Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme G… ont demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler, en tout ou partie, d’une part, l’arrêté du 11 avril 2017 par lequel le maire de Paris a accordé à la SCI Greystone un permis pour la restructuration et la surélévation, au 11 rue de Poissy, d’un bâtiment de bureaux avec changement de destination en hébergement hôtelier, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté et, d’autre part, l’arrêté du 15 octobre 2018 par lequel le maire de Paris a accordé à la SCI Greystone un permis de construire modificatif pour la réduction de la longueur de l’édicule en toiture-terrasse et le déplacement de la porte d’accès.
Par un jugement n° 1715731/4-1 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2019 et des pièces produites le 29 juin 2019, M. A… G… et Mme D… F…, épouse G…, représentés par Me C…, demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1715731/4-1 du tribunal administratif de Paris du 11 avril 2019 ;
2°) d’annuler, en tout ou partie, d’une part, l’arrêté du 11 avril 2017 par lequel le maire de Paris a accordé à la SCI Greystone un permis pour la restructuration et la surélévation, au 11 rue de Poissy, d’un bâtiment de bureaux de R+3 étages avec changement de destination en hébergement hôtelier, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté et, d’autre part, l’arrêté du 15 octobre 2018 par lequel le maire de Paris a accordé à la SCI Greystone un permis de construire modificatif pour la réduction de la longueur de l’édicule en toiture-terrasse et le déplacement de la porte d’accès ;
3°) de mettre à la charge respective de la Ville de Paris et de la SCI Greystone le versement d’une somme de 5 000 euros à leur verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le jugement attaqué ne comporte ni la signature du président de la formation de jugement, ni celle du rapporteur, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 741-7 du code de justice administrative ;
– il est insuffisamment motivé en ses points 5, 8 et 17 ;
– le projet contesté méconnait les dispositions de l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme et de l’article L. 621-30 du code du patrimoine dès lors que l’accord de l’architecte des bâtiments de France n’est pas motivé, omet de mentionner certains monuments historiques et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– il méconnait les dispositions de l’article UG.11.1.1. 4° du règlement du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris, en ce que la couverture de l’immeuble sera dénaturée par la création d’un toit-terrasse ;
– il méconnait les dispositions de l’article UG.7.1 du règlement du plan local d’urbanisme en tant qu’il condamne l’une des fenêtres de la chambre des requérants et vient fermer une courette sur laquelle donnent des fenêtres.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2019, la société civile immobilière Greystone, représentée par Me H… conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis la somme de 3 500 euros à la charge des requérants en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code du patrimoine ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. E…,
– les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
– les observations de Me C…, avocat de M. et Mme G…, et de Me H…, avocat de la société Greystone.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 avril 2017, le maire de Paris a délivré à la SCI Greystone un permis de construire pour la restructuration et la surélévation de trois niveaux plus un édicule technique, au 11 rue de Poissy dans le cinquième arrondissement, d’un bâtiment de bureaux de R+3 étages avec changement de destination en hébergement hôtelier, création de deux niveaux de sous-sol, d’un patio au R+1 et d’un jardin terrasse en fond de parcelle, reconstruction de la façade arrière en retrait, déplacement des liaisons verticales, fermeture d’une courette et redistribution des locaux. M. et Mme G… ont présenté un recours gracieux le 10 juin 2017 en vue d’obtenir le retrait de ce permis. En l’absence de réponse sur ce recours à l’issue d’un délai de deux mois est née une décision implicite de rejet. Le 11 octobre 2018, le maire de Paris a en outre délivré à la SCI Greystone un permis de construire modificatif pour la réduction de la longueur de l’édicule en toiture-terrasse et le déplacement de la porte d’accès. M. et Mme G… ayant demandé au tribunal administratif de Paris l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 11 avril 2017 et du permis modificatif du 11 octobre 2018, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, cette juridiction a rejeté leur demande par un jugement du 11 avril 2019 dont les intéressés relèvent appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la minute du jugement attaqué comporte la signature du rapporteur et celle du président de la formation de jugement, exigée par dispositions de l’article R. 741-7 du code de justice administrative, qui n’ont donc pas été méconnues.
3. En second lieu, les premiers juges ont suffisamment motivé, dans les points 6, 8 et 17 de leur décision, la réponse qu’ils ont apportée aux moyens tirés, respectivement, de l’absence d’indication de la présence de fenêtres sur une cour et une courette sur le plan des héberges produit au dossier de permis de construire, de la co-visibilité du projet avec un immeuble classé au titre des monuments historiques et de la méconnaissance de l’article R. 111-25 du code de l’urbanisme. Le jugement attaqué ne méconnait donc pas les dispositions de l’article L. 9 du code de justice administrative aux termes duquel : » Les jugements sont motivés « .
4. Les deux moyens de la requête tirés de l’irrégularité du jugement attaqué manquent ainsi en fait et doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen tiré de l’irrégularité de l’avis de l’architecte des bâtiments de France :
5. Aux termes de l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme : » Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d’autorisation ou à des prescriptions prévus par d’autres législations ou réglementations que le code de l’urbanisme, le permis de construire (…) tient lieu d’autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d’État, dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité compétente « . Aux termes de l’article L. 621-30 du code du patrimoine : » I. Les immeubles ou ensembles d’immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. / II. La protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative dans les conditions fixées à l’article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci (…) « .
6. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux prévoit la surélévation d’un immeuble situé à proximité immédiate du collège des Bernardins, classé au titre des monuments historiques. En application des dispositions précitées, l’architecte des Bâtiments de France a été saisi et a donné son accord le 4 janvier 2017 puis, après dépôt du dossier de permis modificatif, le 13 juillet 2018.
7. D’une part, les accords donnés par l’architecte des bâtiments de France, qui n’avaient pas à être motivés, énoncent expressément que la construction se situe aux abords et dans le champ de visibilité du collège des Bernardins, monument historique. Si les requérants allèguent en appel que cette autorité, qui n’est pas tenue de mentionner dans son avis l’ensemble des monuments protégés situé aux abords de la construction, aurait omis d’examiner l’impact de la construction sur d’autres monuments historiques situés à proximité, ils n’indiquent même pas lesquels.
8. D’autre part, les requérants font valoir que le projet est visible, en même temps que le collège des Bernardins, depuis les tours de la cathédrale Notre-Dame, et que le projet de construction, le collège des Bernardins et la cathédrale Notre-Dame sont visibles en même temps depuis la tour Zamansky de l’université Jussieu. Cependant il n’est pas soutenu que la cathédrale Notre-Dame se situe à moins de 500 mètres du projet et la co-visibilité entre le projet et le collège des Bernardins a été, comme dit précédemment, prise en considération par l’architecte des bâtiments de France.
9. Enfin, la circonstance que des » lumières festives » sur une terrasse accessible au public pourraient perturber le » panorama historique » voire » spirituel » de ce quartier, visible depuis d’autres points culminants proches ou plus lointains, n’est pas de nature à démontrer que l’architecte des Bâtiments de France, en donnant son accord au projet, aurait commis une erreur d’appréciation.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article U.G.11.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris :
10. L’article U.G.11.1.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris, intitulé » Constructions existantes » dispose : » (…) 4°- Couverture : / À l’occasion de travaux, qu’il s’agisse de toitures constituées de matériaux traditionnels (tuiles, zinc, ardoises…) ou plus récents (bacs acier, tôles d’aluminium anodisé ou laqué…) ou de terrasses, la suppression, le regroupement et l’intégration des accessoires à caractère technique (caissons de climatisation, extracteurs, édicules ascenseur, garde-corps, antennes…) doivent être recherchés de façon à en limiter l’impact visuel. / (…) / Terrasses : la création de terrasses peut être refusée si celle-ci a pour conséquence de conduire à dénaturer l’aspect de la couverture. La réalisation d’édicules d’accès à des toitures-terrasses, permettant la mise en oeuvre et l’entretien de leurs plantations, peut être autorisée « . Aux termes de l’article UG.11.1.3 du même règlement, concernant les » constructions nouvelles » : » Les constructions nouvelles doivent s’intégrer au tissu existant, en prenant en compte les particularités morphologiques et typologiques des quartiers (…) ainsi que celle des façades existantes (…) et des couvertures (toitures, terrasse, retraits …). / (…) 3° Couronnement : Les toits de Paris participent de façon très importante au paysage de la ville. / Le couronnement doit être conçu de façon à contribuer à sa mise en valeur, qu’il s’agisse d’une toiture ou de terrasses accessibles ou inaccessibles, dont les pentes, matériaux, teintes doivent être étudiés (…). La création de toitures terrasses peut être refusée si leur aspect compromet la bonne intégration de la construction dans le site. / Les édicules techniques (ascenseurs, chaufferie, climatisations…) doivent être intégrés aux volumes bâtis. Les éventuelles excroissances ne peuvent être admises que si elles bénéficient d’un traitement de qualité destiné à en limiter l’impact visuel (…). La réalisation d’édicules d’accès à des toitures-terrasses, permettant la mise en oeuvre et l’entretien de leurs plantations, peut être autorisée (…) Lorsque cela est possible, il est recommandé que des toitures terrasses accessibles et végétalisées soient aménagées (…) « .
11. D’une part, le projet en litige, qui concerne la reconversion en hôtel quatre étoiles d’un immeuble de bureaux existant, comporte une surélévation de trois étages de cet immeuble datant des années 1970 et donc la reprise totale de l’actuelle toiture en zinc, qui sera remplacée, en retrait de la façade du sixième niveau, par un toit terrasse accessible et végétalisée. Il ne peut être utilement soutenu que la création de cette » terrasse « , qui est en fait le couronnement d’une construction nouvelle, dénaturerait l’aspect de la couverture de l’ancienne construction. La création d’une terrasse accessible et végétalisée correspond à la recommandation de l’article UG.11.1.3 du règlement du plan local d’urbanisme et il ne ressort pas des pièces du dossier que l’aspect de cette toiture-terrasse compromettrait la bonne insertion de la construction dans son environnement. Le maire n’a donc pas commis d’erreur manifeste en ne s’opposant pas à la réalisation de ce type de couverture.
12. D’autre part, les dispositions précitées des articles UG.11.1.1 et UG.11.1.3 autorisant la réalisation d’édicules sur les toits-terrasses afin de permettre la mise en oeuvre et l’entretien d’une végétalisation n’ont pas pour objet ou pour effet d’interdire les édicules destinés à abriter les ascenseurs et escaliers rendant la terrasse accessible au public. Si le regroupement des superstructures techniques doit être recherché, les dispositions précitées n’interdisent pas la création de plus d’un édicule en terrasse. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux édicules de dimensions limitées implantés sur la toiture terrasse et abritant principalement l’un un escalier et l’autre un escalier et un ascenseur ne bénéficieraient pas d’une intégration correcte. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UG. 11.1 du règlement du plan local d’urbanisme manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article UG.7.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris :
13. L’article UG.7.1 du règlement du plan local d’urbanisme de Paris dispose : » Nonobstant les dispositions du présent article UG.7 et de l’article UG.10.3, l’implantation d’une construction en limite séparative peut être refusée si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d’éclairement d’un immeuble voisin ou à l’aspect du paysage urbain, et notamment à l’insertion de la construction dans le bâti environnant « . Pour l’application de ces dispositions, l’atteinte grave aux conditions d’éclairement suppose une obstruction significative de la lumière qui ne saurait se réduire à une simple perte d’ensoleillement.
14. D’une part, le projet autorisé par l’arrêté attaqué prévoit la surélévation de l’actuel immeuble de trois étages sur rez-de-chaussée du 11 rue de Poissy pour le transformer en immeuble de sept étages sur rez-de-chaussée. Il est constant que la surélévation projetée sera située en limite séparative, accolée au mur pignon du 13 rue de Poissy, et aura pour effet d’obturer deux fenêtres qui constituent actuellement l’éclairage secondaire de chambres de cet immeuble, dont celle des requérants située au cinquième étage. Toutefois, si les requérants établissent la réalité d’une perte d’éclairement en raison de l’obturation de cette fenêtre, il ressort du constat d’huissier qu’ils versent aux débats que cette perte d’éclairement ne se traduira pas par une obstruction totale de la lumière, compte tenu des dimensions réduites de cette fenêtre et de sa hauteur d’allège élevée, et alors surtout que la chambre conservera, comme principale source d’éclairement, une seconde fenêtre de dimension supérieure et mieux exposée.
15. D’autre part, il n’est pas contesté que l’immeuble faisant l’objet de l’autorisation d’urbanisme contestée est également situé en vis-à-vis de l’immeuble du 9 rue de Poissy. La surélévation aura pour effet de fermer une courette sur laquelle donnent certaines fenêtres de cet immeuble, diminuant d’autant la luminosité et l’aération apportées par cette courette. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n’est d’ailleurs pas allégué par les requérants, que les pièces bénéficiant de l’éclairement de ces fenêtres sur cour seraient des pièces principales ou même des pièces de vie. Par suite, compte tenu de ces éléments, le maire de Paris n’a pas entaché l’arrêté attaqué d’une erreur manifeste d’appréciation en ne s’opposant pas au projet sur le fondement des dispositions précitées de l’article UG. 7.1 du plan local d’urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l’annulation des décisions litigieuses.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les requérants, qui sont la partie perdante dans la présente instance, en puissent invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à leur charge le versement d’une somme de 1 500 euros à la société civile immobilière Greystone sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme G… est rejetée.
Article 2 : M. et Mme G… verseront une somme de 1 500 euros à la société civile immobilière Greystone en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… G…, à Mme D… F…, épouse G…, à la Ville de Paris et à la société civile immobilière Greystone.
Délibéré après l’audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :
– Mme I…, présidente de chambre,
– M. E…, président-assesseur,
– M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2020.
Le rapporteur,
S. E…La présidente,
S. I… Le greffier,
M. B…
La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 19PA01956