’attester que le procès-verbal est conforme à la réalité des débats, en méconnaissances des dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration ;
– cette décision méconnaît les dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, étant entachée d’erreur d’appréciation au regard du principe de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels qu’elles énoncent ; son service propose ainsi une ligne éditoriale originale, notamment en ce qu’elle est orientée vers l’actualité rugbystique et les cultures du » sud « , et est donc susceptible de répondre de manière pertinente à l’intérêt du public de la zone ;
– la décision est entachée d’erreur d’appréciation au regard de l’impératif prioritaire de diversification des opérateurs et de la nécessité d’éviter les abus de position dominante, dès lors que sept radios étaient déjà autorisées en catégorie D avant l’appel à candidatures, l’autorisation d’émettre accordée à A… Classique portant ce nombre à huit, alors qu’en catégorie E, seules trois radios sont autorisées à émettre.
Par un mémoire enregistré le 9 avril 2021, la société A… Classique, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société requérante sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 6 mai 2021, le CSA conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l’instruction a été fixée au 4 octobre 2021.
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme B…,
– les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
– et les observations de Me Aubert, représentant la société Sud A…,
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 12 décembre 2018, publiée au Journal officiel de la République française le 23 décembre 2018, le CSA a lancé un appel aux candidatures pour l’exploitation de services de A… par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Rennes, notamment pour la zone de Vannes. Par une décision du 10 novembre 2020, notifiée à la société Sud A… par courrier du 17 décembre 2020, le CSA a rejeté la candidature présentée par l’intéressée pour cette zone. La société requérante demande à la cour d’annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : » Sous réserve des dispositions de l’article 26 de la présente loi, l’usage des fréquences pour la diffusion de services de A… par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans les conditions prévues au présent article. / Pour les zones géographiques et les catégories de services qu’il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu’un appel à candidatures. (…) / Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : / 1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; / 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; / 7° S’il s’agit de la délivrance d’une nouvelle autorisation après que l’autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. / Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. / Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. / Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale. (…) « .
3. D’une part, aux termes de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration : » Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (…) « . Lorsqu’une décision est prise par une autorité à caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de ces prescriptions dès lors que la décision comporte la signature du président de cette autorité, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par cet article. En l’espèce, la décision attaquée, qui a été prise par le CSA lors de sa séance plénière du 10 novembre 2020, a été notifiée à la société Sud A… par un courrier du 17 décembre 2020 signé par Roch-Olivier Maistre, président de cette autorité, dont le prénom, le nom et la qualité étaient indiqués, et accompagné d’un extrait du procès-verbal de la séance. Ni la loi du 30 septembre 1986, ni aucun autre texte n’imposent au président du CSA de signer également le procès-verbal de la réunion du collège plénier. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d’incompétence ou de vice de forme doit être écarté.
4. D’autre part, dans la zone de Vannes, où étaient autorisés les services A… Bro Gwened et RCF Sud-Bretagne Vannes en catégorie A, Alouette, Hit West et A… Caroline en catégorie B, Virgin A… Vannes en catégorie C, Chérie FM, M A…, NRJ, RFM, Rire et Chansons, RTL2 et Skyrock en catégorie D, Europe 1, RMC et RTL en catégorie E, ainsi que les radios de service public France Bleu Armorique, France Culture, France Info, France Inter et France Musique, et où une fréquence était disponible, le CSA a retenu la candidature de A… Classique. Il a écarté la candidature de la société requérante au titre de la catégorie E aux motifs que le public de la zone bénéficiant déjà, avec Europe 1, RTL, RMC, France Inter, France Info et, dans une moindre mesure, France Culture et France Bleu Armorique, de sept services contribuant à l’information politique et générale, Sud A… contribuerait dans une moindre mesure à la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels et répondraient dans une moindre mesure à l’intérêt du public de la zone que A… Classique, retenue en catégorie D. Il a, au surplus, relevé que ce dernier service était déjà présent dans la zone de Vannes et que sa disparition serait de nature à mécontenter l’auditoire. Si la société requérante soutient que son service, favorisant notamment l’actualité rugbystique et les cultures du sud de la France, la rendait plus pertinente dans la zone concernée, qui se situe au sud de la Bretagne, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu des particularités de cette zone et du service retenu au regard des services déjà autorisés, qui proposent déjà de l’information générale et de l’actualité sportive, mais ne comportaient qu’une A…, France Musique, ne diffusant pas exclusivement de la musique classique, le CSA aurait entaché les motifs sus rappelés d’erreur d’appréciation. Enfin, si la société Sud A… estime que le CSA a méconnu l’impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du plus grand intérêt que le projet retenu présentait pour le public, que le CSA ait fait une inexacte application des critères d’octroi des autorisations prévus à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud A… n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 10 novembre 2020 par laquelle le CSA a rejeté sa candidature pour l’exploitation d’un service de A… dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Rennes, dans la zone de Vannes.
Sur les frais liés aux litiges :
6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la société Sud A… et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d’une somme à la société A… Classique sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sud A… est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société A… Classique tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sud A…, à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à la société A… Classique.
Délibéré après l’audience du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
– M. Ivan Luben, président de chambre,
– Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
– Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
G. B…Le président,
I. LUBENLe greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 21PA00553