CAA de NANTES, 4ème chambre, 12/04/2017, 15NT01803, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 4ème chambre, 12/04/2017, 15NT01803, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal de traitement des eaux (SITE) de Lisieux a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la société OTV Ouest à lui verser la somme de 104 082,22 euros TTC en réparation des désordres affectant la station d’épuration de Lisieux.

Par un jugement n° 1400403 du 9 avril 2015 le tribunal administratif de Caen a condamné la société OTV Ouest à verser au syndicat intercommunal de traitement des eaux de Lisieux la somme de 69 813,36 euros TTC en réparation des désordres relatifs aux agitateurs et au bâtiment d’exploitation de la station d’épuration de Lisieux.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2015, la société OTV Ouest, représentée par MeA…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 avril 2015 ;

2°) de rejeter la demande formée par le syndicat intercommunal de traitement des eaux de Lisieux devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) subsidiairement, de minorer le montant du préjudice ;

4°) de condamner le syndicat intercommunal de traitement des eaux de Lisieux aux dépens ;

5°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal de traitement des eaux de Lisieux la somme de 15 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– pour ce qui est des agitateurs, l’expert a constaté qu’il n’existe plus aucun désordre, de sorte que la garantie décennale des constructeurs ne peut être engagée ;

– pour ce qui est de la toiture du bâtiment, l’expert a relevé qu’il existait un problème de sous-dimensionnement de la charpente mais que celui-ci ne créait qu’un éventuel désordre de nature décennal, si les charges climatiques venaient à augmenter et aujourd’hui, alors que le délai de la garantie décennale est expiré depuis plus d’un an, aucun désordre n’a été constaté ;

– pour les autres désordres invoqués, le jugement, qui rejette les demandes du syndicat, devra être confirmé ;

– les majorations de 5% et 15% retenues par le tribunal ne sont pas justifiées.

Par un mémoire, enregistré le 5 novembre 2015, le syndicat intercommunal de traitement des eaux de Lisieux conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l’appel incident, la condamnation de la société OTV Ouest à lui verser la somme de 34 268,86 euros TTC en réparation de divers désordres d’infiltrations. Elle demande également que la société OTV ouest soit condamnée aux dépens et que la somme de 10 000 euros soit mise à sa charge au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– les désordres qui affectent les agitateurs ont existé et il y a été remédié car ces désordres empêchaient la station de fonctionner correctement ; il s’agit donc bien de désordres de nature décennale ;

– le bâtiment est affecté de plusieurs désordres d’étanchéité : le sous-dimensionnement de la charpente altère la solidité de l’ouvrage à moyen terme, de sorte qu’il s’agit bien d’un désordre décennal ; les autres infiltrations ont également un caractère décennal.

Par une ordonnance du 3 novembre 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l’instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code civil ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Rimeu,

– les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que, par un marché signé le 14 décembre 2000, le syndicat intercommunal de traitement des eaux (SITE) de Lisieux a confié à la société Va Tech Wabag, aux droits de laquelle vient la société OTV Ouest, la conception et la construction de la station d’épuration de Lisieux ; que les travaux ont été réceptionnés le 21 juillet 2004 avec des réserves, qui ont été levées le 20 juin 2005 ; qu’en raison de désordres affectant les agitateurs des bassins d’aération et l’étanchéité des bâtiments, une expertise a été ordonnée, à la demande du SITE de Lisieux, le 21 octobre 2010 ; que l’expert a déposé son rapport au greffe du tribunal administratif de Caen le 24 février 2012 ; que par un jugement du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné le société OTV Ouest à verser au SITE la somme de 69 813,36 euros TTC en réparation des désordres relatifs aux agitateurs et au bâtiment d’exploitation de la station dépuration ; que la société OTV Ouest relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l’appel incident, le SITE demande la condamnation de la société OTV Ouest à lui verser la somme supplémentaire de 34 268,86 euros TTC, en réparation de divers désordres d’infiltrations ;

Sur l’appel principal :

2. Considérant qu’il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans ;

En ce qui concerne les désordres affectant les barres de guidage des agitateurs :

3. Considérant que si l’expert a constaté, lors des opérations d’expertise, qu’il avait été remédié à ces désordres, il résulte de l’instruction que les barres de guidage des agitateurs ont cassé à plusieurs reprises, après la réception définitive des ouvrages, dans le délai de la garantie décennale des constructeurs ; que les agitateurs constituent des équipements indispensables au fonctionnement d’une station d’épuration, de sorte que ces désordres sont de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination ; que ces désordres, liés à la faiblesse des barres de guidage posées initialement, sont imputables à la société OTV Ouest, chargée de la conception et de l’exécution des travaux ;

4. Considérant que si les désordres ont pour l’essentiel fait l’objet de reprises par la société OTV Ouest et par la société KSB, fournisseur des équipements, il résulte de l’instruction que, pour les désordres survenus de 2007 à 2010, des frais d’un montant de 11 125,24 euros TTC sont restés à la charge du SITE ; que, par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Caen a condamné la société OTV Ouest à verser cette somme au SITE ;

En ce qui concerne les désordres affectant la toiture du bâtiment :

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la toiture du bâtiment présente des anomalies, qui ont pour origine le sous dimensionnement de la charpente et qui entraînent une déformation et des défauts de nivellement des gouttières ; que si l’expert indique que le sous dimensionnement de la charpente est de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage  » si les charges climatiques venaient à monter « , il note également que le défaut de pente des gouttières entraîne une détérioration du dessous de toit et à terme un pourrissement de la charpente ; que dans ces conditions, il est certain que le sous-dimensionnement de la charpente sera, dans un délai plus ou moins bref selon les conditions climatiques, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ; que ce désordre, qui a pour origine un défaut de conception technique de l’ouvrage dans l’établissement de ses études d’exécution, dont avait la charge la société Sonormen, sous-traitant de second rang de la société OTV Ouest, est imputable à cette dernière, qui doit répondre devant le maître d’ouvrage de l’activité de ses sous-traitants de premier et de second rang ;

6. Considérant que les devis retenus par l’expert pour les travaux nécessaires au renforcement de la charpente et au remplacement des dessous de toit dégradés et des gouttières s’élèvent respectivement aux sommes de 14 167,08 euros HT et 38 228,45 euros HT ; qu’il résulte de l’instruction que ces devis doivent être majorés de 5% pour tenir compte notamment de l’actualisation des travaux au vu des études techniques préalables à établir ; qu’enfin, ces travaux nécessitent l’intervention d’un maître d’oeuvre et d’un contrôleur technique, de sorte que les devis doivent être majorés de 15% pour les frais de maîtrise d’oeuvre et de contrôle technique, ainsi que le propose l’expert ; que dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société OTV Ouest à verser au SITE la somme de 58 688,12 euros TTC en réparation des désordres affectant la toiture du bâtiment d’exploitation de la station d’épuration ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société OTV Ouest n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Caen l’a condamnée à verser au SITE la somme de 69 813,36 euros TTC ;

Sur l’appel incident :

8. Considérant, d’une part, que si les infiltrations dans le hall d’entrée devant l’ascenseur ont entraîné l’arrêt de l’ascenseur, il résulte de l’instruction que le bâtiment dispose d’une rampe d’accès, qui permet aux personnes à mobilité réduite de se déplacer dans l’ensemble du bâtiment ; que, par suite, l’arrêt de l’ascenseur lié à ces infiltrations n’est pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination ou à en compromettre la solidité ;

9. Considérant, d’autre part, que si les infiltrations sur le mur intérieur sous le bac acier dans le local de prétraitement entraînent une dégradation du dessous de toit, il résulte de l’instruction que ces infiltrations sont de faible importance et ne se produisent qu’en cas de fortes pluies ; que dans ces conditions, ce désordre n’est pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination ou à en compromettre la solidité ;

10. Considérant, enfin, qu’il résulte de l’instruction que les autres infiltrations, toutes de faible importance, ont pour seule conséquence des traces d’humidité sur les faux-plafonds ; que par suite, ces désordres ne sont pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination ou à en compromettre la solidité ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le SITE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société OTV Ouest à lui verser la somme de 34 268,86 euros en réparation des préjudices résultant de diverses infiltrations ;

Sur les dépens :

12. Considérant qu’ainsi que l’a jugé le tribunal administratif de Caen, il résulte de ce qui précède que les frais d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 22 705,79 euros, doivent être mis définitivement à la charge de la société OTV Ouest ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la société OTV Ouest au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

14. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le SITE ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la société OTV Ouest est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d’appel incident du syndicat intercommunal de traitement des eaux de Lisieux sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société OTV Ouest et au syndicat intercommunal de traitement des eaux de Lisieux.

Délibéré après l’audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :

– M. Lainé, président de chambre,

– Mme Loirat, président-assesseur,

– Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15NT01803


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