CAA de NANTES, 4ème chambre, 14/05/2018, 16NT02454, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 4ème chambre, 14/05/2018, 16NT02454, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Garage Louis XVI a demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler la décision du maire de Nantes du 30 janvier 2014 refusant de faire droit à sa demande indemnitaire préalable et de condamner la ville de Nantes à lui verser la somme de 1 800 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2013 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l’abandon en décembre 2012 de la procédure d’attribution de la délégation de service public relative à la fourrière municipale.

Par un jugement n° 1402263 du 25 mai 2016 le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SAS Garage Louis XVI.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2016, la SAS Garage Louis XVI, représentée par MeD…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2016 ;

2°) d’annuler la décision du maire de Nantes du 30 janvier 2014 refusant de faire droit à sa demande indemnitaire préalable du 30 octobre 2013 ;

3°) de condamner la ville de Nantes à lui verser la somme de 1 800 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2013 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l’abandon de la procédure d’attribution de la délégation de service public relative à la fourrière municipale ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Nantes la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

– la décision de mettre fin à la procédure de renouvellement de la délégation de service public litigieuse, adoptée par délibération du conseil municipal de la ville de Nantes du 7 décembre 2012, était irrégulière, dans la mesure où elle ne repose pas sur un motif d’intérêt général et repose sur un motif illégal, tiré du changement d’actionnariat principal de la société Garage Louis XVI.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2016, la ville de Nantes, représentée par MeE…, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Garage Louis XVI la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

– le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

– la décision d’abandonner la procédure litigieuse est fondée sur un motif d’intérêt général, tiré de l’insuffisance de la concurrence ; la modification de l’actionnariat de la société requérante n’a pas été le motif de l’abandon de la procédure de renouvellement de la délégation de service public ;

– les prétentions indemnitaires de la requérante sont irrecevables à défaut d’être justifiées ;

– les conclusions indemnitaires ne sont pas fondées ; la requérante ne démontre pas que son offre avait des chances sérieuses d’être acceptée ;

– le préjudice allégué n’est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des collectivités territoriales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure ;

– les conclusions, de M. Bréchot, rapporteur public ;

– et les observations de Me B…pour la société Garage Louis XVI et de Me A…pour la commune de Nantes.

Considérant ce qui suit :

1. La ville de Nantes a publié, le 17 février 2012, un avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution de la délégation de service public relative à la fourrière automobile municipale à compter du 1er janvier 2013. Deux candidatures ont été présentées, respectivement par la société EFFIA et la société Garage Louis XVI, titulaire sortant dans le cadre d’une convention de délégation de service public conclue avec la ville de Nantes pour quatre années le 8 octobre 2008 avec effet au 1er janvier 2009. Seule la société Garage Louis XVI ayant en définitive présenté une offre, la ville de Nantes a décidé, au mois de décembre 2012, de ne pas donner suite à la procédure d’attribution de la délégation de service public au motif que la concurrence n’avait pas été suffisante. Par une délibération du 7 décembre 2012, le conseil municipal de la ville de Nantes a décidé de proroger pour un an la convention signée en 2008 avec la société Garage Louis XVI. Un avenant à cette convention a ensuite été signé en ce sens le 24 janvier 2013. La société Garage Louis XVI a adressé à la ville de Nantes une demande indemnitaire préalable à laquelle le maire a opposé un refus par une décision du 30 janvier 2014. La société Garage Louis XVI relève appel du jugement du 25 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Nantes à lui verser la somme totale de 1 800 000 euros, en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’abandon de la procédure d’attribution de la délégation de service public lancée en 2012.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Selon l’article L. 9 du code de justice administrative :  » Les jugements sont motivés. ». Le jugement attaqué expose en son point 4 les motifs pour lesquels il a écarté le moyen tiré de ce que la décision d’abandonner la procédure d’attribution de la délégation de service public serait illégale. Le jugement relève que  » contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des termes de la délibération litigieuse repris par l’avenant du 24 janvier 2013 prolongeant d’un an jusqu’au 31 décembre 2013 la convention passée entre la ville de Nantes et la société Garage Louis XVI, que la ville de Nantes a fondé sa décision d’abandonner la procédure d’attribution de la délégation de service public en cause sur l’unique motif tiré de l’insuffisante concurrence, et non sur celui tiré du changement d’actionnaire principal de la société Garage Louis XVI, nonobstant la circonstance que la commune a sollicité, par courriel du 5 juillet 2012, que la société Jean Jaurès Expansion lui soit présentée et que le protocole de vente conclu avec elle lui soit communiqué, puis, par courrier du 13 juillet 2012, que soient produites les pièces relatives à la cession « . Une telle motivation, très détaillée, répond aux exigences de l’article L. 9 du code de justice administrative, alors même que le jugement ne mentionne pas les éléments rapportés par la presse.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. La société Garage Louis XVI prétend que le véritable motif de la décision de ne pas donner suite à la procédure de délégation de service public serait le changement de son actionnaire principal et, au soutien de cette allégation, invoque les termes d’un courriel adressé le 5 juillet 2012 par un agent de la ville de Nantes à l’ancien directeur général de la société, invitant ce dernier à se présenter à l’entretien du lendemain en vue de négocier les termes de la convention hors de la présence du représentant de l’acquéreur du capital social de la société. Toutefois, ce document n’établit pas que l’abandon de la procédure de passation de la convention engagée en 2012 serait uniquement et irrégulièrement fondé sur une marque de défiance vis-à-vis de la société Garage Louis XVI, en raison de son rachat par la société Jean Jaurès Expansion, dès lors qu’il résulte de l’instruction, notamment des articles de presse cités par la requérante elle-même, que si les représentants de la commune avaient effectivement manifesté leur inquiétude et leur souhait d’obtenir des garanties à la suite du rachat des parts sociales de la société Garage Louis XVI, le véritable motif de la décision d’abandon de la procédure d’attribution est bien que celle-ci n’avait pas permis une concurrence suffisante, comme l’indiquent d’ailleurs les exposés des motifs de la délibération du 7 décembre 2012 et de l’avenant du 24 janvier 2013.

4. En principe, la rupture unilatérale, par la personne publique, pour un motif d’intérêt général, des négociations préalables à la passation d’un contrat n’est pas de nature à engager sa responsabilité pour faute. Cette responsabilité peut, toutefois, être mise en cause lorsque la personne publique, au cours des négociations, a incité son partenaire à engager des dépenses en lui donnant, à tort, l’assurance qu’un tel contrat serait signé, mais ce n’est aucunement le cas en l’espèce. Il est constant que la société Garage Louis XVI a été la seule à présenter une offre après que la société EFFIA y a renoncé, comme celle-ci s’en explique dans son courrier du 24 mai 2012, en raison de la condition imposée au futur délégataire de fournir le terrain nécessaire à l’exploitation de la fourrière. En effet, une telle condition est apparue à la société EFFIA comme un obstacle pour présenter une offre compétitive face au délégataire sortant, disposant du terrain nécessaire, alors qu’elle-même aurait été tenue d’en louer un. Ainsi, dans un contexte où seule une offre avait en définitive été présentée, le délégant pouvait légalement estimer que l’absence d’offre concurrente justifiait qu’il soit mis un terme à la procédure de passation en cours, que la convention avec la société Garage Louis XVI soit prolongée d’un an puis que soit engagée une nouvelle procédure permettant à la commune de Nantes de comparer les mérites respectifs de plusieurs offres et d’éviter que le délégataire sortant ne bénéficie d’un avantage, susceptible d’être considéré comme indu, tenant à la disposition d’un terrain pour l’exploitation de la fourrière.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à être indemnisée des préjudices qu’elle estime avoir subi du fait de l’abandon de la procédure d’attribution de la délégation de service public lancée en 2012. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre par la société Garage Louis XVI, qui n’établit pas en tout état de cause la réalité des préjudices qu’elle allègue avoir subis, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. D’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Nantes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Garage Louis XVI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D’autre part, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Garage Louis XVI le versement à la ville de Nantes de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Garage Louis XVI est rejetée.

Article 2 : La société Garage Louis XVI versera à la ville de Nantes la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Garage Louis XVI et à la ville de Nantes.

Délibéré après l’audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :

– M. Lainé, président de chambre,

– Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

– Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2018.

La rapporteure,

N. TIGER- WINTERHALTERLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. C…

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°16NT02454


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